LES DÉCISIONS DE DIEU
LE LIVRE SCELLÉ
Nous voici arrivés à un tournant de la "Révélation de Jésus-Christ" : celle des
"décisions" de Dieu, face à la liberté de l’homme. Tous les efforts
de l'intelligence humaine sont dérisoires, disproportionnés, incapables de
parvenir à en percer les secrets. Pour aller au-delà de ses limites
l’intelligence doit avoir recours à la foi.
Les décisions de Dieu ne pourront être révélées aux hommes que par
celui qui en est l'accomplissement parfait : Jésus-Christ. Il les révélera
non seulement par sa parole mais par toute sa vie.
Ces décisions de Dieu : toute son œuvre, émanation de son
amour, manifestation de sa gloire, réunion de toutes choses en Jésus-Christ, ne
sauraient être détruites par la libre volonté de sa créature. Pourtant, redisons-le
une fois de plus, "Dieu peut tout sauf obliger un homme à l'aimer".
L'amour ne peut rien devant le refus de l’aimé. La victoire de l'Amour ne peut
être que celle de l'acceptation de l’Amour, de l'ouverture à l’Amour, de la
réponse de l'amour à l'Amour.
Cette victoire, l'Apocalypse nous la montre acquise en
Jésus-Christ :
- Il est le grand prêtre, le pontife, le faiseur de pont et le pont
lui-même entre Dieu et son œuvre. L’Agneau immolé, debout, a reçu pouvoir de
prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux.
- Il est celui sans lequel cette œuvre de création ne peut se
réaliser. Tout a été fait par Lui, et
rien de ce qui existe n’a été fait sans Lui. Il est Le Vivant qui met toute
l'œuvre de Dieu à l'intérieur même de l'Amour, gloire de celui qui siège sur le
trône.
- Il est la réponse d'amour à l'Amour créateur dans le don qu'il
fait de lui-même, par sa mort sur la croix. Son cœur transpercé est,
éternellement, le signe de "la mort de la mort" et de la victoire de
la Vie.
Ce livre aux sept sceaux, symbole de la plénitude de la volonté de
Dieu à laquelle on ne peut rien ajouter ni rien retrancher, va nous révéler, en
Jésus-Christ, que le combat entre "l'homme revêtu involontairement de sa
liberté et Dieu volontairement dépouillé de sa puissance... fontaine
jaillissante de l'inépuisable douleur" (Léon Bloy) sera gagné par l'Amour de
Dieu donnant le fils (cf Jn 3,16) et par l'amour de l'homme livrant sa vie pour
passer, par la mort, du monde au Père (cf Jn 13,1).
Ouverture des 4 premiers sceaux 6,1-8
Et ma vision se poursuivit.
Nouvel aspect de cette unique vision qui va
nous faire passer de l'éternité, ce qui est dans le ciel, au déroulement du
temps et de l'histoire, ce qui se vit sur la terre.
Lorsque l'Agneau ouvrit (et non rompit) le premier sceau, j'entendis le
premier
des 4 vivants (le Christ dans son incarnation)
crier d'une voix de tonnerre,
celle
de l’Esprit-Saint : Viens !
A l'ouverture des quatre premiers sceaux, cet appel à venir des 4
vivants, fait apparaître un cheval et son cavalier. A qui s'adresse cet
appel : au cheval, au cavalier qui le monte, ou à Jean, le visionnaire ?
Si la "voix de tonnerre" est celle de l'Esprit-Saint, de
l'amour, partant du trône et que rien n'arrête (4,5), elle n'est autre que la
voix "comme une trompette" qui dit au visionnaire "monte
ici" (4,1).
Invitation à s'approcher pour voir et pénétrer, par la force de l'Esprit, dans
les décisions de Dieu. Ces décisions concernent la création. Elles ne pourront
être comprises (prises en soi, vécues) que par la force de l'Esprit et à sa
lumière.
Le surgissement ou l'apparition des chevaux et de leurs cavaliers
n'est évidemment pas en dehors du plan d'amour de Dieu, aussi éloigné que cela
puisse paraître, au vu de la mission qui leur est confiée... Le "Viens
!" peut donc aussi leur être adressé. Tout est œuvre de l'amour, même si
cela résulte de ce que St.Thomas appelle "la science d'approbation".
Dieu, qui écrit droit avec les lignes courbes de sa créature, est figuré par le
Père de l'Enfant prodigue. Il acquiesce à la demande du fils, partage son
héritage, le laisse partir librement... et l'attend avec amour !
Voici : un cheval
blanc ; celui qui le montait tenait
un arc. On lui donna une couronne, puis il s’en alla vainqueur et pour vaincre
encore.
Puisque l'Apocalypse
est "révélation de Jésus-Christ", c'est de Lui que la vision parle en
premier lieu. Nous retrouverons ce cheval blanc en 19,11ss, non plus combattant
sur la terre, mais dans le "ciel ouvert".
"Celui qui le monte
s'appelle "fidèle et vrai", il fait la guerre avec justice
-remet
les choses à leur juste place, les "ajuste" en ramenant tout vers le
Père- ...,
inscrit sur lui un nom qu'il est seul à connaître ; le manteau qui
l'enveloppe est trempé de sang
-signe
de la vie donnée-
et son nom ? Le Verbe de Dieu".
L'Apocalypse, livre de l'espérance, nous dit la première décision de
Dieu, celle qui englobe toutes les autres, c’est la victoire du Christ. Il
s'agit de LA BONNE NOUVELLE, à côté de laquelle toutes les autres ne sont rien.
La première décision de Dieu est de faire échec à ce qui détruit l’homme, sans
porter atteinte à sa liberté. La victoire du cheval blanc et de son cavalier,
le Christ, est la nôtre : nous sommes plus que vainqueurs par
celui qui nous a aimés... La révélation de Jésus-Christ concerne le Christ
dans sa totalité, tête et corps. De même que le manteau du cavalier apparaît
trempé de sang (19,13),
-il n’y a pas de rémission
des péchés sans effusion de sang- de même, nous le verrons, la multitude impossible
à dénombrer,... vêtus de robes blanches,... sont ceux qui
viennent de la grande épreuve,
ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau
(7,14).
Le blanc est la couleur sacerdotale, celle de la lumière, celle de
l'amour qui illumine toute chose et sans lequel rien n'a de valeur. Trésor
caché, perle rare pour laquelle il faut tout vendre. Couleur du Royaume à
chercher avant tout. En lui tout est donné.
Celui qui le montait tenait un arc.
La symbolique de l'arc est riche : "Arme royale, l'arc
l'est en tous lieux ; c'est une arme de chevalier... l'arc est une arme de
combat. Il est aussi arme d'exorcisme, d'expulsion... La flèche s'identifie à
l'éclair... les Upanishad font du monosyllabe 'OM' une flèche qui, lancée par
l'arc humain et traversant l'ignorance, atteint la suprême lumière... La même
discipline spirituelle est connue de l'Islam, où l'arc s'identifie à la
puissance divine et la flèche à sa fonction de destruction du mal et de
l'ignorance... Symbole de la puissance guerrière, il signifie aussi l'instrument
des conquêtes célestes. Ce poème, riche de symboles, évoque les rudes
batailles, qui sont de l'ordre spirituel : "Puissions-nous par l'arc
conquérir les vaches et le butin, par l'arc gagner les batailles sévères !
l'arc fait le tourment de l'ennemi ; gagnons par l'arc toutes les régions
de l'espace !" Rig-Veda 6,75 (Dic.Symb.).
La première décision de Dieu, c’est le mystère de
l'Incarnation rédemptrice : l'amour remporte la victoire... éternelle.
Elle aboutit à la destruction de la peine, des pleurs, des cris, de la mort...
Ce sera la conclusion de la Révélation de Jésus-Christ : "car
l'ancien monde s'en est allé. Celui qui a soif recevra la source de vie
gratuitement. telle sera la part du vainqueur, et je serai son Dieu et il sera
mon fils" déclare celui qui siège sur le trône (21,3-8) !
Si la victoire est certaine... car déjà acquise
-gardez courage ! J’ai
vaincu
le monde-, il faut passer par la lutte pour la recevoir. Les décisions de
Dieu ne sont pas de supprimer ce combat et de faire revenir la création au
paradis terrestre. Le Verbe, Dieu le Fils, s’incarne, entre dans le monde tel
que l’homme l’a librement défiguré dès le commencement. Ce choix de l’homme n’a
pas remis en cause le plan d’amour de Dieu. La mort du Christ semble avoir
accentué les souffrances dans le monde. Lui-même l’a annoncé :
Dans le monde vous aurez à souffrir ! Le
témoignage à donner devient martyre. L'amour va pousser au don de soi et les
béatitudes contredire tout ce que l'homme, laissé à lui-même, recherche
naturellement.
C'est ce qui est "montré" par l'ouverture des autres
sceaux. Il ne faudra jamais les séparer du premier, il les englobe tous.*
Dieu, en sa première décision qui englobe tout, veut que le Christ,
incarné et rédempteur, soit l'alpha et l'oméga de toute son œuvre. Cette œuvre
qui va se vivre dans une lutte (dont nous ne connaîtrons que plus loin les
protagonistes) est finalisée par cette victoire encore souterraine du Christ.
Livre de l'espérance, livre de l’Eglise militante, l'Apocalypse ne
nous montre pas le comment des choses -ce qui est le propre de la science- mais
uniquement leur finalité. Il faut le recevoir dans la Foi, comme Thérèse de
l’Enfant Jésus : "Si des savants ayant passé leur vie dans l’étude
étaient venus m’interroger, sans doute auraient-ils été étonnés de voir une
enfant de quatorze ans comprendre les secrets de la perfection, secrets que
toute leur science ne leur peut découvrir, puisque pour les posséder il faut
être pauvre (en) esprit !".
Les décisions de Dieu, les trois cavaliers suivants vont nous les
préciser, les révélant permissions de Dieu. Dieu, en effet, entérine le choix
libre de l’homme. Il ne le remet pas dans le paradis terrestre.
Lorsqu'il ouvrit le deuxième sceau, surgit un autre cheval
rouge-feu ; celui qui le montait, on lui donna de bannir la paix... on lui
donna une grande épée.
Après la victoire vient la lutte. Entre autres significations, le
rouge, que nous retrouverons comme couleur du dragon en 12,3, est, par
excellence, la couleur de la violence, de la colère (rouge de colère !).
Couleur impériale, "le rouge devient dangereux comme l'instinct de
puissance s'il n'est pas contrôlé ; il mène à l'égoïsme, à la haine, à la
passion aveugle, à l'amour infernal" (Dic. Symb.).
Ce cavalier qui bannit la paix hors de la terre, nous révèle la
première conséquence du péché de l’homme. Il reprend, d'une manière symbolique,
la lutte dont nous parle Jean dans sa première lettre :
Si quelqu'un aime le monde, l'amour du Père
n'est pas en lui, puisque tout ce qui est dans le monde -la convoitise de la
chair, la convoitise des yeux et la confiance orgueilleuse dans les biens- ne
provient pas du Père mais provient du monde (1 Jn 2,15-16). Chaque homme, le jour de sa
naissance, a en lui ces trois concupiscences : celle des yeux, celle de la
chair et celle des biens. Elles ne viennent pas de Dieu. Le livre de Job, comme
la parabole du bon grain et de l'ivraie, nous le fait comprendre.
Avec Paul, tous, nous pouvons dire :
"Je sais qu'en moi, je veux dire dans ma chair, le bien n'habite
pas : vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l'accomplir, puisque
le bien que je veux je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas je le
fais..". (Rm 7,18ss). Seul Jésus-Christ pourra nous délivrer
de ce corps qui appartient à la mort. Le deuxième cavalier bannit
la paix, mais son pouvoir bute sur la victoire du premier, le Prince de la
paix. En effet, c’est lui qui est notre
paix, il a tué la haine, il est venu annoncer la paix à ceux qui étaient loin
et à ceux qui étaient proches (Eph. 2,14-17), car,
il a plu à Dieu... de tout réconcilier par lui et pour lui, et sur terre et
dans les cieux, ayant établi la paix par le sang de sa croix (Col
1,19-20). Prédestinés
à être des fils dans le Fils, le vainqueur nous associe à sa lutte victorieuse
et nous dit : "Heureux les
faisant la paix, ils seront appelés fils de Dieu" (Mt 5,9).
Lorsqu'il ouvrit le troisième sceau... apparut à mes yeux un cheval
noir ; celui qui le montait tenait à la main une balance... une voix
annonçait : un litre de blé pour un denier, trois litres d'orge pour un
denier ! Quant à l’huile et au vin, ne les gâche pas !
Si le cheval rouge-feu nous dit la guerre individuelle, intérieure à
chaque individu habité par les concupiscences, le cavalier noir, signe de la
stérilité et de la mort, nous dit le mal social. La fécondité est mise à mal.
La balance, que le cavalier tient à la main, invite à tout mesurer puisqu'un
litre de blé va coûter le salaire d'une journée de travail ! La société, dans
laquelle l'homme est appelé à vivre, ne produit plus le nécessaire à la vie.
Blé et orge sont hors de prix. "L’huile et le vin sont (momentanément ?)
épargnés, soit parce qu’ils symbolisent les biens eschatologiques, soit parce
que la disette n’atteint encore que la récolte d’une saison" (Note
de la T.O.B. pour 6,6).
"Le vin est très généralement associé au sang, tant par sa couleur que par
son caractère d’essence de la plante : il est en conséquence le breuvage
de vie ou d’immortalité" (Dic. Symb). "L’huile est symbole de lumière et de pureté,
en même temps que de prospérité" (ibid.).
Le travail, à plus forte raison le chômage, ne permettent pas de
vivre d’une façon digne de l’homme. Il n'est pas difficile de constater combien
notre monde est un monde de famine.
- Famine des corps qui conduit à toutes les compromissions, du vol
au suicide, en passant par l'exploitation des affamés de pain comme de justice.
Cette famine physique, bien visible, en entraîne bien d’autres souvent plus
cachées.
- Famine intellectuelle de tant d'hommes sans accès au savoir le
plus élémentaire, et de tant d’autres dont les capacités intellectuelles sont
défectueuses.
- Famine morale de ceux qui, errant sans berger ou suivant des
"mercenaires", sont sans repères et sans lois. Aveugles conduits par
des aveugles.
- Famine spirituelle de ceux qui, privés de la connaissance de Dieu,
ne trouvent pas de sens à leur vie. Ils n’en connaissent ni la signification ni
la finalité. Le Seigneur le constate. La
moisson est abondante, les ouvriers peu nombreux. Il nous invite à
prier le Père d’envoyer des ouvriers à sa
moisson (Mt 9,37-38). Pire, la malice des hommes, ou leur inconséquence,
peut, parfois, persécuter les ouvriers de la moisson et les obliger à fuir !
Celui qui
est sorti vainqueur et pour vaincre encore
va nous apporter la victoire. Sans parler de cet amour du prochain, second
commandement semblable au premier, seule voie pour vaincre la famine matérielle
par le partage des richesses, il nous propose les 3 nourritures qui sont celles
de "la vie éternelle" :
1 - La parole de Dieu,
nourriture qui dépasse celle du corps :
L'homme ne vit pas seulement de
pain mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu (Mt 4,4).
Le Christ ne vient pas résoudre les problèmes économiques par la
transmutation des pierres en pain. C'est affaire de charité fraternelle nourrie
de cette parole qu'il est lui-même : le Verbe.
2 -
Le pain de vie. Le
Christ nous fait vivre de sa vie, comme ceux qui sont prédestinés à être des
fils en lui le Fils ; c'est tout l'enseignement en Jn. 6 : En vérité, en vérité, je vous le dis, Moïse
ne vous a pas donné le pain du ciel, mais c'est mon Père qui vous donne le pain
du ciel véritable. Car le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel... Je
suis le pain de vie. Tel est le pain qui descend du ciel... Ma chair est vraie
nourriture et mon sang vraie boisson.
3 -
La volonté du Père,
nourriture du Seigneur lui-même :
J'ai à manger une nourriture que vous ne connaissez pas... Ma nourriture c'est
de faire la volonté de celui qui m'a
envoyé et d'accomplir son œuvre (Jn 4,32-34).
Cette nourriture de notre "Tête" conduira le
Christ-Vainqueur jusqu’à la mort. En son mystère de rédemption, il la détruira,
ouvrant, pour Lui et pour tout son corps, les portes de la Vie.
Telle est en effet la volonté de mon
Père : que quiconque voit le Fils et croit en lui, ait la vie éternelle,
et moi, je le ressusciterai au dernier jour (Jn 6,40).
Ceux qui se nourrissent de ces trois nourritures
sont déjà passés de la mort dans la vie
(1 Jn.3,14) puisqu'ils
vivent de la vie même du Seigneur dans l'amour de Dieu et du prochain. Ils
suivent le cavalier vainqueur, le bon berger qui les conduit dans les gras
pâturages et lui,
l'Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur et les
conduira aux sources des eaux de la vie (7,17).
Que le Dieu de la paix qui a fait remonter d'entre les morts, par le
sang d'une alliance éternelle, le grand pasteur des brebis, notre Seigneur
Jésus, vous rende aptes à tout ce qui est bien pour faire sa volonté, qu'il
réalise en nous ce qui lui est agréable, par Jésus-Christ, à qui soit la gloire
dans les siècles des siècles. Amen (Hb 13,20-21) !
Lorsqu'il ouvrit le quatrième sceau... apparut un cheval verdâtre ; celui qui le montait, on le nomme : la Peste... .
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Après la lutte intérieure, puis celle imposée par la société, ce
quatrième cavalier emporte l’homme plus loin. Affronté à des forces qui, tout
en restant liées à la condition humaine, le dépassent, l’homme se sent, et se
sait, impuissant. Il est sans recours devant elles : maladie, cataclysmes naturels,
mort, le laissent désemparé, même si, parfois, il les utilise à son profit.
"Le vert garde un caractère étrange et complexe, qui tient de
sa double polarité : le vert du bourgeon et le vert de la moisissure, la
vie et la mort. Il est l'image de la profondeur et de la destinée"
(Dic.Symb.). Si le
vert est la couleur de l'espérance, le verdâtre est celle de l'espérance déçue,
du moisi, de la pourriture, de ce qui n'a pas réussi mais s'est dégradé, perdu.
C'est l'échec inéluctable quelle qu'en soit la cause.
Couleur de l'homme déchu, laissé à lui-même, qui a perdu le sens de
son existence ne sachant ni pourquoi il vit ni où il va, le cheval verdâtre est
monté par un cavalier dont le nom est la peste ! L'on sait tout ce que
représente cette "maladie" : "Ils ne mouraient pas tous,
mais tous étaient frappés !" (La Fontaine). Tous les hommes sont atteints
par cette "maladie du cœur" l'angoisse, bien souvent sans objet... et
sans cause ! C'est contre cette angoisse que les religions naturelles tentent
de lutter en se conciliant les forces qui leur paraissent
"sur-naturelles".
Les remarquables progrès de la science ne font que reculer les
frontières de l’inévitable. Le recours aux horoscopes, gris-gris,
porte-bonheur, voyants, devins, sorciers, gourous de toute sorte, disent bien
l’angoisse de l’homme.
Et l'Hadès le suivait. La peste conduit à la mort mais, à nouveau, nous
en voyons le vainqueur en Jésus Christ, Le Vivant
détenant la clef de la mort et de
l'Hadès (1,18).
Alors on leur donna pouvoir sur le quart de la terre pour exterminer
par l'épée, par la faim, par la peste et par les fauves de la terre.
Il s'agit bien ici des trois derniers cavaliers à qui est donné un
pouvoir mesuré. Epée, famine et peste sont des instruments de destruction. Plus
que des instruments, les trois cavaliers trouvent des collaborateurs pour leur
œuvre destructrice. Les fauves de la terre sont des destructeurs hypocrites,
ils dévorent les biens des veuves et font
pour l'apparence de longues prières (Mc 12,40). Qui peut affirmer qu’il n’a
jamais été et ne sera jamais l’un d’entre eux ? Celui-là seul que personne n’a
pu convaincre de péché (cf Jn 8,46).
Les quatre cavaliers de l'Apocalypse sont une vision du regard
éternel de Dieu sur le temps et l'histoire de l'homme revêtu par Lui d'une
"tunique de peau" (cf Gn 3,21) qui l'enveloppe dans la matérialité. La finalité de
l'histoire est, malgré le péché de l’homme, la victoire du Christ. Il ne
détruit pas la liberté de l'homme mais il l’assume.
Le premier homme Adam fut un être doué de vie ; le dernier Adam
est un être spirituel donnant la vie... de même que nous avons été à l'image de
l'homme terrestre, nous serons aussi à l'image de l'homme céleste (1
Co 15,45-49). Qu'est
le terrestre sinon celui qui met toute son énergie, dans la poursuite des
choses de la terre, monde d'apparences. Le céleste, lui, tout en vivant
pleinement dans le monde sait, grâce à la Révélation, qu'il y a un au-delà des
apparences. Il met toute son énergie à chercher
d’abord le Royaume de Dieu, et sa justice, tout le reste lui étant donné par
surcroît. (Mt 6,33).
La certitude de la victoire du Christ, du céleste sur le terrestre,
n'empêche pas la réalité, dans la vie présente, de la lutte
"militante". Job en a fait l'expérience. Chacun de nous fait la sienne
et a, comme lui, du mal, à admettre le Dieu d'Amour dans un monde si porteur de
haine. Pourtant, nous l'avons vu, l'immense respect de Dieu pour la liberté de
l'homme entraîne ce conflit et est la source de toute douleur. Le Christ la
prendra sur Lui et la portera à son extrême en son agonie et sa passion :
Vous tous qui passez par le chemin, regardez
et voyez s'il est une douleur pareille à la douleur qui me tourmente, dont
Yahvé m'a frappé au jour de sa brûlante colère (Lm 1,12). On ne le savait pas :
c’était nos douleurs qu’il portait
(Is 53,4).
La Vierge Marie,
dont le cœur
sera percé par un glaive de douleur, lui sera intimement associée.
Lorsqu'il ouvrit le cinquième sceau 6,9-12
Vient alors le moment du désespoir ou mieux de l'incompréhension. Le
sang du juste crie vengeance vers le ciel.
Ecoute
le sang de ton frère crier vers moi du sol (Gn 4,10) !
Comment se fait-il que Dieu puisse laisser faire. "Jusques à quand, Maître
saint et vrai, tarderas-tu à faire justice, à tirer vengeance de notre sang sur
les habitants de la terre ?". Question toujours actuelle et que
nous reprenons avec les apôtres au moment de l'Ascension : Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu
vas rétablir le Royaume pour Israël ? L’humanité n'a-t-elle pas assez
souffert. Que reste-t-il à sacrifier avant d’atteindre la fin des temps ?
Combien de fois l'homme s'interroge sur la présence de Dieu au
milieu des hommes ! Au moment où l’ange de Yahvé lui apparaît et lui dit : "Yahvé est avec toi, vaillant guerrier", Gédéon questionne : "je t'en prie, mon Seigneur ! Si Yahvé est avec nous, d'où vient
tout ce qui nous arrive ?" (Jg 6,12-13).
A Césarée de Philippe, Pierre reconnaît en Jésus
le Messie, le Fils du Dieu vivant, et
Jésus ordonne à ses disciples de ne le dire à personne avant qu'il ne soit ressuscité d'entre les morts (Mt
16,20). C'est que la
tentation est toujours présente d'attendre un salut temporel, de vouloir
tirer
vengeance sur les habitants de la terre, de les détruire et, sans
doute, prendre leur place. Qu’il serait bon de pouvoir s'installer dans un
paradis terrestre enfin retrouvé !
La réponse sera toujours la même : Vous n'avez pas à connaître les temps et les moments que le Père a
fixés de sa propre autorité ; mais vous allez recevoir une puissance,
celle du Saint Esprit qui viendra sur vous (Ac 1,7).
On leur donna à chacun une robe blanche en leur disant de patienter
encore un peu (11). Cette robe blanche, vêtement du sacerdoce et de la prière, est
elle-même cette force de l'Esprit-Saint qui permet de patienter de la patience
même de Dieu. Paul a reçu cette force. Il affirme aux Colossiens : Je trouve maintenant ma joie dans les
souffrances que j'endure pour vous, et ce qui manque aux détresses du Christ,
je l'achève dans ma chair en faveur de son corps qui est l’Eglise, j'en suis
devenu le ministre (Col 1,24). Parole étonnante qui rejoint ce cinquième sceau.
Dieu, "qui nous a choisis pour servir en sa présence", appelle tous
les hommes à œuvrer avec le Fils
qui a fait de nous une Royauté de Prêtres
pour son Dieu et Père (1,6).
La tentation du "ça suffit" ne peut être vaincue que par
cette communion de vie avec l'Agneau debout comme immolé. Vivre de la certitude
que la mesure des luttes qu'il nous faut supporter n'est pas de nous mais de
Lui. En effet, voici comment s'est
manifesté l'amour de Dieu au milieu de nous : Dieu a envoyé son fils
unique dans le monde, afin que nous vivions par Lui (1 Jn 4,9).
Nouveau paradoxe : l’annonce du retour proche ne doit pas faire
oublier la parole du Seigneur : et
moi je suis avec vous jusqu'à la fin des temps. C’est bien la dernière
promesse du Seigneur ; celle qui permet de
patienter encore un peu, le temps
que soient au complet les compagnons de service et leurs frères qui doivent
être mis à mort comme eux, comme LUI.
L'ouverture du cinquième sceau nous donne aussi le sens de la
"patience divine". C'est un moment de repos, de contemplation, il va
permettre de tenir et d'aller plus loin encore, d'affronter l’ouverture du
sixième. On ne peut l'aborder qu'à l'intérieur du sacerdoce royal du Fils, en
vivant à la fois :
- de la parole du Seigneur :
Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là produira du
fruit en abondance car, en dehors de moi vous ne pouvez rien faire
(Jn 15,5),
- et de l'expérience de Paul : Je me complais dans les faiblesses, les insultes, les contraintes, les
persécutions et les angoisses pour le Christ ! Car lorsque je suis faible,
c'est alors que je suis fort (2 Co 12,10).
Et ma vision se poursuivit : Le sixième sceau 6, 12-17
Après les 5 premiers sceaux , l’ouverture du sixième nous fait
entrer dans une autre perspective. Le chiffre "6", chiffre de
l’imperfection, de la non-plénitude, révèle l'aspect "apocalyptique",
au sens populaire de catastrophique et épouvantable. Cet aspect d'"apocalypse"
a quelque chose de démoniaque. Il occulte le vrai sens de la Révélation de
Jésus-Christ, victoire de l’Amour et salut de l’humanité.
Avec ce sixième sceau, nous pénétrons dans cet aspect de la lutte
que Jean Paul II appelle la "la méta-tentation". On ne peut
l’affronter que revêtu de la robe blanche du cinquième sceau. C’est pour nous
éviter d’y tomber que le Christ, à Gethsémani, a demandé de veiller et de
prier. C’est d’elle que, dans le Notre Père, nous demandons d'être protégés et
délivrés. Il faut nous souvenir que ce
n'est pas à l'homme que nous sommes affrontés, mais aux Autorités, aux
Pouvoirs, aux Dominateurs de ce monde de ténèbres, aux esprits du mal qui sont
dans les cieux (Ep 6,12). Le Christ, prince des rois de la terre, à qui
tout pouvoir a été donné au ciel et sur la terre, a voulu, lui
aussi, être affronté à ces esprits du mal. Il s’est fait "péché" pour
nous, partageant, en tout, la condition de l’homme-pécheur. C’est bien ce que
nous dit la lettre aux hébreux : ce
n'est pas à des anges qu'il vient en aide, mais c'est à la descendance
d'Abraham. Aussi devait-il en tous points se faire semblable à ses frères, afin
de devenir... (Hb 2,16-17).
L'ouverture du sixième sceau va révéler la victoire apparente des
forces du mal et la disparition de toute stabilité. C'est le
grand
jour de la colère de l'Agneau. Le jour où son amour reste 'seul' comme
soutien de toutes choses, celui où tous ceux qui veulent se construire 'seuls'
ne peuvent tenir.
Jour de la victoire de l'amour sur la mort. Victoire réalisée par
l'Agneau le vendredi-saint, après que, la
veille de sa mort, il en eut établi le mémorial. Evénement fondateur qu’il
nous demande de rendre présent jusqu’à son retour glorieux. L'Agneau, comme
immolé, est "DEBOUT", il a
vaincu le monde, il est ressuscité. Pourtant, comme Lui, il faut
passer par la souffrance et la mort pour
entrer dans la gloire.
"Jésus sera en agonie jusqu'à la fin du monde : il ne faut
pas dormir pendant ce temps-là" (Pascal, Pensées : le mystère
de Jésus). Nous sommes
dans l'éternel aujourd'hui de Dieu. Je
suis Jésus que tu persécutes dira Jésus à Saul sur le chemin de Damas. Le
vendredi saint est aussi présent que le jour de Pâques et le sixième sceau
reprend les mêmes images que celles de la passion :
A partir de midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre, la terre
trembla, les rochers se fendirent.
La divinité du Christ est totalement cachée.
Le soleil -je suis la
lumière du monde- devint aussi noir qu'une étoffe de crin. La présence du Christ est occultée. "Le soleil noir
préfigure le déchaînement des forces destructrices dans l'univers. Il est
l'annonce de la catastrophe, de la souffrance et de la mort, l'image inversé du
soleil à son zénith, à midi !" (Dic. Symb.). Rien ne va plus !
La lune devint tout entière comme du sang. La lune, sauf exception,
est le symbole du féminin. Ici, elle est tout ensanglantée. Nous verrons la
femme enveloppée de soleil, la lune sous les pieds (12,1). Viendra le temps de la
disparition apparente du soleil, figure du Christ. De même Marie, qui ne brille
que de l’éclat du Christ, comme la lune ne brille que de l'éclat du soleil,
sera cachée :
- disparition de la présence maternelle de Marie et instauration
d'un climat de violence et de brutalité.
- Marie, reflet de l'amour de Dieu qui
nous aime et nous a lavés de nos
péchés par son sang (1,5), est totalement lavée par le sang de l'Agneau. Elle
n'est plus que "sang", totalement rayonnante de l’amour de Dieu.
Marie, associée, par gratuité et surabondance d'amour, à l'œuvre de rédemption
de l’Agneau, est devenue pur amour dans l'abandon total qu'elle fait, à Dieu,
de sa personne. Elle n’est plus que le reflet de celui qui la fait vivre.
"Me voici" c’est la
réponse qui court tout au long de l'histoire d'alliance de Dieu avec l'homme. Marie
l’a résumée en cette parole qui la caractérise entièrement :
Voici la servante du Seigneur. Que tout se
passe pour moi comme tu l'as dit !
Les étoiles du ciel tombèrent sur la terre comme fruits verts d'un
figuier battu par la tempête. Le soleil, la
lune et les étoiles, qui brillent et sont commis à un office, sont obéissants
(Ba
6,59). L'obéissance se
cache, elle disparaît ! C'est la destruction de l'ordre, de la finalité comme
de la fécondité. Les étoiles ne remplissent plus leur office de guide, les
fruits n'arrivent plus à maturité...
Plus que destruction des fruits de la terre, c‘est la destruction de
la fécondité spirituelle. En effet, les
étoiles qui, éternellement, doivent resplendir comme la splendeur du firmament,
ce sont les doctes qui ont enseigné la justice à un grand nombre (Dn
12,3). Les astres du
ciel ne brillent plus ! plus de guides !
Comme les apôtres se sont dispersés le Vendredi-Saint, jour des
ténèbres, de même les "étoiles tombent" et l'on perd le sens de
l'absolu pour ne plus vivre que dans le relativisme.
Et le ciel disparut comme un livre qu'on roule.
L'homme, comme à Babel, veut atteindre le ciel et prendre la place
de Dieu. Les cieux ne racontent-ils pas
la gloire de Dieu et le firmament l'œuvre de Ses mains ? (Ps 18,2). Le
ciel disparaît, la gloire de Dieu se cache. La terre elle-même, prise comme
finalité de l’homme, est ébranlée. L'angoisse est telle que tous cherchent des
lieux pour se protéger et n'en trouvent pas. La prière s'inverse, elle
s'adresse au cosmos qui n’annonce plus
l'œuvre
de Ses mains. On oublie la miséricorde. L’Agneau rejeté n’a plus que la
colère pour se faire entendre.
On retrouve ici la parabole des talents où le maître prend au mot
son serviteur, mais peut-il le traiter autrement ? Si tu as décidé, en ton cœur, que je moissonne où je n'ai pas semé et
que je ramasse où je n'ai rien répandu (Mt 25,26), je ne peux qu'en tirer les
conséquences !!! La colère du maître, comme celle de l'Agneau, n'est que
le corollaire de son amour. Il ne peut prendre la main qu’on lui refuse... et
en souffre !
Le sixième sceau nous met en garde contre la tentation de lâcher le
Christ ; de reprendre le "jusques
à quand" du cinquième et d'abandonner la lutte... comme les disciples
d'Emmaüs qui espéraient
qu'Il était celui qui allait délivrer
Israël... Ce sont des déçus de l’espérance, des cœurs fermés.
Sceau de l’Eglise du silence qui passe, comme le Christ à la croix,
par le sentiment d'abandon et de solitude totale. et redit avec Lui :
"Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?"
Passage par la croix, par la mort, victoire apparente des forces du
mal. L’Eglise peut-elle prendre un autre chemin, terminer sa vie autrement ? Si
la mort de la Tête a été la naissance du corps visible qu'est l’Eglise,
"Sacrement du Christ", pourquoi la mort apparente de ce corps ne
serait-elle pas le surgissement des
cieux et de l'univers nouveaux
(21,1ss), du salut et de la naissance
de l'humanité nouvelle, corps mystique du Christ pleinement réalisé ? ? ?
Cette vision du sixième sceau n’est pas à recevoir au plan
psychologique et humain. Elle est à accueillir dans la foi, comme révélation
(Apocalypse) de Jésus-Christ.
C'est de cette manière, qu’au pied de la croix, Marie, l'épouse de
l'Agneau, l'a reçue. En elle, s'est concentrée toute la foi de l'humanité, du
Vendredi-saint au matin de Pâques. Mère de l’Eglise, elle nous conduit à
passer, avec elle et comme elle, des apparences à la réalité, de la mort qui se
voit à l’Amour qui se cache. C'est ce que nous vivons à chaque eucharistie, en
"rappelant la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne".
Il est arrivé le grand jour de la colère de Dieu et qui donc peut
tenir ?
Question angoissante si nous devions nous appuyer sur nos propres
forces et sur la justice qui vient de l'homme. Mais nous avons déjà l'exemple
de la Vierge du 6me sceau : STABAT MATER, DEBOUT, au pied de la croix, se tenaient sa mère, la sœur de sa mère,
Marie, femme de Clopas et Marie Madeleine (Jn 19,24).
Notre salut ne vient pas de nous. Jésus en avertit les apôtres après
le départ du 'jeune homme riche' : qui
peut être sauvé ? -qui peut tenir ?-
Ce
qui est impossible aux hommes est possible à Dieu (Lc 18,24ss).
Il faut nous redire, avec Paul : "Oui, j'en ai l'assurance : ni la mort ni la vie, ni les anges ni les dominations, ni le présent ni l'avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté (révélé ?) en Jésus-Christ Notre Seigneur" (Rm 8,38-39).
"L'homme ne peut pas imiter et revivre l'amour du Christ par
ses seules forces. Il devient capable de cet amour seulement en vertu d'un don
de Dieu" (Veritatis splendor n° 22).
Ce don, Dieu le propose à tous, mais refuser de le recevoir et d’en
vivre est toujours possible. Ce refus de l’Amour provoque "la colère"
de Dieu. Il le met dans l'incapacité apparente de faire aboutir son dessein
d'amour : Réunir l'univers entier
sous un seul chef, le Christ, ce qui est dans les cieux et ce qui est sur la
terre (Ep 1,10).
L'Espérance victorieuse 7,9-17
A nouveau, nous retrouvons la fin des temps avec
les
quatre anges debout aux quatre coins de la terre, retenant les quatre vents
(7,1). Si Dieu a
dispersé son peuple aux quatre vents des
cieux (Za 2,10), Il enverra ses anges avec la
grande trompette, et, des quatre vents, d'une extrémité des cieux à l'autre,
ils rassembleront ses élus (Mt 24,31).
"Dans les traditions bibliques, les vents sont le souffle de
Dieu. Il ordonna le tohu-bohu primitif, il anima le premier homme... les vents
sont aussi des instruments de la puissance divine ; ils vivifient, châtient,
enseignent... ils sont une manifestation du divin qui veut communiquer ses
émotions, de la douceur la plus tendre aux courroux les plus impétueux"
(Dic. Symb.).
Ici, "Dieu retient son souffle" :
Attendez...
Il va nous manifester la victoire de l'amour. Les anges vont
marquer
au front les serviteurs de Dieu avant que tout ne soit ‘consommé’ et
que le souffle ne soit ‘remis’. C’est l’annonce de la création nouvelle, elle
remplacera l’ancienne lorsque
sera donné aux quatre anges de
malmener
la terre, la mer et les arbres.
Tout est dans la main de Dieu ; tout est dans l'ordre,
‘nombré’. Les secousses ne livrent pas la création aux puissances du mal et, à
l'intérieur même de ce sixième sceau, qui semble être la fin de toutes choses,
jaillit la victoire de l'amour qui marque au front les serviteurs de Dieu.
Il s'agit d'abord de toutes les tribus des enfants d'Israël car : Le salut (révélation de Jésus-Christ) vient des juifs... Eux à qui appartiennent l'adoption, la gloire, les alliances, la loi, le culte, les promesses et les pères, eux enfin de qui, selon la chair, est issu le Christ qui est au-dessus de tout, Dieu béni éternellement. Amen ! (Rm 9,4-5).
Cent quarante quatre mille : c'est la plénitude d'un peuple
particulier. Il a sa place à part dans le plan d'alliance de Dieu avec les
hommes, prémices de la foule immense, impossible à dénombrer, qui célèbre, avec
lui, le salut, œuvre de Dieu et de l'Agneau dans la gratuité de l'amour.
Si le peuple élu -Israël ou l’Eglise- est à taille humaine, nombrable, dans sa visibilité terrestre, la foule immense, innombrable, dépasse toutes les limites humaines. Dieu seul l’englobe dans son infinité. Réalisation de la promesse faite à Abraham, le Père des Croyants, d'une postérité non plus "charnelle" mais "spirituelle" : Par la foi, Abraham obéit à l'appel de partir vers un pays qu'il devait recevoir en héritage et il partit ne sachant où il allait... C'est bien pour cela que d'un seul homme, et déjà marqué par la mort, naquirent des descendants comparables par leur nombre aux étoiles du ciel et aux grains de sable sur le rivage de la mer, innombrables (Hb 11,5-12).
Cette foule immense va être l'actrice de la grande liturgie céleste,
louange de l'amour, s’exprimant avec une
voix puissante, dans l'adoration,
simple reconnaissance de la vie reçue.
Le salut à notre Dieu, qui siège sur le
trône, ainsi qu’à l’Agneau, ou mieux : le salut "par notre
Dieu et par l'Agneau" ? Car l'adoration n'est pas anéantissement de
soi devant celui dont on tient le salut, l'être et la vie mais, au contraire,
accomplissement total de soi dans la relation d'amour qui fait exister, être et
vivre.
La vie céleste, inimaginable en notre condition terrestre, ne peut
se dire que dans cette image (anthropomorphique) d'adoration,
la
face contre terre de tous les anges qui, reprenant leur propre
septénaire,
-louange, gloire, sagesse, action de grâces, honneur, puissance et
force-, encerclent, embrassent toute la création se joignant à elle
dans la louange éternelle de la Gloire du Dieu-Amour.
Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d'où viennent-ils
?
L'homme, pécheur en Adam (Rm 5,12), a été revêtu d'une tunique de peau,
symbolisée par le vêtement, signe de son "animalité". Il a, par le
péché, perdu sa qualité spirituelle où la nudité était couverte par l'amour
(Gen 3,21). Cette
tunique de peau, le Christ, le Vivant, l’a revêtue lui-même dans son
Incarnation. Agneau immolé, il en a été dépouillé le Vendredi-Saint, retrouvant
symboliquement la nudité originelle de l’amour, pour être revêtu de la robe
sacerdotale. Toute tunique de peau doit être
lavée et blanchie dans le sang de
l’Agneau.
Laver sa robe dans le sang de l'Agneau n'est pas autre chose que
revêtir
le Christ. L'épître aux Galates (2,19 et 3,26-27) l'expose de façon
magistrale : Avec le Christ, je suis
un crucifié, je vis, mais ce n'est plus moi, c'est Christ qui vit en moi...
Oui, vous tous qui avez été baptisés (plongés) en Christ, vous avez revêtu Christ.
Ils viennent de la grande épreuve, de la méta-tentation,
celle de l'agonie du Christ, celle pour laquelle il faut veiller et prier. La
grande tentation de "lâcher le Christ", de ne pas se plonger en son
sang, en son amour. Celle du péché contre l'Esprit-Saint (cf Mt
12,31-32). Celle
contre laquelle on ne peut "tenir" que "par lui, avec lui et en
lui".
Devenue
corps du Christ,
revêtue de la même robe sacerdotale, la foule immense est
conduite aux sources des eaux de
la Vie. Elle retrouve le chemin
de l'arbre de Vie que gardaient
les chérubins et la flamme du glaive
fulgurant.
Ici tout est "consommé". Les décisions de Dieu sont
connues : Victoire de la Vie, victoire de l'Amour. L'ouverture du septième
sceau renvoie au septième jour de la création où Dieu
se reposa de toute l'œuvre qu'il avait faite.
Le silence d'une demi-heure est à la fois l'éternité, que nous retrouvons au chapitre 21, et une pause. La vision va tout reprendre pour nous dire l’accomplissement des décisions de Dieu.
* Pour l'énigme du premier cavalier : J. P. Prévost : Pour lire l'Apocalypse (Ed. du Cerf) p. 126.
’angoisse
et au désespoir, qui selon l’Apocalypse (6,12-17) est un signe ultime et
caractéristique d’un univers errant, la seule réponse est bien l’espérance dans
le salut apporté par le Christ: "Pour libérer l’homme contemporain de sa
peur de lui-même, du monde, des autres, des puissances de ce monde, des
systèmes oppresseurs et de toute frayeur servile face à cette "force
suprême" que le croyant appelle Dieu, il faut simplement lui souhaiter de
porter et de cultiver dans son cœur la véritable "crainte de Dieu"
qui est le début de la sagesse".(Jean Paul II)