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LE SEPTENAIRE DES TROMPETTES 8-12

 

Préliminaire à l'exécution des décisions de Dieu.

 

L'ouverture du septième sceau nous met dans le "repos de Dieu", là où, maintenant, l'Agneau est lui-même entré : Après avoir accompli la purification des péchés, il s'est assis à la droite de la majesté divine (Hb 1,3). A la droite car : Tout pouvoir lui a été donné au ciel et sur la terre, pour que, par Lui avec Lui et en Lui, la volonté du Père soit faite sur la terre comme au ciel et que nous soyons ses frères puisque quiconque fait la volonté de son Père, qui est aux cieux, c'est lui son frère, sa sœur, sa mère (Mt 12,50).

Les décisions de Dieu sont, maintenant, connues. On devrait passer directement à la vision du ch. 21,1 : Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle. C'est là que se trouve la foule immense, que personne ne peut dénombrer, de ceux qui ont lavé leurs robes dans le sang de l'Agneau. Seul l'Agneau, le chemin, la vérité et la vie, peut conduire jusqu'aux sources des eaux de la vie comme, seul, Il a pouvoir d’ouvrir le livre aux sept sceaux.

Pourtant, le silence, figure de l'éternité, qui suit l'ouverture du septième sceau, ne va durer qu'une demi-heure. De lui jaillit un nouveau Je Vis qui nous remet dans l'histoire humaine tout enveloppée de l'éternité de Dieu.

Là encore ensuite n'est pas à prendre dans une succession temporelle. Nouvel éclairage, nouveau "dévoilement" qui, n'ajoutant rien aux décisions de Dieu, va dire, préciser, comment et par qui elles vont être exécutées.

Ce ne sera plus l'œuvre de l'Agneau, elle va être confiée aux anges. Elle sera, aussi, finalisée par la victoire de l'Amour qui englobe tout. Victoire du cavalier blanc venu en vainqueur et pour vaincre encore (6,2). La création atteint sa finalité à travers un devenir, une histoire qui va de l'alpha à l'oméga. Elle est déjà "d'en haut" mais se poursuit "en bas" (pas du monde mais dans le monde). C'est le combat spirituel de la communion avec le Christ ; c’est le seul souci de Paul qui, oubliant le chemin parcouru, tout tendu en avant, s'élance vers le but, en vue du prix attaché à l'appel d'en haut que Dieu lui adresse en Jésus-Christ (Ph 3,13).

Cet appel est bien adressé "en Jésus-Christ". N'oublions pas que c'est l'Agneau "immolé" qui ouvre les sceaux. Il n'est venu, dans le monde, que pour faire la volonté du Père, dans le don de lui-même, preuve suprême d'amour. C'est en Jésus-Christ que vont être exécutées les décisions de Dieu : laisser l'homme dans sa liberté et pourtant le conduire avec la douceur d'une mère, mais aussi, il le faut, avec la force d'un père, jusqu'au Royaume. C'est en fils que Dieu vous traite. Quel est en effet le fils que son père ne corrige pas ? Si vous êtes privés de la correction, dont tous ont leur part, alors vous êtes des bâtards et non des fils (Hb 12,3ss).

Dieu agit toujours à travers l'amour. Les détresses "apocalyptiques", comme les manifestations de sa colère, seront à comprendre comme débordement d'amour de celui qui souffre de voir ses enfants se perdre (Cf Varillon : "La souffrance de Dieu"). C'est en fils que Dieu nous traite. Le père laisse partir le prodigue, mais reste attentif, tendu vers son retour. Il ne l’empêche pas de se mettre dans la détresse mais fait de cette détresse même le chemin du retour à la maison. Il s'en réjouit, bien plus que le berger retrouvant sa brebis perdue !

 

Nouvelle vision. Il ne s'agit plus d'un livre mais des anges, sept anges, qui vont être les exécuteurs des décisions de Dieu, telles que le livre ouvert par l'Agneau immolé nous les a dévoilées.

De même que le livre était scellé de 7 sceaux pour nous dire la plénitude des décisions de Dieu, de même les anges seront sept pour signifier la plénitude de l’exécution. Rien ne pourra la remettre en cause. Aucun fatalisme. Dieu, au-delà de l'histoire -Il est, il était et Il vient- est souverain dans ses décisions comme dans leur exécution. Les sept anges se tiennent devant Lui. C'est de Lui qu'ils vont recevoir leur trompette comme participation à son pouvoir.

Il ne s'agit plus de la voix qui, à Patmos, clamant comme une trompette, a "retourné" Jean (1,10). Pourtant elle continue de se manifester à travers les anges, ses envoyés. Chaque sonnerie de trompette sera œuvre de l'Esprit. L'Esprit d'Amour ne peut faire -tout être agit selon sa nature- qu'œuvre d'Amour !

L'ouverture du premier sceau avec l'apparition du cavalier blanc a une signification particulière. Cette première décision de Dieu englobe toutes les autres. Elle est commencement et fin dans son immutabilité. C'est le pivot sur lequel tout tourne.

Le septénaire des trompettes n'a pas cette originalité. Même s'il se termine, lui aussi, par la proclamation de la victoire du Christ, il ne commence pas par son annonce. Et pourtant...

Avant que ne sonnent les trompettes, un autre ange vint se placer sur l'autel, muni d'une pelle en or. L'autel, lieu de sacrifice, sacralise, divinise. Ce qui y est offert devient propriété même de Dieu. Il est à l'homme ce que le trône est à Dieu, le lieu de sa "divinisation"...  L'autel, placé devant le trône, est, comme la pelle de l'ange, en or, symbole, entre autres, de la connaissance et de l'immortalité.

Cet autel d'or et l'encensoir, d'où monte le parfum de la prière des saints, nous dit le climat dans lequel les décisions de Dieu vont être exécutées. La victoire de l'Agneau englobe les décisions, la prière des saints, unie à celle de l'Agneau, englobe leur exécution.

Cette prière des saints s'élève comme un encens. Elle emplit toute la maison comme le parfum répandu de Marie de Magdala : En vérité, je vous le dis : partout où sera prêché cet évangile, dans le monde entier, on parlera de ce que celle-ci a fait, en souvenir d’elle (Mt 26,13 ; Jn 12,1-8).

Ici est dévoilée la solidarité universelle, la "communion des Saints". Ce n'est pas le lieu d'en faire une étude. Ce passage nous dit de façon imagée la nécessité de la prière, la place de la vie contemplative, la justification de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus comme patronne des missions. La disparition de la prière serait (ou sera ?) la disparition du monde. Priez pour que cela n'arrive pas en hiver. Car ces jours-là seront des jours de détresse comme il n'y en a pas eu de pareille depuis le commencement du monde que Dieu a créé jusqu'à maintenant, et comme il n'y en aura plus. Et si le Seigneur n'avait pas abrégé ces jours, personne n'aurait la vie sauve, mais, à cause des élus qu'il a choisis, il a abrégé ces jours (Mc 13,18-21).

La victoire n'est plus seulement celle du cavalier blanc, elle est aussi celle des saints qui, s'identifiant à Lui par leur prière continuelle, restant éveillés et priant en tout temps, seront jugés dignes d'échapper à tous ces événements et de se tenir debout devant le Fils de l'homme (Lc 21,36).

Les décisions de Dieu relèvent de sa seule volonté d'amour, elles sont irrévocables et souveraines. Le signe en est donné par le livre scellé de sept sceaux.

Leur exécution, elle, confiée aux anges munis de trompettes, est, d'une façon que Dieu seul connaît, influencée par la prière des saints. C'est la grandeur du sacerdoce baptismal : offrir le monde. Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu.(1 Co 10,31).

Cette prière des saints est jetée sur la terre. Alors ce furent des éclairs, des voix et des tonnerres, les mêmes qui sortent du trône de Dieu, manifestant la victoire de l'Esprit d’amour. Tonnerres, voix et éclairs se retrouvent en 11,19 enveloppant ainsi toute l'exécution des décisions de Dieu.[1]

             Les 4 premières trompettes 8,6-13

             Toute la lutte dans laquelle Dieu laisse l'homme "revêtu involontairement de sa liberté" (L. Bloy), et à laquelle, en Jésus-Christ, il est venu s'associer pour vaincre, ne peut, et ne doit se mener que dans un climat d'adoration.

L'adoration est le propre de l'homme, sa sagesse, elle est reconnaissance de sa création dans l'amour, par l'amour et pour l'amour. Elle est reconnaissance de la relation qui le fait exister et sans laquelle il n'y a pas de "vie". Elle est la nourriture propre à Jésus. Une nourriture, qu’avant Lui, nous ne pouvions pas connaître. Ma nourriture c’est de faire la volonté de Celui qui m’a envoyé. Pour ne pas oublier que l’adoration est une nourriture, osons une fausse étymologie latine : "ad-ore" : "vers la bouche, porter à la bouche" !!! Le mot adoration a perdu, comme bien d’autres mots, sa force initiale. En rigueur de terme, dire : "je t’adore" signifie : "sans toi, je ne peux vivre". Le premier commandement de Dieu : "tu adoreras Dieu seul" en est l’illustration. Dieu est le seul qui nous fasse vivre... éternellement. Sans Lui, rien n’existerait.

La grande fresque, dévoilée au son des quatre premières trompettes, ne doit pas être scrutée au microscope. Il ne s'agit pas de chercher la signification de chaque image ou symbole. Elle nous dit l'impossibilité pour l'homme de vivre uniquement des choses de la terre. Une première étape rejoint la parabole de l'ivraie dans le champ. La vie est "corrompue", il y aura toujours de la grêle en cette "vallée de larmes".

Pourtant tout est mesuré. Nous ne revenons pas au chaos primitif. Le tiers de la terre, le tiers des arbres, le tiers de la mer, le tiers des créatures, le tiers des navires, le tiers des fleuves, le tiers des eaux, le tiers du soleil, le tiers de la lune et le tiers des étoiles, s’assombrissent d’un tiers. Même la nuit, comme le jour, perd un tiers de sa clarté, douze fois le mot "tiers" !

Il ne s'agit plus de la prière des saints, "feu de l'autel jeté sur la terre", mais de la grêle et du feu mêlés de sang jetés sur la terre... Jetés sur la terre, projetés dans la mer, tombés du ciel... Tout vient de l'au-delà de l'homme.

Nous retrouvons les décisions de Dieu en incompréhensible dépendance de la liberté de l'homme. Coupé de Dieu par son refus de la relation existentielle, l’homme, comme les israélites conduits durant quarante ans au désert, après leur désobéissance, devra vivre avec son péché. Conséquence de l'ivraie semé par l'ennemi dans le champ du monde ??? Seul le Fils, Agneau immolé, fait péché pour nous, sera capable de rétablir la relation d’amour. Mystère de la Rédemption ! Lutte incessante à travers les concupiscences. Feu et sang mêlés : amour de Dieu, amour de l'homme mélangés à la grêle qui détruit alors que la pluie féconde.

Cette destruction du tiers de toutes choses n'est encore qu'un hors-d'œuvre du malheur promis aux habitants de la terre.

L'Apocalypse, toute l'Ecriture, oppose les habitants de la terre aux habitants du ciel : les terrestres et les célestes. Le combat spirituel, celui de l’Eglise militante, dont nous sommes, consiste à passer du terrestre au céleste, de la vie d'en bas à la vie d'en haut. C'est la Pâque. C’est la parole de Jésus aux juifs : Vous, vous êtes d'en bas ; moi, je suis d'en haut. Vous, vous êtes de ce  monde, moi je ne suis pas de ce monde. C'est pourquoi je vous ai dit que vous mourrez dans vos péchés. Si, en effet, vous ne croyez pas que Je Suis, vous mourrez dans vos péchés (Jn 8,23-24). Quel dommage de ne pas le comprendre ! Il y a de quoi pleurer avec Paul : Beaucoup, en effet, je vous le disais souvent  et le redis maintenant en pleurant, se conduisent en ennemis de la croix du Christ. Leur fin sera la perdition ; leur dieu, c'est leur ventre, et leur gloire ils la mettent dans leur honte, eux qui n'ont à cœur que les choses de la terre (Ph 3,18-19).

L'on pourrait multiplier les citations qui nous disent que notre demeure n'est pas sur la terre. Où demeures-tu ? signifie bien "quel est le monde dans lequel tu vis ?" Il nous faut demeurer dans son amour. Tout le discours sur le pain de vie en Jn. 6 trouve son développement dans les lettres de Jean : Quiconque confesse que Jésus est le fils de Dieu, Dieu demeure en lui et lui en Dieu (1 Jn 4,15). Il est "céleste" !

Les quatre premières trompettes nous rappellent que la vie chrétienne est une lutte. Il ne s'agit pas de la fin du monde mais de la condition actuelle de notre vie. Correspondant à l'ouverture des deuxième, troisième et quatrième sceaux, elles ne nous parlent que des choses "naturelles". Le malheur viendra aux habitants de la terre, lorsque retentira la voix des dernières trompettes.

Du moment que vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ, assis à la droite de Dieu. C'est en haut qu'est votre but, non sur la terre (Col 3,1). Le but est "en haut", mais le combat se livre "en bas", dans un monde corrompu "au tiers". Nous ne trouverons jamais, ici bas, une communauté de parfaits. C'est une tentation à laquelle il ne faut pas succomber. Nous ne sommes pas du monde, mais nous sommes dans le monde qui nous imprègne de toute part... même s'il est déjà vaincu. L'ivraie et le bon grain resteront mélangés jusqu'au temps de la moisson. Il ne faut pas oublier notre origine ! Le premier homme tiré de la terre est terrestre. Le second homme, lui, vient du ciel... De même que nous avons été (que nous sommes ?) à l'image de l'homme terrestre, nous serons aussi (mais nous ne sommes pas encore totalement) à l'image de l'homme céleste (1 Co 15,45 ss).

Cinquième trompette : 9,1-12

             "Et le cinquième ange sonna... J'aperçus un astre (déchu ?) qui du ciel avait chu sur la terre. Toujours les décisions -le gouvernement- de Dieu pour notre vie terrestre. Cela vient "du ciel", mais est présent sur la terre. La vision, plus loin, nous précisera ce que représente cet astre déchu à qui est remis la clef du puits de l'abîme dont l'ange de 20,1 possède un double et que détient Le Vivant (1,18).

Ce n'est plus le feu jeté du ciel sur la terre, mais la fumée qui monte de l'abîme pour tout obscurcir. A l’ouverture du sixième sceau, la lutte n’était plus avec la création matérielle elle-même, mais avec les puissances déchues. Nous retrouvons, ici, les mêmes acteurs. Tout s'inverse. Les homme suppliaient les montagnes et les rochers de les cacher loin de la colère de l’Agneau. Ici, on recherche la mort sans la trouver. On peut fuir la lutte et refuser la vie par le suicide, c'est le privilège ou le drame de notre "liberté". Mais l’homme peut-il détruire son existence sur laquelle il n’a aucun pouvoir ! Les 24 vieillards le reconnaissent, ils jettent leurs couronnes devant le trône, et disent : "Tu es digne ô notre Seigneur et notre Dieu, de recevoir gloire, honneur et puissance car c’est toi qui as créé toutes choses ; c’est par ta volonté qu’elles ont reçu l’existence et ont été crées" (4,11). La liberté de l’homme ne se situe pas au plan de l’existence mais au plan de la Vie. C’est ce que nous apprend le prologue de l’évangile de Jean.

Le pouvoir donné aux sauterelles n'est que de torturer, de tourmenter, durant cinq mois (9,5-10). Ni six mois, chiffre de l'imperfection, ni sept mois, chiffre de la perfection ! Tout est toujours mesuré.

             Leur puissance ne peut atteindre ceux qui portent sur leur front la marque de Dieu (cf 7,3), ceux qui aiment. Ils ne se laissent pas séduire par un monde d'apparence. La foi est au-delà des apparences. Elle s'appuie sur la confiance en l’Autre.

A leur tête, comme roi, elles ont l'ange de l'abîme ; il s'appelle en hébreu : Abaddôn, et en grec : Apollyôn... et en français : séducteur, destructeur.

On pourrait parler d'une lutte qui vise plus la déstructuration, la déstabilisation, que la destruction. Leur action n'est pas extérieure mais elle s'attaque aux consciences en obscurcissant l'intelligence. Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font ! Dévastation d'ordre spirituel qui fait rechercher la mort par des êtres créés pour la vie !

Dieu a tant aimé le monde qu'il a donné son fils, son unique pour que tout homme qui croit en lui ne périsse pas mais ait la vie éternelle... la lumière est venue dans le monde et les hommes (aveuglés par la fumée qui monte du puits de l'abîme) ont préféré l'obscurité à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises... Celui qui fait la vérité vient à la lumière pour que ses œuvres soient manifestées, elles qui avaient été accomplies en Dieu (Jn 3,16-21), par ceux qui portent sur leur front la marque de Dieu.

             Le premier "Malheur" a passé, en voici deux autres qui le suivent.

 

             Sixième trompette : 9,13-21

             Et le sixième ange sonna... Corollaire de l'ouverture du sixième sceau, nous retrouvons la grande épreuve, celle pour laquelle nous sera donné le petit livre.

La voix vient des quatre cornes de l'autel d'or placé devant Dieu. L'autel d'or, c'est la croix du Christ, à la fois sacrificateur et sacrifié, prêtre et victime. La croix plantée dans le sol, dressée vers le ciel, englobe, en l’horizontalité de ses bras, toute l'humanité. Ses quatre directions sont les quatre cornes de l'autel d'or placé devant Dieu. L’autel reçoit et répand les prières de toutes les créatures. Le Christ les inclut dans l'acte d’adoration du mystère de la croix.

La prière des saints, unie à celle du Christ, englobe tout. Tout est déjà gagné avant même l'engagement de la bataille ! Le Seigneur en a fait la promesse à ses apôtres : Je vous ai dit cela pour qu'en moi vous trouviez la paix -l'autel d'or avec ses quatre cornes est source de paix-. Dans le monde vous trouverez la détresse. (C'est la condition même de la vie terrestre) mais ayez confiance, moi je suis le vainqueur du monde (Jn 16,33).

Ne nous laissons pas emporter par la tentation du découragement. Toute vision "apocalyptique", aussi terrible qu'elle puisse paraître, est toujours prise dans la victoire du Christ qui est, paradoxalement, celle de la croix !

Relâche les quatre anges enchaînés sur le grand fleuve Euphrate. Les quatre anges qui se tenaient prêts vont donc être déchaînés. Ils nous disent une lutte sans merci, comme on se déchaîne à la fin d'un combat dont on sent l'issue proche, quand vient le jour et le mois et l’année du dernier quart d’heure, du dernier round. On rassemble toutes ses forces pour remporter la victoire ! La lutte va être totale, elle ne concerne plus les choses créées mais les hommes qui ne sont plus torturés ou tourmentés mais exterminés au tiers comme l'ont été la terre, la mer, le soleil, le jour et la nuit.

L'armée des quatre anges déchaînés compte deux cent millions de cavaliers : on m'en précisa le nombre.

Pourquoi cette précision de deux cent millions de cavaliers ?

"La population totale de l'Empire romain est estimée à quelque quatre vingt millions d'habitants vers le premier siècle de notre ère ; celle de l'oikoumenè est évaluée à environ deux cent millions d'hommes... L'idée sous-jacente pourrait bien être que chaque homme est individuellement atteint par la tentation idolâtrique" (J.P. Charlier : Comprendre l'Apocalypse T.I p. 229).

 

Ne peut-on aller plus loin ? Chaque homme, chaque individu peut lui aussi être un de ces cavaliers de l'armée des anges destructeurs. Notre péché n'est-il pas porteur de mort... pour un tiers de l'homme ?... pour un tiers des hommes ? Ou bien avons-nous oublié que tout péché se répercute, comme toute prière, dans l'humanité entière ? La communion des saints, la solidarité, a son envers : la communion des pécheurs. Tous nous avons besoin de la miséricorde.

Dans le combat qui est le nôtre, seul le Christ est vainqueur, lui que personne n'a pu convaincre de péché. Il n'est pas incapable de compatir à nos faiblesses, lui qui a été éprouvé en tout, d’une manière semblable, à l’exception du péché (Hb 4,15). Seul, il ne fait pas partie des deux cent millions de cavaliers : homme comme nous, à l'exception du péché.

Quant à nous, échappons-nous totalement à ce malheur dont parle le Seigneur : Malheureux le monde, qui cause tant de chutes ! Certes il est nécessaire qu’il y en ait, mais malheureux l'homme par qui la chute arrive (Mt 18,7).

N'est-ce pas un malheur plus grand que la destruction du tiers du soleil d'être, soi-même, complice de sa propre destruction comme de celle de ses frères ? C’est une éventualité que Paul n’exclut pas, il nous prévient : Je sais que des loups féroces s'introduiront chez vous quand je ne serai plus là et le troupeau ne sera pas épargné. Même parmi vous surgiront des hommes qui tiendront des discours mensongers pour entraîner les disciples à leur suite (Act 20,29-30).

Et comment porter cette "chair" (mot qui sert à désigner l'homme en tant qu'il est dominé et disqualifié par le péché, comme le note la TOB en Rm.7,18) si ce n'est en se plongeant à la fois dans la victoire du Christ et dans la prière des saints qui, unie à la sienne, nous vient de l'autel d'or ?

Si nous nous laissons marquer au front, nous pourrons, à travers ces luttes intérieures, rendre grâces à Dieu de sa miséricorde. Mes petits enfants, je vous écris cela pour que vous ne péchiez pas. Mais si quelqu'un vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père, Jésus-Christ, qui est juste ; car il est, lui, victime d'expiation pour nos péchés ; et pas seulement pour les nôtres, mais encore pour ceux du monde entier (1 Jn 2,1).

Le deuxième malheur n'est donc pas que le tiers des hommes fût exterminé par ces trois fléaux que sont :

- le feu qui monte de la fournaise du puits de l'abîme et n’est pas jeté à partir de l'autel d'or,

- la fumée qui obscurcit tout, au contraire de la nuée qui voile la présence de l'amour... en la manifestant,

             - le soufre qui pervertit la lumière : "L'or, la lumière, la couleur jaune, interprétés dans le sens infernal de leur symbole, dénotent l'égoïsme orgueilleux qui ne cherche la sagesse qu'en soi, qui devient sa propre divinité, son principe et son but. C'est ce côté néfaste du symbolisme du soleil et de la couleur jaune que représente le soufre satanique dans la tradition chrétienne et cela dans l'Ancien comme dans le Nouveau Testament" (Dic. Symb.). Soufre que vomissent les chevaux dont la puissance réside dans la bouche aussi bien que dans la queue !

Le deuxième malheur ? Devant cette extermination qui vient des concupiscences, de la recherche effrénée de l'avoir, du savoir et du pouvoir entraînant haine, guerre et destruction, les hommes ne renoncent pas aux œuvres de leurs mains.

C'est le grand fléau de l'idolâtrie.

Ils n'abandonnèrent ni leurs meurtres, ni leurs sorcelleries, ni leurs débauches, ni leurs rapines. A nouveau quatre termes comme pour nous dire ce que peuvent être les œuvres des hommes !

Ils sont restés "charnels" ou "terrestres" : On les connaît les œuvres de la chair : libertinage, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, rivalités, dissensions, factions, envies, beuveries, ripailles et autres choses semblables ; leurs auteurs, je vous en préviens, comme je l'ai déjà dit, n'hériteront pas du royaume de Dieu (Ga 5,19).1

 

             Un autre ange puissant : 10, 1-7

 

Grâces soient rendues à Dieu par Jésus-Christ, notre Seigneur (Rm.7,25). En ce malheur qu'est notre appartenance à la communion des pécheurs (que nous rappelons au début de chaque eucharistie), Jésus-Christ est notre force. Ce ne sont pas les bien-portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Allez donc apprendre ce que signifie : "c'est la miséricorde que je veux et non le sacrifice. Car je suis venu appeler non pas les justes mais les pécheurs" (Mt 9,12).

L'exécution des "desseins" de Dieu nous ramène, au son de la sixième trompette, à cette lutte avec les "anges déchus" dont notre propre péché nous fait les complices. Dans ce combat, la révélation de Jésus-Christ nous est offerte en la vision de cet ange puissant qui descend du ciel enveloppé d'une nuée, un arc-en-ciel au dessus de la tête, le visage comme le soleil et les jambes comme des colonnes de feu.

L’identification de cet "ange puissant" est controversée :

"Certains commentateurs ont cru reconnaître dans cet ange le Christ lui-même. Cependant, lorsque l'Apocalypse veut nommer le Christ, elle le fait expressément ; on ne voit pas pourquoi le Christ aurait été présenté ici comme un ange" (D.Auzenet : "lettre ouverte aux martyrs").

"Dans le passage présent nous n'avons pas affaire, en réalité, à un ange : il n'est qu'une personnalisation symbolique du Christ lui-même, au même titre que l'Agneau et le cavalier blanc. En effet "cet" ange à l'opuscule est doté d'attributs qui n'appartiennent pas à la sphère angélique, mais à celle de Dieu" (J.P. Charlier "Comprendre l'Apocalypse T.I p. 235).

Qui suivre ?

L'Apocalypse est "révélation de Jésus-Christ". Postulat qui peut (et doit ?) nous conduire à interpréter comme de Jésus-Christ toute vision qui peut l'être. C'est pourquoi il nous semble pouvoir affirmer que si l'ange est un "envoyé" de Dieu (cf l’Annonciation), le Fils, lui, est l'envoyé par excellence. C’est ainsi qu’il se définit lui-même : Ils savent que tout ce que tu m'as donné vient de toi... Ils ont véritablement connu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m'as envoyé... Je prie pour qu'ils parviennent à l'unité parfaite et qu'ainsi le monde puisse connaître que c'est toi qui m'as envoyé (Jn 17,8.22-23).

Nouvelle image de Jésus-Christ, dans sa vie apostolique :

- Enveloppé de la nuée, signe de l'Esprit-Saint, sans qui toute vie apostolique perd sa dimension divine.

Un arc-en-ciel au-dessus de sa tête. Il reprend toute l'alliance ancienne, celle de Noé, et institue l'alliance nouvelle en son sang, en son amour.

- Le visage comme le soleil. Et son visage c'est comme le soleil qui brille de tout son éclat. (1,16) Comme au jour de la transfiguration où la nuée lumineuse vint couvrir Pierre, Jacques et Jean.

- Les jambes comme des colonnes de feu. Stabilité et force de celui qui annonce la bonne nouvelle du salut. Vie apostolique de son Eglise et de ses apôtres... reconnaissant la grâce qui m'a été donnée, Jacques, Céphas et Jean, considérés comme des colonnes, nous donnèrent la main, à moi et à Barnabas, en signe de communion (Ga 2,9).

- Il tenait en sa main un petit livre ouvert. Il ne s'agit pas d'un livre scellé comme celui qui est dans la main de Celui qui siège sur le trône (5,1) mais d'un livre ouvert que tous pourront recevoir et lire :

Toute la vie du Christ est comme un livre ouvert : Le grand prêtre se mit à interroger Jésus sur ses disciples et sur son enseignement. Jésus lui répondit : J'ai parlé ouvertement au monde. J'ai toujours enseigné dans les synagogues et dans le Temple où tous les juifs se rassemblent et je n'ai rien dit en secret (Jn 18,19).

Le petit livre n'est pas réservé à des "initiés" ; il est ouvert à tous et pour tous. De toutes les nations on doit faire des disciples...

- Ayant posé le pied droit sur la mer et le gauche sur la terre. Ses pieds pareils à de l'airain précieux (1,14) prennent possession de toute la création. Lui, semblable au Père, Seigneur du ciel et de la terre qui cache cela aux sages et aux savants et le révèle aux tout-petits, par le petit livre ouvert que tient en sa main cet ange puissant... à qui tout pouvoir a été donné sur la terre comme au ciel.

- Il poussa une puissante clameur pareille au rugissement du lion. Le Lion de Juda devenu l'Agneau immolé. C'est la voix du Christ plus forte que les bruits d'alentour. Elle déchire le voile du temple, ébranle la terre, fend les rochers, ressuscite les morts... et rend l'Esprit !

- Après quoi les sept tonnerres firent retentir leurs voix. C'est l'Esprit-Saint "rendu, remis", qui parle au cœur du croyant, à chacun selon sa vocation propre. Est-ce pour cela qu'il faut tenir secrètes les paroles des sept tonnerres ? Nous le savons, il y a diversité de dons mais c'est le même Esprit, diversité de ministères mais c'est le même Seigneur, divers modes d'action, mais c'est le même Dieu qui produit tout en tous. Chacun reçoit le  don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous (1 Co 12,4-7).

Nous sommes dans le temps de l’Eglise militante. L'issue du combat est certaine mais son déroulement reste voilé. L'Apocalypse n'est pas révélation de ce qui se joue 'chaque jour du temps', mais révélation de la victoire du Christ. Affirmation que, malgré les apparences, Il est avec ses disciples 'chaque jour du temps'. Il leur donne l'Esprit pour construire son corps, qui est l’Eglise.

La clameur du lion, c’est le cri d'amour de l'Agneau immolé. Cet amour est répandu et communiqué par l'Esprit de vérité, le Paraclet, que le Père enverra en son nom et qui fera accéder à la vérité tout entière.

Chaque personne doit faire son propre discernement, vivre son histoire personnelle, grâce au petit livre ouvert à tous. Les paroles de l'Esprit sont individuelles, plus elles sont profondes, plus elles deviennent personnelles, incommunicables. La vie des saints est pleine de cette vérité. L'amour de Dieu proposé à tous est, pour chacun, une aventure personnelle : son secret.

Ce n'est, sans doute, qu'à la fin des temps, ou du temps de chacun, que s'applique la parole de Jésus : il n'y a rien de secret qui ne doive être mis au jour, et rien n'a été caché  qui ne doive venir au grand jour. Si quelqu'un a des oreilles pour entendre, qu'il entende.... (Mc 4,22-23) ce que l'Esprit dit aux Eglises !.

Lorsque paraîtra la lumière dans sa gloire, les paroles des sept tonnerres viendront au grand jour et il n'y aura plus qu'action de grâces pour l'œuvre de l'Esprit en chacun des "saints".

Clameur du lion et voix des sept tonnerres sont liées : le Christ est celui qui donne l'Esprit et l'Esprit celui qui construit le corps du Christ. Il ne faut pas opposer institution visible (petit livre ouvert) et charisme invisible (la voix des sept tonnerres à tenir secrète). Le grand dessein d'amour de Dieu est et restera : Tout rassembler sous un seul chef : le Christ (Ep 1,10).*

De nouveau le Ciel est pris à témoin de la réalisation des desseins de Dieu. Le Christ, réalisateur de ce dessein d'amour pour la création, lève la main droite au ciel.

Il lève la main droite, signe de sa toute puissance, dans le ciel comme sur la terre, et jure par Celui qui vit dans les siècles des siècles, qui créa le ciel et tout ce qu’il contient, la terre et tout ce qu’elle contient, la mer et tout ce qu’elle contient : l’univers entier.

Lorsque Dieu fit sa promesse à Abraham, comme il n'avait personne de plus grand par qui jurer, il jura par lui-même... En ce sens, Dieu, voulant bien davantage montrer aux héritiers de la promesse le caractère irrévocable de sa décision, intervint par un serment (Hb 6,15-18).

Le serment fait à Abraham est début de la réalisation de la promesse. Ici vient le serment de sa consommation aux jours où l'on entendra le septième ange quand il sonnera de la trompette. Plus de délai ! Tout est achevé, consommé. Nouvelle affirmation : dans le ciel, la victoire est acquise. Elle est déjà nôtre !

Dieu nous a donné la vie avec le Christ -c'est par grâce que vous êtes sauvés !- avec lui il nous a ressuscités et fait asseoir dans les cieux, en Jésus-Christ (Ep 2,5-6).

 

Puis la voix du ciel que j’avais entendue, me parla de nouveau. Il faut tout reprendre, la victoire est acquise mais la lutte continue avec des armes qui ne sont pas de l'homme, mais de Dieu. Le Seigneur, au moment de la tentation au désert, nous a donné l’exemple : Il est écrit ....

L’arme : Sa parole épée effilée, à double tranchant, qui sort de sa bouche (1,16). Cette parole : Verbe incarné, quatre vivants, Agneau immolé, cavalier blanc, ange puissant qui tient en sa main le petit livre ouvert. Arme sûre du combat spirituel pour ceux qui, en exil loin du Seigneur tant qu'ils habitent dans leur corps, cheminent dans la foi, cheminent sans voir (cf 2 Co 5,6). 



[1]  N.B. Ce petit texte, entre bien d'autres, pour illustrer la Communion des saints : "L'Histoire est comme un immense texte liturgique où les iotas et les points valent autant que des versets ou des chapitres entiers, mais l'importance des uns et des autres est indéterminable et profondément cachée. Si donc je pense que Napoléon pourrait bien être un iota rutilant de gloire, je suis forcé de me dire, en même temps, que la bataille de Friedland, par exemple, a pu être gagnée par une petite fille de trois ans ou un centenaire vagabond demandant à Dieu que sa Volonté fût accomplie sur la terre aussi bien qu'au ciel" (L. Bloy).

 1.B. Ce petit texte, entre bien d'autres, pour illustrer la Communion des saints :

                "L'Histoire est comme un immense texte liturgique où les iotas et les points valent autant que des versets ou des chapitres entiers, mais l'importance des uns et des autres est indéterminable et profondément cachée. Si donc je pense que Napoléon pourrait bien être un iota rutilant de gloire, je suis forcé de me dire, en même temps, que la bataille de Friedland, par exemple, a pu être gagnée par une petite fille de trois ans ou un centenaire vagabond demandant à Dieu que sa Volonté fût accomplie sur la terre aussi bien qu'au ciel" (L. Bloy).

 

* "Il n'y a pas à imaginer... une sorte de 'secteur libre' qui serait réservé au Saint-Esprit, à côté de la mise en œuvre des structures et des moyens de grâce institués. Cette liberté est bien réelle, toute l'histoire en témoigne, mais c'est celle du Seigneur Jésus, glorifié et vivant conjointement avec son Esprit. Ce sont les deux mains de Dieu : telle est la très belle image proposée par Saint Irénée" (Y. Congar : "la parole et le souffle" p. 105).

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