eschatologie.free.fr

ACCUEIL    TABLE   SUIVANT

LETTRES AUX ÉGLISES : Introduction

 

L’Eglise n'existe qu'en référence au Christ qui en est la tête. Sans Lui, elle ne serait plus qu'une communauté "humaine", à simple dimension sociale. Ce qu’elle est pour beaucoup !

Le Christ va, nécessairement, purifier son Eglise en la corrigeant comme la tête corrige la marche des pieds, les remettant dans le droit chemin. La correction n'est donc pas autre chose qu'une œuvre d'amour pour que l’Eglise reste ou, mieux, devienne ce qu'elle est : Un royaume de prêtres pour son Dieu et Père. Ne méritons pas l’avertissement de l’Ecriture : "Vous avez oublié l'exhortation qui s'adresse à vous comme à des fils : Mon fils ne méprise pas la correction du Seigneur, ne te décourage pas quand il te reprend, car le Seigneur corrige celui qu'il aime, il châtie tout fils qu'il accueille" (Hb 12,5).

Le dessein du Père, l'œuvre de Dieu, est de faire de tous des fils dans le fils : Il a envoyé son Fils né d'une femme... pour qu'il nous soit donné d'être des fils adoptifs (Gal 4,4-7). Il corrige comme un Père, non pour punir mais pour amender et guérir.

Le Christ, Lui, ne crée pas avec son Eglise une relation filiale mais une relation sponsale, conjugale, dont "l’image" la plus forte est celle de l’union de l’homme et de la femme, comme Paul le rappelle aux Ephésiens : "Maris, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l’Eglise et s'est livré pour elle... Il a voulu se la présenter à lui-même, splendide, sans tache ni ride, ni aucun défaut... Ce mystère est grand : je déclare qu'il concerne le Christ et l’Eglise" (Ep 5,21-33). Un texte qui dépasse de loin le plan 'moralisateur' ! Il est constitutif de la relation qui existe entre le Christ et l’Eglise.

Les lettres aux 7 Eglises (à l’Eglise) sont donc des lettres d'amour de l'époux à son épouse ou, sans doute parce que nous sommes encore dans le temps, à sa fiancée. Elles s’adressent non à une communauté mais à chacun de ses membres, puisque chacun a été fiancé à un époux unique pour être présenté au Christ comme une vierge pure (2 Co 11,2).

Leur seul but : rendre la fiancée sainte et immaculée pour le jour des noces de l’Agneau. Que son épouse soit préparée, qu’il lui soit donné de se vêtir d'un lin resplendissant et pur, car le lin, ce sont les œuvres justes des saints.

Il n'est pas de notre propos de faire une analyse de ce passage des lettres aux Eglises. Il en existe de nombreuses : v.g. celle des cahiers Evangile N° 19 qui le donne comme exemple d'une "structure concentrique". Il s’agit plutôt de voir ce qu'elles nous disent aujourd'hui, de quelles déviances nous devons nous méfier, de quels encouragements nous pouvons avoir besoin.

C’est à nous qu’elles sont adressées, afin que nous puissions nous préparer au jour des noces. Le Seigneur est toujours au milieu des candélabres d’or. Le combat est quotidien mais il ne nous manque aucun don, à nous qui attendons la révélation (Apocalypse) de notre Seigneur Jésus-Christ. C'est lui aussi qui nous affermira (en nous corrigeant) jusqu'à la fin (1 Co 1,7-9).

Quoi que la réflexion du Père Jérôme puisse laisser supposer, le Seigneur ne tient ni le volant de l’Eglise ni le nôtre !

L’instituteur qui corrige une dictée ne fera pas la prochaine à la place de l’élève. Pourtant lorsqu’il corrige, il indique les fautes afin qu’elles ne soient plus refaites. Il faut bien des exercices et des corrections pour arriver à l’accord "correct" des participes !!!

Chacune des lettres aux Eglises recouvre un aspect particulier même si la structure littéraire est commune à toutes :

     - la désignation de celui qui parle - c'est toujours le Christ,

     - la situation concrète de la communauté qui mérite compliments et reproches, s'il y a lieu,

     - les avertissements et les promesses faites au "vainqueur".

Laissés à nos seules forces, nous ne pourrions prendre en compte les corrections, les redressements nécessaires. En effet, personne, parlant sous l’influence de l’Esprit de Dieu, ne dit : "Maudit soit Jésus", et nul ne peut dire "Jésus est Seigneur", si ce n’est par l’Esprit-Saint (1 Co 12,3). Mais le Seigneur, au moment où il annonce son départ à ses disciples, leur promet  de ne pas les laisser orphelins (Jn 14,18). Il a envoyé, d’auprès du Père, l’Esprit-Saint qui doit les conduire à la vérité tout entière (Jn 16). Mais revient toujours la question de Pilate à Jésus : Qu’est-ce que la vérité ? La vérité ? N’est-ce pas revêtir le Christ, être prêt pour le jour des noces de l’Agneau ?

L’Esprit-Saint est donc celui qui va permettre la mise en œuvre des corrections que le Seigneur adresse à son Eglise. C’est pourquoi, sans que cela soit exhaustif ou intangible, on peut attribuer à chacune des 7 Eglises, un des 7 dons du Saint-Esprit.

Une Eglise ainsi corrigée, grâce aux dons de l’Esprit-Saint, ne devrait-elle pas vivre des béatitudes qui, depuis saint Augustin et saint Thomas, leur sont associées ?

Au travers des 7 Eglises, se vit, à la fois, l’unité de l’Eglise, toujours et partout l’épouse du Christ, et la diversité de l’incarnation dans les différentes cultures de l’humanité. L’unité n’est pas plus l’unicité que la nécessaire inculturation n’est le chaos. Le Christ est au centre des 7 candélabres d’or.


LETTRES AUX EGLISES : 2-3

 

L’Eglise d'Ephèse est celle de Jean, celle de la femme, de Marie, si l'on en croit la tradition. Celui qui lui parle tient les 7 étoiles et marche au milieu des 7 candélabres d’or. C’est le Christ : comme le moyeu tient toute la roue en équilibre, Il est le centre de tout. Ephèse est louée pour son discernement - elle ne se laisse pas tromper par les faux apôtres. Le mensonge et les mercenaires peuvent exister au sein de l’Eglise. Le Seigneur nous a avertis que viendraient de faux pasteurs qui pourraient égarer même les élus. Ephèse se tient sur ses gardes, elle ne manque ni d’intelligence ni de constance dans l’épreuve. On aurait l’impression que tout est parfait et pourtant j’ai contre toi que tu as perdu ton amour d’antan. On se laisse user par les combats de la vie et l’on oublie ce qui les motive. Le Seigneur demande à Ephèse de se repentir, de retrouver la ferveur du premier amour et de redécouvrir que, sans l’amour, tout s’écroule. Malgré les apparences de fécondité, il n’y a plus que bruit de cymbales retentissantes !

Pourtant Ephèse se défend contre les Nicolaïtes, ceux qui se laissent aller à leurs opinions personnelles et que le Seigneur déteste. Il faut garder son enseignement dans sa pureté et ne pas laisser se pervertir la doctrine.

Repens-toi : pour avoir accès à l’arbre de vie placé dans le paradis de Dieu, l’Eglise d’Ephèse doit se nourrir de l’Eucharistie dans la communion au Christ livré par amour, en se livrant elle-même à l’amour du Christ.

Sociologiquement cette Eglise est parfaite, mais pour garder son premier rang, elle doit retrouver ce qui fonde tout : l’Amour.

Comment y parvenir si l’Esprit ne donne pas la vraie Sagesse, celle de Dieu qui est folie pour les païens et scandale pour les juifs (1 Co 1,18 ss) ?

Salomon nous a montré la grandeur de la sagesse humaine. Il la demande : Donne à ton serviteur un cœur plein de jugement pour discerner entre le bien et le mal (1 R 3,9). La Sagesse, don de l’Esprit, est d’un autre ordre. Elle est épanouissement de l’amour jusqu’en sa plénitude et brûle tout ce qui n’est pas lui.

N’est-ce pas cette Sagesse qui illumine Thérèse de l’Enfant Jésus, ce génie du 20me siècle, au moment où elle "comprend que l’Amour renferme toutes les vocations, que l’Amour est tout, qu’il embrasse tous les temps et tous les lieux... en un mot, qu’il est Eternel !"

Le fruit du don de Sagesse, c’est de mettre la paix en nous. Bienheureuse paix qui engendre la joie. "Alors, dit Thérèse, dans l’excès de ma joie délirante, je me suis écriée : O Jésus mon amour... ma vocation enfin je l’ai trouvée, ma vocation c’est l’Amour !...".

Vivre de ce premier amour conduit à la paix intérieure et transforme en instrument de paix. L’amour nous unit au Christ, il nous unit aussi aux autres. Il ne fait ni des pacifistes, ni des pacificateurs, ni même des pacifiques. Nos pères dans la foi nous le disent : "Trouve la paix intérieure et tu seras un faiseur de paix".

 

Ainsi parle à l’Eglise de Smyrne le Christ, commencement et fin de toute l'œuvre de Dieu, lui qui, dans son mystère pascal, fut mort et a repris vie. Smyrne n’a, à vues humaines, qu’épreuves, indigence. Ceux qui, à tort, se croient du peuple de l’alliance, se moquent d’elle. Pourtant, aux yeux de Dieu, elle est riche !

Elle se fait un peu secouer. Qu’elle ne se laisse pas tromper par les apparences, mais aborde, sans crainte, les souffrances qui l’attendent pour un peu de temps encore. Qu’elle reste fidèle pour recevoir la couronne de vie. Celui qui la reçoit n’a rien à craindre de la seconde mort. Il est déjà passé de la mort à la vie.

L’Eglise de Smyrne est appelée au témoignage. Pour tenir et avancer plus loin, elle doit fortifier son cœur. Elle a besoin du don de force pour entrer dans la béatitude de ceux qui ont faim et soif de la justice.

Pas plus que la sagesse de Dieu ne détruit la sagesse de l’homme, la justice de Dieu ne détruit celle des hommes, elle n’est pas du même ordre. Etre juste c’est bien être "a-justé" :

                   - Ajusté aux lois des hommes = justice humaine.

                   - Ajusté à la loi de Dieu             = justice divine.

Puisque la loi de Dieu est une loi d’amour, on pourrait penser que la justice de Dieu, celle qui s’ajuste à l’Amour, se confond avec la miséricorde, sommet de l’amour. Miséricorde et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent. Mais la béatitude de ceux qui ont faim et soif de la justice n’est pas celle des miséricordieux !

Si Dieu est Amour, cet amour créateur a établi un certain ordre dans la création, ordre qui doit être respecté. Les causes secondes ont leur rôle à jouer. C’est à l’homme qu’est remis le soin de multiplier, d’emplir la terre et de la soumettre, en lien avec le Créateur mais dans une liberté devant laquelle Dieu est impuissant : "Dieu peut tout sauf obliger un homme à l’aimer".

Le lien rompu par le péché doit être rétabli par l’amour qui est don de soi. Le Christ qui fut mort et a repris vie est notre justice. C’est à la croix que la justice de Dieu a été rétablie. Le Christ invite l’Eglise de Smyrne à entrer dans cette béatitude de faim et soif de la justice en se donnant totalement, avec lui et à travers les causes secondes, à l’amour du Père. Le don de soi, qui est mort à soi-même, enlève toute crainte devant la seconde mort, celle du cœur et non du corps. Il ne s’agit pas de perdre sa vie en la détruisant (suicide), mais de la perdre en la donnant par amour, grâce au don de Force.

Celui qui a des oreilles, qu’il écoute ce que l’Esprit dit aux Eglises.

Thérèse a écouté. Elle l’écrit dans ce poème en l’honneur de Théophane Vénard :

"Heureux Martyr, à l’heure du supplice

Tu savourais le bonheur de souffrir,

Souffrir pour Dieu te semblait un délice.

En souriant, tu sus vivre et mourir...".

 

L’Eglise de Pergame entend celui qui possède l’épée à deux tranchants. C'est l’Eglise de la parole. Elle demeure là où est le trône de Satan. Malgré le péché originel et les épreuves, elle se garde, dans la foi, fidèle à la parole dont elle vit. Eglise de la contemplation, de la pureté théologique. Pourtant le Christ a contre elle quelque grief. Dans cette Eglise, tout n’est pas "pur". En certains, la possession de la parole a engendré l'orgueil du propriétaire. Ils sont tombés dans l'idolâtrie, se sont laissés séduire jusqu'à la prostitution qui n'est rien d'autre que l'infidélité, qualifiée d’adultère dans l’Ecriture.

Il y a une certaine corruption :

                 - dans la pratique du culte              = doctrine de Balaam,

                 - dans l’ordre de l‘enseignement = doctrine des Nicolaïtes.

La parole de Dieu doit être gardée aussi bien dans la liturgie que dans l’enseignement de la doctrine. Elle n’est donnée que pour conduire à l’Amour !

L’Eglise de Pergame doit purifier son cœur grâce au don d’intelligence, se désencombrer de son œuvre, recevoir la Parole de Dieu comme message d’amour et non pas la lire en fonction des modes, des opinions passagères comme le font les Nicolaïtes.

Le vainqueur, celui qui reste fidèle à la parole, reçoit une nourriture qui lui est propre  : nourriture adaptée à chacun. Plus encore, dans la contemplation, il reçoit son caillou blanc, son "roc" personnel, son nom nouveau.

Le don d’intelligence, celui que Jésus a obtenu pour les disciples sans intelligence d’Emmaüs, est donné aux petits à qui sont révélés les mystères du Royaume. Il permet d’atteindre la parole de Dieu non plus de l’extérieur mais de l’intérieur, non plus comme une lettre morte mais comme ‘parole du Vivant’.

Le don d’intelligence fait pénétrer au plus intime de la réalité : atteindre la personne qui parle, par delà la parole dite. Voir Dieu en toutes choses, c’est là la béatitude des cœurs purs, béatitude de celui qui a reçu un nom nouveau qu’il est seul à connaître.

La béatitude des cœurs purs, est celle de ceux qui, ne s’arrêtant pas à l’extérieur des choses, vont au cœur des réalités en y découvrant la présence de Dieu et son amour toujours à l'œuvre, ceux qui, non propriétaires de leurs œuvres, sont désencombrés d’eux-mêmes, et ont toujours soif de se donner totalement à l’exemple de Jésus sur la croix.

La relativité de l'œuvre, qui est pureté du cœur, Thérèse l’a bien comprise et l’exprime à la fin de son Acte d’offrande à l’Amour miséricordieux :

"...Au soir de cette vie, je paraîtrai devant vous les mains vides, car je ne vous demande pas, Seigneur, de compter mes œuvres. Toutes nos justices ont des taches à vos yeux. Je veux donc me revêtir de votre propre Justice et recevoir de votre amour, la possession éternelle de Vous-même. Je ne veux point d’autre Trône et d’autre Couronne que Vous, ô mon Bien-Aimé !..".

 

Si Pergame était plutôt affrontée à la théologie, l’Eglise de Thyatire est une église où prédomine la vie apostolique : l’Action. Celui qui parle, c’est le fils de Dieu avec son regard comme une flamme ardente et son inébranlable stabilité. Amour, foi, dévouement, constance sont tous signes d'une grande efficacité et pourtant efficacité n’est pas à confondre avec fécondité ! Nous retrouvons ici encore le piège de l'idolâtrie : TES œuvres vont sans cesse en se multipliant !

Thyatire est une Eglise généreuse. Encore faut-il qu’elle ne se laisse pas séduire par la fausse prophétie, un enseignement qui induit mes serviteurs à se prostituer en mangeant des viandes immolées aux idoles. On idolâtre ses propres œuvres comme si elles nous faisaient vivre, on veut sauver l’homme par l’homme, on se coupe de la véritable adoration et l’on méconnaît l’avertissement du Seigneur : sans moi vous ne pouvez rien faire. C’est moi qui sonde les reins et les cœurs.

Pour résister à la séduction des fausses doctrines et ne pas se laisser abuser par les "secrets de Satan", il faut vivre du don de science.

Il ne s’agit pas de connaissance scientifique, intellectuelle, fut-elle de théologie ou d’Ecriture Sainte, mais de cette science du cœur qui conduit à la connaissance de la véritable fécondité. La science des saints ne juge pas selon les apparences et ne reste pas à la surface des choses.

Sans le don de science, on ne peut atteindre à la profondeur du Christ et du mystère de la croix.

La Tradition associe ce don à la béatitude des larmes ! Nous découvrons la manière dont l’homme, dans son orgueil et son désir de domination, s’exalte lui-même, comment il construit ses propres idoles et se prosterne devant l’ouvrage de ses mains, comment il s’approprie l'œuvre de Dieu, et nous pleurons.

La vie apostolique n'est féconde que dans la contemplation, l'âme de tout apostolat. L'adoration -tout vient de Lui- purifie l'intention et évite le piège de l'exaltation de soi.

Il faut vivre de la béatitude des larmes. Pleurer sur l'accaparement que nous faisons des dons de Dieu et la recherche de notre propre gloire. "Il n’y a qu’une tristesse, celle de n'être pas des saints" (Léon Bloy).

Qui vit de la béatitude des larmes et du don de science reçoit pouvoir sur les nations pour fracasser ce qui n'est qu'argile -car l'homme est pétri d'argile- pour les mener vers le Royaume avec le même pouvoir que le Christ, le prince des rois de la terre.

Thérèse a vécu de cette béatitude, elle qui pleure devant l’amour méconnu, comme Soeur Marie-Madeleine le rapportera au Procès de canonisation :

"Elle me dit, avec un ton que l’on ne peut rendre : 'Le Bon Dieu n’est pas assez aimé !.. Il est si bon pourtant !.. Ah ! Je voudrais mourir !..' et elle éclata en sanglots. Je la regardai, stupéfaite, me demandant avec quelle créature extraordinaire je me trouvais, ne comprenant pas un amour de Dieu aussi véhément".

 

L’Eglise de Sardes reçoit la correction la plus forte. Aussi le Christ qui parle se présente-t-il comme celui qui possède les Sept Esprits de Dieu -Il est dans la plénitude de l’Amour- et celui qui possède les sept étoiles -toute l’Eglise est dans sa main-. Plus le reproche est fort, plus doit s’affirmer l’autorité qui corrige et l’amour avec lequel la correction est faite, non pour punir mais pour redresser. Il s’adresse à l’ange de l’Eglise qui a charge de veiller sur elle : Tu passes pour vivant, mais tu es mort. Il est possible de donner le change aux hommes. Le Seigneur, lui, sait ce qu’il y a dans le cœur.

Cette Eglise continue sur sa lancée. Le ressort qui fait avancer a été bien remonté, mais le feu de l’amour est éteint. La coquille est belle mais vide. Toutefois, il reste encore un peu de vie défaillante capable d’être ranimée. Pour cela, il faut accueillir de nouveau la Parole comme au premier jour. Il y a encore quelques fidèles perdus au milieu de ceux qui ne croient plus. Ils seront revêtus de blanc, la couleur qui symbolise la pureté.

Il faut retrouver le don de conseil. Il permet de purifier la prudence humaine, de découvrir les chemins par lesquels Dieu veut nous conduire. Il donne le sens des événements où l’amour de Dieu est toujours à l'œuvre. A Sardes, la prudence est trop humaine, on ne vit plus de la foi, on ne lutte plus, on se laisse aller. Associer le don de conseil à la béatitude de la douceur, c’est faire comprendre que la douceur évangélique n’est pas d’être bien avec tout le monde, de vivre sans histoires, de s’adapter... Le don de conseil fera distinguer entre la vraie douceur qui exprime l’amour dans son premier jaillissement et sa subtile caricature dans laquelle on peut tomber en comprenant mal l’expression de Paul : Je me suis fait l’esclave de tous, pour en gagner le plus grand nombre (1 Co 9,19).

La vraie douceur -Je suis doux et humble de cœur- implique l’humilité dans une relation de service. Elle est bien le tout à tous, non dans une démission mais, au contraire, dans cette mission du serviteur, dans une adaptation, appelée maintenant inculturation, à condition que ce ne soit pas, comme à Sardes, une coquille vide, mais une proclamation de la Parole dans le langage universel de l’Amour, sans triomphalisme et sans crainte.

Alors celui qui n’a pas souillé son vêtement sera digne d’escorter l’Agneau de Dieu. Il sera revêtu de blanc, la robe sacerdotale, et se réalisera, pour lui, la parole du Seigneur : Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, à mon tour je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux (Mt 10,32).

Thérèse a vécu cette béatitude de la douceur, que certains ont prise pour de la 'mièvrerie'. Elle est l’apanage des forts pour qui les choses les plus petites deviennent les plus grandes quand elles sont faites par Amour. Elle avait découvert qu’en amour, plus c’est gratuit, plus c’est nécessaire. Comme Jeanne d’Arc, elle allait à son "conseil", puis marchait avec la force des doux. Là, Jésus reconnaît la véritable conduite des vivants.

 

La lettre à l’Eglise de Philadelphie est écrite par le Saint, le Vrai, celui qui détient la clef de David. La Sainteté est vérité. Elle vient du Christ qui gouverne, sauve, pardonne, ouvre et ferme. Comme l’Eglise de Smyrne, celle de Philadelphie est louée pour sa constance, sa fidélité à garder la parole sans renier le nom du Seigneur. Smyrne était invitée à fortifier son cœur en vue des épreuves à venir. Philadelphie, elle, sera gardée à l’heure de l’épreuve qui va fondre sur le monde entier pour éprouver les habitants de la terre. Elle dispose de peu de puissance, sa force est d’être aimée gratuitement. Ainsi la Vierge Marie : Il a regardé la petitesse de sa servante, de celle qui garde sa parole dans son cœur. Elle a été aimée, comblée de grâces et a répondu totalement à cet amour, trouvant sa force dans cet amour vécu dans la foi. Elle est revêtue de la gloire de Dieu, en raison même de cette petitesse qui n'est qu'ouverture à l'autre qui la fait être... en l'aimant.

Il n'y a aucun reproche, seulement une invitation à la vigilance pour ne pas se laisser ravir sa couronne. Ne pas oublier l’avertissement de Pierre : votre adversaire, le démon, comme un lion rugissant, va et vient, à la recherche de sa proie (1 P 5,8).

Etre vigilant, c’est vivre du don de piété : il nous met dans une relation filiale avec Dieu en nous gardant dans la fidélité. Il nous fait entrer dans l’adoration, cette attitude du cœur qui reconnaît, en esprit et en vérité, que, sans celui que j’adore je n’existerais pas : "Sans Toi, je ne suis rien".

Le vainqueur, je le ferai colonne dans le temple de mon Dieu, il n’en sortira plus... je graverai sur lui le nom nouveau que je porte. Celui-là vivra de la béatitude des miséricordieux, ou plutôt de la béatitude des "miséricordiés", puisque cette béatitude est la seule qui revient sur elle-même. L’Eglise de Philadelphie vit de l’amour miséricordieux du Seigneur qui forcera ceux de la synagogue de Satan à reconnaître qu’Il l’a aimée.

La condition nécessaire pour vivre de cette béatitude, pour exercer le don de piété, est de se savoir pardonné en reconnaissant que l’on est pécheur. C’est à ce moment-là que l’on peut, à son tour, entrer dans la joie de la miséricorde en prenant en son cœur la misère de l’autre, comme et avec l’Agneau de Dieu qui porte le péché du monde.

Ecoutons encore Thérèse dans ses derniers entretiens :

"On pourrait croire que c’est parce que je n’ai pas péché que j’ai une confiance si grande dans le bon Dieu. Dites bien, ma Mère, que, si j’avais commis tous les crimes possibles, j’aurais toujours la même confiance, je sens que toute cette multitude d’offenses serait comme une goutte d’eau jetée dans un brasier ardent. Vous raconterez ensuite l’histoire de la pécheresse convertie qui est morte d’amour, les âmes comprendront tout de suite, car c’est un exemple si frappant de ce que je voudrais dire, mais ces choses ne peuvent s’exprimer".

 

Enfin la caricature de l'amour nous est donnée dans la lettre à l'ange de l’Eglise de Laodicée. Cette lettre est écrite, comme les autres, par le Christ. Ici, Il se présente dans le fondamental de sa mission. Il est l’Amen, l'acquiescement, à la fois commencement et fin de toute l'œuvre d’amour de Dieu pour sa création, cet amour dont il est le Témoin fidèle, lorsque l’heure est venue de passer du monde au Père, dans le don total de lui-même. C’est le Crucifié qui sera, éternellement, l’Agneau immolé, vivant. Cœur transpercé d’amour "qui a tant aimé le monde et n’en reçoit qu’indifférence !".

Plus qu’Ephèse, dont on connaît la conduite, la constance et les fatigues, Laodicée a besoin d’être éclairée. Tu t’imagines : me voilà riche, je ne manque de rien ; mais tu ne le vois pas : c’est toi qui es malheureux, pitoyable, aveugle et nu. C’est l’illusion complète, l’hibernation au lieu du feu de l'amour. On vit dans le rêve, aveuglé par ce qui brille, et l’on oublie la seule richesse : l’amour donné, reçu, échangé, rendu. Ephèse a perdu son amour d’antan, Laodicée croit l’avoir gardé. Seule reste la tiédeur... le Seigneur ne peut que la vomir de sa bouche.

Mais, riche en miséricorde, il se tient à la porte et il frappe. La promesse au vainqueur d’Ephèse était celle de manger de l’arbre de vie placé dans le Paradis de Dieu. La promesse au vainqueur de Laodicée est d’une plus grande intimité. Elle est celle, non seulement de prendre place avec moi sur mon trône, mais de souper moi près de lui et lui près de moi. Dommage que le terme de "co-pain" ait pris une connotation de familiarité. Il dit bien, dans son étymologie, le sens de cet intime compagnonnage ! Allons un peu d’ardeur, et repens-toi !

L’Eglise d’Ephèse, celle de Jean, la première, vit, grâce au don de sagesse, la béatitude des pacifiques. C’est la plus grande des béatitudes. Celui qui l’atteint est appelé fils de Dieu. L’Eglise de Laodicée, caricature de l’amour, la dernière, devrait vivre du don de crainte, et entrer dans la Béatitude des pauvres en esprit, porte d’entrée dans le Royaume de Dieu.

Il est vrai, et Saint Jean l’affirme, il n’y a pas de crainte dans l’amour, au contraire, le parfait amour bannit la crainte (1 Jn 4,18). Cependant, la crainte du Seigneur est chaste, elle demeure dans les siècles des siècles (Ps 18,10). C’est que le don de crainte est celui qui révèle l’exigence de l’amour. Plus que du respect, c’est la crainte de ne pas répondre à l’amour de Dieu d’une façon parfaite. Cette crainte qui lui manque tant, permettrait à Laodicée, riche de sa suffisance, de vivre dans la béatitude des pauvres, de creuser en elle le désir de l’Autre sans lequel on ne peut vivre. "J’ai soif !" dit Jésus, le vrai pauvre. Pour lui, il ne s’agit pas d’un désir de l’amour du Père, mais bien du désir de l’amour des hommes.

Thérèse a tellement vécu cette béatitude, qu’elle est comblée et donc sans désir, comme sans crainte : "Maintenant, je n’ai plus aucun désir, si ce n’est d’aimer Jésus à la folie... Je ne désire pas non plus la souffrance ni la mort et cependant je les aime toutes les deux, mais c’est l’amour seul qui m’attire".

Laodicée a bien besoin d’or purifié au feu, d’habits blancs et de collyre pour arriver à une telle béatitude.

 

Celui qui a des oreilles, qu’il écoute ce que l’Esprit dit aux Eglises

 

C’est le Christ qui parle à chaque Eglise. C’est l’Esprit que doit écouter chaque Eglise. L’Apocalypse nous rappelle que nous ne pouvons ni opposer le Christ à l’Esprit, ni séparer la Parole et le Souffle.

Les lettres aux Eglises disent à la fois :

        - le regard du Christ sur l’Eglise qui lui est totalement relative : Il a quitté le Père pour s'attacher à son épouse et ne faire avec elle qu'une seule chair.

    - le gouvernement de Dieu, qui n'est qu'amour, pour ramener à l'unité tous ses enfants dispersés et tout remettre dans la paix, "la tranquillité dans l'ordre", qui nous viendra avec la ville de la paix, la Jérusalem d'en haut.

    - une Eglise "en marche".

A travers ces lettres, le Christ, qui nous aime et nous a lavés de nos péchés par son sang, corrige, rectifie son Eglise, qui est son corps, l'amenant à vivre les béatitudes grâce aux dons de l'Esprit. Lettres aux Eglises, dons de l’Esprit, béatitudes, ne peuvent être dissociés. C’est l’incessante sollicitude du Bon Pasteur qui veut conduire toute la création vers sa finalité bienheureuse. Que tous soient "bienheureux".

Il est une 8me béatitude qui nous est proposée : Heureux êtes-vous lorsque l'on vous insulte, que l'on vous persécute, et que l'on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de moi. Soyez dans la joie et l'allégresse... Béatitude qui est celle des saints conduits à la joie parfaite. C’est le témoignage de tous les martyrs, uni à celui du Témoin Fidèle.

La vie chrétienne est un "combat". Il continue celui même du Christ. Nous en sommes avertis. Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï le premier (Jn 15,18). Mais ce combat conduit à la victoire. En ce monde vous faites l'expérience de l'adversité, mais soyez pleins d'assurance, j'ai vaincu le monde (Jn 16,33).

L'Apocalypse va nous dire que ce combat, s'il est inévitable, est déjà "gagné".

L’Eglise, communauté de ceux qui, rassemblés et "corrigés" par le Christ, vivent de Foi, d'Espérance et de Charité, sera donc le signe réel de la réelle présence du Christ qui fonde l'Espérance, certitude de la Victoire déjà acquise.

Le concile Vatican II, dans sa constitution Lumen Gentium, nous redit que l’Eglise, qui n’est pas du monde mais qui est dans le monde, est "dans le Christ, en quelque sorte, le sacrement, c'est à dire à la fois le signe et le moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain."

Cette première vision du Christ, dans la gloire de son sacerdoce, Christ toujours présent au milieu de son Eglise, va permettre à celle-ci, même s’il lui faut, pour encore un peu de temps, durer dans la foi, d’entrer, sereinement, dans les visions "apocalyptiques" du monde dans lequel elle doit vivre.

ACCUEIL    TABLE    SUIVANT