Abbé Charles Sauteur, aumônier le l’hôpital de Cluny

(1910-2005)

 

 

L’ENFER ET LE PURGATOIRE

2ème édition, 1993

Complétée en 2008, http://eschatologie.free.fr

 

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Nihil Obstat : Paul TOINET, Censeur

Imprimatur : Bernard Lambey, vicaire général, Autun le 1er octobre 1985

 

 

 

1.- INTRODUCTION. LA FOI CATHOLIQUE_ 2

2.- LA SOUFFRANCE : OBJECTIONS D'UN INCRÉDULE. INQUIÉTUDE D'UNE CROYANTE   4

3.- PROGRÈS POSSIBLE ET NÉCESSAIRE DANS LA COMPRÉHENSION DES DOGMES  5

4.- LE PURGATOIRE_ 8

5.- L'ENFER. LES DAMNÉS NE SONT PAS DES REPENTIS_ 10

6.- MENTALITE DES DAMNES_ 11

7.- LE FEU ET L'ENFER. OU LE MALHEUR DES DAMNÉS. 13

8.- PEUT-ON ETRE HEUREUX AU CIEL EN SACHANT QUE D'AUTRES SOUFFRENT EN ENFER ? UNE HISTOIRE ÉCLAIRANTE_ 14

9.- LES LEÇONS DE CETTE HISTOIRE. COMPARONS LA SITUATION DE "MARIE-LA-FIERTÉ" AVEC CELLE DES DAMNÉS_ 16

Naturellement, il y a des différences. 16

Et maintenant, les ressemblances. 17

10.- DIEU EST-IL PUNISSABLE D’AVOIR CREE ?_ 18

11.- PREDESTINATION. NOMBRE DES DAMNES_ 19

Première question : La prédestination_ 19

Deuxième question : Le grand nombre des damnés 19

12.- LA LIBERTÉ APRÈS LA MORT, LE JUGEMENT PARTICULIER. JUSTICE ET MISÉRICORDE. 20

13.- QUI VA EN ENFER ? QUI RISQUE D’Y ALLER ?_ 23

14.-  SAINT PIERRE, JUDAS, ET LES OR  GUEILLEUX FIEFFÉS_ 25

15.- CONCLUSION GÉNÉRALE. CONSEILS DE VIE CHRÉTIENNE_ 27

16.- COMPLEMENT : REPONSES A DES OBJECTIONS A LA PREMIERE EDITION_ 29

Objection 1 : Morale de la crainte et morale de l'amour ; le nombre des damnés. 29

Objection 2 : A un prêtre au sujet des peines corporelles de l’enfer_ 30

Objection 3 : A des moines théologiens au sujet de l’hypothèse d’une conversion après la mort  31

Objection 4 : De ces mêmes moines : S’il y a conversion après la mort, à quoi bon se convertir ici-bas ?   33

Objection 5 : De ces mêmes moines : S’il y a conversion après la mort, qu’en est-il du dogme qui dit l’inverse ?   34

Objection 6 : De moi-même : S’il y a conversion après la mort, pourquoi annoncer l’Evangile ?   35

17.- NOTE FINALE AJOUTEE EN 1993 : L’identité de mon paroissien incrédule 35

 

1.- INTRODUCTION. LA FOI CATHOLIQUE

Dans une première brochure intitulée « Le Problème du mal et de la souffrance à la lumière du Dieu-Amour », j'ai parlé de la souffrance dans notre monde terrestre, et essayé de montrer que la croyance en un Dieu Bon n'est pas inconciliable avec ce problème du mal et des souffrances injustes d'ici-bas.

Mais après la mort, a-t-on vraiment « fini de souffrir », comme on dit souvent auprès d'un défunt ? L'Église Catholique parle d'un purgatoire rigoureux, et même d'un enfer éternel pour les méchants non repentis. Est-ce raisonnable d'y croire, et en quel sens ? Voilà un problème qui mérite réflexion.

Jadis, les prédicateurs et les écrivains catholiques ont beaucoup parlé de l'enfer et du purgatoire, pour impressionner les files, leur faire peur, et par ce moyen les inciter à mieux pratiquer la morale chrétienne présentée alors comme pointilleuse et sévère. Ils en ont fait parfois des descriptions et des commentaires effrayants. Il ne faut pas prendre "tout" ce qu'ils ont pu dire comme vérité de foi obligatoire, car leur imagination ou leurs idées personnelles ont pu les entrner à des exagérations, des inexactitudes, ou à des erreurs partielles d'interptation. On peut en discuter, on n'est pas obligé d'être de leur avis en tout.

Actuellement, c'est l'excès contraire. On ne parle plus guère du purgatoire, encore moins de l'enfer, et certains même doutent de son existence, ou la nient carrément.

Ce qui nous intéresse ici, c'est ce qu'en dit l'Église officielle. Or les documents officiels de l'Église à ce sujet sont peu nombreux, et plus sobres, plus discrets.

En voici quelques-uns.

En 543, le Synode de Constantinople affirme que l'enfer est éternel. En 1215, le Concile de Latran dit ceci: « Tous ressusciteront avec leur propre corps pour recevoir, selon que leurs œuvres auront été bonnes ou mauvaises, les uns un châtiment éternel avec le diable, les autres une gloire éternelle avec le Christ. » En 1254, le Pape Innocent IV écrit à l'évêque de Tusculum une lettre dans laquelle je relève cette phrase: « Si quelqu'un meurt sans repentir en état de péché mortel, il ne fait pas de doute qu'il est tourmenté pour toujours par les feux de l'enfer éternel. »

La foi, de l'église s'appuie sur les Saintes écritures, et tout spécialement sur l'évangile. Or l'évangile est clair sur l'idée essentielle, sinon sur les détails. Dans la parabole du jugement dernier, le Christ affirme que ceux qui, à force d'égoïsme, se sont rendus incapables d'aimer les autres, iront au feu éternel. Ne pourront pas être pardonnés non plus les orgueilleux qui pèchent « contre l'Esprit-Saint », c'est-à-dire ceux qui, par orgueil, refusent de reconnaître la vérité, refusent de reconnaître leurs erreurs et leurs torts. Dans la parabole du mauvais riche et du pauvre Lazare, sus montre le mauvais riche, après sa mort, dans un lieu de tourment dont on ne peut pas sortir. Quel est cet "ame infranchissable" qui pare le ciel et l'enfer ? Jésus ne le précise pas, mais ce doit être l'abîme de l'égoïsme et de l'orgueil, puisque la grande loi du Christ, celle du ciel et de ceux qui veulent y aller, c'est l'amour dans l'humilité (et l'humilité, c'est la reconnaissance de la vérité).

sus se contente de nous affirmer l’idée essentielle : à nous de chercher à comprendre le pourquoi et le comment.

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Quant au purgatoire, l’évangile n’en dit rien, du moins directement. Le Christ affirme nettement les solutions définitives de la destinée humaine : le ciel et l’enfer. Le purgatoire n’étant qu’une étape provisoire et temporaire, Jésus laisse à notre intelligence le soin de la deviner et d’en comprendre la raison.

Cependant Saint Paul semble bien parler du purgatoire dans le passage suivant de sa première lettre aux Corinthiens (chap. 3, versets 9-15) : « Nous travaillons ensemble à luvre de Dieu et vous êtes... la maison qu'il construit.... Que chacun prenne garde à la manière dont il bâtit (sur le fondement qui est Jésus-Christ). Que l'on bâtisse sur ce fondement avec de l'or, de l'argent, des pierres précieuses ou avec du bois, du foin, de la paille, l'œuvre de chacun sera mise en évidence, Le jour du jugement la fera connaître, car il se manifeste par le feu, et le feu prouvera ce que vaut l'œuvre de chacun. Celui dont la construction subsistera recevra une récompense. Celui dont l'œuvre sera consumée en sera privé; lui-même sera sauvé, mais comme à travers le feu. »

En 1254, le Pape Innocent IV, dans sa lettre à l'évêque de Tusculum, rappelle le passage ci-dessus de Saint Paul et parle des Grecs qui refusaient le mot "purgatoire" en tant que "lieu de purification" ; ils admettaient bien un "temps de purification" après la mort pour les âmes imparfaites, mais disaient qu'il n'y a pas de lieu spécial pour cela.

En 1274, la Profession de foi dite de Michel Paléologue dit ceci: « Les âmes imparfaites sont purifiées après la mort par des peines purgatoires et purifiantes. »

En 1439, le Concile de Florence, dans un décret pour les Grecs, affirme : « Ceux qui meurent dans l'Amour de Dieu sans avoir suffisamment réparé leurs péchés ou négligences sont purifiés après leur mort par des peines purgatoires. »

En 1563, le Concile de Trente "prescrit aux évêques d'apporter tous leurs soins à ce que la saine doctrine du purgatoire... soit crue par les fidèles, enseignée et prêchée en tout lieu" en évitant les idées douteuses ou teintée d'erreur.

Ainsi, sans en faire une vérité de foi définie comme obligatoire, l'Église croit fermement au purgatoire. Elle a toujours fait prier pour les morts, ce qui suppose la croyance en une purification nécessaire des âmes imparfaites avant d’entrer au ciel. Pour ne citer qu’un exemple, l’une des prières de la liturgie actuelle des défunts dit ceci: « Délivre ton serviteur N. … de tout ce qui peut le retenir loin de Toi, et fais-lui le bonheur de tes amis les saints. »

Remarquons tout de suite que « le feu » du purgatoire, comme « le feu » de l’enfer ne sont pas à comprendre au sens matériel, mais sont des comparaisons, comme lorsque Jésus dit : « Je suis la lumière du monde » ou « Je suis la vigne et vous les sarments », ou encore « Je suis le bon pasteur », et lorsqu’il dit à Saint Pierre: « Tu es Pierre el sur cette pierre je bâtirai mon Eglise. »

Les citations ci-dessus de l'Église officielle suffiront. Je n'ai pas l'intention de faire un traité savant, rempli de citations de théologiens, et qui rebuterait les simples chtiens. Mon intention est de répondre aux objections des incroyants ou des mal-croyants, et aux questions que se posent les chrétiens ordinaires; et cela en expliquant en langage simple comment je comprends moi-même les choses après avoir réfléchi personnellement à ces problèmes. Je m'adresse donc spécialement aux chrétiens de la base, étant moi-même un prêtre de la base qui veut être fidèle à la foi authentique, mais qui veut une foi réfléchie et raisonnable, car il ne doit pas y avoir de contradiction irréductible entre les vérités révées par Dieu et la saine raison créée par Dieu.

Excusez le style personnel de mon texte: il exprime mes propres réflexions ou convictions, forgées peu à peu tout au long de ma vie. Cependant, j'ai consulté quelques théologiens plus savants que moi, qui semblent d'accord dans l'ensemble avec mon point de vue et qui m'encouragent à publier cet essai.

J'exposerai d'abord les objections d'un baptisé devenu incrédule, et même révolté contre la religion chrétienne, à cause du problème du mal et de l'enfer; et la réflexion découragée d'une croyante restée fidèle, mais perpétuellement inquiète sur son salut éternel et celui des siens.

Et puis je donnerai ma réponse, ma pensée personnelle, appuyée sur l'esprit évanlique d'un Dieu qui nous aime et qui s'est dévoué pour nous jusqu'au sacrifice de la croix. Il tient à nous sauver, et non pas à nous condamner !

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2.- LA SOUFFRANCE : OBJECTIONS D'UN INCRÉDULE. INQUIÉTUDE D'UNE CROYANTE

Ces objections sont condensées dans une lettre que je vais citer. Elle fut écrite il y a une trentaine d'année par un de mes paroissiens d'alors. Désolé d'avoir perdu sa femme encore bien jeune, il entreprit de mieux étudier la doctrine chtienne pour savoir si l'on peut être sûr de retrouver dans l'au-delà ceux qu'on a aimés ici-bas. Il a donc lu des livres d'instruction religieuse du but de notre siècle, et le résultat fut désastreux pour lui: il en perdit la foi chrétienne, sinon la foi en un Dieu inconnu et mystérieux.

J'avais discuté avec lui, à son domicile, sur les questions religieuses qui le bloquaient ; et il m'a envoyé une longue lettre, que j'ai conservée, et dont voici les pas sages qui nous intéressent dans cette étude de l'enfer... etc.

« Réfléchissez longuement, longuement, à toutes les choses hideuses qui se passent dans le monde: massacres, cruautés, tortures, crimes, invasions, pillages, vols, misères, famines, oppressions, esclavage, souffrances, injustices, immoralités, hypocrisies, mensonges, veuleries, etc. etc. sans compter la souffrance et le mas sacre perpétuels qui sévissent chez les animaux.

« Essayez de soutenir que tout ce mal vient de l'homme seul ! Non ! Tout vient de Dieu, et ne peut venir que de Dieu... Dieu savait, en créant l'humanité, qu'il créait aussi le mal !

« Et il y a plus grave, si possible, que tout cela: Dieu, en créant, savait qu'un grand nombre de ses créatures étaient, non pas destinées au bonheur du ciel, mais au supplice éternel de l'enfer. Et ces êtres, damnés d'avance, et qui n'avaient pas demandé à être créés ou éprouvés, Dieu les a créés quand même!

« Et je vous demande quel est le plus punissable: d'un Dieu qui crée, sachant que la créature qu'il crée fera le mal et est destinée à l'enfer, ou de la créature qui n'a rien demandé? "...

Ce paroissien incrédule m'avait dit oralement: « Pourquoi une punition éternelle ? Toute punition doit finir un jour! Sinon, c'est inhumain. » Et puis: « Comment peut-on être heureux au ciel en sachant que des êtres semblables à nous souffrent horriblement en enfer et sans rien faire pour mettre fin à leurs souffrances ? Dieu, et les élus, ont-ils donc un cœur insensible à la souffrance d'autrui? N'est-ce pas monstrueux? »

Dans la suite de sa lettre, mon paroissien dit qu'il ne peut pas croire à la sincérité des prédicateurs et théologiens qui enseignent ce dogme de l'enfer; et qui donnent, du mal dans le monde, une explication pas du tout satisfaisante; pour justifier leurs croyances, « ils semblent se satisfaire de pseudo-démonstrations bonnes pour des enfants de dix ans ! »... Au fond, pense-t-il, ils ne doivent pas y croire vraiment, mais ils sont" oblis d'accepter le dogme en entier et tel qu'il est, sans pouvoir le modifier, ni choisir ce qui est bon et rejeter l'ignoble. »... En conclusion de quoi il écrit: « Quelle est la valeur d'une religion dont les apôtres sont obligés de tricher (avec leur conscience) pour la défendre ? Lorsque je commençais à étudier ces choses, j'étais tellement attristé devant ces constatations que j'en ai pleuré, non pas au figuré, mais en réalité. Pour moi, cela impliquait que la religion que j'étudiais était fausse ! »

Cet homme donc rejette la foi chrétienne. D'autres sont restés croyants, mais éprouvent un malaise devant la doctrine chrétienne, ou plutôt devant la façon dont elle leur a été expliquée. Telle cette dame d'une soixantaine d'années (une de mes tantes que je visitais en Suisse pour la première fois en 1951). Je lui demandais ce qu'elle avait retenu comme impression d'ensemble ou comme conclusion générale de l'éducation rigoriste qu'elle avait reçue. Elle me répondit: « La conclusion, la voici: on aura beau dire, on aura beau faire, il y aura toujours moyen d'aller en enfer! »... Que c'est dommage de passer toute sa vie dans cette perspective désolante et décourageante, cette inquiétude permanente, cette idée d'un Dieu justicier et impitoyable qui nous épie pour nous prendre en flagrant délit, et pour nous prendre au piège s'il nous arrive de mourir sans avoir pu nous confesser pour recevoir le pardon!... Voir partout des péchés "mortels" - alors qu'en fait il n'y en a pas tant que cela - et vivre dans la crainte d'être damné malgré la bonne volonté qu'on met à pratiquer cette morale rigoriste, que c'est dommage! Il faut absolument corriger ces idées, car le Christ nous donne de Dieu un autre visage! Il nous inspire la confiance et non la crainte, sauf à ceux qui sont de mauvaise foi et de mauvaise volonté.

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La crainte exagérée de l'enfer n'est pas seulement une histoire du passé, une crainte dépassée. Maintenant encore, parmi les malades et les vieillards dont je m'occupe, j'en trouve - pas chez les indifférents, mais chez les bons chrétiens - qui s'inquiètent et qui ont peur d'aller en enfer. Et il me faut les rassurer.

Et puis même sans partager la révolte de mon paroissien incrédule, il y a bien des gens qui se posent des questions semblables. N'est-il pas utile de les aider à réfléchir sainement ?

Devant le réquisitoire indigné de ce paroissien qui refuse de croire à une " religion de l'enfer », et qui par ailleurs est un honnête homme, je me suis dit : « Comment a-t-on pu enseigner ou expliquer la religion de façon à donner à des âmes, qui au fond sont de bonne volonté, de tels sentiments de révolte et de rejet ? »

... Que peut-on lui répondre ? Que faut-il penser ?

Faut-il en conclure que nos dogmes sont faux ?... ou bien qu'ils sont mal compris ?... Pensant que cette dernière hypothèse doit être la bonne - car nous avons tout de même des raisons rieuses de croire au Christ et à sa religion - j'ai cherché à comprendre autrement les vérités contenues dans ces dogmes, sans pour autant démolir le dogme lui-même en sa rité foncière.

Je n'ai pas pu continuer mes discussions avec mon paroissien incrédule, parce que j'ai dû laisser cette paroisse pour en prendre une autre. De plus, en ce temps-là, ma pensée n'était pas re, et j'étais embarrassé pour répondre de façon satisfaisante à ce chercheur de rité terriblement exigeant.

Au cours de ma vie, ma pensée a mûri, ma foi s'est précisée, et c'est normal.

Dieu veut que chaque individu progresse, et que l'humanité dans son ensemble progresse, non seulement dans les techniques et l'organisation matérielle, mais aussi dans la connaissance et la compréhension des vérités religieuses.

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3.- PROGRÈS POSSIBLE ET NÉCESSAIRE DANS LA COMPRÉHENSION DES DOGMES

Il y a progrès entre l'Ancien et le Nouveau Testament. Et même après Jésus Christ, Dieu veut que notre intelligence fonctionne !... Jésus ne nous a pas fourni un traité complet en ses moindres détails et aux formules intangibles : il nous a donné les éléments nécessaires à notre foi, et il compte sur notre effort personnel et collectif, en Église, pour organiser les éléments de sa révélation, et les compléter en explicitant ce qui est contenu implicitement dans ses paroles ou ses actes. Au lieu de nous donner une vérité toute faite, complète et détaillée, qui n'au­rait nul besoin d'être repensée, réfléchie, précisée, il préfère nous laisser le mérite de chercher et de parvenir peu à peu à « la vérité toute entière », avec l'aide de l'Esprit-Saint dont la lumière est promise aux âmes humbles et de bonne volonté.

D'abord, il s'agit de bien comprendre, d'après leur contexte, certains mots bibliques, parce que leur sens n'est pas tout à fait le même que dans notre langage d'aujourd'hui. Par exemple "la crainte de Dieu" - expression souvent utilisée dans la Bible - ne signifie pas la peur (la frousse), mais simplement le "respect" de Dieu,... et de ses commandements,... respect et fidélité mêlés d'amour et de confiance. C'est dans ce sens que l'Évangile qualifie le vieillard Siméon d'"homme juste et craignant Dieu". Ajoutons que "juste", dans la Bible, signifie juste envers Dieu, et pas seulement envers les hommes, donc juste totalement, saint.

Non seulement des mots sont à expliquer, mais aussi des idées progressent. En ce qui concerne l'au-delà, la Bible a d'abord des notions bien confuses. On supposait une survie mystérieuse après la mort; et le séjour des morts, on l'appelait en hébreu "le shéol " ; ce mot fut traduit en latin par "inferi", les lieux "inférieurs", ce qui a donné en français "les enfers", mot général au sens encore vague. On ne savait pas bien alors ce qui se passait dans ce séjour des morts; on ne distinguait pas encore nettement ce qu'on a appelé depuis l'Enfer (au singulier), le Purgatoire, le ciel,... ou les Limbes (au sujet desquelles l'Église officielle ne s'est pas encore prononcée nettement jusqu'ici, n'a pas défini ce qu'on peut croire ou ce qu’on doit croire).

Le Christ nous a donné son éclairage à lui sur le Ciel et l'enfer, marquant clairement la différence entre le sort éternel des bons et celui des méchants. Mais nous pouvons progresser encore dans la connaissance de l'au-delà, en devinant ce qu'il a simplement laissé supposer, ou seulement suggéré, et en comprenant en langage d'amour ce qu'il a exprimé en langage de justice.

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Car autrefois, l'idée dominante était la justice (répressive) plus que la bonté miséricordieuse; l'autorité d'un côté et l'obéissance de l'autre, avec sanctions impoes: récompense ou punition (châtiment imposé avec suppression de la liberté). Ainsi l'Ancien Testament, tout en affirmant que Dieu est bon et miséricordieux, parle beaucoup de justice punitive pour les méchants et les infidèles. Le Christ qui s'est dévoué jusqu'à la mort sur la croix pour convertir les pécheurs et les sauver au lieu de les condamner, nous montre que, pour lui, l'amour miséricordieux domine et dépasse la justice (sans la supprimer). Cependant lui-même, et l'Église jusqu'ici, ont souvent utiliun langage de justice pour être compris dans la mentalité de leur époque, et pour impressionner les gens qui ne comprennent pas les sanctions autrement qu'en termes de justice punitive ou rémunératrice. Mais il peut y avoir évolution dans ce langage, maintenant que les esprits sont plus affinés, plus pointilleux sur la liberté et sur les droits de l'homme (en oubliant les droits de Dieu !...).

Il est temps qu'on fasse un progrès dans la compréhension des vérités révélées et qu'on les considère davantage sous l'angle de l'amour, même lorsqu'il s'agit de la justice de Dieu. 8t Jean n'a pas dit" Dieu est Justice", mais "Dieu est Amour" : un amour qui inclut la justice, qui la rend plus juste, et qui la déborde de toutes parts. Allons-nous enfin comprendre ? "Que vous êtes lents à comprendre !" disait Jésus aux disciples d'Emmaüs,... et aussi à nous!

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Est-on vraiment" obligé d'accepter le dogme tel qu'il est", sans possibilité de discussion,... comme dit mon paroissien incrédule? Ce n'est pas tout à fait cela. Pour le chrétien, la règle suprême de la vérité, c'est la pensée du Christ, et l'Église doit s'y conformer. Elle a reçu mission de Jésus lui-même d'enseigner" sa "vérité, et de la développer avec l'assistance du Saint-Esprit. Elle le fait de son mieux, avec des imperfections bien humaines (qu'il est difficile d'éviter) et d'une façon progressive, avec parfois des tâtonnements, et même des rectifications. Les formules dogmatiques de l'Église contiennent certainement une vérité, une idée essentielle qu'il faut conserver, mais la formulation peut n'être pas parfaite en tout point, ou inadaptée au langage actuel, ou avoir besoin d'être complétée par d'autres déclarations. Voilà pourquoi on peut toujours chercher à mieux comprendre, à mieux expliquer, parfois à améliorer les formules doctrinales pour les rendre plus satisfaisantes, plus claires, plus précises, et en même temps plus conformes à l'esprit du Christ, à "sa" vérité, à sa grande loi d'amour et de liberté, Par exemple le mot "expiation" - qui pour nous signifie punition infligée plus que réparation volontaire - est à expliquer ou à réviser. Au lieu de dire que le Christ est venu « expier pour nous », à notre place, ne serait-il pas plus juste de dire qu'il est venu « réparer les dégâts, avec nous » et pas sans nous. Quels dégâts ? Ceux causés par le péché, à savoir:

1 - l'honneur de Dieu outragé;

2 - les injustices et manques d'amour envers le prochain;

3 - l'âme même du pécheur abîmée: abîmée par l'orgueil, l'égoïsme, la méchanceté, etc.

Ce qui est appelé" punition" ou " châtiment" de la part de Dieu sur terre ou en purgatoire, pourquoi ne pas le considérer comme une " sanction éducative », une "correction paternelle », et remplacer le proverbe biblique " Qui aime bien châtie bien" par " qui aime bien corrige bien », pour le bien de celui qui est corrigé ?... Quant au" châtiment éternel" de l'enfer, soi-disant imposé de force à des âmes récalcitrantes, ne peut-on pas l'appeler plus justement une" sanction naturel le », une conséquence naturelle inévitable d'un libre choix malheureux et définitif, sans aucune idée ou besoin de vengeance de la part d'un Dieu qui n'est qu'Amour ?

Vous voyez qu'il y a matière à discussion dans ces dogmes sans porter atteinte à leur vérité fondamentale, contenue dans des mots ou des expressions qui peuvent être modifiés pour être mieux compris.

Voilà déjà une réponse au reproche que nous faisait mon paroissien incrédule: « Le malheur est que vous êtes obligés d'accepter le dogme tel qu'il est », sans aucune possibilité de discussion ou de modifications ! Je répondrai: « tel qu'il est dans sa vérité fondamentale, oui, mais pas forcément tel qu'il est formulé ou expliqué. »

Et maintenant, je vais essayer de répondre à ses autres objections, après avoir répondu dans ma première brochure à celles qui concernent le mal et la souffrance dans le monde actuel. Je lui ai communiqué cette brochure, et aussi le brouillon de celle-ci, en lui demandant la permission de faire allusion à lui, et à sa cousine dont vous verrez bientôt la curieuse histoire.

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Mon paroissien, chercheur de vérité exigeant, - avec ceux qui pensent plus ou moins comme lui - mérite une explication plus satisfaisante que celle qu'il a trouvée dans ses livres. Car au fond, c'est une âme de bonne volonté: il voudrait que personne ne souffre, que tout le monde soit heureux; il a des sentiments de compassion pour les malheureux et d'indulgence pour les coupables en refusant l'idée d'une punition éternelle; il a un vif désir de justice, de bonté universelle, de charité fraternelle. Voilà des sentiments qui plaisent à Dieu et qui sont méri­toires. Jésus a dit : « Bienheureux les doux, les miséricordieux !... Bienheureux ceux qui ont faim et soif de la justice: ils seront rassasiés! »

Et puis j'admire sa conclusion personnelle: « il espère contre toute espérance en un Dieu qui saura concilier sa bonté avec les injustices et les immoralités de sa création. » Et il ajoute: « Là est pour moi le seul mysre. Il dépasse les limites de ma seule raison, mais il me sera expliqué un jour. » Ainsi donc, il a assez d'humilité pour reconnaître que sa raison a des limites et ne peut pas tout expliquer. Justement Dieu veut que nous ayons cette humilité, et que nous ayons le mérite difficile de lui faire confiance sans toujours comprendre sa conduite déroutante. Enfin, mon paroissien croit que" ce mystère lui sera expliqué un jour. » En cela, il a raison. Un jour il comprendra que ce Dieu Bon qu'il cherche est préciment le Dieu de Jésus-Christ. Il ne l'admet pas encore, puisqu'il rejette la doctrine chrétienne - mal comprise - et je voudrais l'aider, lui et ses semblables, à mieux comprendre.

Dieu - dit Jésus - est comme le Père de l'Enfant Prodigue: il ne pense pas du tout à " punir" le fautif, ni à l'humilier par des reproches ou des sanctions, mais uniquement à lui redonner confiance et dignité, en lui témoignant un amour inentamé, indéfectible, et en le rétabl