L’ÉGLISE ET LES PHÉNOMÈNES PARANORMAUX

 

Arnaud Dumouch

Théologie, 1988

 

INTRODUCTION: Pourquoi ce livre?_____________________________________________________________ 2

PREMIERE PARTIE: QUESTION DE METHODE__________________________________________________ 4

CHAPITRE 1: Qu’est ce qu’un phénomène paranormal?___________________________________________ 4

CHAPITRE 2: La science face aux phénomènes paranormaux_______________________________________ 5

CHAPITRE 3: La foi face aux phénomènes paranormaux__________________________________________ 7

CHAPITRE 4: Où est la source de la Théologie?__________________________________________________ 8

DEUXIÈME PARTIE: LES CAUSES DU PARANORMAL___________________________________________ 11

CHAPITRE 1: Dieu, première Cause possible du paranormal______________________________________ 11

CHAPITRE 2: les anges, deuxième cause possible des phénomènes paranormaux_______________________ 14

CHAPITRE 3: Les hommes et le monde visible__________________________________________________ 21

TROISIÈME PARTIE: LES PHÉNOMÈNES PARANORMAUX_______________________________________ 29

SECTION I: phénomènes paranormaux d’origine humaine________________________________________ 29

CHAPITRE 1: la télépathie________________________________________________________________ 29

CHAPITRE 2: les pendules et les sourciers: le magnétisme cognitif___________________________________ 31

CHAPITRE 3: La télékinésie et les guérisseurs-magnétiseurs: Le magnétisme efficace____________________ 34

CHAPITRE 4: l’horoscope_________________________________________________________________ 36

SECTION II: phénomènes à la limite du naturel et du surnaturel____________________________________ 40

CHAPITRE 1: L’expérience de mort approchée (Near Death Expérience)_____________________________ 40

SECTION III: Exemple de phénomènes parfois naturels, parfois supra-naturels._______________________ 46

CHAPITRE 1: le voyage dans l’astral, le dédoublement, la bilocation.________________________________ 47

CHAPITRE 2: La lévitation________________________________________________________________ 49

CHAPITRE 3: aura et auréole.______________________________________________________________ 50

SECTION IV: Où l’on parle des anges, des démons et des esprits des morts.____________________________ 51

CHAPITRE 1: Les anges connaissent-ils l’avenir?_______________________________________________ 52

CHAPITRE 2: Le pouvoir de l’ange sur la matière et sur l’homme___________________________________ 54

CHAPITRE 3: les esprits des morts: Leurs états et leurs rapports____________________________________ 55

CHAPITRE 4: la nécromancie et le spiritisme.__________________________________________________ 57

CHAPITRE 5: la voyance_________________________________________________________________ 65

LA PROPHETIE DE SAINTE ODILE_________________________________________________________ 70

CHAPITRE 6: Les songes et les prémonitions___________________________________________________ 71

CHAPITRE 7: Les apparitions______________________________________________________________ 76

CHAPITRE 8: Les extases ou le ravissement___________________________________________________ 79

CHAPITRE 9: Les fantômes et les revenants___________________________________________________ 82

CHAPITRE 10: La sorcellerie_______________________________________________________________ 86

CHAPITRE 11: L’exorcisme_______________________________________________________________ 94

SECTION V: Les croyances modernes de l’Occident______________________________________________ 99

CHAPITRE 1: Les OVNI__________________________________________________________________ 99

CHAPITRE 2: La Réincarnation___________________________________________________________ 100

SECTION VI: LE DOIGT DE DIEU EST LA___________________________________________________ 106

CHAPITRE 1: La conversion du cœur._______________________________________________________ 107

CHAPITRE 2: les Charismes______________________________________________________________ 108

CHAPITRE 3: Les Miracles_______________________________________________________________ 112

CHAPITRE 4: La Prophétie et le Discernement des esprits________________________________________ 115

CHAPITRE 5: Les dons extraordinaires______________________________________________________ 117

CONCLUSION__________________________________________________________________________ 120

CHAPITRE 1: Bouddhisme tibétain et christianisme____________________________________________ 120

CHAPITRE 2: Au delà des phénomènes paranormaux__________________________________________ 122

ANNEXE: le Père Vernette et le Nouvel Age___________________________________________________ 124

Travaux du groupe "pastorale et secte" sur le thème du nouvel âge._________________________________ 124

 

 

 

INTRODUCTION: Pourquoi ce livre?

 

L’Eglise est concernée

         Le problème des phénomènes paranormaux concerne l’Eglise au plus haut point. Fondée par Jésus-Christ il y a 2000 ans, elle trouve ses racines dans des civilisations parmi les plus anciennes, celle du peuple Juif, celle de la Mésopotamie et celle de l’Egypte. Elle a hérité de ces nations, de leur épopée millénaire, le livre de l’Ancien Testament* qui, tout comme l’Evangile, foisonne de récits rapportant des phénomènes extraordinaires. Les maîtres du judaïsme avaient déjà élaboré une théologie très précise qui permettait de discerner ce qui était divin. L’Eglise, par saint Paul en particulier, a pris à son compte beaucoup de ces connaissances et y a ajouté les lumières nouvelles données par le Messie.

 

            L’Eglise catholique parle donc des phénomènes paranormaux et elle en parle souvent avec précision. Elle en parle davantage que les autres Eglises, en particulier protestantes car elle n’appuie pas sa connaissance sur la seule Ecriture Sainte, mais aussi sur la tradition des plus grands saints et théologiens, sur la confirmation des papes et des conciles. Elle ne le fait pas seulement dans un but intellectuel, dans son désir d’approfondir sa connaissance de l’admirable beauté de la création. Elle le fait aussi dans un but pastoral, pour aider concrètement chaque homme qui, pour une raison ou une autre, se trouve confronté à ce genre de phénomène.

 

            Le problème des phénomènes paranormaux concerne donc l’Eglise au plus haut point. Et l’Eglise, depuis sa fondation, s’est efforcée de donner aux hommes les moyens pour en discerner la nature. Pour s’en convaincre il suffit de parcourir les grands textes édités depuis 2000 ans à commencer par l’Evangile, les actes des Apôtres, les Pères de l’Eglise, en passant par les grands théologiens comme saint Augustin, saint Thomas d’Aquin. Les papes eux même se sont souvent intéressés au problème, et pour cause: l’Eglise demeure un lieu de miracles. Mais il reste à discerner quel miracle vient de Dieu. Saint Paul disait: "Discernez les esprits, n’imposez pas trop vite les mains...". Les longues enquêtes précédant la canonisation d’un saint, la reconnaissance d’une apparition, aboutissent souvent à des dossiers où l’on parle de lévitations, d’extase et de charismes multiples.

 

Les lacunes théologiques actuelles sont dommageables à la vie chrétienne

 

            Il est dommage de constater que ce domaine est laissé à l’abandon depuis 40 ans. Parce que la nature a horreur du vide, ces sujets deviennent le piédestal dont profitent les sectes pour répandre leurs enseignements. Elles se donnent une autorité quasi-divine sur leurs adeptes, en expliquant avec autorité l’origine des phénomènes qu’elles prennent à leur compte. Parfois elles arrivent même à réaliser devant témoins des merveilles qui suscitent l’admiration. Les sectes ont bien compris la logique du merveilleux, elles qui appuient souvent leur doctrine sur de prétendus miracles ou apparitions. Elles ne font en cela qu’imiter Jésus qui, multipliant les guérisons, disait aux foules: "Si vous ne croyez pas, croyez à cause de mes oeuvres".[1]

 

Pendant ma formation, un professeur de théologie commentait un passage bien connu de l’Evangile[2] à propos d’un exorcisme du Christ: "Jésus venait d’aborder en barque au pays des Génésariens lorsque vint à sa rencontre un homme de la ville possédé par des démons. Depuis longtemps il ne portait pas de vêtements; Il n’habitait pas non plus dans une maison mais dans les tombeaux. Voyant Jésus, il se mit à vociférer, tomba à ses pieds et dit d’une voix forte: que me veux-tu, Jésus, fils de David? Je t’en prie ne me tourmente pas. Jésus en effet prescrivait à l’esprit de sortir de cet homme. Car, à maintes reprises, l’esprit s’était emparé de lui. On le liait alors pour le garder, avec des chaînes et des entraves, mais il brisait ses chaînes et le démon l’entraînait vers les solitudes. Jésus lui demande: Quel est ton nom? légion répondit-il parce que beaucoup de démons étaient entrés en lui. Et ils le suppliaient de ne pas leur ordonner de s’en aller dans l’abîme. Or il y avait un troupeau considérable de porcs en train de paître dans la montagne. Les démons supplièrent Jésus de leur permettre d’entrer dans les porcs. Il le leur permit. Ils sortirent donc de cet homme, entrèrent dans les porcs et du haut de l’escarpement se précipita dans le lac et s’y noya". Le professeur, avec autorité, expliqua qu’on avait ici un cas typique de maladie psychologique, que métaphoriquement l’Evangile se plaît à appeler un démon, et que Jésus en bon psychanalyste a su guérir. Après réflexion, je me suis dit que ce professeur niait tout caractère supra-naturel, malgré l’évidence des faits. Ce professeur relègue aux catacombes de l’obscurantisme moyenâgeux bien des trésors de l’Eglise.             

A l’inverse, je me souviens d’une mère de famille qui enseignait la catéchèse dans une paroisse. C’était une femme de foi, dotée d’un sens aiguë de la prière et avide de se former en théologie. Or, elle avait acheté un livre qui lui paraissait de grande autorité car écrit par un prêtre, le Père Brune. Il y exposait l’expérience extraordinaire faite par lui: celle de la communication avec les morts. Ce prêtre, célèbre par ses divers passages à la télévision, montrait qu’on pouvait contacter un esprit et que celui-ci avait le pouvoir de répondre en direct, en inscrivant son image sur un écran de télévision ou sa voix sur une bande magnétique. C’est une expérience fabuleuse que celle-ci, où un témoin direct de l’au-delà raconte ce qu’il vit. C’est aussi une expérience très séduisante.

 

            Devant certains propos étranges tenus par cette catéchiste, je lisais le livre. Je fus d’abord admiratif devant la grande foi du Père Brune, sa confiance d’enfant. Je fus ensuite étonné de voir que bien souvent son attitude n’était pas: "Je crois en Jésus et en toutes les vérités qu’il nous a révélées par son Eglise" mais "Je crois en vous, esprits, et en la plupart des enseignements que vous me donnez, du moment que vous êtes unanimes à les supporter !". Je fus enfin inquiet de voir apparaître diverses doctrines étonnantes, passionnantes mais conduisant le père Brune dans un chemin bien éloigné de la foi catholique.

 

            Devant l’attitude opposée d’un professeur de théologie qui n’ose plus croire aux esprits de peur d’être pris pour un naïf et d’un prêtre qui croit en tout car il a vu un esprit apparaître, je me suis demandé ce que pouvait bien faire un chrétien avide de connaître ou même un homme de la rue désireux de savoir ce que croient les chrétiens. La plupart des émissions télévisées ou radiophoniques ne donnent qu’un seul point de vue sur le sujet, celui du merveilleux. Le jeu est davantage d’attirer l’audience que d’établir une véritable recherche, exposant les faits, les critiquant à l’aide d’une méthodologie scientifique ou philosophique, et exposant l’opinion officielle des diverses religions

 

             Si la clef de la connaissance a été de nos jours cachés pour certains ou perdue par d’autres, il est malgré tout urgent, face à la montée des nouvelles religiosités, de rappeler ce que les plus grands saints de l’Eglise catholique, ce que les plus grands théologiens ont toujours constamment enseigné. Il existe bien sûr des phénomènes paranormaux nouveaux, spécifiques au vingtième siècle et dont personne n’a parlé. J’essayerai alors de donner mon opinion personnelle en précisant à chaque fois lorsque je ne parle qu’en mon nom. Je pense par exemple au phénomène des O.V.N.I, apparu après la guerre de 1939-45 et qui sera étudié selon une approche qui n’engage que moi.

 

 

 

PREMIERE PARTIE: QUESTION DE METHODE

 

         Cette partie ne concerne que les personnes désireuses de s’instruire sur les sources de ce qui sera dit ensuite. Il s’agit de ce qui spécifie et rend si passionnante et ouverte la théologie catholique.

 

CHAPITRE 1: Qu’est ce qu’un phénomène paranormal?

 

            Les phénomènes paranormaux sont extrêmement variés et nombreux. Avant d’en donner une liste, il convient d’essayer de définir ce qu’on entend sous cette expression.

 

            Un phénomène est un événement extérieur visible. Il a donc la propriété d’attirer immédiatement l’attention des hommes. Ce phénomène est appelé paranormal quand il sort des lois habituelles de la nature. Il n’est pas "normal". Il suscite donc immédiatement l’étonnement et même l’admiration.

 

            Or les lois "habituelles" de la nature ne sont pas les mêmes selon les époques. Je ne veux pas dire que la nature change ses lois mais que l’homme, au fur et à mesure qu’il pénètre dans la connaissance du monde, découvre d’autres lois, d’autres propriétés et les utilise. Il fait ainsi passer pour lui certains phénomènes du paranormal au normal. Prenons l’exemple de la télévision. Un homme du dix-huitième siècle confronté à cette boite où tout un monde vit et parle conclurait, et on pourrait l’en blâmer, à l’existence d’un phénomène paranormal. Et l’on ne serait pas étonné de voir l’homme attribuer immédiatement à ce phénomène une cause surhumaine. L’hypothèse de l’action du démon lui viendrait d’abord à l’esprit, surtout si le hasard de l’expérience le mettait devant un de nos films modernes d’horreur. Peut-être penserait-il aux anges si le film s’appelait "Jésus de Nazareth". Mais il ne lui viendrait pas à l’idée que ce phénomène est simplement le fruit de l’art humain. La science du vingtième siècle a fait sortir du domaine paranormal les ondes électromagnétiques. Il serait donc mal vu d’écrire dans un livre daté de 1990 un chapitre sur la télévision. Il aurait par contre été parfaitement à se place dans un traité du dix-huitième siècle.

 

            Notre étude est donc située dans le temps, comme est située dans le temps la notion de phénomène paranormal. En fin de compte, nous appelons phénomène paranormal tout événement dont la science officielle dans l’état actuel de son progrès, n’explique pas la cause.

 

            Dans ce domaine immense, on peut distinguer trois grands groupes. Il y a d’abord les phénomènes dont la science positiviste[3] refuse a priori de reconnaître l’existence. Elle justifie son attitude par le fait qu’ils touchent au domaine flou de la psychologie humaine. Ils ne seraient donc pas reproductibles donc scientifiquement aptes à être étudiés. C’est oublier bien vite que, depuis des décennies, grâce aux calculs de la probabilité et des statistiques, la psychologie a acquis le statut d’une science humaine. C’est oublier aussi que la philosophie réaliste, celle qui à l’école d’Aristote recherche la vérité, dispose de bien d’autres méthodes que le calcul pour aboutir à une étude scientifique. Nous classerons dans ce premier groupe la voyance de l’avenir (ou prophétie), la sorcellerie, les apparitions, les miracles, le phénomène O.V.N.I, et bien d’autres questions qui ont toutes en commun de faire référence à un monde parallèle fait d’esprit ou d’entités inconnues à ce jour. Si les esprits existent, ils ne sont pas matériels et donc non mesurables. Quant aux extraterrestres, ils ne sont que la forme moderne de la croyance aux esprits. On comprend qu’ils échappent au domaine de la science positive qui, par méthodologie, ne doit croire qu’à ce qu’elle mesure. Mais il est plus facile de nier ce qui nous échappe que d’avouer son incapacité à l’étudier.

 

            Un deuxième groupe de phénomène se prête à la mesure. Expérimentalement, on peut en vérifier l’existence par des effets et en calculer la probabilité, soit pour les infirmer, soit pour les confirmer. Ils entrent alors dans le champ de vision de la science officielle mais, comme elle n’a pas trouvé de solutions pour en expliquer la cause, elle s’en méfie, elle les entoure d’un halo de scepticisme et de critique. N’est ce pas une façon pour elle de protéger son image de marque qu’on peut parfois exprimer ainsi: "je connais tout, j’explique tout". Je classerai dans ce groupe la télépathie, la télékinésie, l’astrologie, le sourcier et bien d’autres phénomènes de ce genre.

 

            Les phénomènes d’un troisième groupe peuvent être qualifiés de paranormaux en ce sens qu’ils entrent dans la définition donnée plus haut: Ils sortent des lois habituelles de la nature et la science ne les explique pas. Mais ces questions sont si fondamentales que la science moderne, soucieuse là encore de son image, a du mal à avouer qu’elle en est qu’au stade des hypothèses. Ses hypothèses, dans ce domaine, ressemblent fort à un château construit en marbre et en pierres précieuses, mais dont les fondations sont en carton. Je veux parler des questions de l’existence de la nature, de l’apparition de la vie, de l’apparition de l’homme. Ce troisième groupe de questions ne sera pas abordé ici[4].

 

CHAPITRE 2: La science face aux phénomènes paranormaux

 

            Une telle critique de la science officielle paraîtra exagérée. Il n’y a pourtant rien que de normal à ce genre de propos. Ils sont même nécessaires au progrès des connaissances. La science n’évolue dans les domaines nouveaux que par l’audace de la jeunesse qui sait remettre en cause la tendance dogmatique des aînés. Il en sera toujours ainsi. Le fait de se laver les mains avant de pratiquer un accouchement provoqua la persécution d’un obstétricien du dix-neuvième siècle. Ce climat est réel et très pesant. Il ralentit considérablement les recherches dans ces domaines nouveaux. Certaines nations osent parfois secouer le joug. L’URSS durant ces dernières décennies, s’est intéressée aux phénomènes du type 2[5]. Chacun connaît les expériences de télépathie tentées à bord de sous-marin à des fins militaires. Les USA ont cherché une plus grande honnêteté dans le groupe 3. Certains Etats américains n’héritent pas à présenter dans leurs universités deux hypothèses pour l’apparition de la vie: évolution et création évolutive, hasard des lois de la matière ou Intelligence organisatrice du monde.

 

            Quant à l’Europe, elle reste bien loin en arrière. Ces dernières années nous ont montré comme les choses ont peu changé depuis Auguste Comte. On se souvient de la manière rapide et très peu scientifique dont à été classé l’étude du saint Suaire de Turin. Ce morceau de tissus porteur de l’emprunte d’un corps humain était considéré par la dévotion populaire comme le véritable linceul du Christ. Depuis un siècle, la science l’étudiait avec passion. Le mystère de la formation de ce négatif photographique l’intriguait. Car il s’agissait bien d’un mystère qui reste d’ailleurs inexpliqué.

 

            Malheureusement pour le linceul de Turin[6], il se situait à la fois dans les phénomènes de type 1 et de type 2: du type 1 car il posait, à lui seul, la question de la résurrection du Christ, bref toute une série de sujets classés; Du type 2 car il était mesurable, palpable. Il représentait donc un danger pour les a priori de la pensée humaniste athée à la mode: celui de démontrer ou du moins de suggérer l’existence d’un domaine qu’elle ne pourrait jamais mesurer, d’un domaine immatériel.

 

            Ce suaire était-il donc vraiment celui du christ, tel que saint Jean l’avait vu au matin de Pâques, affaissé sur lui-même[7]? Pour répondre à cette question, il fallait au moins pouvoir le dater. Plusieurs méthodes avaient été employées: l’étude de la trame du tissu prouvait sa fabrication au Proche Orient par un métier à tisser contemporain de Jésus; L’étude des pollens prisonniers des fibres démontrait son passage par la Palestine avant l’année 70 après Jésus-Christ (date de la destruction par les Romains de l’Etat Juif et du changement, par manque d’irrigation, de sa flore habituelle). Pour n’importe quelle momie Egyptienne ces deux voies auraient suffi à une datation portant le label scientifique. On voit mal un faussaire du moyen âge saupoudrer une fausse momie faite par ses soins avec le pollen de plantes ayant vécu 3000 ans plus tôt. Pour le Suaire, il n’en était rien. Il fallait multiplier les preuves à l’infini. La science ne faisait que son travail en cherchant à le dater par un test au carbone 14[8]. Trois laboratoires trouvèrent une datation semblable: le douzième siècle.

            Je parlais de l’existence d’une mentalité scientifique et positiviste. On en voit la trace non pas dans cette expérience du carbone 14 mais dans la manière dont cette science l’a utilisée: le Suaire à été aussitôt et irrémédiablement déclaré l’œuvre d’un faussaire du Moyen-Age. Le dossier a été clos et il reste officiellement clos aux yeux du grand public. Nous pouvons chanter maintenant un hymne à la science reine qui a si bien su, là encore dénicher la malhonnêteté. Ce faussaire du Moyen-Age a donc réussi à se procurer une pièce de tissus de 4 mètres sur 2 mètres, fait sur le modèle exact de ceux qu’on fabriquait 13 siècles plutôt. Il a crucifié un homme ou plutôt plusieurs puisqu’il lui a fallu retrouver la technique de la croix qui consiste à planter des clous dans les poignets et non dans les mains comme on le pensait alors; Il a roulé le cadavre dans son tissu et a obtenu, par un procédé alchimique connu de lui seul, une empreinte parfaite. Puis il a enlevé le corps, sans déplacer une seule fibre de tissus malgré le sang coagulé avec les plaies. Mais le comble de son génie a été de saupoudrer le splendide résultat avec du pollen de plantes ayant vécu en Palestine au temps de Jésus, puis de plante d’Antioche, de Constantinople et enfin d’Europe (selon les époques). Voici pourtant l’hypothèse officielle de la science. A chacun d’en juger...[9]

 

 

 

CHAPITRE 3: La foi face aux phénomènes paranormaux

 

            Dans les années soixante-dix, des milliers de jeunes partirent d’Europe et se rendirent en Extrême Orient, au Népal et au tibet. Ils avaient entendu dire que demeurait là bas, presque intacte, une Sagesse plusieurs fois millénaires, capable de répondre à toutes les questions et d’étancher toutes les soifs de bonheur que le vieil Occident n’avait pu qu’exacerber en eux. Presque tous revinrent, désabusés, incapables qu’ils avaient été d’entrer dans ces spiritualités tellement peu faites pour eux. Beaucoup, après s’être lancés avec fougue dans les exercices d’ascétisme propres au Bouddhisme, sombrèrent dans l’extrême inverse et revinrent esclave de la drogue. Les plus équilibrés surent se modérer et découvrir des richesses spirituelles qu’ils rapportèrent. Qu’était donc devenue la sagesse de l’Occident? N’avaient-ils pu trouver chez leurs propres moines, chez leurs prêtres ici même, en Europe, le goût du sacré dont ils semblaient avides? Cette sagesse Occidentale était pourtant aussi ancienne, aussi vénérable que celle de Bouddha: Près de 4000 ans depuis qu’un vieil homme, éleveur auprès de la métropole d’Ur en Chaldée avait entendu la voix de Dieu : “quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi une grande nation". C’était la voix de Dieu qui parlait directement à Abraham, le père de tous ceux qui après lui ont cru. Qu’était devenue la sagesse de l’occident? Sagesse beaucoup plus ancienne que celle de Bouddha, qui n’était qu’un homme... Sagesse aussi ancienne que Dieu... Sagesse donnée goûte à goûte durant 2000 ans par l’intermédiaire de milliers de prophètes, Sagesse livrée en torrents pendant trois ans par la voix même qui avait parlé à Abraham, la voix de Dieu fait homme, Jésus-Christ; Sagesse vécue pendant 2000 ans par des peuples entiers; Sagesse capable de jeter au désert des moines, de faire jaillir de terre des cathédrales de pierre, d’envoyer à la mort des générations de martyrs. "Nous ne l’avons pas trouvée, ont dit ces jeunes, alors que nous sommes allés la chercher ailleurs".

 

            Pourtant, cette Sagesse existe et elle n’a rien perdu de sa puissance. Elle est simplement cachée. Même si les hommes d’Occident ne croient plus, dans leur majorité, au fait que ce message vient de Dieu, il n’en demeure pas moins, entretenu, vécu dans le cœur de quelques-uns, dans toute la force de sa jeunesse et de son antiquité. Il parle avant tout de Dieu. Mais pour mieux le faire, il parle de l’homme et en raconte l’origine, lui révèle qu’il est et pourquoi il est fait. Il parle aussi de l’univers et de l’ordre sublime mais mystérieux qui y règne.

 

            Ce message puissant pourrait sembler n’être qu’une mythologie parmi d’autres, que le temps et la raison finirent un jour ou l’autre par éliminer. A chacun d’en décider... Certains ont la chance de pouvoir le recevoir en croyant réellement, profondément, qu’il est la Parole de Dieu. Ceux là ont beaucoup de chance. Ils ont la foi, cette foi qui est un don de Dieu. Ceux là ont un jour expérimenté Sa présence et il leur est facile de croire en Sa parole puisqu’ils l’aiment déjà. Ils sont devenus comme des petits enfants qui écoutent leur mère car ils savent que leur mère ne peut les tromper.

 

            A ceux qui ne croient pas, le message chrétien mérite aussi d’être présenté dans toute sa richesse. Ceux là le recevront sans doute avec le même regard qu’ils portent sur d’autres vénérables traditions. L’essentiel n’est-il pas qu’ils en connaissent la richesse telle qu’elle est, indépendamment des accommodations introduites d’une manière passagère par certains théologiens. Ils ont le droit de connaître le message chrétien à sa source.

 

 

 

CHAPITRE 4: Où est la source de la Théologie?

 

                        Quand, dans les années 70 les jeunes partirent à la recherche de la spiritualité bouddhiste la plus pure, ils n’allèrent pas se renseigner auprès de tel ou de tel érudit de faculté. Ils se déplacèrent sur les lieux et, pour ceux que fascinait le lamaïsme tibétain, c’est auprès du Dalaï lama qu’ils s’informèrent. En cela ils firent bien et évitèrent le risque de perdre leur temps. Ils allèrent à la source même de ce bouddhisme si particulier. Dans l’entreprise qui est la nôtre et qui consiste à rechercher l’enseignement chrétien le plus profond sur les phénomènes paranormaux, il faut faire la même chose. Cette démarche est très importante surtout si l’on regarde la multitude des théologies qui se dénomment chrétiennes. Il y en a de toutes sortes, et toutes se réclament de la Bible: Les Raëliens n’ont-ils pas réussi à y lire la présence des Elohim, ces hommes de l’espace qui se manifestent aujourd’hui dans leurs soucoupes volantes? Les Témoins de Jéhovah n’ont-ils pas démontré que Jésus n’avait pas été crucifié mais pendu à un poteau? Les théologiens de la libération n’ont-ils pas trouvé dans le Magnificat de Marie la première invitation à la lutte des classes?

            Quelle est donc la source de la révélation? Où trouver la plénitude du message chrétien en étant sûr d’aller le plus profond possible?

            Tous les chrétiens sont d’accord sur une chose: la source unique de la révélation est Dieu lui-même. C’est lui, le Dieu Tout Puissant, Créateur du Ciel et de la terre qui à parlé. “Alors qu’un silence paisible enveloppait toute chose, et que la nuit parvenait au milieu de sa course, ta Parole divine s’élança du trône royal"[10], ainsi parla la Sagesse de la Bible. La somme de ces paroles divines forme ce monument, cette jungle que représente le livre le plus lu au monde, la Bible. Là s’arrête, en gros, l’unanimité des chrétiens. C’est peu et c’est beaucoup. C’est peu car la Bible est un jardin inextricable pour celui qui s’y aventure seul. Elle dit beaucoup de choses et semble se contredire quelques lignes plus loin. Finalement, un habile rhéteur peut lui faire enseigner ce qu’il veut. Comment choisir, par exemple, le véritable portrait de Jésus? Est-ce celui où il se présente lui-même: "venez à moi, vous qui peinez et ployez sous le fardeau, je vous soulagerai car je suis doux et humble de cœur" ou cet autre brossé par l’évangéliste saint Jean dans le livre de l’Apocalypse: "sa voix est comme le mugissement des grandes eaux et de sa bouche sort une épée à double tranchant, et son visage, c’est comme le soleil qui brille dans tout son éclat"[11]. Selon le goût ou l’humeur de chacun, rien n’empêche de privilégier l’un sur l’autre, de faire de Jésus un doux agneau (à la manière des quiétistes) ou au contraire un juge terrible (à la manière des jansénistes). Que n’a-t-on pas fait au nom de la Bible, parole de Dieu? Que n’a t-on pas enseigné?

            Comment donc en trouver la véritable interprétation? Comment être sûr de rejoindre la pensée de Dieu, de ne pas la confondre avec ses propres aspirations? Jésus lui-même répond à cela par deux textes complémentaires. “Quant à lui, l’Esprit Saint, il vous introduira dans la vérité tout entière"[12] et "Pierre, tu es Pierre, et sur cette Pierre je bâtirai mon Eglise...". "Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler comme le froment. Mais j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas. Toi donc, quand tu seras revenu, affermis tes frères"[13]. Le premier texte montre que nul ne peut réellement comprendre la parole de Dieu, si l’Esprit Saint qui est en l’auteur ne l’éclaire. Il faut être inspiré pour comprendre une parole inspirée. C’est déjà vrai au niveau de la poésie. Chacun expérimente qu’il faut un certain climat, un certain état d’esprit pour goûter un poème. En ce qui concerne la parole de Dieu, c’est encore plus vrai, surtout si l’on comprend qu’il existe un abîme entre les pensées des hommes et celles de Dieu. La parole de Dieu est un jardin bien clos, une source scellée, réservée à ceux qui vivent avec Dieu. La prière en est la clef. La deuxième parole citée plus haut vient compléter et rectifier ce qu’il y aurait d’insuffisant dans la première. Il est en effet facile de confondre l’inspiration de l’Esprit Saint avec son propre imaginaire. Psychologiquement, les effets sont les mêmes. C’est pourquoi Dieu a établi une référence objective, un "Magistère"[14] qu’il s’est engagé à protéger de l’erreur, à rendre infaillible: "j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas"[15].

            Il est important de bien comprendre ce qu’on entend par infaillibilité du Pape. Aucun homme n’est infaillible par lui-même, pas même Pierre. Etre faillible, c’est être capable de commettre une faute. Or il existe deux types de fautes: des fautes morales (le péché) et des fautes intellectuelles (l’erreur). Pierre n’a pas cessé de commettre des fautes morales, même après que Jésus lui ait promis qu’il ne faillirait pas dans sa foi. Ses fautes morales furent parfois graves, à cause de sa situation de colonne de l’Eglise, au point que saint Paul n’a pas hésité à le reprendre: Pierre par exemple était d’accord avec Paul pour enseigner que les usages donnés par Moïse étaient inutiles et périmés après la venue du Christ qu’ils annonçaient. Or, par peur de la réaction des Juifs, il continuait à se comporter en Juif en leur présence. Il agissait ainsi par respect humain et risquait de troubler la foi des chrétiens issus du paganisme. Paul dut donc reprendre Pierre en face devant toute l’assemblée et Pierre confessa ses torts. De la même façon, les successeurs de pierre furent faillibles moralement. On se souvient du pape Borgias (Alexandre VI) qui scandalisa l’Eglise par sa vie débauchée. Il ne fut pas le pire. La parole de Dieu à Pierre ne disait pas en effet "j’ai prié pour que tu sois immaculée"mais"j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas". C’est donc uniquement sur les erreurs d’ordre intellectuel, concernant la foi, que Jésus prie pour Pierre dans ce passage d’Evangile. Si on lit attentivement l’Evangile, on s’aperçoit qu’il existe donc deux sortes d’infaillibilité dans l’Eglise: celle de ceux qui vivent de l’Esprit Saint, promis par Jésus quand il dit: "Je vous enverrai l’Esprit Saint qui vous conduira à la vérité tout entière"[16] et celle de Pierre, le chef suprême de l’Eglise, qui est un charisme, promis par Jésus et indépendant de la sainteté personnelle de l’homme qui le reçoit. La première infaillibilité peut être vécue par tous, dans le dialogue cœur à cœur avec l’Esprit de Dieu. La deuxième est là pour confirmer ce qu’il y a de vraiment divin dans la première. Elle est comme un rocher sur lequel tout chrétien peut s’appuyer car c’est Dieu lui-même qui le rend ferme "tu es Pierre"[17]. Elle est un rocher sur lequel tout chrétien doit s’appuyer car rien ne l’assure de l’origine divine de ce qu’il croit comprendre sur Dieu, si ce n’est Pierre. Les chrétiens des premiers siècles, en Orient comme en occident, crurent à l’infaillibilité du Pape. Saint Ignace écrit dans les années 100 que "l’Eglise de Rome préside". Les siècles suivants diront que "c’est Dieu qui parle par la bouche du Pape". Le concile Vatican I précisera les moments ou s’exerce l’infaillibilité et le concile Vatican II développera encore cet exposé dogmatique[18]. Le Pape n’utilise son charisme d’infaillibilité que lorsqu’il parle en tant que chef de l’Eglise: Le Pape, en privé, peut avoir des opinions théologiques sans être infaillible. Elle ne s’exerce que dans le domaine de la foi (ce qu’on doit croire comme révélé par Dieu) et de la morale (manière dont Dieu veut que nous agissions). Le Pape Jean Paul II n’est pas infaillible en astronomie, en politique... Or le pape (ou les évêques unis au Pape) peut exercer son infaillibilité de deux manières: d’une manière habituelle quand il donne l’interprétation véritable des écritures, quand il rappelle les vérités explicitement révélées dans l’Evangile. C’est le cas de la plupart des encycliques des enseignements catéchétique, comportant un enseignement théologique ou moral. D’autre part, le pape ou le concile uni au pape, peut exercer l’infaillibilité pour enseigner une vérité non explicitement révélée dans l’Ecriture mais que l’Esprit Saint veut donner aux hommes. Cette infaillibilité, emprunte d’un caractère solennel fut définie au concile Vatican I et n’a été que rarement utilisée: le dogme de l’Immaculée Conception, celui de l’Assomption de Marie. Beaucoup de théologiens, gênés par l’infaillibilité pontificale qu’ils considéraient comme une atteinte à leur liberté de penser, essayèrent de montrer qu’elle ne s’était exercée que 2 ou 3 fois et dans les cas précités. C’était une manière habile de se débarrasser d’une tutelle gênante pour eux. Le concile Vatican II dut donc rappeler ce qu’est l’infaillibilité habituelle du magistère de l’Eglise. Récemment, le cardinal Ratzinger, chargé de la congrégation romaine sur la foi à éditer un document rappelant en une phrase tout cela: "le peuple de Dieu, par le sens surnaturel de la foi, jouit de l’infaillibilité, sous la conduite du Magistère vivant de l’Eglise qui, en vertu de l’autorité exercée au nom du Christ, est le seul interprète authentique de la parole de Dieu, écrite ou transmise"[19].

 

Bien loin d’être une atteinte à la liberté de penser, le Magistère de l’Eglise est une aide et une sécurité pour le théologien: qu’y a t-il de pire pour celui qui enseigne Dieu que d’enseigner autre chose que Dieu? Qu’y a t-il de plus merveilleux pour lui que de savoir, d’être certain, qu’il sert Dieu comme Dieu le veut? Il ne s’agit plus alors d’inventer un nouvel Evangile. Il s’agit, partant de l’unique Evangile de Jésus, d’en extraire tout ce qui y est contenu et de le livrer pour le service de ses frères. Il y a là un travail immense et la créativité de 2000 ans d’Eglise n’y a pas suffit. La philosophie dans ce qu’elle dit de vrai, la science, la psychologie, la sociologie sont chacune les bienvenues pour aider cette oeuvre sans fin. Appuyé sur le rocher infaillible de ce que l’Eglise a défini par son Magistère, humblement à l’écoute de ce que les plus grands témoins de la tradition ont enseigné avant lui, le théologien eut alors sans crainte émettre les hypothèses les plus hardies. Il le doit même, car l’Eglise le lui demande.

 

                        En ce qui concerne les phénomènes paranormaux, la méthode d’étude théologique ainsi décrite peut et doit être utilisée. Dans ce domaine, il existe certains points où le Magistère de l’Eglise s’est prononcé infailliblement et d’une manière solennelle. Il existe d’autres points où l’Eglise ne fait que donner des pistes de recherches pour aider à une intelligence plus profonde de la révélation; Il en existe enfin un troisième groupe où elle laisse entière liberté. Aux premiers points, je réponds par la foi: je crois de tout mon cœur à cette vérité révélée et enseignée par l’Eglise. Aux seconds, je réponds par « l’assentiment religieux de ma volonté et de mon cœur »[20]. Quant aux troisièmes, j’espère mettre à profit toutes les ressources de la science et de la philosophie pour les préciser. Parmi les seconds, c’est-à-dire parmi ces pistes de recherche données par l’Eglise, je crois important de citer ici certains maîtres qu’elle a toujours considérés comme des docteurs dignes de confiance. Elle a sans cesse encouragée les chercheurs de Dieu à se mettre à leur école: Saint Augustin d’abord, qui est l’initiateur de la théologie en Occident et surtout saint Thomas d’Aquin qu’on a surnommé le Docteur Commun, c’est-à-dire le maître de tous sur [presque] toute la théologie. Un pape n’hésitait pas à affirmer qu’une année passée avec saint Thomas d’Aquin valait mieux que toute une vie avec n’importe quel théologien[21]. Or saint Thomas d’Aquin a largement traité des phénomènes paranormaux d’une manière à la fois philosophique et théologique. Je me servirai de lui abondamment et surtout de sa Somme Théologique. Ces quelques pages suffisent, je l’espère, à montrer vers quelles sources je me tournerai dans cette recherche sur les phénomènes paranormaux.

 

 

DEUXIÈME PARTIE: LES CAUSES DU PARANORMAL

 

                        Après avoir précisé les diverses sources sur lesquelles je m’appuierai pour cette étude, il faut montrer qu’on ne peut pas comprendre le regard porté habituellement par la foi chrétienne sur les phénomènes paranormaux si l’on ne connaît pas son regard sur l’univers tout entier. Quand une personne fait un songe qui lui parait anormal, elle commence par se demander d’où il vient: vient-il de sa propre imagination que le sommeil a débridé (Freud, Jung et bien d'autres), vient-il de l’influence des planètes (astrologie) ou des autres (télépathie), vient-il d’une cause qui dépasse la nature (anges, démon, Dieu)? On le voit, en toute hypothèse, un seul effet peut avoir de multiples causes. En fonction de la réponse, la personne tiendra compte différemment de son rêve. En fin de compte, la clef qui permet de comprendre les phénomènes de ce type est la connaissance de leur cause. L’univers est mystérieux, plein d’imprévus. Il a un ordre, une harmonie secrète. Il faut accéder à cette sagesse. Et c’est parce que cette sagesse a été donnée à l’Eglise qu’on peut dire qu’elle va plus loin que la science dans l’étude du paranormal. Elle atteint des aspects que la science ne peut toucher par sa méthode. Bien sûr, dans le discernement des causes, une méthode rigoureuse doit être utilisée, aussi bien par le philosophe que par le théologien. Il ne s’agit pas de voir Dieu ou ses anges partout. L’ordre de la recherche est d’abord de chercher si le phénomène paranormal n’est pas du à une cause naturelle.

 

 

CHAPITRE 1: Dieu, première Cause possible du paranormal

 

            "Au commencement Dieu créa le Ciel et la terre." C’est le premier aspect. Rappelons simplement ce qu’en dit la foi catholique. Qui est Dieu? Nul ne le sait. Il est, c’est tout. Est-il l’infini, la transcendance dont parlent les poètes, Est-il celui qui n’a pas de lieu, de temps, l’éternité? Il est tout cela et bien plus encore mais il est avant tout une personne, un être concret et réel: "je suis celui qui est"[22]. Voici la première parole que Dieu a donnée sur lui-même. C’est Moïse qui l’a reçue. En Hébreu, cela se dit YAHVE. Dieu a ensuite précisé d’autres choses sur lui: son infinie grandeur : « nul ne peut voir sans mourir »[23], sa toute puissance : « rien n’est impossible à Dieu »[24] et surtout l’existence en lui d’une vie d’amour, secrète, riche: ils sont trois en un seul Dieu, le Père, le Fils et le Saint Esprit[25].

 

                        En ce qui concerne les phénomènes paranormaux, deux choses sont importantes: 1° il faut savoir que Dieu peut tout faire et 2° qu'il fait tout ici-bas en vue de préparer les hommes à un destin d'amour et d'humilité.

1° Rien n’est impossible à sa toute puissance de ce qui est possible en soi. Seules les choses contradictoires échappent à sa puissance: Dieu ne peut faire qu’un cercle soit en même temps carré; Dieu ne peut pas faire que Pierre soit au même moment assis et debout; de même Dieu ne peut pas faire que ce qui a déjà existé n’ait jamais existé. Si Pierre a tué Jacques, Dieu peut bien ressusciter Jacques et faire perdre le souvenir de son crime à Pierre mais il ne peut changer le passé.

 

                        Dieu peut tout faire. Il peut organiser la vie, mais cela l’homme pourra certainement le faire un jour; Il peut déplacer les montagnes, mais cela l’homme peut aussi, toutes proportions gardées, le faire. La première chose que Dieu seul peut faire et nul autre à part lui, c’est créer. Faire sortir du néant l’existence, voici l’acte où le doigt de Dieu est nécessairement présent et c’est le premier article du Credo "je crois en Dieu créateur". Dieu seul a pouvoir sur l’existence, pour donner l’être et pour le retirer. L’homme a beau faire, non seulement il ne crée rien mais il ne peut rien faire retourner au néant. Dans une explosion atomique, si quelques grammes de matière semblent s’être volatilisés, ils n’ont fait en vérité que se transformer en un autre mode d’existence, l’énergie. Quand on tue un animal, on ne néantise rien. L’animal existe encore mais on a simplement détruit sa vie, l’ordre qui régnait dans son corps. Ce pouvoir de créer, Dieu l’a utilisé deux fois, disait saint Augustin, car il n’existe que deux choses qui sortent du néant: La matière et l’esprit. Tout le reste est organisation.

 

                        En ce qui concerne la matière, Einstein est là pour confirmer avec force cette intuition du grand théologien qui est depuis la foi de l’Eglise. Einstein a montré que toute matière a un principe unique qui est énergie ou encore lumière. C’est cette énergie qui, organisée différemment, donne les atomes, les molécules, les ondes de toutes sortes, la lumière du soleil. En ce qui concerne l’esprit, seules les grandes religions semblent encore le discerner. La philosophie s’en détourne, influencée en cela par la science matérialiste.

 

                        Quant aux phénomènes paranormaux, l’application est facile: Si l’on peut prouver qu’à un endroit il y a eu création (de matière ou d’un esprit), c’est que Dieu est là. On verra l’importance de cette question dans le chapitre consacré aux miracles.

 

Une autre application théologique de la toute puissance de Dieu doit être manifestée au préalable à l’étude des phénomènes paranormaux. Dans la nature du monde matériel, il est une loi que jamais personne n’a pu transgresser. Jamais, dans aucun des domaines de la transformation de la matière, qu’elle soit chimique, physique, on ne peut réaliser de changement instantané. L’exemple du mouvement local illustre cette propriété d’inertie de la matière. Un corps physique ne peut instantanément se déplacer d’un lieu A à un lieu B. Saint Thomas le prouve de la façon suivante. « Il faudrait qu’il soit à la fois en A et en B. Il faudrait donc que le corps soit plus grand que lui-même. » La science moderne confirme par la mesure cette démonstration par l’absurde. La vitesse de la lumière est en rapport étroit avec la nature des corps physiques. Ainsi, si dans un phénomène paranormal, on peut démontrer le caractère instantané d’un changement physique, c’est nécessairement que la Toute Puissance a agi. L’ange lui-même, aussi puissant soit-il, reste soumis aux lois d’une puissance limitée.

 

            Le chapitre consacré à la prophétie ou voyance peut aussi trouver à ce stade une pierre d’attente: Dieu connaît tout, rien n’échappe à son regard, que ce soit le passé, le présent et le futur. Dieu est en effet éternel et son éternité est comparable à un instant subsistant qui contiendrait toute la durée des temps. Dieu voit en un seul regard tout ce qui se passe et se passera car sa puissance est infinie. Il y a là un mystère qui a pu effrayer certains. Sommes-nous des robots préprogrammés par le Créateur et dont la liberté n’est qu’apparente? Si Dieu sait tout à l’avance, où est l’initiative de l’homme? Une telle inquiétude naît de notre difficulté à comprendre la transcendance infinie de Dieu: il ne connaît pas notre avenir pour l’avoir programmé mais parce que la notion de futur n’existe pas en lui. Tout est présent à ses yeux. Imaginez qu’un homme, assis sur une haute montagne, voit très loin au-dessous de lui deux promeneurs qui marchent sur le chemin. L’un vient de sa droite et l’autre arrive par l’opposé, de sa gauche. L’homme qui est sur la montagne sait que ces deux promeneurs se rencontreront. Il connaît leur avenir sans pour autant influencer leur liberté. C’est un peu de cette manière que Dieu se situe par rapport à nous. Il nous reste à nous poser cette question: si Dieu connaît notre avenir, peut-il nous le révéler? Le veut-il parfois ? Le phénomène de la prophétie existe t-il? Pour répondre à cette question, il ne suffit pas d’étudier de manière abstraite la puissance du Créateur mais aussi, on le devine, la raison de sa création, le sens de la vie terrestre où sa présence reste cachée. Les questions de la science théologique trouvent leur ultime réponse dans la Sagesse théologique.

 

2° Un autre point peut être utile dans le discernement des phénomènes paranormaux, c'est la connaissance des intentions de Dieu sur l'homme. Le message du Christ dit que nous sommes de vraies personnes, sacrées, créée par Dieu pour un futur mariage d'amour avec lui, un mariage qui durera toujours, dans un échange perpétuel de lumière et de don.

L'Esprit de Dieu au contraire, cherche d'abord ce qui est éternel, ce qui ne passe pas. Or, par essence, l'éternité est une MARIAGE D'AMOUR AVEC UN DIEU DONT LA NATURE EST D'ÊTRE LE PLUS PETIT, lui qui est le plus grand.

 

Reprenons ces termes:

D'abord un mariage, et dans un mariage selon le Christ, c'est L'AUTRE (conjoint, enfants), qui compte d'abord. Ainsi, tout ce qui fait sortir de soi pour se soucier des autres risque bien de venir de Dieu (ou parfois de la bonté naturel d'un cœur, d'où la nécessité d'une grande souplesse pour discerner les esprits).

Ensuite, c'est un mariage d'AMOUR. Ainsi, tout ce qui aboutit à un amour (pas seulement au SENTIMENT d'amour), pourrait bien avoir un rapport avec l'Esprit de Dieu.

Enfin, ce Dieu est HUMBLE, où plutôt, KENOSE, c'est-à-dire que le Père ne vit que pour le Fils et réciproquement… Ainsi, si un phénomène paranormal quelconque conduit à davantage d'humilité, c'est bon signe.

 

Ces trois critères spirituels de l'Esprit de Dieu (l'amour humble de l'autre) furent depuis toujours le critère de discernement des plus grands théologiens pour distinguer Dieu et le psychisme humain, et parfois le démon. On se souvient du magistral travail de l'envoyé ecclésiastique auprès des religieuses voyantes de Loudain: "Ma sœur, vous dites que le Christ doit vous apparaître. Moi je vous dis d'aller d'abord à l'Office." Réponse de la sœur: "Vous abusez. La volonté de Jésus doit passer avant!" Cette désobéissance de la sœur voyante, son manque d'humilité et de défiance d'elle-même disait tout. Et de fait, les phénomènes paranormaux, les stigmates, les lévitations venaient de son orgueil que le diable avait béni...

 

Il doit en être ainsi pour le discernement de tous les phénomènes paranormaux de type "prodiges" (c'est-à-dire ceux qui peuvent indifféremment provenir des bons anges, du démon ou du psychisme humain). S'ils ne sont pas accompagnés de vrais miracles (voir plus bas), il faut d'abord regarder, outre la fidélité de la foi de la personne, l'amour et l'humilité qui sort de sa présence.

 

 Dieu se laisse contempler. Il est certains domaines où la connaissance amoureuse va plus loin que la raison. Il appelle l’homme à le chercher: « Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau. Je vous consolerai. Chargez-vous de mon joug car je suis doux et humble de cœur »[26]. La plus grande source de connaissance qu’on ait sur Dieu est l’image qu’il nous a laissée de lui quand il s’est fait homme. La vie de Jésus Christ, qui est Dieu fait homme, nous révèle simplement que Dieu est amour.

 

            Mais quand il s’agit de parler de la création, Dieu est intarissable. Il parle et cet enseignement qu’il donne est extrêmement important quant aux phénomènes paranormaux. Pour aller plus vite, nous n’allons pas recommencer ici la démarche qui consiste à extraire de la Bible tout ce donné révélé. Nous donnerons directement la synthèse réalisée par l’Eglise et précisée au cours des temps.

 

            Essayons de nous représenter la vie de Dieu. Dieu est. Sans commencement, sans fin, Dieu vit de son bonheur infini. Le Père vit du Fils, le Fils vit du Père et le Saint Esprit est leur amour. Trois personnes, un seul Dieu. Dieu n’a pas besoin de personne. Il est pour nous inconcevable, ce bonheur parfait qui se suffit à lui-même: Dieu se suffit à lui-même, Car il est Dieu... Et pourtant, soudain, il crée. Saint Thomas précise qu’il n’y a pas de raison à la création si ce n’est l’amour: Dieu a eu la volonté de communiquer son bonheur et son bonheur est réservé aux HUMBLES qui veulent bien L'EPOUSER DANS L'AMOUR.

 

CHAPITRE 2: les anges, deuxième cause possible des phénomènes paranormaux

 

                        Certains croient que l’Eglise enseigne que l’univers entier n’a été fait que pour l’homme. C’est pourtant faux car, avant l’homme, Dieu a créé les anges et Dieu a aimé les anges pour eux-mêmes. Rappelons d’abord ce qu’il y a de solennellement infaillible dans l’enseignement de l’Eglise sur les anges: Cela se résume en quelques phrases.

 

1) Les anges existent[27]: « Nous croyons en un seul Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, Créateur des choses visibles et des choses invisibles comme les purs esprits qu’on appelle aussi anges. »

 

                        2) Ils sont de purs esprits. Ils n’ont pas de corps, pas même un corps aérien[28].

 

3) Ils ont été créés dans la foi, c’est-à-dire avec la liberté de choisir ou de rejeter Dieu.

                       

4) Certains se sont tournés vers Dieu et d’autres l’ont rejeté par orgueil devenant les démons.

 

5) Ils ont un ministère de service auprès des hommes: par exemple: anges             gardiens, messagers[29].

 

Les anges existent, affirme la révélation, et leur connaissance on le verra, rend compte de bien des phénomènes paranormaux. Nul ne connaît l’instant précis où Dieu prononça cette parole : "que la Lumière soit", faisant sortir du néant ces myriades de créatures appelées les anges. Si nous avions déjà été présents à cet instant ou commença le temps, nous ne nous serions aperçus de rien car l’ange n’est pas visible avec des yeux matériels. Il est lumière, non pas au sens propre du mot mais au sens métaphorique: il est pur esprit, sans aucun mélange avec l’opacité de la matière. Il est pour nous très difficile de comprendre vraiment ce qu’est une réalité purement spirituelle, de comprendre comment vit une personne qui n’a pas de corps. Notre langage est fait pour parler des choses matérielles. Pour comprendre un ange il faut s’efforcer d’éliminer en lui toute faculté dépendante d’un organe. L’ange ne peut manger, boire, ni se reproduire. Toutes les fonctions vitales végétatives sont inexistantes en lui. Mais il faut aussi éliminer en lui la possibilité d’une vie psychique. L’ange n’a pas de cerveau et ne peut donc exercer les facultés qui font la richesse de la sensibilité humaine et animale: l’ange n’a pas de perceptions; il ne peut sentir l’odeur des plantes, il ne peut voir la beauté des couchers de soleil, il ne peut entendre la musique ni goûter le plaisir de la nourriture. Il fait partie d’un autre monde, d’une autre dimension que la nôtre. L’ange n’a pas de mémoire sensible. Il lui est impossible d’apprendre par cœur des connaissances comme nous le faisons. Cela lui est d’ailleurs parfaitement inutile puisque sa connaissance est bien supérieure à celle là. Il n’a pas non plus la faculté d’imaginer: impossible pour lui de fermer les yeux et de se représenter un paysage, en sorte de rêver. Mais le plus étonnant pour nous, c’est qu’il faut chasser de la vie des anges toute passion. La passion est un amour qui nous fait nous porter vers une réalité sensible. L’homme et l’animal sont des êtres passionnés, capables de s’enflammer à cause des beaux yeux du sexe opposé. L’ange ne peut tomber amoureux de cette manière. Il ne connaît les charmes de ces amours que parce qu’il est intelligent et non parce qu’il les expérimente. Amour passionnel et haine, désir et fuite, tristesse et jouissance, crainte et audace, espoir d’un bien sensible ou désespoir, voici toute une série de sentiments impossibles aux anges. Ainsi, lorsque nous parlerons plus tard comme si les anges avaient des passions, ce sera dans un sens métaphorique pour mieux exprimer les réactions de leur intelligence et de leur volonté.

 

            Que peut donc faire l’ange? Quelle est sa vie? Il ne lui reste que les facultés vitales qui dépassent la matière, celles qui n’ont pas besoin d’un organe pour s’exercer: L’intelligence et la volonté. Il ne s’agit pas de cette intelligence des animaux qui leur permet de trouver des solutions ingénieuses pour mieux vivre et survivre ou pour mieux se reproduire. Il s’agit de l’intelligence dans ce qu’elle a de spécifiquement spirituel, celle qui est capable de connaître tout ce qui est connaissable, de pénétrer la nature des réalités. L’intelligence des anges est parfaite. Elle est faite de telle manière qu’elle peut connaître immédiatement l’essence de toute chose. Elle pénètre la nature de tout ce qui existe (sauf Dieu qui la dépasse trop pour être connu), d’une manière directe et intuitive. Elle n’a pas besoin comme notre intelligence de s’appuyer sur une connaissance sensible au préalable.          

 

            De même, pour la volonté, l’ange ne possède pas cette volonté des animaux qui les porte à la recherche de ce qui peut assouvir leurs besoins. La volonté de l’ange est son intelligence qui désire ce qu’elle a compris pour être un bien. Quand l’ange aime, ce n’est pas parce qu’il a été séduit par les charmes d’une réalité mais parce qu’il en a compris la bonté. Il n’a pas la capacité de s’émouvoir, non qu’il soit insensible comme le sont certains intellectuels humains au cœur rétracté, mais parce qu’il ne possède pas de sensibilité.

 

            De ce fait, la liberté des anges est parfaite. Elle n’est soumise à aucune limite comme la nôtre. Il n’a pas de corps pour le porter dans une autre direction que sa volonté. Il n’est pas comme nous tiraillé entre les désirs contradictoires de ses instincts. Il ne subit aucune influence du social car il se suffit à lui-même. Ce qu’il veut, c’est ce qu’il a compris comme étant le bien absolu et il s’y porte tout entier, simplement, sans retour en arrière, sans erreur possible. C’est ainsi que Dieu créa les anges, sa première oeuvre. Il les créa innombrables, par myriades, dit la Bible. Saint Augustin, puis à sa suite saint Thomas d’Aquin se demandèrent si les anges, une fois créés eurent à apprendre comme nous les diverses connaissances qui leur étaient nécessaires. Quand un homme naît, il ne connaît rien. Son intelligence est comme une table sur laquelle rien n’est écrit. Grâce à ses sensations, l’enfant commence à appendre et il ne cessera d’appendre jusqu’à la fin de sa vie, s’élevant petit à petit du sensible (ce chien, ce chat) au spirituel (la beauté, la vérité, la bonté etc.) Mais l’ange n’ayant pas de sensation ne pouvait appendre de cette manière. Dieu lui donna donc dès le point de départ, en le créant la connaissance de tout ce dont il avait besoin pour sa vie d’ange. Les anges furent créés adultes et à l’instant même où ils sortirent du néant, ils se comprirent tout entier.

 

            Chaque ange, par nature, était différent des autres selon les degrés reçus de Dieu. Chaque ange, était un peu comme un diamant très pur qu’on ne peut comparer à aucun autre diamant. Parmi eux, le plus beau, le plus semblable à Dieu s’appelait Lucifer, "le porte-lumière". Lucifer était un Chérubin resplendissant, chef-d’œuvre et objet d’admiration de tous les autres anges. "Dieu vit que la lumière était bonne", commente simplement la Bible.

 

            En ce premier instant de la création, tous les anges étaient bons. Lucifer par sa beauté, par la grandeur de son être était le chef-d’œuvre de Dieu. Les autres anges n’en éprouvaient pas de jalousie. Bien au contraire, en contemplant sa perfection, ils se faisaient une idée de l’infinie grandeur du Dieu caché qui venait de les créer. Tous les anges aimaient Dieu, affirme saint Thomas d’Aquin. Ils n’avaient que reconnaissance pour ce qu’ils venaient de recevoir de sa main: l’existence, la vie, la beauté. Ce spectacle sur la création leur faisait crier d’une seule voix: « Gloire à Dieu au plus haut des Cieux.»

 

            S’ils l’aimaient, ils ne pouvaient par contre le connaître, sinon de loin. Même pour le plus intelligent des anges, Dieu reste le Mystère par excellence. L’intelligence des esprits célestes a beau être de loin supérieure à la nôtre, elle reste limitée. Or ce qui est limité ne peut comprendre ce qui est sans limites. Comment un vase fini (l’ange) pourrait-il contenir l’Infini (Dieu) ? Cela les anges le savaient. Ils se contentaient donc de connaître Dieu de loin, à travers les effets de sa puissance. En se regardant eux-mêmes, en regardant les autres anges, ils voyaient comme dans un miroir le reflet lointain de leur Dieu. Ce qui est intéressant de remarquer dans ce premier état du monde, c’est qu’il était hiérarchisé. Le plus grand de tous était celui qui avait l’esprit le plus performant. Lucifer était le Prince des anges, sans contestation, car il était le plus intelligent. Nul ne contestait ce fait. Cette hiérarchie et cette vie paisible et contemplative leur plaisaient. Le monde aurait pu rester ainsi pour l’éternité.

 

Pourtant, la foi catholique et l’Ecriture Sainte affirment que ce bonheur naturel n’a pas duré. Il y a eu une brisure, un schisme terrible dams le ciel angélique. En s’appuyant sur les quelques allusions qui expliquent ce fait dans la Bible, les théologiens et les saints sont arrivés à reconstituer l’histoire de ce drame primitif qui fit de Lucifer le prince des anges révoltés contre Dieu, le prince des démons.

 

            Alors que la création était encore frémissante de sa nouveauté, que les anges verraient de découvrir en un regard leur magnifique beauté, venaient de se tourner en un élan de reconnaissance vers leur Créateur, Dieu parla. Il ne s’agit pas d’une parole faite de mots articulés. Il s’agit plutôt d’une pensée, d’une révélation transmise directement dans l’intelligence de chaque ange, à la manière d’un éclair lumineux. C’est le contenu de cette révélation première qui provoqua ce premier drame de la création. Cette parole fut en effet synonyme pour eux d’épreuve. Il s’agit d’une épreuve très difficile à comprendre pour nous car elle est d’ordre strictement spirituel. Il est pourtant indispensable, dans le cadre de cet ouvrage d’en saisir le contenu car elle constitue un commencement qui éclaire bien des phénomènes paranormaux, particulièrement ceux qui trouvent leur origine dans les démons. Dieu parla donc, à la manière d’un éclair qui déchire le ciel.

 

Pour mieux comprendre, on peut décomposer en trois parties la révélation qu’il fit. Dieu dit: "Je vous ai créés pour que vous me voyiez face à face". Cette première révélation est bouleversante pour un ange, bien plus que pour un homme car l’ange a la capacité d’en saisir immédiatement toute la portée. Voir Dieu face à face signifie pour eux l’inimaginable, l’impensable. Il leur était impossible, même à eux, de simplement désirer un tel bonheur. Ils savaient bien plus que nous l’infinie profondeur du mystère divin et la limite de leurs capacités intellectuelles. Voir Dieu face à face, cela signifie comprendre son Mystère en plénitude, avec le regard même dont Dieu se comprend. Cela signifie vivre du bonheur même de Dieu. Or une telle chose est impossible, de même qu’il est impossible de mettre toute l’eau de la mer dans un verre. La Bible témoigne de cette incapacité naturelle des créatures à voir le Créateur[30]: "Nul ne peut voir Dieu face à face sans mourir". Pourtant, les légions angéliques avaient bien entendu "Je vous ai créés pour que vous me voyiez face à face". Ils crurent donc, Ils adhérèrent à cette parole de Dieu, malgré son caractère illogique sachant que rien n’est impossible à Dieu. Ils crurent en la possibilité d’une vie surnaturelle. Lucifer le premier crut. Avec lui, les séraphins, les chérubins et tous les ordres célestes crurent en Dieu et désirèrent voir se réaliser cette promesse. Cette adhésion s’appelle la foi. Mais déjà en ce premier instant, Dieu savait que Lucifer croyait pour un autre motif que l’archange Michael. Lucifer crut parce qu’il savait que Dieu peut réaliser ce qu’il dit. Michael crut parce qu’il aimait.

 

            Dans la Bible Dieu dit encore[31]: « Dieu sépara la lumière des ténèbres.» Cette simple phrase nous montre qu’il parla encore, de manière à manifester extérieurement la présomption des uns et l’amour des autres.

 

2) Dieu dit[32]: “Je suis amour. Nul ne peut me voir face à face s’il n’est à son tour amour". Quand Dieu révèle aux anges qu’il est amour, il ne leur apprend pas quelque chose d’entièrement nouveau. Ceux-ci savaient en effet, en raison de leur contemplation naturelle, que Dieu ne pouvait les avoir crées que par amour.

 

            Mais ils découvrent avec stupeur en cet instant que Dieu est amour. Leur contemplation naturelle les invitait plutôt à admirer en premier lieu l’intelligence du Créateur, sa lumière. Le monde angélique leur paraissait davantage beauté que bonté. Par sa parole, Dieu les invite donc à bouleverser entièrement leurs conceptions habituelles.

 

            Quand Dieu affirme qu’il est amour avant tout, il manifeste que la perfection naturelle des Chérubins n’est rien à ses yeux comparée à l’amour. Il manifeste que son ordre de préférence n’est pas celui que donne la noblesse mais celui que donne le cœur. Quand Dieu dit “Nul ne peut me voir face à face s’il n’est à son tour amour", il manifeste clairement aux anges qu’il leur demande une conversion totale. Ce n’est plus seulement une invitation mais un commandement. Devenir amour est la condition nécessaire pour tout entrée dans le Royaume de Dieu, dans la vision béatifique. C’est la même condition qui fut révélée aux hommes par Jésus quand il dit "tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux commandements se rattache toute la loi ainsi que les prophètes"[33].

 

            Pour voir Dieu, il faut donc que l’ange accepte de mettre de côté la noblesse de sa science, la beauté de son être pour entrer dans une autre sagesse où l’humilité est première. Là se situe l’épreuve terrible pour les anges: renoncer à soi-même. Renoncer à soi-même est déjà grand pour un être humain qui est pourtant chaque jour confronté à ses imperfections. Cela l’est d’autant plus pour un esprit pur, image parfaite et inviolée de la perfection de Dieu. L’orgueil est un défaut plus proche des anges que des hommes. Cette abnégation est indispensable car la vie proposée est surnaturelle. Elle implique donc que Dieu trouve un cœur livré, abandonné entre ses mains, qu’il pourra élever dans sa gloire. C’est la condition de toute vie surnaturelle, qu’elle soit donnée aux anges ou aux hommes. Jésus disait [34]: "si vous ne devenez pas comme un de ces petits enfants que voici, vous n’entrerez pas dans le royaume de Dieu"[35].

 

3) Les anges ont compris en plénitude cette exigence d’humilité. Mais Dieu, afin de rendre leur intelligence plus lucide encore dans son choix, afin de mettre à l’épreuve l’intensité de leur confiance en lui, leur a révélé son projet secret, connu jusqu’ici de lui seul: il leur a révélé son désir de ne pas arrêter sa création avec eux mais de la prolonger dans un chef-d’œuvre ultime, que ces nouvelles créatures, seraient supérieures à ses yeux aux anges, non pas en perfections naturelles bien sûr, mais en perfections surnaturelles: à cause de leur sensibilité, l’homme et la femme seraient capables d’un plus grand amour que les séraphins eux-mêmes; Or, ce qu’il y a de plus grand aux yeux de Dieu, c’est l’amour.

 

            Certains théologiens sont allés plus loin encore. Ils ont cru lire dans la Bible que Dieu était allé jusqu’à révéler aux anges que lire dans la Bible que naîtrait un jour une femme dont le cœur serait si pur, l’humilité si absolue, le don d’elle même si total que Dieu lui même l’élèverait au-dessus de tous les anges et en ferait leur reine. Dieu a t-il réellement fait ceci? Leur a t-il révélé dès cet instant la naissance future de la Vierge Marie ? Leur a t-il annoncé qu’un jour il se ferait lui-même homme, poussant ainsi son amour jusqu’à la folie ? Cela reste et restera longtemps le secret des esprits angéliques.

 

            Une chose par contre est certaine: Dieu leur dit: "Je vous demande de devenir pour l'homme et la femme des gardiens et les guides spirituels. Vous les aiderez à parvenir au paradis." Anges gardiens, mandatés selon un ordre hiérarchique parfait au service des hommes, voilà quelle serait leur mission jusqu’à ce que le dernier homme ait terminé sa vie terrestre.

 

             Cette révélation, à la manière d’un éclair fulgurant, laissa le ciel entier silencieux et, dans l’instant qui suivit, un de ces instants célestes qui mesure la pensée des anges, une voix puissante cria "je ne servirai pas"[36]; Le plus beau de tous, Lucifer, avait parlé, devenant pour toujours Satan, que la Bible appelle encore l’antique serpent, le prince des démons.

 

             Il est indispensable de comprendre le pourquoi de la colère de Lucifer car son rôle est très important dans la Théologie catholique de certains phénomènes paranormaux. Lucifer et ses anges agissent par rapport aux hommes d’une manière ordonnée et réglée par cet instant premier qui motiva leur révolte commune. Lucifer est le plus beau des anges. Il est donc le plus intelligent, le plus proche de Dieu par sa perfection. Lucifer aime Dieu. Il serait aberrant d’affirmer que cet ange a de la haine pour son Créateur à qui il sait tout devoir. Seul l’homme est capable de haïr Dieu car il ne le connaît pas et le juge bien souvent à des effets pénibles, provisoires et éducatifs de sa providence. L’homme agit souvent comme un enfant qui, ayant été grondé par sa mère, lui en veut terriblement. Cet enfant n’est pas encore capable de comprendre que c’est l’amour qui a fait agir sa mère ainsi. L’ange est au-delà de ces raisonnements enfantins.

 

             Le problème de Lucifer est qu’il aimait Dieu à sa manière à lui. Il voyait en lui le sommet de tout l’univers devant qui tout genou fléchit. Il avait le sens de l’honneur de Dieu et de son rang. Il avait encore plus le sens de sa perfection personnelle, de sa place de chef de tous les anges. Finalement, pour Lucifer la valeur suprême de tout l’univers s’appelait la beauté et la noblesse de l’intelligence mais certainement pas l’humilité et l’amour. Quand il comprit que Dieu en avait décidé autrement, que l’ordre naturel allait s’en trouver renversé, que les premiers seraient les derniers et les derniers premiers, quand il eut pleinement saisi qu’il devrait, lui, le chef des légions célestes, s’abaisser à servir cet être de boue et d’os appelé homme, il se révolta. Il devint en un instant, d’une manière parfaitement lucide, le héraut de la défense des "droits" de Dieu et de la défense de la place hiérarchique des anges. Au nom de son amour pour le Créateur et la création, il proclama sa révolte, un peu (toutes proportions gardées) à la manière de saint Pierre avant la passion de Jésus[37]: "Tu es le maître et le Seigneur, tu ne me laveras pas les pieds".

 

            Pierre aussi eut ce sens de la place de Jésus mais, à la différence de Lucifer, il sut se taire quand Jésus lui répondit: "si je ne te lave pas les pieds, tu n’auras pas de part avec moi"[38].

            Lucifer étant le plus beau des anges, il eut par ses arguments une influence terrible sur le reste du Ciel. La Bible dit que le dragon rouge-feu (couleur symbolisant la colère) balaya le tiers des étoiles du ciel[39]. Ce nombre n’est sans doute pas à prendre au sens propre mais il manifeste tout de même que les démons sont nombreux (le tiers des anges). Son influence vint sans doute de la noblesse de ses arguments. Il prétendit n’agir ainsi que pour le bien de Dieu. Son argument eut encore plus de poids si, comme le pensent certains théologiens, les anges connurent dès le premier moment le projet de l’incarnation du Fils de Dieu en Jésus Christ. Un tel projet ne peut être que scandaleux aux yeux des esprits purs. Lucifer était-il vraiment le défenseur des droits de Dieu? Son amour pour lui est-il la vraie raison de sa révolte? Beaucoup d’anges ne s’y laissèrent pas prendre (les deux tiers si l’on prend les textes au pied de la lettre). L’Apocalypse parle ainsi: "Alors une bataille s’engagea dans le ciel: Michel et ses anges combattirent le dragon. Et le dragon riposta, appuyé par ses anges, mais ils eurent le dessous et furent chassés du Ciel"[40]. Ce combat ne se fit pas avec des épées d’acier mais avec le glaive de la vérité. Michel, un simple archange, fut le premier à dénoncer le mensonge de Satan, un Chérubin resplendissant: "Ce n’est pas pour Dieu que tu luttes mais pour toi. Si tu aimais vraiment Dieu tu obéirais à sa volonté. Ce qui t’importe, c’est de rester le premier. C’est l’orgueil qui t’a aveuglé"[41]. Michel par cette parole de vérité entraîna à sa suite ceux que Lucifer ne put séduire. La Bible ne cesse de confirmer cet orgueil primitif de Lucifer, qu’il sut si bien camoufler en grandeur de sentiment.

 

            Isaïe, parlant de lui, déclare[42]: "Comment es-tu tombé du ciel, étoile du matin, fils de l’aurore? Comment as-tu été jeté sur la terre, vainqueur des nations? Toi qui avais dit en ton cœur: J’escaladerai les Cieux, au-dessus des étoiles de Dieu j’élèverai mon trône. Je m’égalerai au très haut". Quant à Jésus, il n’hésite pas à affirmer que Satan fut menteur dès l’origine[43]. Il fut le prince du mensonge. En effet il n’y a pas de plus grand mensonge que d’appeler bien ce qui est mal.

           

Par rapport au sujet qui nous occupe, il est important de comprendre ce que sont devenus les anges depuis l’éclair de leur création et depuis la chute de certains d’entre eux.

            Ils sont divisés en deux groupes selon le choix qu’ils firent de servir ou de lutter contre le projet de Dieu. Les anges bons furent immédiatement introduits dans la vision de Dieu et ils ne la quittent jamais. Les anges mauvais se séparèrent de Dieu et Jésus, affirme que leur rupture ne cessera jamais. Lucifer et ses anges sont damnés pour l’éternité. Certains chrétiens pensent que l’éternité de l’enfer est contradictoire avec la bonté de Dieu. Ils pensent que Dieu pardonnera un jour son péché à Lucifer et le prendra auprès de lui. Ils parlent ainsi car ils comprennent mal le mystère de l’Enfer. Ils le comprennent d’une manière terrestre et humaine. L’homme tant qu’il est sur la terre peut toujours revenir sur ses fautes. Dieu le reçoit alors et lui pardonne toutes ses offenses. L’ange, quant à lui, est trop intelligent pour être soumis à ces revirements de volonté. Quand un ange choisit, il sait ce qu’il choisit. En un instant, il pèse le pour et le contre et son intelligence, comme une lame tranchante, ne laisse rien dans le vague. Lucifer et ses anges savaient ce qu’était l’Enfer, ce vide de Dieu. L’Enfer ne leur a pas paru un mal si terrible face à la perte de cet autre bien qu’ils mirent à la place suprême dans leur cœur: l’amour d’eux-mêmes. Dieu aurait beau pardonner beaucoup à Lucifer, celui ci répondrait indéfiniment "j’ai raison".

             Que font les démons maintenant? L’Apocalypse affirme qu’ils furent précipités sur la terre[44]. Cette phrase mystérieuse signifie que leur unique obsession, l’objet de toute leur activité, est l’homme. Les démons, logiques avec leur choix originel ne désirent plus que détruire l’homme. Ils espèrent, de cette manière, démontrer à Dieu son erreur grossière, la stupidité de ses plans d’amour. S’ils pouvaient arriver à faire que l’homme, ce soi-disant chef-d’œuvre, s’autodétruise ou mieux encore se damne, leur victoire leur semblerait complète. Quand un homme, arrivé au terme de sa vie, rejette l’amour de Dieu et rejoint Lucifer dans son infortune, ce dernier ne se réjouit pas parce qu’il a un nouveau compagnon de malheur. Il n’a que mépris pour la petite intelligence humaine. Il se réjouit car il peut prouver à Dieu une fois de plus la légitimité de sa révolte. Il espère obtenir, en révoltant l’univers entier contre son Créateur, le rétablissement de l’ancien ordre qui lui plaisait, 1’ordre de la noblesse fondée sur des droits de nature.

            L’Eglise, par toute sa tradition, par la voix de Jésus son fondateur et par celle de son Magistère le plus solennel affirme la présence constante et agissante des esprits angéliques auprès de nous[45]. Qu’ils soient bons ou mauvais, les anges exercent une action efficace qui va bien au-delà de ce que nous appelons les phénomènes paranormaux. Ils sont pourtant responsables d’une partie d’entre eux.

            Saint Thomas d’Aquin fut l’un des premiers à se demander comment un pur esprit pouvait avoir une influence sur le monde matériel. Il démontra qu’il fallait nécessairement poser dans la nature angélique l’existence d’une troisième faculté vitale outre l’intelligence[46] et la volonté: Il s’agit d’une faculté d’efficacité, un pouvoir sur la matière[47]. L’ange connut cette faculté dès le jour de sa création mais n’en compris l’utilité que le jour où lui fut révélée sa mission auprès des hommes. Si les anges bons mirent cette puissance au service de Dieu, les anges mauvais ne la perdirent pas et ils l’utilisèrent. C’est par la tentation que Satan s’attaqua pour la première fois à l’humanité.

 

            Dans son rapport avec l’humanité, le monde angélique est organisé selon trois hiérarchies parfaites. C’est saint Denis qui le premier au quatrième siècle sut extraire de la Bible cette révélation. La première hiérarchie, la plus élevée, est composée des Chérubins, des Séraphins et des Trônes. Ils sont si proches de Dieu qu’ils reçoivent de lui directement ses volontés sur nous qu’ils communiquent aux hiérarchies inférieures. Ils sont un peu comme les ministres pour le roi. La deuxième hiérarchie, composée des Dominations, des Vertus et des Puissances s’occupent de la manière générale dont ces volontés seront appliquées sur les hommes. Ils sont comme l’Etat-major de l’armée du roi. Quant à la troisième hiérarchie, celle des anges inférieurs, elle exécute auprès de nous les commandements de Dieu. Ils sont comme l’armée du roi, présente sur le terrain du combat. C’est justement en raison de leur nature inférieure qu’ils peuvent être si proche de nous. Cette hiérarchie est composée des anges de l’ordre des Dominations, chargés du destin général des peuples; de l’ordre des Archanges qui annoncent les grandes nouvelles et enfin, des Anges gardiens qui s’occupent de chaque individu en particulier.

            On pouvait décrire de la même façon la hiérarchie démoniaque à la différence toutefois qu’elle est coupée de sa source, Dieu. Lucifer, prince des démons, commande une armée dont la puissance ne vise qu’à détruire. Saint Paul nous conseille de ne pas sous estimer leur importance dans notre vie. Il n’hésite pas à écrire, à l’adresse de ceux qui souffrent des persécutions dans leur vie[48]: "Ce n’est pas contre des adversaires de sang et de chair que vous avez à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes".

 

 

CHAPITRE 3: Les hommes et le monde visible

 

            Dieu est amour: Il ne s’est pas arrêté dans sa création. La révolte de ses anges ne le décourage pas et il se lance dans la réalisation de sa plus belle oeuvre, l’homme. Dieu dit: "Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance". Ce fut le sixième jour[49].

            L’Eglise, là encore, nous aide à mieux comprendre le mystère. Sa méthode est tout autre que celle de la science. Elle ne s’appuie pas sur les vestiges du passé mais sur la parole de Celui qui en fut le témoin puisque c’est son oeuvre. Le texte Biblique à lui seul est très difficile à lire car tout s’exprime par mode de symbole. Comment discerner dans ces paroles ce qui a un sens historique? Là encore, l’Esprit Saint nous vient en aide par la voie solennelle du Magistère de l’Eglise. Voici les quelques points qui font partie de la foi catholique:

 

            1) C’est Dieu lui-même qui a créé l’homme et la femme et leur a insufflé une âme spirituelle et immortelle;

 

            2) Les noms d’Adam et Eve, malgré le sens symbolique, désignent un homme et une femme réels, nos premiers parents.

 

            3) Adam et Eve furent créés parfaits selon la grâce et la sagesse [la connaissance de leur destin éternel]: à cause de leur place de premiers parents de tous les hommes, Dieu leur communiqua des dons naturels et des dons préternaturels[50]. Ils reçurent aussi la grâce surnaturelle qui les rendit tout proches de Dieu. Cette grâce s’appelle la grâce originelle.

           

4) Le démon s’approcha d’eux et les séduisit; Ils se révoltèrent contre Dieu et perdirent en conséquence la grâce originelle et les dons préternaturels qui l’accompagnaient.

           

5) Etant responsables de l’humanité aux yeux de Dieu, ils séparèrent de Dieu par leur péché toutes les générations qui devaient naître d’eux. C’est le péché originel[51].

 

            Le pape Paul VI, dans le Credo qu’il donna à l’Eglise en 1968 écrit: "Nous croyons qu’en Adam tous ont péché, ce qui signifie que la faute originelle commise par lui a fait tomber la nature humaine, commune à tous les hommes dans un état où elle porte les conséquences de cette faute et qui n’est pas celui où elle se trouvait d’abord en nos premiers parents, constitués dans la sainteté et la justice et où l’homme ne connaissait ni le mal ni la mort. C’est la nature humaine ainsi tombée, dépouillée de la grâce qui la revêtait, blessée dans ses propres forces naturelles et soumises à l’empire de la mort, qui est transmise à tous les hommes et c’est en ce sens que chaque homme naît dans le péché".

 

L’Eglise ne sait pas exactement comment Dieu s’y prit pour préparer, sur des millions d’années, la terre. Elle laisse à la science le soin de découvrir cela. Tout ce qu’elle sait, c’est que sa main fut là pour façonner pas à pas, nuance après nuance, un lieu pour l’homme. Les anges eurent certainement un rôle dans l’organisation grandiose de l’univers, vu leur pouvoir réel sur la matière. Dieu se sert d’intermédiaire aussitôt qu’il le peut. Le texte de la Genèse a peut-être une certaine valeur scientifique. Ce n’est pas à l’Eglise d’en décider car cela a peu d’importance pour ce qui l’intéresse, à savoir la foi. La science, en progressant, nous éclaire là dessus. Comment Dieu fit-il le corps de l’homme? Prit-il un singe qu’il ennoblit d’une âme spirituelle comme le pense Jean-Paul II [52]? Prit-il de la terre pour en façonner une oeuvre toute nouvelle? Les deux thèses ont été défendues et c’est sans doute la science génétique qui tranchera définitivement, dans quelques dizaines d’années, le débat sur l’évolution.

 

            L’essentiel est que ce corps devint le réceptacle où Dieu déposa un esprit. La science moderne peut nous aider à toucher du doigt l’infinie sollicitude de Dieu pour l’homme: des milliards d’années de gestation, des sommes colossales d’énergie cristallisées en des milliers d’univers, des galaxies aux dimensions gigantesques et un soleil qui brille faiblement sa lumière pour quelques grains de poussières. Sur l’un d’eux, la Terre, Dieu déposa avec précaution son chef-d’œuvre: par son esprit, l’homme devint le centre et la finalité de l’univers entier. C’est parce qu’il a un esprit qu’il se trouve placé bien au-dessus de ces mondes immenses mais sans âme. L’esprit est cette flamme divine qui fait d’un animal une personne et de cette personne un être capable de voir Dieu. L’expérience et la philosophie ne peuvent que constater l’existence en l’homme de quelque chose de plus que l’animal. L’intelligence animale, enchaînée au sensible, est incapable de se poser les grandes questions. Un animal est heureux quand sa vie matérielle et sensible est comblée. L’homme, au contraire, n’a de paix que s’il comprend ce qu’il fait sur terre. Tant qu’il n’a pas trouvé la réponse, il erre. Cette interrogation perpétuelle, dont témoigne l’art, les religions et les sciences, est l’effet premier de l’existence en lui d’une intelligence faite pour tout connaître et d’une volonté* faite pour un amour infini.

           

La théologie des phénomènes paranormaux d’origine para-psychique (dans notre corps), est fondée sur la connaissance des dons de nos premiers parents. Le don le plus grand que Dieu fit à Adam et Eve fut celui de la Sagesse. Il ne s’agit pas de la sagesse qui fait un grand architecte ou un grand homme politique mais de celle qui fait aimer Dieu comme son ami et rend simple la contemplation de sa présence. La Bible dit que Dieu s’entretenait familièrement avec Adam et Eve dans le jardin où il les avait placés. Comme ils aimaient Dieu, leur vie entière parlait de lui. Chaque animal qu’ils apprenaient à connaître leur faisait découvrir un peu plus la bonté de leur Ami. Ils n’avaient qu’à se recueillir un peu pour retrouver immédiatement la présence de leur Bien-Aimé au fond d’eux même. La contemplation mystique, d’une intensité à faire pâlir le plus saint des moines chrétiens actuels, leur était comme naturelle. Pourtant, Ce don n’avait rien de naturel: il s’agissait de la plus pure des grâces surnaturelles. Si déjà un séraphin resplendissant ne peut même pas, par ses simples forces naturelles désirer une simple amitié avec son Créateur, que dire quand il s’agit de la petite intelligence humaine?

            Mais Dieu n’a pas créé l’homme dans la misère morale où il se trouve actuellement. N’en déplaise à une certaine science, l’Eglise s’oppose à sa conception qui nous décrit l’humanité passant, sur des milliers d’années de l’état de la brute à celui de sage. S’il y eut un véritable progrès pour ce qui concerne l’intelligence technique, il n’en est rien pour l’intelligence du cœur. Adam et Eve étaient des êtres, d’une limpidité comparable à celle de la Vierge Marie. Eve, tout comme Marie, fut immaculée dans sa conception. Peut-être son corps n’était-il pas exactement selon nos critères de beauté mais son âme, comme celle d’Adam, fut comblée de grâce. Il nous est presque impossible de comprendre la beauté intérieure d’Adam et Eve. Il faut pourtant tenter de le faire car la Bible et l’Eglise témoignent de l’existence en eux de facultés préternaturelles qui, même si elles semblent avoir disparu en partie après leur péché, n’en demeurent pas moins présente dans la nature humaine.

            Adam et Eve ne voyaient bien sûr pas Dieu face à face. Ils auraient été immédiatement enlevés au Ciel car nul ne peut voir Dieu sans mourir. Leurs contemplations se faisaient dans la nuit: ils connaissaient leur Dieu en découvrant ses oeuvres et ils vivaient du sentiment toujours nouveau de sa présence au fond d’eux-mêmes.

 

            Le deuxième don fait par Dieu à Adam et Eve fut l’amitié. La Bible emploi un symbole d’une grande profondeur pour montrer la grandeur de l’amour que le Créateur voulut entre eux: Eve fut façonnée avec la "côte" d’Adam, c’est-à-dire avec la partie la plus proche de son cœur. Cela signifie qu’Eve fut faite pour être collée au cœur d’Adam à la manière dont la côte est une avec le cœur. Adam, enthousiasmé, s’écria en voyant pour la première fois sa femme "pour le coup, celle ci est la chair de ma chair, l’os de mes os"[53].

            Mais si leur amour fut si pur, comparable à nul autre si ce n’est celui de Marie, la mère de Jésus, pour Joseph, c’est parce qu’ils étaient fondés en Dieu. Leur vie mystérieuse avec Dieu* était d’une telle profondeur qu’elle rayonnait dans tout leur être. Leur corps s’en trouvait perfectionné, dans des dons préternaturels qu’il nous faut décrire: On appelle don préternaturel une faculté vitale qui a sa source première dans la nature de l’être humain mais qui, malgré cela, ne peut s’exercer parfaitement que si l’âme est dans un état particulier: Elle doit être parfaitement elle même, c’est-à-dire entièrement maîtresse du corps à qui elle donne de vivre. L’âme, source de la vie de tout l’homme, ne doit être gênée par aucun obstacle. Son emprise étant totale sur le corps, elle peut alors en utiliser toutes les potentialités cachées. Les dons préternaturels ne sont donc pas des grâces surajoutées par la bonté de Dieu mais des facultés naturelles.

            Or Adam et Eve étaient dans cet état de perfection parce que leurs cœurs et leurs intelligences étaient entièrement fondues en Dieu, la paix en eux était totale. Cette paix envahissait leur âme qui à son tour unifiait leur corps. La source de leur perfection première ne venait pas d’eux-mêmes, à la manière des ascètes bouddhistes, mais de leur union à Dieu, offerte comme un cadeau au jour de leur Création.

            Les dons préternaturels étaient multiples et le plus grand d’entre eux s’appelait l’immortalité; mais il y en avait de nombreux autres que nous allons essayer de décrire.

            L’immortalité est donc le plus étonnant des dons fait à nos premiers parents. L’Eglise, bravant le sourire moqueur de la science, n’a pas hésité, par la voix de Paul VI, à mettre cette étonnante croyance dans le Credo de l’Eglise[54].

            Chacun sait pourtant, la science moderne semble l’avoir montré, que la mort est naturelle aux êtres vivants. Elle est inscrite dès leur naissance dans leurs gênes et la vieillesse n’est autre que la conséquence d’un ralentissement programmé des divisions cellulaires. Chaque espèce vivante à sa durée propre, que l’on peut allonger si l’on manipule le gène responsable de cette durée.

 

Ce gène est en quelque sorte "l’arbre de vie" dont parle la Bible au chapitre 3 du livre de la Genèse. Adam et Eve n’étaient pas faits différemment de nous puisqu’ils nous ont communiqué leur nature humaine. Ces découvertes scientifiques peuvent donc nous permettre d’interpréter d’une manière plus profonde le dogme de leur immortalité. En agissant ainsi, nous ne faisons qu’imiter la méthode de saint Thomas qui n’hésita pas à utiliser la science de son époque.

 

            Deux hypothèses de recherche se présentent à moi: Celle qui prétendrait que le gène de la mort, présent en Adam et Eve était récessif, c’est-à-dire ne fonctionnait pas, permettant à leurs cellules une division sans cesse renouvelée, une éternelle jeunesse. Cette hypothèse théologique parait peu soutenable bien qu’elle soit séduisante. Une lecture littérale de certains passages de la Bible pourrait pourtant l’étayer. Dès le chapitre 6 du livre de la Genèse, on voit Dieu se décider, devant la méchanceté des hommes, à raccourcir leur vie: "Que mon esprit ne soit pas indéfiniment humilié devant l’homme puisqu’il est chair. Sa vie ne sera que de 120 ans"[55]. Cette hypothèse n’est pas la bonne. Tout ce qui existe sur terre est soumis, tôt ou tard à la corruption. Même si certains savants généticiens pouvaient rallonger la durée terrestre de l’homme par leurs manipulations sur les gènes responsables du vieillissement, ils ne pourraient rendre la vie éternelle. C'est pourquoi, lorsque la Bible parle de la vie éternelle qu'elle symbolise par "l’arbre de vie", elle dit[56]: "Dieu bannit l'homme et il posta devant le jardin d'Eden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l'arbre de vie.".

            L’hypothèse la plus traditionnelle[57] me parait être celle ci: Adam et Eve étaient immortels en ce sens que Dieu ne les aurait pas laissé mourir, s’ils n’avaient pas péché. Leur vie aurait en tout point semblable à celle de la Vierge Marie: ils auraient certes vieilli (leurs cellules se seraient divisées moins vite !) mais la puissance de leur âme fortifiée par Dieu aurait protégé leur corps de toute maladie, de toute infirmité. S’ils n’avaient pas péché, Dieu les aurait laissés sur terre le temps qu’ils donnent vie à leurs enfants, qu’ils les aient éduqués. Puis il serait venu les chercher, il les aurait aspirés dans sa gloire, corps et âme, comme il le fit pour Marie au jour de l’Assomption. Jamais ils n’auraient connu la mort, ni eux ni leurs enfants. Jamais leur corps n’aurait connu la corruption car Dieu aurait devancé la faiblesse de la chair par sa puissance. L’immortalité d’Adam et Eve me semble donc être un phénomène préternaturel dû à leurs âmes unies à Dieu et non un phénomène d’ordre purement génétique (dû à leurs corps).

 

            Mais il existait en eux d’autres dons préternaturels qui peuvent être décrits en deux groupes distincts: L’harmonie totale de leur vie intérieure, de leur psychologie et l’harmonie totale de leur être avec l’univers.

            1) L’harmonie totale de leur vie intérieure: la Bible parle ainsi: "Adam et Eve étaient nus et ils n’avaient pas honte". Cette petite phrase peut symboliser à elle seule la merveille de cette harmonie. Un homme normal quand il voit un splendide corps de femme, risque fort d’éprouver en lui, des bouffées de sensualité. "Rien de plus naturel à cela", dira-t-on. Mais si pour une raison ou une autre, cet homme veut contrôler ou même arrêter ses pensées, il s’apercevra vite que ce n’est pas si facile. Il existe une logique de la chair qui, tel un cheval fougueux, renâcle à se soumettre à la volonté. C’est cette loi de la chair opposée à celle de l’esprit qui rend la consécration monastique héroïque et la fidélité conjugale parfois difficile. Elle fut absente totalement de la vie de nos premiers parents. Non seulement elle n’existait pas au plan sexuel mais elle était impossible dans tout autre domaine de leur vie. La raison en était encore en Dieu: la vie surnaturelle avait tellement envahi leur cœur, que leur âme s’en trouvait fortifiée pour tout harmoniser tout en eux. Dans notre vie de tous les jours, la plupart des blessures que nous infligeons aux autres viennent de cette faiblesse: un caractère coléreux aura beau prendre la ferme résolution de ne plus jamais s’énerver, il recommencera le lendemain, et une vie entière suffirait à peine pour contrôler entièrement cette tendance. Adam et Eve ne pouvaient pécher par faiblesse. Ils possédaient toutes les vertus d’une manière naturelle et innée. La Bible, pour nous le montrer, prend l’exemple significatif de la sexualité.

Quand Adam voyait Eve, il la regardait comme son amie la plus chère et la beauté de son corps le ravissait. C’est l’amour qui dirigeait toute son attitude envers elle; Tout en eux, même le plaisir sexuel le plus intense aurait été simple.

            Après le péché originel, tout devint compliqué: les facultés animales en eux comme en nous prirent leur autonomie et cherchèrent leur bien propre. L’âme, séparée de Dieu perdit à jamais sa puissance d’unification. Adam vit en Eve non plus son épouse mais un objet pour son plaisir. Il en eut honte. Il expérimentait pour la première fois ce qu’est une sexualité qui ne s’intéresse qu’au plaisir.

            2) L’harmonie totale de leur être avec l’univers: ce don préternaturel est de la plus haute importance pour notre étude. L’Eglise affirme que leur âme unie à Dieu les harmonisait non seulement avec eux-mêmes mais avec tous le cosmos. Leur corps, doué d’une sensibilité exquise, était capable de vivre comme d’instinct avec ce monde fait exprès pour eux. La Bible parle peu de ce sujet mais ce qu’elle dit suffit pour ouvrir la voie à bien des recherches actuelles. La Bible se contente de décrire les rapports de l’homme avec les animaux: "Dieu amena à l’homme toutes les bêtes sauvages et tous les oiseaux du ciel pour voir comment il les nommerait" [58].

            Les animaux ne fuyaient donc pas, venant librement vers l’homme, comme subjugués par la présence de celui qu’ils ressentaient comme supérieur à eux. La capacité d’attirer les animaux représente un phénomène paranormal bien parfois constaté aujourd’hui, don que ne possèdent que des personnes extrêmement pacifiantes, presque maternelles.

            Mais l’univers n’est pas fait que d’animaux: il existe aussi les planètes, (ce qui pose la question de l’horoscope), les minéraux dont l’eau (ce qui doit nous interroger sur ce qu’est un sourcier), les plantes (qu’est ce qu’avoir la main fleurie?). Avant d’entrer dans l’analyse spécifique de chaque phénomène paranormal, il faut raconter le second drame de la création: le péché des hommes.

            Adam et Eve avaient donc été créés parfaits: leur intelligence avait reçu tout ce qui était nécessaire pour faire d’eux un homme et une femme. Ils connaissaient la possibilité du mal et ils savaient la révolte de Lucifer. Leur volonté était maîtresse parfaite de leur vie tout entière. Ils ne pouvaient faire le mal, ni par ignorance, ni par faiblesse. Ils ne pouvaient le faire que par choix.

            Dieu leur avait d’autre part révélé son projet secret sur eux. Sa parole Divine avait déjà raisonné plusieurs fois dans leur cœur. Ils savaient donc ce qu’ils devaient faire durant leur séjour sur terre: mettre au monde des enfants[59], pour qu’eux mêmes puissent vivre et connaître Dieu; Eduquer ces enfants pour en faire des hommes: en développant leur intelligence par la connaissance de l’univers[60], en développant leur efficacité par la transformation du monde[61], mais surtout en développant les capacités de leur cœur. Déjà â cette époque, en ce premier instant de la création de l’homme, le commandement de l’amour représentait le résumé de toute la volonté de Dieu. Saint Jean dit qu’aimer est le commandement le plus ancien, reçu dès le début[62]. Adam et Eve vivaient de ce commandement, de tout leur être. Comme ils étaient les seuls habitants de la terre, comme leur bonté et leur limpidité irradiaient toute la nature qui les entourait, on peut dire sans mentir qu’ils vivaient dans un véritable "paradis terrestre". Dieu vit ce monde qu’il venait de créer. C’était très bon![63]

            Pourtant, quelque part, tapis comme des lions prêts à bondir[64], Les anges révoltés guettaient. Ils méprisaient en silence ces deux créatures à leurs yeux ridicules qu’étaient l’homme et la femme: Ils s’indignaient de voir Dieu prendre tant de soin pour des êtres à l’intelligence limitée, au corps pesant; Ils tournaient et retournaient dans leur cœur ce qui, à leurs yeux, était un scandale.

Ils s’indignaient au souvenir de ce que Dieu avait jadis exigé d’eux, comme condition pour entrer dans la Vision face à face: servir les hommes, devenir leurs gardiens ! "Quelle folie, quelle indignité ! proclamait Lucifer, montrons à quel point Dieu se trompe. Faisons-le se repentir d’avoir créé ces êtres de chair, ces soi-disant chefs-d’œuvre. Quand il aura comprit, il se montrera à nous face à face, sans exiger aucune condition indigne de notre Noblesse[65].

            Le péché le plus grave de Lucifer se nomme la présomption. Il désirait voir Dieu face à face mais il prétendait obtenir ce bonheur sans accepter les conditions posées par lui. Il s’agit d’un péché contre l’Esprit Saint, grave entre tous. La conséquence en sa volonté s’appelait haine implacable pour l’homme et la femme qui étaient sans le savoir cause de sa chute; Son obsession unique se résumait ainsi: les détruire. Mais il ne pouvait rien contre l’homme et la femme qui étaient entièrement protégés par les légions d’anges fidèles. La seule liberté qui restait à Lucifer, c’était de leur parler comme de l’extérieur.

            Dieu devança auprès d’Adam et Eve toute action du Démon. Il leur parla ainsi: "Tu peux manger de tous les arbres du jardin mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas car, le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement"[66].

            Nulle trace en cette parole d’un quelconque pommier. Son sens est au contraire parfaitement spirituel et Adam et Eve ne s’y trompèrent pas. L’arbre de la connaissance du bien et du mal représente l’orgueil intellectuel. Prise au sens propre, cette parole de Dieu peut être traduite ainsi: "Tu peux tout expérimenter, tout connaître, tout essayer, tout faire sauf une chose: Je t’ai commandé de mettre l’amour au centre de ton âme. Je t’ai commandé de m’aimer moi, ton Créateur de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et d’aimer ta femme et les enfants qui naîtront de vous, comme toi-même. Si un jour, pour ton malheur, tu mets autre chose que cet amour au centre de ta vie, si tu appelles "bien" ce que moi j’ai appelé "mal", si tu donnes à toi-même une nouvelle connaissance du bien et du mal, alors certainement tu détruiras ce que j’ai fait en toi, et cette destruction de ton cœur te conduira un jour à celle de ton corps. Tu mourras".

            Adam et Eve crurent en cette parole de Dieu, avec toute la confiance qu’ils éprouvaient pour lui. Peut-être ne prêtèrent-ils pas assez attention à la mise en garde tragique qu’elle contenait tant le monde leur paraissait paisible et sans danger, tant leur Dieu était bon.

            En ce premier instant de leur création, Adam et Eve se donnèrent entièrement à la joie de découvrir l’univers crée pour eux. Leur âme n’était qu’action de grâce envers leur Créateur. Tout aurait pu continuer ainsi, leur vie durant. Ils auraient mis au monde des enfants, de nombreux enfants qu’ils auraient éduqués, puis Dieu serait venu les chercher, il les aurait happés auprès de lui corps et âme, dans le bonheur éternel de son face à face. Il n’en fut pas ainsi. Il nous faut essayer de reconstituer, en nous appuyant sur le texte biblique, le second drame de la création qui amena, après la chute des anges, celle des hommes.

            "Le serpent était le plus rusé etc." Satan s’approcha d’eux, subtilement, et à la manière d’un serpent[67] qui se faufile, il se glissa auprès d’eux pour les tenter. Sa tactique fut parfaite car il sut mentir avec l’accent même de la vérité. Une question lui suffit pour connaître le commandement donné par Dieu à Eve: "Alors, Dieu a dit que vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin" Ce qui signifie en clair "Alors Dieu vous a interdit de faire quoique ce soit sans permission?".

            Eve crut de son devoir de rétablir la vérité: "mais non ! Dieu nous a permis de tout faire, sauf de nous déclarer maîtres de ce qui est bien et de ce qui est mal". Le démon sut alors que l’unique commandement donné par Dieu était celui-ci: "aime et fais ce que tu veux"[68]. Il comprit qu’il ne pouvait tenter Eve que sur le péché d’orgueil, représenté par l’arbre de la connaissance du bien et du mal: "Mais non pas du tout, il ne vous arrivera rien si vous mangez de cet arbre. Il ne vous arrivera au contraire que du bien: vous deviendrez intelligents et maîtres de votre vie. Vous deviendrez comme des Dieux qui font ce qu’ils veulent. Dieu a trop peur de perdre son pouvoir sur vous. C’est pour cela qu’il vous a menacé de mort"[69].

            Cette parole de Satan eut un effet immédiat sur le cœur d’Eve. Aimer est une chose certes bien belle mais qui implique d’être dépendant. Quelle apparence de liberté au contraire quand on devient le maître absolu de sa vie, quand il dépend de soi et de soi seul de faire ce qu’on veut. Eve, et à sa suite Adam, décidèrent donc de manger de cet arbre, c’est-à-dire de mettre comme bien suprême de leur vie, au-delà de leur amour propre pour Celui qui leur avait tout donné, l’amour de leur propre intelligence.

            Immédiatement, avec une brutalité qu’ils n’auraient jamais soupçonnée, ils "moururent". Il ne s’agit pas là de la mort physique mais d’une mort bien plus grave: celle de leur cœur. L’amitié qu’ils avaient avec Dieu et qui illuminait toute leur vie fut brisée. Ils perdirent en eux le sentiment même de sa présence. La nuit s’abattit donc sur eux car ils avaient perdu la Lumière surnaturelle à qui ils devaient tout. Les conséquences d’un tel bouleversement ébranlèrent l’ordre parfait de leur nature. Leur corps, jusqu’ici parfaitement soumis à leur volonté, se révolta. "Adam et Eve connurent qu’ils étaient nus"[70]. Adam regardant Eve, éprouva un sentiment de convoitise purement sexuelle et sa pureté tout juste perdue en eut honte. Face à l’attaque sordide de leur sexualité qu’il ne pouvait plus contrôler, ni mettre au service de l’amour, ils éprouvèrent le besoin de se vêtir. Puis ils découvrirent en eux la lâcheté: Adam accusa Eve d’être responsable de sa perte et Eve accusa Satan, incapables qu’ils étaient de reconnaître que, s’ils avaient été séduits, c’est eux seuls qui avaient décidé de pécher. Le don préternaturel qui les harmonisait avec la nature disparut à son tour et le monde jusqu’ici paradisiaque prit l’apparence pour eux d’un enfer. Les animaux se mirent à les fuir ou même à les menacer. Leur corps vivifié par une âme affaiblie ressentit le froid, la faim.

             En se voyant si faibles et si démunis, ils eurent peur. Dieu devint lui-même à leurs yeux un danger. Ils se mirent à le fuir, incapables de se souvenir de son immense amour, de cet amour qu’ils avaient pourtant expérimenté jadis. Il m’a semblé indispensable de rappeler cette histoire. Elle peut faire sourire certains tant il parait naïf de croire encore de nos jours à ce qui semble plutôt être une légende. Malgré cela, le Magistère de l’Eglise continue de l’enseigner, inlassablement. A ses yeux, on ne peut comprendre notre état actuel sans se référer à ce drame de l’origine, ce péché originel.

            L’Eglise, à la suite de Saint Paul enseigne une vérité beaucoup plus difficile à croire: "Adam et Eve en choisissant d’être libres par rapport à Dieu, en se séparant de lui, se sont engagés POUR NOUS". Ils nous ont entraînés avec eux, en toute connaissance de cause. Saint Paul l’exprime ainsi "Par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et ainsi la mort a passé en tous les hommes du fait que tous ont péché"[71]. Les conséquences d’une telle foi sont importantes pour comprendre l’actualité des phénomènes paranormaux: Dieu n’a pas rendu aux descendants d’Adam et Eve les dons surnaturels (la proximité de sa présence) et les dons préternaturels (immortalité, harmonie interne de leur être, harmonie externe avec l’univers). Les dons préternaturels n’existeront donc jamais plus avec la même intensité qu’en nos premiers parents. Par contre, il est probable qu’ils restent présents en germe dans notre nature humaine. Ils permettent donc certainement d’expliquer certaines facultés paranormales qui apparaissent parfois.

L’histoire de l’humanité dans son ensemble jusqu’à Abraham, n’est aux yeux de l’Eglise que la suite logique et lamentable de la faute originelle. Pendant des milliers d’années, Dieu laissa l’homme manger jusqu’au bout les fruits de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Dieu laissa l’homme libre de se diriger seul. Il n’imposa plus aucun commandement nouveau. Quand un homme le cherchait, Il lui répondait dans son silence qui est lumière. Mais très peu d’hommes eurent soif de lui. La Bible en cite quelques-uns: Enoch, Noé. La plupart des autres, la grande masse des autres vécurent de cette "divine et dérisoire liberté" promise par Satan: dérisoire liberté dont Freud, d’une manière exagérée, a montré les limites: liberté conditionnée, parfois déterminée par les instincts du corps, par les mouvements de l’entourage social; Liberté manipulée, affirme l’Eglise, par le rôle occulte des démons vainqueurs et triomphants qui, le jour de la chute d’Adam et Eve, reçurent un pouvoir direct sur leur corps, sur leur imagination, sur leurs passions[72].

            Il en résulta beaucoup de mal, jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit heureusement d’un mal davantage provoqué par la faiblesse des passions et par la bêtise que par une réelle méchanceté. Peu d’hommes sont capables d’être réellement méchants tant la nature humaine est fragilisée. Le premier, Caïn, fils d’Adam tua son frère Abel, par jalousie, plongeant par la même occasion sa mère dans le chagrin. "Tu enfanteras dans la douleur" avait prédit Dieu. Puis l’humanité se pervertit de plus en plus malgré des renouveaux partiels de civilisation. La préhistoire aurait beaucoup à dire en ce domaine.

            Dieu aime l’homme, et toutes ses actions par rapport à lui ne se comprennent qu’à la lumière de son désir de lui donner le bonheur infini et parfait: "vous me verrez face à face". Il n’existe donc aux yeux de Dieu qu’un seul mal absolu: c’est l’orgueil, "l’arbre de la connaissance du bien et du mal". Ce mal en effet, est le seul capable, après sa mort, de plonger l’homme dans un choix éternel et terrible, celui de l’Enfer.

            Quand Dieu laisse à l’homme la liberté, c’est par amour pour lui parce qu’il le respecte. Cela reste un grand mystère, surtout quand cette liberté conduit au meurtre, au viol. Dieu se tait. La foi chrétienne parle d’une deuxième phase dans l’histoire de l’humanité: celle ou Dieu se remit à parler. Il commença avec Abraham et s’arrêta avec Jésus quand il se fit lui-même homme. La bonne nouvelle, l’Evangile se résume dans cette unique Parole, toujours la même "Je vous aime. Si vous m’aimez et faites ce que je vous commande, vous me verrez face à face".

 

 

 

TROISIÈME PARTIE: LES PHÉNOMÈNES PARANORMAUX

 

            "Abîme de la richesse, de la sagesse et de la science de Dieu ! Que ses décrets sont insondables et ses voies incompréhensibles ! Qui en effet n’a jamais connu la pensée du Seigneur? Qui n’en fut jamais le conseillé?"[73].

            Cette sagesse dont nous avons essayé de donner quelques axes dans la partie précédente éclaire d’une vive lumière tous les problèmes humains et en particulier, celui des phénomènes paranormaux. La révélation de l’ordre de l’univers tel que Dieu l’a voulu dans son amour, nous permet de les comprendre d’une manière théologique. J’essaierai de les étudier un par un, sans prétendre être exhaustif tant la création recèle de trésors à découvrir. Je m’attacherai à donner d’abord une description de chaque phénomène, puis à voir ce qu’en dit la science et la philosophie; Ce n’est qu’en dernier lieu que je ferai appel à la théologie.

 

 

SECTION I: phénomènes paranormaux d’origine humaine

 

CHAPITRE 1: la télépathie

 

Le règne animal est souvent pour l’homme révélateur de lui-même surtout en cette époque où le climat aseptisé de la ville nous sépare de nos racines profondes. Un photographe animalier, passionné de photographie, avait repéré par hasard la tanière d’une renarde. Celle-ci s’éloignait souvent de ses petits pour la chasse. Ses escapades se faisaient à heure régulière et duraient longtemps. Elle partait parfois à plusieurs kilomètres. Un jour, il eut envie d’en profiter pour s’approcher. Les petits, blottis au fond d’un terrier étroit, n’avaient pas bougé. Il eut alors la surprise de voir la mère surgir, crocs en avant.

            Plusieurs fois, il refit l’expérience. Presque à chaque fois la mère interrompait sa course, quel que soit son éloignement. D’où venait ce signal mystérieux qui lui faisait pressentir, presque infailliblement, un danger pour ses petits?

            Une institutrice en maternelle avait deux enfants jumeaux dans sa classe. C’étaient de vrais jumeaux et ils ne se quittaient jamais. Elle était surprise de les voir très souvent réagir de la même façon. Curieuse de ce phénomène, elle décida de les séparer. Elle donna à chaque élève une dizaine de feuilles de papier et leur laissa une heure pour faire sur chacune d’elles un dessin de leur choix. Le travail terminé, elle ramassa les feuilles selon leur ordre de composition et eut la surprise de constater que les jumeaux, pourtant éloignés dans la classe, s’étaient copiés. Non seulement les thèmes étaient semblables mais aussi les détails des dessins.

            Dans les rapports mère-fils, les témoignages sont nombreux: que penser de ces intuitions soudaines qui étreignent nombre de mères dont le fils est à la guerre: "Il est arrivé un malheur, je le sens". Si la nouvelle de la mort se confirme et si l’heure coïncide avec l’intuition, les gens n’hésitent pas à parler de coïncidence. Ils commentent l’événement en disant "elle était si proche de lui, pas étonnant qu’elle l’ait senti mourir. Il a du vouloir la prévenir".

             Devant de tels récits, on ne peut qu’être frappé. Il s’agit bien là d’un phénomène paranormal, tel que nous l’avons défini: Comment l’expliquer? C’est à la science soviétique que nous devons les recherches les plus intéressantes en ce domaine. L’expérience la plus frappante et célèbre fut réalisée par eux à des fins militaires. Deux personnes étaient particulièrement connues en URSS pour être douées dans le domaine des perceptions extrasensorielles. Après divers tests surprenants faits en laboratoire, on décida de pousser la recherche à bord de sous-marins. L’un des médiums, fut donc embarqué tandis que l’autre restait à terre. Aucun des deux ne connaissait ni le moment ni le contenu des messages qu’ils auraient à transmettre. Quand le médium resté sur terre commença à émettre, l’autre dormait à bord du sous-marin. Il se réveilla pourtant comme si un signal l’avait mu et capta avec un certain succès une partie du texte codé.

 

On constata un léger décalage de temps entre l’émission et la réception et, l’expérience ayant été poussée plus loin, on s’aperçut que ce décalage n'était pas proportionnel à la distance entre les deux hommes. L’émetteur, comme le récepteur avaient besoin de beaucoup de concentration et ils sortaient fatigués des séances. L’électroencéphalogramme manifestait une intense activité cérébrale.

            Cette expérience et bien d’autres à leur suite donne un statut scientifique au phénomène de la télépathie. Bien que soumise aux souplesses de l'affectivité humaine, bien qu'elle se produise le plus souvent de manière spontanée et difficile à reproduire en laboratoire, elle ouvre à l’existence, dans le cerveau humain, d’une faculté mystérieuse d’émission et de réception. Un problème cependant reste à régler, scientifiquement, c’est celui de la nature de ce qui est émis. Diverses hypothèses ont été données mais la plus valable me semble être celle qui l’attribue à un phénomène d’ondes cérébrales. Le cerveau est en effet le siège d’une intense activité électo-magnétique. Rien n’empêche qu’il se comporte à la manière d’une radio, à la différence prés qu’il émet un type d’ondes absolument inconnu jusqu’ici.

            Sur la nature de ces ondes, diverses constatations semblent malgré tout pouvoir être faites. La proximité génétique (jumeaux) ou affective (mère-fils) de deux personnes semble aider considérablement le phénomène. Cette donnée semble suggérer qu’il existe pour chacun de nous une "longueur d’onde" spécifique, déterminée à la fois par notre corps (don génétiquement de nos parents) et par notre psychologie (aspect acquis plus tard).

            L’existence de certains cas très rares (comme nos deux médiums soviétiques) semble indiquer que nous touchons à une faculté parapsychologique très riche. Ces deux hommes pouvaient adapter entre eux leur réception télépathique à volonté, l’entraînement quotidien en rendant plus facile l’expérience.

            Sur la base de cette hypothèse, de nombreuses voies nouvelles semblent s’ouvrir à la recherche scientifique. Mais si hypothèse se confirme, on peut pressentir, sous la notion de télépathie, la possibilité d’un défi nouveau pour l’humanité... et d’un danger nouveau. Que fera-t-on de ces nouvelles techniques...?

            La philosophie quant à elle ne peut que se passionner pour de telles recherches de la science. Non seulement elle s’y intéresse mais elle peut aider à aller plus loin en décrivant toute une série de faits qui se rapproche de la télépathie. Que penser par exemple de ce qu’on appelle l’intuition féminine? Certaines femmes sentent, en un seul regard, s’il faut se méfier ou faire confiance à une personne qu’elles n’ont jamais vues. Elles semblent traverser la façade d’un visage pour lire directement dans le psychisme. On peut se demander si nous n’avons pas ici le secret d’une certaine forme de voyance.

            D’autres personnes ont la faculté intuitive de percevoir l’ambiance qui règne dans une assemblée. Elles rentrent dans une pièce et sont saisies, avant d’avoir rien vu ni entendu, par le climat qui y règne: Colère ou mensonge, joie ou détente. De tels phénomènes n’étonnent pas car ils sont fréquents. Le monde animal en est lui même rempli. J’ai été frappé de voir comment certaines personnes, par leur seule présence, avaient le don de pacifier les animaux les plus féroces. D’autres, au contraire semblent les exciter sans avoir besoin de parler ou de bouger. Il faut, me semble-t-il, voir ici encore un phénomène intuitif extrasensoriel: L’animal se calme car il sent que telle personne ne peut lui faire de mal.

            Poussé à ses extrêmes limites, ce rapport homme-animal peut aller très loin. Les traditions chrétiennes et bouddhistes se rejoignent dans leur commun amour de la vie érémitique. Bien qu’un ermite chrétien ne le soit pas pour la même raison qu’un ermite tibétain, ils se ressemblent dans leur recherche de la paix intérieure. Pourquoi s’étonner que les deux traditions, sans être consultées, témoignent avoir vu des hommes vivre avec les bêtes[74]. Celles-ci étaient comme attirées subjuguées par la présence du rayonnement particulier du solitaire. L’Evangile parlant de Jésus raconte: Il était avec les bêtes sauvages dans le désert[75]. On croirait retrouver un vestige du jardin d’Adam et Eve.

 

 

Conclusion:

 

            De tout cela, il faut retenir que la télépathie, malgré son caractère mystérieux est un phénomène absolument naturel. Il n’y a pas besoin de faire appel à Dieu pour l’expliquer.

 

 

CHAPITRE 2: les pendules et les sourciers: le magnétisme cognitif

 

            Avant d’entrer dans un jugement théologique, il faut pousser plus loin notre recherche. Il semble en effet que d’autres phénomènes s’apparentent à la télépathie. Bien que la science les aient iusqu’ici peu étudiés, les descriptions en sont assez précises pour démontrer leur existence. La télépathie s’exerce entre deux cerveaux (animaux ou humains). Le phénomène traité dans ce chapitre s’exerce entre un être vivant et le monde matériel.

            Dans nos campagnes, il n’est pas rare que l’on fasse appel à un homme connu de chacun sous le nom de sourcier. Même à l’ère du modernisme, certains entrepreneurs n’hésitent pas à faire appel à leurs services quand il leur faut repérer la fuite souterraine d’une canalisation. Les sourciers sont des trouveurs d’eau. Les méthodes de travail qu’ils utilisent sont significatives. Bras tendus, ils se déplacent sur le terrain à prospecter. Les sourciers utilisent un petit instrument comme un pendule ou une baguette de coudrier qu’ils disposent de telle façon que le moindre mouvement de leurs doigts, même minime, en soit rendu visible. Si on interroge les sourciers, les réponses sont diverses. Certains affirment ne pas savoir comment ils font: ils ne constatent qu’une chose: quand la baguette bouge, c’est que l’eau est là. Ils semblent être les auteurs inconscients d’un jeu qui les dépasse. D’autres, au contraire, prétendent sentir la présence de l’eau. Le pendule est pour eux un gadget presque inutile. Certains peuvent même donner à l’avance la quantité d’eau présente et sa profondeur dans le sol.             Comment expliquer un tel phénomène? La science constate le fait mais on est bien obligé d’admettre qu’elle ne fait rien de plus. Malgré ce silence, hypothèse la plus valable me semble être analogue à celle émise pour la télépathie. Il semble que nous soyons en face de certains rayonnements géologiques. L’eau est un corps bien connu, ayant sa propre signature chimique. Rien n’empêche pourtant qu’elle ait des propriétés encore inconnues de la science, comme celle d’émettre autour d’elle une sorte de rayonnement, une "radioactivité" propre. Une telle hypothèse n’est pas nouvelle. Nos ancêtres connaissaient cette propriété des corps physiques et leurs influences sur les corps humains. Ils n’avaient bien sûr aucune explication à en fournir mais le réalisme de leurs observations suffisait. Ils avaient constaté que certaines personnes sensibles ne pouvaient dormir qu’orientées selon un azimut précis. Avant même que la boussole n’ait été inventée, ils en avaient déduit l’existence de forces terrestres magnétiques. Au Moyen Age, on ne construisait pas de village nouveau sans faire appel à un magnétiseur. Celui-ci devait déterminer si le lieu était sain, c’est-à-dire exempt de magnétisme terrestre nocif à la vie. Ils avaient en effet constaté que certains sites précis nuisaient à la santé, faisaient perdre le sommeil, rendaient les gens dépressifs ou agressifs. De nos jours, les spécialistes constatent parfois la présence, sur de tels endroits désertés par nos ancêtres, de failles dans les couches géologiques.

             Les magnétiseurs modernes reviennent à la mode. Tout le monde connaît le plus célèbre d’entre eux, immortalisé par Hergé dans le professeur Tournesol. Hergé s’inspirait là encore de personnes réelles. Certains magnétiseurs très doués prétendent en effet pouvoir étendre leurs pouvoirs à bien d’autres domaines que la recherche de l’eau. Ils prétendent pouvoir discerner la présence de n’importe quel corps physique dans le sol. Selon eux, chaque molécule a une signature magnétique différente qui agit d’une façon précise sur le corps humain. Le pendule agit à la manière d’un cadran d’indication et est mu par la main d’une manière inconsciente, la main étant elle-même influencée par le corps physique présent dans le sol. Il suffit donc, disent-ils, de connaître la forme du balancement de pendule provoqué par chaque masse de matière, pour pouvoir en indiquer la présence dans le sol.

            D’autres magnétiseurs vont encore plus loin: ils prétendent pouvoir travailler à distance. La Police utilise parfois leurs services pour des cas de personnes disparues. Ils demandent que leur soit fourni un objet ayant appartenu au disparu et encore marqué de son empreinte physique. Ils se concentrent, semblent chercher puis indiquent une direction, parfois même un endroit. L'un des exemples significatif est celui, en France de Jean-Louis Crozier. Il trouve un certain nombre de personnes, sans bouger de chez lui, sur des cartes d'Etat-Major. Je dois reconnaître que son cas est troublant. S'il trouvait en passant en hélicoptère au dessus des lieux présumés des disparitions, on pourrait parler de phénomène de télépathie naturelle. Mais le fait qu'il trouve sur une carte, à des milliers de kilomètres de l'endroit, suggère une autre cause surajoutée. En effet, la carte est un papier qui ne parle du terrain que de façon symbolique et lointaine, une façon symbolique que seul une intelligence peut comprendre. Puisqu'il faut à cet effet une cause adaptée, je ne vois pas comment, en théologie, ne pas inférer, en plus de son talent naturel, l'aide des intelligences angéliques… C'est ainsi et nous le verrons tout au long de cet ouvrage: le domaine du psychisme humain n'est pas loin du domaine des esprits…

            Que ce soit la télépathie, le sourcier, le magnétiseur, il semble que nous ayons à faire à un phénomène de magnétisme cognitif. J’utilise le mot cognitif pour l’opposer au magnétisme efficace décrit au chapitre suivant. Le magnétisme cognitif, comme son non l’indique, ne permet que de connaître. Le télépathe connaît le sentiment intime d’une personne, parfois même ses pensées. Le sourcier connaît la présence de l’eau; Le magnétiseur connaît celle de n’importe quel corps physique selon ses dons naturels ou son entraînement.

            Devant une telle description, le philosophe ne peut que s’interroger: comment expliquer une telle connaissance? Elle se fait toujours par mode intuitif: Il s’agit plus d’un sentiment intérieur que d'une véritable perception. Le philosophe est en tout cas obligé de poser l’existence en chaque être humain, d’une faculté de perception extrasensorielle. Cette faculté est plus ou moins développée chez chaque individu en fonction de sa sensibilité naturelle. Le philosophe se voit de poser une faculté analogue chez l’animal. Elle est généralement plus développée que chez l’homme qui substitue habituellement sa raison à ses intuitions. L’objet de cette faculté n’est pas la couleur, ni l’odeur d’un corps, objets respectivement de la vue et de l’odorat. Son objet est le rayonnement dû à la présence de ce corps. La brebis, quand elle voit un loup, même si c’est la première fois, sent qu’il est dangereux pour elle et fuit. Le loup, s’il aperçoit un homme, aura la même réaction. Nous avons là l’exercice le plus habituel de cette faculté. Elle permet à l’animal de pressentir s’il est en danger ou en sécurité. Plus rarement, il arrive que certaines brebis particulièrement douées présentent la présence du loup avant même de l’avoir vu ou entendu. Nous tombons ici à l’exercice parfait de cette faculté: Elle est capable de fonctionner seule, indépendamment des 5 sens. Saint Thomas d’Aquin n’a pas hésité à lui donner un nom: Il l’appelle l’estimative pour l’animal (car l’animal estime par lui ce qui est bon ou mauvais pour lui) et cogitative chez l’homme (car l’homme, généralement soumet, ses intuitions à sa raison, à sa cogitation).

            Comment expliquer l’existence de ce sixième sens? Le corps humain est plongé dans le monde à la manière dont un enfant vit dans la matrice de sa mère. Non seulement il se nourrit de ce que l’univers lui apporte mais il fait partie de cet univers par chacune des molécules qui le composent. Il est donc évident qu’il existe des influences de la nature entière sur notre vie physique. Certaines d’entres elles sont grossières et facilement constatables (par exemple, la pollution). D’autres sont plus fines, plus subtiles. Elles ne touchent donc que les personnes les plus sensibles. La science s’en désintéresse car elle a tendance à ne croire qu’à ce qui se produit toujours et partout. Mais elle à tort.

            Arrêtons-nous un instant pour poser le regard de la foi chrétienne. En effet, dans la description de ces quelques phénomènes, le chrétien peut toucher du doigt un vestige de l’ancienne harmonie qui fut donnée par Dieu à l’homme, mais que celui ci perdit par sa faute. Adam et Eve possédaient ces dons en plénitude. Ils étaient la fleur d’un monde fait pour eux. Leur âme en paix avec leur Dieu pacifiait le monde entier. Saint Antoine de Padoue disait qu’ils parlaient aux animaux. Il n’avait pas tort. Leur communication n’était pas faite de mots mais de confiance. Ils parlaient à la manière dont un berger parle à ses brebis quand il les aime.

            Ils connaissaient la nature entière par une science venant de l’intérieur. Nul besoin pour eux de disséquer une plante pour la connaître. Nul besoin de creuser le sol. Leur esprit sentait la moindre vibration venant de la matière. L’eau qui coulait sous la terre n’avait pas de secret pour eux. Ils étaient sourciers d’une manière innée.

            Mais que dire de leur amitié? Ils connaissaient dès le premier moment de leur amour ce que nous découvrons rarement au terme d’une vie entière: Cette harmonie parfaite qui fait pressentir le désir de l’autre avant qu’il ait parlé. Le phénomène de la télépathie étant sans aucun doute l’un des dons préternaturels d’Adam et Eve. L’Eglise enseigne que, malheureusement, le péché originel détruisit cette harmonie.

            Certains proclament: "ne pleurez pas le paradis perdu et ses dons para psychologique car il n’est pas entièrement perdu. Vous pouvez le retrouver. Regardez les moines tibétains. Ils travaillent et ils le trouvent, par leur propre force. La télépathie leur devient presque naturelle, à la manière d’Adam et Eve !".

            Ceux qui parlent ainsi n’ont pas entièrement tort, il faut le reconnaître: Les dons préternaturels restent en germe cachés au fond de la nature humaine. Mais ils oublient une chose: les moines Tibétains eux-mêmes finissent par mourir[76]: leur vie d’ascèse et de Yoga ne les ramène pas dans le paradis perdu. Le Nirvana n’est pas l’Eden. La Bible affirme ceci: "Dieu bannit l’homme et il posta devant le jardin d’Eden les chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l’arbre de vie"[77]. La grâce originelle est donc bien perdue. Le moine bouddhiste parvient à une harmonie physique et psychique qui n’est qu’un vestige lointain, une trace dans la poussière où se sont couché Adam et Eve. Il manque à cette recherche la source de vie qui jaillissait en vie éternelle dans le cœur de nos premiers parents: Dieu.

            Cette redécouverte des facultés parapsychologiques de l’être humain ne permet donc pas de fonder pour le chrétien de faux espoirs d’un retour à l’harmonie originelle perdue. L’Eglise est très nette là dessus: La pratique des yogas orientaux est légitime et peut même être très profitable puisqu’elle permet une meilleure maîtrise des Facultés de son corps et de son esprit. Par contre, aussi loin que permettent d’aller de telles méthodes, elles seront toujours limitées car le paradis terrestre n’existe plus. Il faut donc éviter de s’illusionner en faisant du Yoga plus qu’il n’est en réalité.

            Les moines chrétiens ont bien compris cela: S’il arrive que certains d’entre eux pratiquent quelques formes du Yoga, ils ne le font que parce que l’ascèse et la paix psychologique qui en résulte dispose à une meilleure concentration dans la prière. Mais il ne s’agit là que d’une disposition. Jamais le Yoga ne pourra donner au moine chrétien ce qui fait le but, la soif, de toute sa vie: Dieu. Les moines chrétiens n’ont pas le temps de chercher dans le yoga les dons préternaturels d’Adam et Eve. A la suite de Saint Augustin, ils ont compris ceci: "Posséder les dons préternaturels sans toi, ô Dieu, c’est ne rien posséder; Mais te posséder, toi, c’est être riche de toutes les richesses"[78]. Ils agissent à la manière d’un homme qui, ayant trouvé une perle de grande valeur (Dieu), vend tout ce qu’il à jusqu’à sa vie elle-même pour l’acheter[79].

 

 

 

CHAPITRE 3: La télékinésie et les guérisseurs-magnétiseurs: Le magnétisme efficace

 

L’une des découvertes scientifiques les plus importantes de notre siècle fut sans doute celle des ondes. Le phénomène ondulatoire était connu depuis longtemps (cordes d’une guitare, caillou dans l’eau) mais on n’imaginait pas l’extension qu’il prendrait dans les domaines électromagnétiques lumineux etc. Les ondes sont partout et il en existe de toutes espèces. Certaines se déplacent à la vitesse de la lumière, d’autres non. On ne cesse de trouver une nouvelle application à ce phénomène énergétique. Depuis un siècle, les ondes sont utilisées comme vecteurs de la connaissance (T.S.F, télévision). Aujourd’hui, apparaissent de nouvelles applications pour la transmission de l’énergie. Les ondes sont utilisées pour leur efficacité (voir le four à micro-ondes et ses propriétés sur les liquides).

            C’est donc une nouvelle page de la connaissance de notre monde qui s’ouvre avec ce domaine.

            Si j’aborde ici ce sujet, c’est qu’il existe un domaine du paranormal qui pourrait s’en trouver expliqué.

            Qu’est ce que la télékinésie? C’est le pouvoir qu’auraient certains hommes de déplacer un objet à distance par la seul force de leur psychisme. La télévision nous a montré en mai 1990 une des applications les plus spectaculaires de ce phénomène: Il s’agissait d’un maître en arts martiaux japonais qui maîtrisait si bien cette technique qu’il pouvait asséner à distance un coup capable de renverser un adversaire. Le journaliste, intrigué et septique, voulut subir l’expérience sur lui-même. Il eut la surprise de se sentir paralysé, incapable de bouger, écrasé par une force qui pénétrait tous ses muscles. D’autres expériences furent faites, toutes plus convaincantes. On aurait souhaité la présence d’un scientifique.

            Bien qu’elle n’ait pas été sur place ce jour là, la science s’est néanmoins déjà penchée sur ce genre de phénomènes. C'est encore aux soviétiques que nous devons les études les plus sérieuses sur ce sujet. L’une des vérifications les plus célèbres fut faite sur une femme dont le pouvoir en cette matière était assez limité mais suffisant pour être vérifiable. A force de beaucoup de concentration, elle pouvait déplacer à distance un petit objet de la taille d’un crayon. On la fit travailler sur un dynamomètre.

            On s’aperçut que la force exercée diminuait quand elle éloignait ses mains. Ses mains fonctionnaient d’une manière analogue à celle d’un aimant qui repousse ou attire un autre aimant selon sa polarité. On mesura effectivement un intense champ magnétique auprès d’elle.

Il convient cependant de ne pas donner trop d'importance à ces phénomènes. Un exemple d'escroquerie ou de prestidigitation mérite d'être raconté ici: En avril 1977, sur FR3, un parapsychologue célèbre, Jean-Pierre Girard, fut invité à démontrer en direct ses pouvoirs. Il réussit à tordre à distance des fourchettes puis des barres d’acier. Une expertise scientifique fut demandée, à la suite de cette émission qui eut un grand succès. En présence de scientifiques, on invita Jean Pierre Girard à refaire l’expérience sur des barres d’acier faites d’un alliage performant, de très haute résistance, ne pouvant plier qu’à une force moyenne développée avec une clef dynamométrique de 45 newton-mètre (un homme de force moyenne développe avec une clef dynamométrique appropriée 26 newton-mètre en y mettant toute la force de ses deux bras). Monsieur Girard tenait la barre de 25 cm dans sa main droite et passait sa main gauche au-dessus à environs 3 à 4 cm. Parfois, il l’effleurait. "C’est dans ces conditions, parfaitement contrôlées que la barre référencée "A5B2" s’est pliée à deux reprises de façon absolument indiscutable. Les pliages successifs se sont produits à 2 endroits différents, espacés de 4 cm". "Le phénomène était parfaitement visible de bout en bout, les déformations se produisant pendant 20 secondes à chaque fois. Le diamètre de la barre était de 1,5 cm ce qui rendait l’expérience impressionnante"[80]. En apparence, une telle expérience ne peut s’expliquer par une torsion extérieure de la barre mais seulement par une action directe et interne sur l’alliage lui-même, de l’intérieur. Pourtant, devant un tel phénomène, des scientifiques eurent l'idée de créer sur Internet le défi suivant: "Un million de dollars à celui qui referait cette expérience avec une cuillère… enfermée hermétiquement dans une sphère transparente en verre." La Somme est toujours en jeu, sur Internet, depuis 1995.

Est-ce à dire que tout cela relève de l'illusion? C'est à des scientifiques américains que nous devons la preuve, tout à fait scientifique et reproductible cette fois, du contraire, non pour tordre des cuillères cependant, mais pour de micro-mouvements d'objets très petits. Afin d'étudier les hypothétiques effets du psychisme humain sur les circuits informatiques, on eut l'idée de composer l'expérience suivante: On construisit une "machine à télékinésie", à savoir un grand réservoir de microbilles calibrées pour tomber, dans une proportion de 50-50, dans deux réservoirs. Une personne devait donc s'installer devant et essayer, par la pensée, de faire tomber davantage de microbilles à droites. Les résultats furent surprenants: pour telle personne donnée, on obtenait toujours le même chiffre (par exemple: 51, 08 % des billes à droites) et ce quelque soit l'intensité de la concentration. Et ce chiffre "signant" telle personne était le même quand la personne faisait l'expérience… à partir de chez elle ou à l'autre bout du monde.

           

            L'hypothèse de la présence d’ondes suffisamment efficaces pour communiquer une part de leur énergie est bien évidemment la meilleure. Ce phénomène parait être là encore naturel et digne de devenir objet de recherche scientifique.

 

            Appuyé sur ces prémisses, il me semble qu’il doit être possible d’en pousser l’application plus loin et de donner des pistes d’attente à des chapitres que nous traiterons plus tard: s’il existe en l’homme une force, psychique capable de déplacer des objets à distance rien n’empêche que certains utilisent, consciemment ou non, dans des phénomènes que les croyances populaires attribuent habituellement aux anges ou même à Dieu. Je veux parler des maisons que l’on dit hantées[81] car on y voit des objets se déplacer seuls. Je pense aussi au phénomène de la lévitation[82]. Il est vrai qu’il est surprenant de voir un homme suspendu dans les airs. Est-ce toujours un miracle? N’y a t-il pas possibilité d’une lévitation naturelle?

 

            Mais la plus belle application me parait être celle du guérisseur-magnétiseur. Nos campagnes sont remplies de guérisseurs et il n’est pas rare que l’on fasse appel à eux quand la médecine habituelle ne peut plus rien.

            Il existe des charlatans en nombre incroyable d’où la nécessité d’être prudent. Si un membre est tordu ou une vertèbre déplacée, on fait appel au rebouteux. Mais si la maladie est plus grave, accompagnée d’une grande fatigue, c’est vers le magnétiseur que l’on se tourne. La tradition campagnarde n’a pas oublié ces petits métiers paramédicaux.

            Le magnétiseur dont nous parlons n’a rien à voir avec le sorcier qui invoque les esprits à la rescousse.

            Il s’agit d’un homme qui, en imposant les mains sur ses patients, semble leur communiquer un renouveau d’énergie; Si on les interroge, on les entend décrire des sensations de douce chaleur qui se répandent en eux à partir de l’endroit où la main s’est posée. J’ai pu constater moi-même le bien réalisé par un magnétiseur sur une personne cancéreuse. On ne peut pas dire qu’il la guérissait. Il est plus juste de décrire son action par l’apport d’un surcroît de force pour lutter contre la maladie. D’après le témoignage de l’homme, l’action n’est pas seulement d’ordre psychologique (le guérisseur ne fait pas que remonter le moral). Il y a véritablement communication progressive d’énergie physique, de l’un à l’autre. Le magnétiseur semble se vider proportionnellement de sa propre force et finit ses journées épuisé. J’ai pu constater que beaucoup de vieillards, atteint d’aucune autre maladie que la vieillesse, fréquentaient ce genre de médecins. La chose me parait très bonne et c’est sans doute la seule médecine qui leur convienne. Le magnétiseur apparaît en effet comme un chargeur de batteries. Il remplace de l’extérieur la source d’énergie vitale qui fait défaut à l’intérieur.

            Qu’en pense l’Eglise? Elle rappelle avec force la prudence extrême qu’il faut exercer en ce domaine. Sous le mot de guérisseur se cache toute urne faune qui va du pseudo-médecin qui n’y connaît rien au sorcier adepte de magie noire. Dans le premier cas, on met en danger sa santé physique, dans le second sa santé psychique et spirituelle. Si, après enquête, on est sûr d’avoir à faire à un magnétiseur, on peut le consulter sans crainte. Quant à ce dernier, il doit toujours rester en contact avec la médecine officielle.

 

 

CHAPITRE 4: l’horoscope

 

            L’horoscope ne nécessite pas en soi un chapitre spécial. Il aurait très bien pu entrer dans les chapitres précédents consacrés au magnétisme. Mais devant l’importance qu’on lui donne dans nos sociétés, il me parait nécessaire de le traiter à part: Outre les horoscopes hebdomadaires des revues, on voit apparaître l’horoscope sur minitel. Certaines entreprises n’hésitent pas à choisir leur personnel en fonction du thème astral.

            Cet engouement peut être dangereux. Il est indispensable de pousser très loin l’étude scientifique et philosophique du phénomène: quelle valeur faut-il attribuer à l’astrologie? Peut-on lire notre avenir dans les astres?

 

            Qu’est ce que l’astrologie? C’est l’étude de l’influence des planètes du système solaire sur le comportement des hommes ou même des animaux.

             Pour mieux résoudre ce problème, il nous faut faire d’abord appel à la science psychologique officielle: a-t-on pu constater une réelle influence des astres sur le comportement? La réponse est oui si l’on parle du soleil et de la lune, non si l’on parle des planètes. L’influence du soleil est claire et chacun de nous la constate. Les animaux comme les hommes la subissent: Quand le soleil se montre, chacun éprouve de la joie et l’on parle de beau temps. Quand le printemps arrive, une certaine euphorie saisit tous les êtres vivants. Le soleil règle non seulement les jours et les saisons mais influence aussi la joie et la peine, la bonne ou la mauvaise humeur.

             Quant à la lune, son influence est plus cachée, plus subtile. Les psychologues la constatent avec évidence chez les animaux sauvages et les aliénés. Ces deux catégories ont en commun d’être sensibles aux choses sans que le dressage pour les premiers et la volonté pour les seconds troublent le moins du monde leurs réactions. Par nuit de pleine lune on constate chez certains fous une grande nervosité (l’expérience montre qu’ils n’agissent pas ainsi parce qu’ils ont vu la lune). Quant aux animaux, leur comportement étrange faisait jadis si peur qu’on inventa la légende du loup-garrou. Nous n’avons plus de loup en France. Si nous en avions, il est certain que nous ressentirions les mêmes frayeurs et les mêmes folles imaginations que nos ancêtres, face au hurlement qu’ils entendaient par nuit de pleine lune.

            Par des études statistiques, on peut se rendre compte de l’influence de la lune sur les rythmes sexuels aussi bien des animaux que des humains: les accouchements sont toujours un peu plus nombreux les nuits de pleine lune; Le cycle féminin est souvent réglé sur le mois lunaire.

            Mais quand il s’agit des planètes, les psychologues officiels sont bien obligée d’avouer leur ignorance. S’il existe une influence, elle parait trop fine pour être mesurée sous forme de statistiques.     Là science nous rend tout de même un grand service. Même si elle ne parle que du soleil et de la lune, elle manifeste qu’ils ont une réelle efficacité sur le comportement psychologique. Ces deux influences suffisent à fonder l’existence d’une science astrologique.

            Il nous faut pourtant étudier, quoiqu’en dise notre science occidentale (qui est nécessairement un peu grossière dans ses connaissances puisqu’elle doit pouvoir mesurer ce qu’elle connaît), s’il n’existe pas une astrologie planétaire. S’il me parait impossible d’en donner une preuve cartésienne, il me semble par contre très probable que l’influence des planètes existe réellement. Si une planète, aussi éloigné qu’elle soit par rapport à nous, arrive comme le montrent les astronomes à dévier la trajectoire de notre terre par gravitation, rien ne s’oppose à ce que son magnétisme naturel ne nous atteigne aussi. Ce magnétisme, nous l’avons montré, existe en chaque corps physique. Il existe donc a fortiori pour ces immenses masses de matière, même si leur éloignement en diminue considérablement les effets.

            L’existence de l’astrologie étant fondée, il nous faut maintenant nous mettre à l’école des peuples qui s’en sont fait une spécialité: les Chaldéens[83] et les Chinois. Dans ces deux traditions, l’horoscope personnel d’un individu se construit de la manière suivante: Il est impératif de connaître la date et l’heure exacte, de même que le lieu de naissance de la personne intéressée.

A partir de ces données premières, l’astrologie va établir ce qu’on appelle le thème astral. Il s’agit d’une carte du ciel tel qu’il était au moment où l’enfant est né. Chaque planète étant mise à sa place, l’astrologue va s’efforcer, en s’appuyant sur une connaissance empirique du rôle de chacune d’elles, de déterminer précisément les influences magnétiques subies par l’enfant à cet instant premier de sa naissance. Le thème astral de chaque personne est donc pratiquement unique, car il est rare que deux enfants naissent exactement au même instant et au même endroit. Le thème astral ainsi déterminé est pour l’astrologue la signature définitive des planètes dans le psychisme de chacun. Tant que l’enfant est dans le sein de sa mère, il est, selon eux, protégé de toute influence astrale par le corps de celle-ci. Par contre, à l’instant où il en sort, son corps s’en trouve marqué, un peu à la manière d’une plaque de cire molle sur laquelle on aurait fait un dessin juste avant qu’elle ne durcisse définitivement.

            En comparant le thème astral d’une personne à l’état actuel ou futur du ciel, l’astrologue prétend déduire quasi-scientifiquement certaines données du destin individuel.

            Les deux traditions que nous évoquions parlent aussi de la possibilité d’un horoscope général, applicable à une nation entière ou à une cité.

            La méthode est sensiblement la même, bien qu’on s’appuie davantage dans ce cas, pour établir le thème astral, sur la situation locale de la communauté humaine que sur sa date de fondation.

            Deux grandes écoles, aussi bien en Chine qu’en Chaldée, se combattaient pour l’utilisation du thème astral. La première affirmait que les astres permettent de prévoir tous les événements de notre vie, sans exception, même ceux dus au hasard ou à la liberté (tels les rencontres, les accidents, les choix. L’autre, au contraire, réduisait l’influence astrale à la connaissance de nos états d’âmes, de nos mauvaises et de nos bonnes humeurs. Si l’on regarde attentivement le monde contemporain, on voit que ces deux conceptions existent encore. Les magazines à sensations publient chaque semaine des horoscopes où des millions de capricornes ou de sagittaires se voient annoncer une rencontre, une peine de cœur. Les astrologues qui en sont chargé, malgré le ridicule évident de leurs publications, font partie de l’école divinatoire. On pourrait leur opposer une forme d’astrologie utilisée par certains psychologues. Ceux là font partie de l’école parapsychologique. Dans laquelle de ces deux écoles est la vérité?

            C’est encore à Saint Thomas d’Aquin que nous devons la plus brillante synthèse philosophique et théologique à propos de cette question. Il a su en quelques pages, résumer des traités entiers et fixer définitivement la position catholique traditionnelle en ce domaine[84].

            Selon lui, l’astrologie existe réellement, bien que, faute d’être comprise, elle tombe souvent dans la pire des superstitions. Il est en effet aberrant de penser que le destin de chacun de nous est inscrit dans l’ordre des astres, au point qu’on puisse y lire le déroulement de notre vie entière. Cela lui semble même assez facile à démontrer. Si les planètes et les étoiles permettent de connaître le futur, cela ne peut être que de deux manières:

            La première hypothèse consisterait à affirmer qu’elles sont la cause indiscutable de nos actes humains et de tous les événements qui se produisent sur terre. Nous serions un peu des pantins qui, croyant agir librement, sont en fait mu d’une manière inconsciente par les fils du marionnettiste.

            Or, dit saint Thomas d’Aquin, une telle action des astres est impossible. Pour s’en rendre compte, il suffit de comprendre la manière dont les planètes agissent sur nous. Elles agissent selon ce qu’elles sont c’est-à-dire à la manière des corps physiques. Outre leur force gravitationnelle, elles exercent aussi un rayonnement magnétique qui influence nos organes, et, par conséquent, nos penchants qui en sont les actes. Mais là s’arrête leur influence. Deux sortes d’événements échappent donc au pouvoir des astres: Ceux qui sont accidentels et ceux qui émanent de la liberté humaine[85].

            Si un homme sort dans la rue et qu’à cet instant précis, une bourrasque de vent détache une tuile du toit qui vient s’écraser sur son pied, comment affirmer que la cause de cet accident vient de l’interconnexion des influences de Mars et de Jupiter sur le thème astral du pauvre homme? Si une telle interconnexion a pu causer quelque chose dans sa vie, ce n’est certainement pas ce malheureux effet du hasard.

            De même, si un soldat soumis à la torture refuse de livrer, à cause de son sens de l’honneur, les noms de ceux avec qui il combat, il serait aberrant d’attribuer un tel héroïsme à son horoscope. Un tel acte est le fruit d’une volonté dont la liberté est suffisamment puissante pour résister à la douleur. Saint Thomas d’Aquin n’hésite pas à affirmer que les planètes, en raison de leurs actions corporelles, ne peuvent agir directement sur la liberté qui n’est pas l’activité d’un organe physique. L’homme fort, par son esprit, règne sur les astres.

            Si l’influence des astres n’atteint ni le hasard, ni la liberté humaine (quand elle existe), on se rend compte du peu de valeur de cette première hypothèse qui consisterait à les rendre maître, de nos destinés. Car le destin d’un homme est lié à plusieurs influences dont les deux premières échappent aux astres: 1) La liberté qui est le fruit d’une intelligence développée et d’une volonté maîtresse de soi; 2) Le hasard qui est sans cause; 3) Nos penchants psychologiques; 4) L’influence du social. Une deuxième hypothèse fut donc émise par l’école astrologique divinatoire: "Dieu affirme t-elle, a créé l’univers et connaît de toute éternité le futur de chaque homme".

            Jusqu’ici un chrétien ne peut que souscrire.

            "Dieu s’est donc arrangé pour créer le ciel de telle manière qu’y soit inscrit à l’avance, selon       un code que les astrologues seuls connaissent, ce que lui seul connaissait depuis toujours".

            D’après cette hypothèse, les astres agissent moins comme une cause de nos actions que comme un signe. Ils sont un peu comme un livre d’histoire qui se déroulerait en même temps avec l’histoire qu’il raconte, grâce à l’heureuse astuce du Créateur. Selon cette hypothèse, les astrologues deviennent les prophètes de Dieu, seuls aptes par leur science à pénétrer dans ses secrets. Certains n’hésitent pas à étayer leurs thèses sur des textes bibliques: "Dieu dit: qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit. Qu’ils servent de signes, tant pour les fêtes que pour les jours et les années"[86]. Cette hypothèse théologique, on le voit, est beaucoup plus séduisante que la première mais elle ne résiste pas à l’analyse. Saint Thomas d’Aquin le montre en une seule phrase: "Dieu soumet à d’autres lois les mouvements des corps célestes et les événements contingents. Les premiers se produisent uniformément, en vertu du déterminisme qui les dirige, tandis que les seconds, soumis à la contingence, varient dans leur production". Il y a donc un décalage infranchissable entre le mouvement régulier des astres et l’anarchie des événements de notre vie. Le monde terrestre par sa complexité, par le désordre laissé par le hasard et les libertés tranche avec l’ordre définitif et stable du ciel. Pour décrire les événements du monde, 8 planètes ne peuvent suffire. On ne peut trouver dans la Bible une preuve théologique:

            Quand, il y a 2000 ans, Dieu voulut faire partager à des astrologues Chaldéens le grand mystère de son incarnation, il ne se contenta pas de les laisser avec leurs cartes du ciel. L’enfant de Bethléem aurait pu attendre bien longtemps la venue des rois mages. Mais pour annoncer la naissance de l’Enfant-Dieu, le Créateur, s’adapta à leur langage du mettre devant leurs yeux, dans le ciel, une étoile nouvelle faite exprès pour la circonstance et qui, par surcroît, se déplaçait pour leur indiquer l’endroit. On voit mal pourquoi Dieu se serait senti obligé de faire un tel miracle si la naissance de Jésus, qui allait changer le monde, avait été déjà écrite par lui dans l’ordre des planètes. Un événement d’une telle importance n’aurait pu leur échapper.

            De tout cela, on peut conclure avec saint Thomas d’Aquin que l’astrologie divinatoire n’existe pas: notre destin n’est pas écrit dans les astres. Une telle astrologie s’oppose non seulement à la foi catholique, mais elle représente un danger pour ceux qui y croient. Le fatalisme qui consiste à s’estimer prédestiné dans chacun des actes de sa vie peut conduire l’homme à une pauvreté destructrice. Mais si la théologie catholique et les hommes de bon sens rejettent l’existence de cette astrologie divinatoire, il serait par contre excessif de nier toute valeur à l’autre forme d’astrologie.

Si on analyse le ciel tel que le virent les rois-mages au début de notre ère chrétienne, on s’aperçoit qu’il s’y passait des événements importants au plan planétaire: Le système solaire entrait dans l’ère du poisson ce qui signifiait certainement pour les mages Chaldéens d’importants changements dans les sociétés humaines[87]. Une telle coïncidence avec la naissance du Sauveur est frappante et certains n’ont pas hésité à se demander si Dieu n’avait pas choisi exprès ce moment. Saint Thomas d’Aquin, quant à lui, n’hésite pas à montrer la valeur réelle de l’astrologie quand elle est au service de la psychologie et de la sociologie. Selon lui, le cycle des planètes, par son influence sur nos organes, cause en nous des états d’âmes que l’on peut prévoir à condition d’avoir un peu de pratique. L’enfant et l’animal, marqués par les astres dans leur corps à l’instant de leur naissance, subissent leur influence en fonction de ce premier moment. Cette influence est bien sûr loin d’être la seule. Elle est à considérer en parallèle avec tout un aspect génétique, reçu des parents et dont le rôle est plus radical, et avec un aspect social.

            Selon Saint Thomas d’Aquin, l’ordre des planètes ne fait que conditionner le comportement humain alors qu’il détermine en grande partie le comportement animal. L’homme, dans la mesure où sa raison devient maîtresse de ses puissances inférieures, apprend à s’opposer de plus en plus à cette impulsion venue des corps célestes. L’animal ou le fou qui ne possèdent pas la raison en sont incapables. Selon lui, l’astrologue qui met sa science au service d’une personne afin de l’aider à mieux se connaître agit bien. Son action est comparable à celle du graphologue bien qu’elle s’exerce différemment: le graphologue se sert d’un effet pour remonter à sa cause: à partir de la qualité de notre écriture, il induit le caractère de la personne qui a écrit; l’astrologue part d’une cause pour en déduire l’effet: à partir de la connaissance de l’efficacité des astres sur notre corps, il en déduit les effets psychologiques.

            De même, Saint Thomas d’Aquin reconnaît la valeur de l’astrologie en matière sociologique. Il considère même sa certitude comme plus grande qu’en matière psychologique: l’exactitude fréquente des prédictions des astrologues quand ils parlent des peuples tient à ceci: La plupart des hommes sont à la remorque de leurs impressions corporelles. Leurs actes n’ont donc couramment d’autre règle que le penchant que leur impriment les corps célestes. Un tout petit nombre, les sages, gouvernent par la raison ces penchants. Aussi, dans bien des cas, les prédictions des astrologues se vérifient, surtout lorsqu’il s’agit d’événements généraux qui dépendent de la masse[88].

            Un célèbre homme politique disait: "Un sénateur, pris en particulier, est intelligent; Mais le sénat une fois réunit est bête". Cet effet de masse ne peut manquer de nous frapper quand on regarde l’histoire du monde à la lumière des planètes. La naissance de Jésus qui devait bouleverser l’ordre du monde fut marquée par l’entrée dans une nouvelle ère zodiacale, celle du poisson; La chute de l’Empire Romain d’Occident, la naissance de l’Islam, la révolution française, les deux guerres mondiales, ont eu, du témoignage même des astrologues, leur signe astral particulier. Les années 1990, témoins de nouveau d’un changement d’ère zodiacale, devraient si l’hypothèse est juste s’accompagner de changements mondiaux aussi importants que ceux d’il y a 2000 ans. L’homme se laissera-t-il entraîner par les pulsions nouvelles venues des planètes? C’est probable. Il faut simplement espérer que ces pulsions seront positives.

Pour illustrer la valeur des horoscopes en matière sociologique, on peut citer l’exemple des prédictions du Cardinal Pierre d’Ailly qui fut un grand astrologue du Moyen Age. Il pratiquait l'astrologie selon les règles de saint Thomas d'Aquin, c'est-à-dire à partir des influences sur les états d'âmes humains. Or il crut lire, comme dans une probabilité sociologique, à partir de l'alignement futur des planètes: "1789, fin du monde."

 

 

Conclusion:

 

            L’influence des planètes, l’étude des lignes de la main[89] me parait significative pour la connaissance de ce qu’il y a d’inné dans notre caractère.

            Limitée à ce domaine, une telle étude n’a rien de dangereux et ne peut être au contraire, qu’une aide pour mieux se connaître.

            Quant à ceux qui objectent parce qu’ils ont été frappés de la justesse de certaines prophéties émissent par des diseuses de bonne aventure, je réponds que de telles prophéties ne peuvent venir de la simple lecture des lignes de la main. Nous verrons au chapitre consacré à la voyance où se trouve la véritable origine de ce don étonnant. Les lignes de la main, les jeux de taro ou les boules de cristal ne sont que de simples supports matériels pour une meilleure concentration. Le don de voyance, quand il existe, vient bien d’ailleurs.

 

 

 

SECTION II: phénomènes à la limite du naturel et du surnaturel

 

 

CHAPITRE 1: L’expérience de mort approchée (Near Death Expérience)

 

            Quand le docteur Moody, psychologue américain, publia son livre: La vie après la vie[90], il eut un tel succès que des traductions furent faites un peu partout dans le monde. Il devint un best-seller et ce n’est pas étonnant: La science semble y rejoindre la religion pour proclamer l’existence d’une vie après la mort.

            Il s’agit d’une étude faite d’une manière très sérieuse auprès des américains ayant connu, à un moment, un état d’arrêt cardiaque ou même de mort clinique. Le résultat de l’enquête est bouleversant et d’un grand intérêt scientifique, philosophique et théologique.

             En dépit des différences présentes pour chaque cas, écrit le docteur Moody, tant par les circonstances qui entraînent les approches de la mort que les différents types humains qui les subissent, il n’en reste pas moins que de frappantes similitudes se manifestent entre les témoignages qui relatent l'expérience elle-même. En fait, ces similitudes sont telles qu’il devient possible d’en dégager des traits communs, sans cesses répétées dans la mesure des documents que j’ai pu rassembler.

            En nous fondant sur ces ressemblances, je m’efforcerai maintenant de reconstituer brièvement un modèle théorique idéal ou complet, de l’expérience en question en y introduisant tous les éléments communs dans l’ordre où il est typique de les voir apparaître.

            Voici donc un homme qui meurt et, tandis qu’il atteint le paroxysme de la détresse physique, il entend le médecin constater son décès. Il commence alors à percevoir un bruit désagréable, comme un fort timbre de sonnerie ou un bourdonnement et, dans le même temps, il se sent emporté avec une grande rapidité à travers un obscure et long tunnel. Après quoi il se retrouve hors de son corps physique immédiat. Il aperçoit son propre corps physique à distance, comme en spectateur. Il observe de ce point de vue privilégié les tentatives de réanimation dont son corps fait l’objet. Il se trouve dans un état de forte tension émotionnelle.

            Au bout de quelques instants, il se reprend et s’accoutume peu à peu à l’étrangeté de sa nouvelle condition. Il s’aperçoit qu’il continue à posséder un "corps" mais ce corps est d’une nature très particulière et jouit de facultés très différentes de celles dont faisait preuve la dépouille qu’il vient d’abandonner. Bientôt, d’autres événements se produisent, d’autres êtres s’avancent à sa rencontre, paraissant vouloir lui venir en aide. Il entrevoit les esprits de parents et d’amis décédés avant lui. Et soudain, une entité spirituelle d’une espèce inconnue, un esprit de chaude tendresse, tout vibrant d’amour (un être de lumière) se montre à lui. Cet être fait surgir en lui une interrogation, qui n’est pas verbalement prononcée, et qui le porte à effectuer le bilan de sa vie passée. L’entité le seconde dans cette tâche en lui donnant une vision panoramique, instantanée, de tous les événements qui ont marqué son destin.  

            Le moment vient ensuite où le défunt semble rencontrer devant lui une sorte de barrière ou de frontière, symbolisant apparemment l’ultime limite entre la vie terrestre et la vie à venir. Mais il constate alors qu’il faut revenir en arrière, que le temps de mourir n’est pas encore venu pour lui. A cet instant, il résiste car il est désormais subjugué par le flux des événements de l’après vie, et ne souhaite pas ce retour. Il est envahi d’intenses sentiments de joie, d’amour et de paix. En dépit de quoi il se retrouve uni à son corps physique: Il renaît à la vie.

            Par la suite, lorsqu’il tente d’expliquer à son entourage ce qu’il a éprouvé entre temps, il se heurte à différents obstacles. En premier lieu, il ne parvient pas à trouver des paroles humaines capables de décrire de façon adéquate cet épisode supraterrestre. De plus, il voit bien que ceux qui l’écoutent ne le prennent pas au sérieux, si bien qu’il renonce à se confier à d’autres. Pourtant, cette expérience marque profondément sa vie et bouleverse notamment toutes les idées qu’il s’était faites jusque-là propos de la mort et de ses rapports avec la vie.

 

            On peut résumer ce tableau idéal en cinq grandes étapes (voir docteur Kenneth King):

 

1) Décorporation: la personne se trouve comme suspendue au-dessus de son corps;

                        2) Tunnel noir;

                        3) vision de l’être de lumière;

                        4) vision de proches décédés précédemment;

                        5) le retour et ses conséquences psychologiques.

 

L’ordre des étapes peut varier puisque certaines personnes affirment avoir vu l’être de lumière avant le passage dans le tunnel noir. D’autre part, certains témoignages s’arrêtent à la première ou deuxième étape, la mort clinique n’ayant apparemment pas assez duré.

            Intérêt scientifique fut très vif aux USA et l’on s’efforça de vérifier la véracité des récits. Seule la décorporation peut-être objet d’une telle enquête scientifique. Pour les autres, le témoignage des patients ne peut être confronté à aucun moyen de mesure.

Cette expérience de décorporation présente un intérêt unique. On ne peut qu’être frappé par le récit des victimes qui semble concorder en tout point avec la réalité. Or la victime, il ne faut pas l’oublier, est en état de mort clinique. Elle est allongée sur une table et ne peut, théoriquement, rien voir de ce qui l’entoure. Pourtant, on est obligé d’admettre qu’elle voit ce qui se passe et qu’elle le voit d’un point situé en dehors de son propre corps.

            Dans une salle de réanimation, un médecin eut l’idée de pousser les vérifications en fixant sur la face supérieure des instruments de petits autocollants, de telle façon qu’on ne puisse les voir que du plafond. On eut la surprise de recueillir, dans le témoignage de ceux qui prétendaient avoir connu une expérience proche de la mort, la mention de ces autocollants.

            A cause du perfectionnement des méthodes de réanimation, cette expérience se multiplie et met la science devant un nouveau phénomène paranormal: On est obligé d’affirmer, à moins de faire mentir les multiples vérifications effectuées, qu’il existe une décorporation. Ce phénomène reste inexpliqué mais on peut en décrire les conditions.

 

            Les propriétés du corps double ont pu être décrites d’une manière assez précise: Il s’agit tout d’abord d’un corps matériel, même s’il n’est pas composé de matière palpable. Il s’agit plutôt de matière sous forme d’énergie, de flux ondulatoire. C’est une sorte de champ magnétique, organisé sur lui-même, un corps psychique.

            Il s’agit malgré tout d’un véritable corps humain, double du corps physique, ayant toute une vie psychologique et spirituelle: Il possède ses cinq sens, même si le toucher et le goût s’exercent différemment. L’imagination est entièrement présente, avec la mémoire et leur exercice cérébral. Des souvenirs disparus peuvent réapparaître intacts. Les émotions passionnelles sont présentent mais elles sont beaucoup plus paisibles. La joie, la paix, la peur et la tristesse s’exercent sans excès, comme si l’absence du corps physique les rendait plus contrôlables.

            La vie spirituelle est, quant à elle, intensément présente. L’intelligence comprend ce qui leur arrive, la volonté se porte vers tel ou tel choix. Mais le plus étonnant demeure sans doute l’apparition de propriétés parapsychologiques très intéressantes. Ce corps est fluide: il peut passer à travers les murs les plus épais, obéissant aux désirs de la volonté. Une femme raconte que, s’étant aperçu qu’elle mourrait, elle eut une pensée pour son mari et son fils présents dans la salle d’attente. Elle se retrouva aussitôt auprès d’eux, ayant traversé plusieurs pièces de l’hôpital à travers les murs. Elle décrivit après son réveil des détails sur cette salle d’attente qui ne laissent aucun doute de sa bonne foi.

 

            Ce corps est agile: il peut se déplacer à volonté avec une vitesse incroyable. Un homme se voyant quitter son corps physique pensa intensément à son épouse qu’il avait laissée à l’étranger. Il se retrouva auprès d’elle, ayant franchi en quelques instants des milliers de kilomètres.

            Ce corps est léger: il ne présente aucun des inconvénients du corps physique: fatigue, poids, inertie; Etant entièrement soumis à la volonté, il peut être appelé en ce sens "corps spirituel".

            Ce corps est parfait: il ne présente aucun des handicaps du corps physique. Une jeune fille, aveugle de naissance, put décrire avec force de détails la couleur de ce qu’elle avait vu dans la pièce lors de son expérience. Un ancien combattant, amputé des deux jambes, eut la surprise de se voir tel qu’il était avant son accident.

             Enfin, ce corps est doué de perceptions extrasensorielles nouvelles et qui lui apparaissent comme naturelle. Les témoins prétendent non seulement entendre les paroles proférées autours d’eux mais lire directement les sentiments et les pensées de chacun. C’est une sorte de télépathie a sens unique puisqu’ils sont, quant à eux, incapables d’attirer l’attention de qui que ce soit.

            Chaque personne, chaque objet, leur apparaît nimbé dans une auréole de lumière aux couleurs vivantes ce qui rend leur perception de l’univers presque féerique. Selon les pensées et les sentiments

de ceux qui sont dans la pièce ces couleurs prennent des nuances différentes.

            Devant de telles propriétés, qui font davantage penser à un conte de fée qu’à la réalité, on serait tenté de rejeter tout cela dans le domaine imaginatif. L’hypothèse d’un effet psychique subjectif dû à la mort clinique à été émise mais elle ne tient pas car les récits liés à la décorporation ont une objectivité vérifiable. Le problème n’est donc pas d’affirmer que ce n’est pas possible. Le problème est que cela est.

            Certains philosophes américains ont donc essayé de se pencher sur la question. Il leur est apparu d’abord que le phénomène de la décorporation n’est pas nouveau. La psychologie le décrit comme propriété de certains hallucinogènes puissants. D’autre part, de longs traités pluriséculaires, écrits dans les traditions philosophiques chinoises, hindoues et tibétaines en parlent. C’est d’ailleurs là qu’on trouve les plus profondes explications philosophiques du phénomène.

            Selon ces traditions, on peut discerner dans l’être humain trois degrés de vie auxquels correspondent trois corps parfaitement adaptés l’un à l’autre pour former une seule personne: le corps physique, le corps astral et le corps mental.

            Le corps physique est le siège des facultés végétatives comme la nutrition, la reproduction, la croissance. Il est aussi le siège d’un autre corps, appelé le corps astral. C’est le corps physique qui est source de l’existence du corps astral, à tel point que, selon eux, la survie de ce dernier est assez éphémère après la mort du premier. Une simple comparaison permet de comprendre leur point de vue: le corps astral est comparable, dans son rapport avec le corps physique, à un champ magnétique autour d’un électro-aimant. Si l’on coupe l’électricité, le champ magnétique s’arrête à son tours. S’il subsiste, c’est d’une manière éphémère, sous la forme par exemple d’électricité statique.

            De même, après la mort du corps physique, le corps astral s’en sépare et subsiste un certain temps en se nourrissant de sa propre énergie, avant de disparaître à son tour d’où l'expérience de la décorporation. Le corps astral est, avec le corps physique, siège des facultés psychiques comme les sensations, les passions, l’imagination et la mémoire.

            Le corps mental n’est autre que ce que nous appelons l’esprit, siège de l’intelligence et de la volonté. Ils ne lui donnent le nom de "corps" que par métaphore car selon eux, il dépasse cette notion pour être entièrement spirituel.

            Le corps mental est immortel et indestructible. C’est lui qui, dans la sagesse hindouiste, se réincarne à travers les âges.

            Cette explication occidentale traditionnelle, loin de s’opposer à la philosophie occidentale et traditionnelle, semble au contraire prendre la réalité selon un regard complémentaire. Aristote, père de notre philosophie, distingue de la même façon trois degrés de vie mais son analyse s’attache moins à la cause matérielle de la vie. Le mérite de la philosophie orientale semble être ici de rendre intelligible un phénomène que l’occident ne fait que découvrir.

Cela ne reste bien sûr encore qu’une explication hypothétique, une piste de recherche qui devrait pourtant encourager la science à s’intéresser au phénomène. En effet, si le corps astral existe et est matériel, il doit y avoir moyen d’en mesurer la présence.

            Les phases 3 et 4 (vision de l’être de lumière et de proches décédés) est invérifiable par la Science. En effet, si on analyse avec précision le témoignage de ceux qui ont frôlé la mort, ils n’affirment pas avoir vu avec leur oeil matériel, de la même manière qu’ils voyaient les infirmières s’agiter dans la pièce. Ils parlent plutôt de vision intérieure d’intuition intellectuelle d’une présence. Cette intuition leur semble tellement puissante qu’ils n’arrivent pas à la décrire. Nous semblons être au-delà du monde sensible pour toucher à une dimension spirituelle, a priori inaccessible à la science qui ne mesure que le monde matériel.

            La philosophie et la psychologie ont par contre leur mot à dire. Le docteur Moody sans se prononcer définitivement, affirme son sentiment d’être en présence d’un phénomène réel. Selon lui, les maladies psychiques de type hallucinatoire ou hystérique, si elles produisent l’audition de voix et la vision de fantômes imaginaires, ont après coup un effet destructeur sur la personnalité: Les personnes s’enfoncent dans leurs névroses (angoisses, obsession, désespoir) et parfois sombrent définitivement dans leurs psychoses (paranoïa, schizophrénie).

            Bien au contraire, la N.D.E (NEAR DEATH EXPERIENCE) donne comme un souffle puissant de renouveau à leur vie. Pour nombre d’entre eux, la valeur première devient l’amour, selon deux formes significatives: l’amour de l’Etre de lumière, qu’ils savent devoir rejoindre un jour (certains l’appellent Dieu, d’autres Jésus ou Bouddha ou Mahomet, selon leur culture), et l’amour de leurs frères: En vue de ces deux amours, ils s’efforcent de progresser, d’éliminer leurs défauts, de développer leur intelligence.

            Selon le docteur Moody, de tels effets ne peuvent venir d’un état malade d’hallucination mais d’une véritable expérience mystique. Je suis pour ma part assez d’accord avec lui, tout en maintenant que ce raisonnement ne prouve pas mais suggère. Il m’apparaît comme un simple signe de la vérité du phénomène car "d’un mauvais arbre ne sortent pas de bons fruits".

 

 

            L’Eglise, par la voix de son Magistère, ne s’est jamais prononcée à propos de l'expérience proche de la mort. En général, les théologiens reçoivent de sa part deux critères de jugements:

                        1) Une vision peut-être considérée comme valide si lorsque, entre autres choses, les effets qu’elle produit sur le comportement humain sont d’un certain genre: par exemple, si elle les porte à se rapprocher de Dieu ou encore à approfondir la connaissance de la religion.

                        2) Il est indispensable qu’en vision soit cohérente avec le message de la Bible, selon l’interprétation authentique du Magistère Romain.

 

            Ces deux critères ne suffisent pas à prouver aux yeux de l’Eglise qu’il y a bien eu vision. N’importe quel faussaire pourrait singer une apparente conversion et une grande orthodoxie. L’Eglise demande en outre, avant de reconnaître une apparition, quelques miracles dont l’origine divine est manifeste[91]. Elle ne se prononce donc pas sur la N.D.E.

 

            C’est donc aux théologiens qu’il revient de rechercher si les critères 1 et 2 sont valables pour la N.D.E. Le premier critère est manifestement vérifié. C’est justement dans le sens d’un retour au religieux que se sont senties poussées les personnes marquées par cette expérience. On peut même affiner que la plupart d’entre elles, même si elles ne deviennent pas chrétiennes, se font sans le savoir disciple de Jésus Christ quand il disait: "Je vous donne deux commandements: tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et tu aimeras ton prochain comme toi même".

 

            Quant au deuxième critère, il nous faut maintenant le vérifier: la théologie catholique parle en effet de la vie après la mort: appuyé sur la Bible et la Tradition, ces deux sources par lesquelles l’Esprit de Dieu se donne à l’homme, sont mis à disposition de ceux qui ont suffisamment de foi, l’annonce de ce qu’ils vivent après la mort. Son regard profond va bien plus loin que l’approche de la mort, telle que pensent l’avoir vécue les rescapés. Il va jusqu’à l’au-delà de cette barrière qu’aucun d’eux n’a franchie. Le Magistère solennel de l’Eglise, aide précieuse pour le théologien, nous a déjà donné en ce domaine quelques appuis solides que nous pouvons tenir comme certains:

                        1) Nous croyons en la vie éternelle.

                        2) Au moment de sa mort, l’âme se retrouve en présence de l’humanité Sainte de Jésus

                        3) Cette vision d’amour est le commencement de ce qu’on appelle son jugement particulier.

                        4) Les âmes mortes en état de péché mortel sont immédiatement conduites en enfer. Les autres, soit qu’elles aient encore à être purifiées au purgatoire, soit que dès l’instant où elles quittent leur corps Jésus les prenne au paradis comme il a fait pour le bon larron, deviennent le peuple de Dieu dans l’au-delà de la mort.

                        5) Le paradis consiste en la vision de Dieu, face à face.

            Ces quelques jalons étant posés, c’est à l’école des plus grands théologiens comme saint Thomas d’Aquin ou des plus grands saints (comme Sainte Catherine de Gênes) que nous devons nous mettre.

            "Nous croyons en la vie éternelle". Cette certitude absolue fonde la foi chrétienne tout entière "si les morts ne ressuscitent pas, vaine est notre foi" .

            Tout homme, au moment même de sa mort, qu’il soit baptisé, Juif, païen ou athée, se retrouve face à l’humanité Sainte de Jésus. La Bible l’affirme avec force "toute chair se prosternera devant ta face et devant la face de l’agneau". Saint Thomas d’Aquin précise que cette vision première qui suit la mort ne peut être aussitôt celle de Dieu tel qu’il est. Dieu, par son irruption brutale dans l’âme, empêcherait tout jugement car la liberté n’existerait plus. Il est si grand, si infini par sa bonté qu’il happerait à jamais l’âme en son sein. Or Dieu ne veut forcer la liberté de personne.

            Cette vision ne peut être que celle de Dieu sous les voiles de son humanité: Jésus. Nul ne peut imaginer le bouleversement que réalise dans les âmes une telle rencontre. Pour l’âme la plus contemplative, pour le plus spirituel des moines, c’est la découverte qu’il n’avait presque rien compris à cet amour. Saint Thomas d’Aquin, à la fin de sa vie, eut la chance ce voir Jésus lui apparaître. A partir de ce jour, il cessa d’écrire, laissant sa Somme Théologique inachevée. Devant l’insistance de son secrétaire, frère Réginald qui l’encourageait à reprendre ses travaux, il finit par avouer sa vision. Tout en larmes, il lui confia: "je n’avais rien compris; je n’avais rien compris". Il n’écrivit plus jamais un seul mot.

            La première révélation faite par Jésus à celui qu’il rencontre, tient en une parole "voici le cœur qui t’a tant aimé"[92]. Elle ne se fait pas avec des mots mais avec du feu, c’est-à-dire un amour et une tendresse presque palpables. C’est comme une vision de jaspe vert et de cornaline, commente l’Apocalypse[93], manifestant ainsi la pureté bouleversante du regard de Jésus. Tout ce que l’Eglise appelle le jugement dernier est contenu dans cette parole unique; Le reste n’est qu’un effet, une conséquence logique.

 

            L’âme, plongée dans la tendresse de Jésus découvre en pleine lumière la vanité de tout ce qui n’est pas l’amour aux yeux de Dieu. Sa vie entière s’en trouve comme éclairée et le moindre péché, la moindre note d’égoïsme qui lui revient à la mémoire, prend à ses yeux toute l’horreur qu’elle aurait du avoir depuis toujours: le curé d’Ars, saint Jean Marie Vianney, trembla toute sa vie de terreur à l’idée de rencontrer un jour le regard d’amour de Jésus. Il avait tellement conscience de ses péchés, pourtant si petits à nos yeux, qu’il était persuadé qu’il mourrait de douleur en voyant la douleur qu’il avait fait subir à son sauveur.

            A cette étape du jugement dernier, les âmes quelles qu’elles soient, ont la foi[94]. Elles savent que Dieu existe et qu’il est amour. L’athéisme n’existe plus dans l’au-delà. Jésus peut alors, dans son extrême délicatesse, leur adresser une deuxième parole, la même qui fut donnée aux anges au jour de leur création, la même qu’Adam et Eve reçurent, la même qui est au cœur de l’évangile "tu me verras face à face, si tu redeviens comme un enfant". Dieu, dans son amour pour l’âme, sait la prendre avec toute la délicatesse nécessaire. Il sait en effet, la rude épreuve que représente pour chaque être spirituel le fait de redevenir comme un enfant. L’humilité est dure pour celui qui a toujours vécu d’orgueil !; L’amour de Dieu est une chose nouvelle pour celui qui n’à fait que s’aimer lui-même. Il fait alors appel à tout ce qui peut aider l’âme à entrer dans le bonheur éternel: Ses proches déjà décédés sont présents. Si c’est un catholique qui aimait la Vierge Marie, la Vierge Marie est présente. Si c’est un protestant, méfiant par rapport à la mère de Jésus, la Vierge Marie s’efface. Les vivants eux-mêmes, c’est-à-dire ceux qui sont encore sur la terre sont rendus présents invisiblement si nécessaire. Marthe Robin, la grande sainte de Châteauneuf de Galaure disait souvent: "Il faut prier pour ceux qui viennent de mourir. Ils sont en train de jouer leur avenir éternel". Mais le démon, lui aussi, a le droit d’intervenir en ce dernier combat. Il rappelle à nos frères leurs péchés et sa séduction ultime se fait présente. L’ange des ténèbres se déguise en ange de lumière: "Rappelles toi cette fois là où tu fus si égoïste. Tu avais pourtant compris, à l’époque, qu’il n’y a pas de plus grand amour que l’amour de soi. Reste fidèle avec toi-même ! Reste un homme debout. Ne vas pas t’abaisser à aimer".

            Toutes ces révélations, toutes ces découvertes ne sont pour l’âme que des prémisses au choix définitif qui la fixera dans l’amour d’elle-même jusqu’à la haine de Dieu ou, au contraire, dans l’amour de Dieu jusqu’à la haine de soi[95].

            La foi de l’Eglise semble nette pour affirmer que tout cela se passe "au moment de la mort". Mais elle n’a jamais précisé ce qu’elle entendait par le moment de la mort. Certaines écoles théologiques pensent qu’il s’agit de l’instant précis où l’âme se sépare du corps. D’autres enseignent que ce moment peut durer plusieurs jours. La liturgie chrétienne penche plutôt pour cette deuxième opinion, d’où la coutume de veiller trois jours le corps des défunts. Marthe Robin pensait qu’il fallait prier pour les morts longtemps et que le jugement pouvait durer plusieurs jours. Si l’on compare, maintenant, la théologie traditionnelle décrite ici avec le récit de ceux qui ont approché la mort, on est obligé d’admettre qu’il n’existe aucune opposition entre les deux. Bien au contraire, la foi semble trouver dans ces récits une éclatante confirmation. Les critères 1 et 2 me paraissent donc parfaitement vérifiés.

            En conclusion, je voudrais donner mon opinion personnelle, en précisant qu’elle n’engage que moi.

            Je suis intimement persuadé que la N.D.E, telle que le docteur Moody l’a fait découvrir au monde, est une grâce d’origine divine.

 

            En ces temps où la foi est rejetée comme une attitude indigne d’un adulte doué d’esprit critique, Dieu, encore une fois, me semble avoir accepté de se mettre à notre niveau. Pour se révéler à nous, il parle pour la première fois un langage nouveau de sa part: aux astrologues chaldéens, qui ne comprenaient que l’astrologie, il révéla sa naissance en faisant apparaître une étoile; Aux bergers, prêts à croire le moindre miracle, il envoya un ange !

            Une telle condescendance de la part de Dieu me bouleverse et je souhaite qu’elle sera pour beaucoup le chemin qui conduit à Jésus. Ce fut le cas pour saint Paul, apôtre des païens, qui vécut lui-même une expérience proche de celle-ci: "Je connais quelqu’un, confie-t-il à propos de lui-même, qui, voici 14 ans (étais ce avec son corps? Je ne sais; Etais-ce hors de son corps? Je ne sais; Dieu le sait), cet homme là fut ravis jusqu’au troisième ciel. Et cet homme là (était ce en son corps? Je ne sais; Dieu le sait). Je sais qu’il fut ravis jusqu’au paradis et qu’il entendit des paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de redire"[96].

 

 

 

SECTION III: Exemple de phénomènes parfois naturels, parfois supra-naturels.

 

            Le monde est complexe. Aux yeux de Dieu pourtant, il est simple car chaque réalité trouve sa source en lui. Nous sommes de pauvres humains perdus dans la multiplicité toujours renouvelée de la création. Nous voudrions avoir une connaissance claire de tout, une connaissance à tiroir. Comme il serait facile, si nous pouvions affirmer avec certitude "la lévitation d’un homme de Dieu prouve que Dieu est en lui". Malheureusement, la réalité est plus complexe et il faut à l’Eglise une extrême prudence pour se prononcer. Par ce chapitre, je voudrais donner quelques exemples de la difficulté du discernement. Dans ce monde du paranormal, les puissances humaines, angéliques, sataniques, divines se mélangent parfois, laissant les théologiens muets.

            J’ai voulu situer ce chapitre après avoir vu la N.D.E car le premier thème, le voyage dans l’astral, y a déjà été abordé dans celui de la décorporation.

 

CHAPITRE 1: le voyage dans l’astral, le dédoublement, la bilocation.

 

            Les bouddhistes tibétains, Hindous, Chinois, écoles incontestées du paranormal, nous surprennent quand ils affirment, calmement, la possibilité pour l’homme de se dédoubler et de voyager à volonté sans son corps, dans le monde matériel. Pour un chrétien, le dédoublement n’est certes pas inconnu, même si on l’appelle plutôt bilocation ou ubiquité. Mais, à ses yeux, il s’agit de l’un de ces charismes étonnants que Dieu seul peut donner à ses serviteurs.

            Les vies des saints sont remplies de ce genre de phénomènes. Saint Martin de Porrès, pauvre religieux dominicain, simple frère convers au fond de son couvent d’Amérique du Sud, se fit voir puis fut reconnu jusqu’en Inde où il venait, orné de son éternelle boite à pharmacie, soigner les malades. Plus récemment, le Padré Pio, célèbre stigmatisé[97] Italien, se montra présent en même temps à deux réunions à la fois. Il s’agit bien d’un charisme, dirait Saint Thomas d’Aquin, car seul Dieu peut faire qu’on soit en deux lieux à la fois. Saint Thomas d’Aquin aurait parfaitement raison. C’est bien Dieu qui agissait en ses saints. Pourtant, si on regarde ce que nous enseignent ces écoles bouddhiques, on se demande s’il n’a pas mis dans notre nature humaine, le fondement de bien des charismes qu’il n’a plus qu’à susciter d’une chiquenaude...

            Voyager dans l’astral, voici une doctrine qui n’a jamais eu un impact bien fort en Occident, jusqu’à ce que viennent le docteur Moody et sa vie après la vie... Depuis la publication de son livre, les scientifiques américains sont soudainement intéressés au phénomène, qui n’attirait jusqu’ici que quelques jeunes assoiffés d’ésotérisme.

            Qu’enseignent ces écoles bouddhiques? Il s’agit d’une méthode appelée "Kundalini Yoga" et qui permet, selon eux, de provoquer à volonté une décorporation semblable à celle décrite au chapitre précédent... mais sans mourir.

            La technique demande un long entraînement et une sévère préparation. Les Yogis déconseillent l’audace qui ferait s’y essayer sans aide.

            Après s’être longtemps entraîné à divers Yogas plus spécialisés sur la respiration, la maîtrise des instincts ou de la peur, après qu’une certaine paix des passions ait été acquise, le maître engage son élève à apprendre la concentration. Il doit arriver à concentrer à volonté, en un seul endroit de son corps, toutes ses énergies vitales.

            Après ces préalables, l’élève doit tenter de concentrer hors de lui-même ces énergies. Il peut arriver parfois, après bien des années d’exercice (sauf don exceptionnel), qu’il éprouve une impression étrange, désagréable, comme un bourdonnement qui saisit sa tête. Il ne doit alors absolument pas avoir peur mais prolonger au contraire sa concentration: Les Yogis affirment qu’on ressent la même impression que lorsqu’on meurt. Selon eux, l’élève se retrouve alors pour la première fois hors de son corps qu’il peut même observer, au-dessous de lui, dans la position où il l’a laissé, pâle comme un mort.

 

            Pourtant, expliquent les Yogis, le corps n’est pas mort mais fonctionne simplement au ralenti. Le corps astral, quant à lui, après s’être péniblement extrait de son enveloppe charnelle, demeure intimement relié à lui par une sorte de bien énergétique appelé couramment le "cordon d’argent". Le corps astral peut ainsi continuer à être nourri.

            L’élève peut alors, à volonté, se déplacer dans la pièce. Le cordon d’argent s’allonge en fonction de la distance au corps physique. Les Yogis affirment qu’avec un peu d’entraînement et de confiance en soi, l’élève peut arriver à se promener dans le monde entier. Les propriétés qu’ils décrivent à propos du corps astral sont les mêmes que celles dont parle le docteur Moody au sujet de l’expérience de mort imminente.

             Le retour dans le corps physique se fait à volonté et est aussi désagréable, selon eux, que si l’on rentrait dans une combinaison de plongée humide et étroite.

            Un tel phénomène est-il possible sans l’intervention de la toute puissance de Divine? N’est-ce pas opposé à l’unité substantielle de la personne humaine? Si on pose à un philosophe aristotélicien une telle question, il reste nécessairement un peu hésitant. Comment l’âme, principe de la vie humaine, peut elle jouer son rôle alors qu’un morceau de l’homme se trouve à Paris et l’autre en voyage sur la lune?

            Pourtant, à y bien réfléchir, il n’y a pas a priori d’impossibilité totale à cela. L’âme, selon Aristote, n’est pas une réalité, soumise à la notion de lieu, une sorte de pieuvre qui arriverait à maintenir la vie humaine parce qu’une de ses pattes est présente sur chaque partie. L’âme est une cause et non une réalité palpable. Elle est une force unitive et n’a donc pas de lieu. Rien n’empêche qu’elle joue son rôle unificateur tant qu’un bien physique subsiste entre le corps physique et le corps astral en voyage. Le cordon d’argent pourrait bien jouer ce rôle.

            Le philosophe ne peut, en tout cas, s’il est honnête avec lui-même, rejeter un tel phénomène comme a priori impossible. Il doit par contre reconnaître qu’une telle chose demande réflexion et écoute.

 

            Si l’on compare maintenant la décorporation bouddhique avec le charisme de bilocation des saints, on est obligé de reconnaître qu’au-delà des rapports, il existe des différences notables: le moine bouddhiste, quand il voyage, ne prétend pas être dans deux lieux à la fois: son corps physique repose comme mort et est incapable d’esquisser le moindre mouvement. Le corps astral, quant à lui est invisible aux yeux des vivants. Si certains Yogis prétendent pouvoir rendre visible leur présence astrale c’est plutôt sous la forme d’une sorte de spectre que d’un réel corps charnel.

            Les saints, au contraire, étaient palpables et agissants en deux lieux à la fois. Là est le doigt de Dieu, le don charismatique de sa Toute Puissance Créatrice.

            Si le voyage dans l’astral existe comme l’affirment les traditions orientales, confirmées par les récents récits d’approche de la mort, on peut légitimement se demander ce qu’est le monde astral où le corps double se déplace. S’agit-il du monde physique où nous vivons habituellement ou du ciel où vivent les esprits? Est-il possible, en se décorporant de voir les anges?

            La réponse à cette dernière question ne peut-être que non. Le monde des anges, rappelons-le, est strictement séparée de la matière. Le monde des anges est un pur esprit. Il ne possède aucun corps, pas même un corps aérien. Or d’après le témoignage de ceux qui décrivent le voyage dans l’astral, l’esprit reste lié à un corps, même si ce corps n’est pas fait de matière palpable. Quel que soit la nature de la matière de ce corps double, elle reste de la matière, d’où ses propriétés sensibles (existence de sensations, d’imagination, de mémoire etc.). Il ne faut donc pas espérer, en voyageant dans l’astral, rencontrer les anges ou Dieu (sauf bien sûr si ceux ci se rendent visibles en se façonnant un corps provisoire[98] de même qu’ils peuvent le faire à volonté pour chacun de nous).

 

Le monde astral n’est autre que notre monde physique, tel qu’il est, avec ses limites, ses couleurs et ses senteurs. Mais il est vu avec des facultés sensibles plus parfaites. Certains aspects habituellement invisibles à nos yeux sont rendus visibles d’où l’impression ressentie par les témoins de découvrir des choses inédites, des couleurs inhabituelles (voir, pour illustrer cela, le chapitre 3 consacrée à l’aura).

            Il ne me revient pas de me prononcer sur l’existence du voyage dans l’astral, même s’il me parait difficile de récuser la somme des témoignages qui l’attestent[99]. Je reste cependant critique et, quand une personne me dit en être capable, je lui lance toujours le défi suivant: "J'ai posé un objet sur mon téléviseur. Venez chez moi cette nuit et dites moi demain ce que c'est." Jusqu'ici, personne n'a réussi.

Ce phénomène, s’il existe, me semble être une magnifique propriété de la nature humaine, sans doute la plus impressionnante. Mais que les chrétiens ne s’y trompent pas. Dieu n’est pas dans la décorporation. On aurait beau en maîtriser la technique et devenir, de cette façon, le plus puissant maître du kundalini Yoga, on ne rencontrerait jamais le Tout Autre. "Il habite les demeures inaccessibles" affirme la Bible. Nul ne peut conquérir cette demeure. Lui seul y introduit qui il veut, quand il veut. Encore faut-il qu’il trouve un coeur humble et assoiffé de sa présence.

 

Remarque: Avant de conclure ce chapitre, il faut faire remarquer à ceux qui s’intéressent un peu à la théologie catholique, qu’il serait dangereux et mal venu d’identifier le corps astral tel que je l’ai décrit au chapitre précédent, avec le corps glorieux, ressuscité du Christ. Même si les propriétés en sont analogues (subtilité, agilité, légèreté, clarté), l’Eglise affirme avec netteté que le corps du Christ était bien son corps physique ressuscité du tombeau et non un simple fantôme[100]. Le Christ pouvait donc, selon sa volonté, se faire palper de ses disciples, manger du poisson etc., propriétés qui sont exclues du corps astral. Ainsi, de même pour nous, quand nous ressusciterons aux derniers jours, nous retrouverons notre nature humaine complète, physique, psychique et spirituelle. Mais ce corps glorifié sera entièrement soumis à notre esprit, comme le corps de Jésus, d’où ses propriétés étonnantes.

 

CHAPITRE 2: La lévitation

 

            Etant plus jeune, j’ai eu la chance de vivre pendant deux mois auprès d’un ermite chrétien dont je retiendrai toujours la simplicité et la tendresse. Le Père Emmanuel de Solis, moine Bénédictin, s’était retiré au cœur des Alpes. Nous étions plusieurs jeunes, désireux de Dieu, que le Père réunissait tous les soirs pour parler de ses expériences: car il était passionné du paranormal.

            Il nous raconta qu’il eut un jour à l'Abbaye d'Ancalcat la visite d’un étrange bonhomme, de type indien. Cet homme lui affirma bien haut que les lévitations qu’avait connu Sainte Thérèse d’Avila ou Sainte Mariam Baouardi n’avaient rien de divin. Il prétendit être capable d’en faire autant.

            Le Père Emmanuel, curieux par nature de ce genre de phénomènes, invita l’homme à s’exécuter. Ce dernier se prépara longuement, se concentra, son visage se durcit sous la tension. Effectivement, peu après, le Père put constater qu’il flottait à plusieurs dizaines de centimètres du sol. Le prodige était manifeste et aucun trucage n’était décelable: De quoi ébranler la foi de tout autre que lui. Il demanda à l’homme de rester en l’air, fila à travers le couvent jusqu’à l’atelier et y prit un aimant, un simple aimant d’écolier. Il le plaça sur le sol, à la verticale du fakir qui tomba aussitôt. Sainte Thérèse ne serait pas tombée. C’est ainsi qu’il conclut leur rencontre.

            Il fallait le bon sens de ce moine, pourtant peu adepte du Yoga oriental, pour déduire à la simple mine de l’homme, à ses traits tendus par l’effort, que cette lévitation là était naturelle, simple phénomène de télékinésie.

            Sainte Mariam Baouardi, quant à elle, vivait tout autre chose. Les charismes dont Dieu l’avait comblé la rendaient légère comme l’oiseau. Ses sœurs, au couvent de Bethléem où elle vivait, la voyaient s’élever dans les arbres, appuyée sur les feuilles tandis que sa bouche improvisait des psaumes. Inutile d’attribuer à Dieu cette merveille[101]: aucun acte créateur n’y est nécessaire. Le ministère des anges y suffit, comme le dit la Bible: "Il donnera pour toi des ordres à ses anges afin qu’ils te gardent. Ils te porteront dans leurs mains de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre"[102]. Les anges, comme nous l’avons montré, ont pouvoir pour soulever la matière.

            Faut-il donc en conclure à l’existence de deux sortes de lévitations l’une naturelle qu’on arrive à réaliser après des années d’entraînement, l’autre angélique signe d’une, bénédiction de Dieu?

Les choses seraient trop simples: Il existe une troisième forme de lévitation dont l’origine est démoniaque. L’ange rebelle, malgré sa révolte, reste un ange et n’hésite pas à remettre son pouvoir à qui le sert. Que dire des possessions démoniaques où ce genre de phénomène paranormal est monnaie courante? Devant une telle complexité, l’Eglise met en garde: Ne croyez pas tous les prophètes sous prétexte qu’ils font des miracles. Saint Paul écrit "à la fin des temps, l’Impie viendra, marqué par l’influence de Satan de toutes espèces d’œuvres de puissance, de signes et de prodiges mensongers"[103].

 

CHAPITRE 3: aura et auréole.

 

            Si le dédoublement semble pouvoir s’expliquer par la nature dans certains cas et dans d’autres par Dieu, si la lévitation est un phénomène naturel ou parfois angélique, que doit-on penser de l’auréole?

            Le phénomène de l’aura (ou auréole) est une sorte de halo de lumière dont seraient entourés les visages de certains hommes. La tradition nous en vient de deux sources très éloignées: du Tibet, confluant de la Chine et de l’Inde et de l’Eglise, confluant de la pensée juive et grecque.

            Chacun sait que Bouddha, comme Jésus Christ, sont rarement représenté, sans un disque doré autour de la tête. L’aura et l’auréole dorée sont considérés comme un signe de la sainteté. Voici un beau symbole riche de signification. Mais la question se complique quand on écoute ce qu’enseignent d’un côté les bouddhistes et de l’autre la Bible. Ils parlent de cette couronne non seulement comme d’un symbole mais comme d’une réalité.

            Il serait étonnant que la science occidentale confirme de telles affirmations. Pourtant, aussi surprenant que cela paraisse, elle les confirme en un certain sens: "Tout corps chaud émet par rayonnement, dit la science, une lumière dont la longueur d’onde s’affine au fur et à mesure que la chaleur augmente, passant de l’infrarouge, au rouge puis à la lumière blanche". Le corps humain, avec ses trente-sept degrés, émet donc bien une lumière qui, malheureusement, est invisible car elle est infrarouge. Sa longueur d’onde n’entre pas dans l’étroite capacité de l’œil humain. L’armée et la photographie, quant à eux, ont depuis longtemps appris à utiliser ce rayonnement qui permet, si l’on dispose d’une lunette spéciale, de voir la nuit.

Mais si on écoute les Bouddhistes, l’aura leur parait être bien autre chose que cette grossière luminescence de la peau. Selon eux, l’aura est un faisceau lumineux qui entoure la totalité du corps humain et qui représente, tout en étant invisible à un oeil normal, des nuances de couleurs quasi infinies. Or ces couleurs ont un ordre, une harmonie car elles trouvent leur origine dans l’ordre même du corps humain qui les produit. Elles en sont comme le rayonnement physique. Etant un effet du corps, leur connaissance permet, selon eux, de connaître l’état de la cause, donc de la santé du corps. Toujours selon eux, certains organes sont liés à la vie végétale (organes digestifs, cœur, organes reproducteurs) d’autres sont liés au psychisme (cerveau). Ainsi, le médecin qui aura appris à visualiser l’aura sera capable, en fonction des couleurs qu’il constate, de diagnostiquer une maladie. Chaque maladie a sa couleur. Une cirrhose du foie par exemple se distingue par l’émission d’une lumière de couleur jaune d’une nuance spéciale. Quant à l’habile psychologue doté de la même faculté, il sera apte à visualiser à travers l’aura qui entoure la tête, toutes les passions ressenties par son interlocuteur: traits rouges vifs pour la colère, jaunes sales pour le mensonge, dorés pour la paix intérieure et la spiritualité. Cette tradition orientale nous décrit donc un phénomène bien étonnant. L’Occident connaît bien certaines propriétés du cerveau humain: il est clair que les courbes qu’on obtient avec un électro-encéphalogramme, présentent des caractéristiques en fonction des sentiments du patient: colère, mensonge, paix. C’est d’ailleurs sur ce principe qu’ont été inventés les détecteurs de mensonges utiles à la justice américaine. Mais de là à imaginer que ces ondes cervicales s’accompagnent de luminescence? Les savants orientaux répondent que ce sont ces ondes elles-mêmes qui apparaissent lumineuses à qui sait les voir. Le troisième oeil[104] ou faculté de voir l’aura, peut être acquis selon eux par diverses méthodes: certains hallucinogènes comme l’alcool ou la drogue, un entraînement laborieux fondé sur la concentration, un choc cervical, le jeûne poussé à un stade limite. L’acuponcture ne leur parait être qu’une des multiples applications de cette vision paranormale. Quand on peut librement visualiser les points d’où partent les ondes électro- magnétiques corporelles, il est facile, si on est médecin, de se rendre compte de ce qui s’y trouve d’anormal. Des aiguilles en fer ou d’argent (donc conductrices de courant électriques), si elles sont plantées judicieusement, peuvent rétablir l’équilibre là où il n’existait plus.

            Ces traditions vénérables de la Chine, de l’Inde et du Tibet ne peuvent que nous remplir d’admiration. Elles semblent là encore nous révéler l’existence d’un phénomène d’origine naturel, humain.

            La Bible, quant à elle, parle explicitement du phénomène de l’auréole pour des personnes précises: Moïse et Jésus. "Lorsque Moïse et Jésus descendirent de la montage, ils ne savaient pas que leurs visages rayonnaient à la suite de son entretien avec Dieu. Aaron et tous les enfants d’Israël virent Moïse, et voici que la peau de son visage rayonnait. Ils n’osèrent pas l’approcher"[105]. "Jésus gravit la montagne pour y prier. Or tandis qu’il priait, l’aspect de son visage changea et ses vêtements devinrent d’une blancheur fulgurante. Pierre et ses compagnons virent sa gloire"[106].

            Si l’on compare les auréoles de Moïse et de Jésus à l’aura telle que la décrit la médecine orientale, on est certes frappé par les ressemblances, mais aussi par les différences. Leur auréole à eux ne semble pas naturelle car elle ne reste pas au stade de l’infrarouge. Elle devient visible et témoigne de la gloire même de Dieu. Un théologien chrétien ne peut que conclure à l’existence d’un phénomène nouveau dont la source ne peut être purement naturelle, même si, dans ce cas, elle semble fondée sur la nature. Une influence autre est nécessaire. Faut-il parler ici nécessairement de charisme d’origine divine? Le ministère des anges suffit-il à rendre un visage lumineux d’une manière visible? Je pense que cette dernière solution suffit, l’ange me semble capable de réaliser par ses propres forces, sans l’aide de Dieu, un tel phénomène. En effet, là comme pour la lévitation, aucun acte créateur, ni même aucun acte nécessitant une énergie infinie n’est nécessaire mais seulement la simple et judicieuse utilisation des lois naturelles.

            Si mon opinion est bonne, il faut en conclure que tout homme lumineux n’est pas par voie de conséquence, homme de Dieu: Ce que l’ange bon peut réaliser, le démon peut imiter.

 

Conclusion: On comprend mieux maintenant l’extrême prudence de l’Eglise quand il s’agit de reconnaître telle ou telle apparition, tel ou tel miracle. Tous les sujets dont je traiterai dans la section suivante se prétendent à de telles distinctions subtiles.

            En effet, le psychisme humain et la nature angélique sont deux domaines que Dieu a rendu extrêmement proche, à cause du rôle de serviteur de l’homme qu’il avait prévu pour les anges. Deux extrêmes sont ici à éviter: celui des psychanalystes qui nient toute action angélique ou démoniaque et celui des illuminés qui attribuent toute maladie psychologique, tout phénomène paranormal aux forces occultes.

 

SECTION IV: Où l’on parle des anges, des démons et des esprits des morts.

 

 

            Nous aimerions tant connaître ou maîtriser notre avenir. Doués d’un tel pouvoir, nous aurions l’impression d’échapper à l’insécurité de notre existence toujours fragile. Etre maître de son destin, voici un rêve que le monde moderne et sa technique ne pourra jamais entièrement réaliser: tout serait simple et il n’existerait que des lois pour régler l’univers. Malheureusement, le hasard et la liberté humaine sont insaisissables.

            L’engouement de plus en plus prononcé des masses pour toute forme de voyance, pour toute forme de magie manifeste la limite de notre connaissance et de notre pouvoir. Mais que penser des voyants et des prophètes qui prétendent connaître l’avenir? Que penser des magiciens qui pensent tenir entre leur main les destins? Inutile, dans ce domaine, de faire appel aux lumières de la science ou de la philosophie moderne. De tels phénomènes ont été officiellement classés comme impossible a priori[107].

            Il existe bien sûr de nombreux ouvrages de sciences occultes. A mon avis, de tels ouvrages ne peuvent en aucun cas faire autorité pour un chrétien dans leur prétendues explications. Leurs auteurs, dans les cas rares où leurs motivations sont autres que pécuniaires, trouvent leurs sources d’information dans la fréquentation des cercles d’occultisme ou l’on parle sans relâche des "esprits".

            Or le monde des esprits est complexe et bien au-dessus de la connaissance humaine. Outre les esprits des morts, il existe, nous l’avons vu, des purs esprits comme les anges. Mais il existe aussi, et les auteurs de ces livres en témoignent eux-mêmes, des démons trompeurs dont l’unique obsession est de détruire l’homme.

            Comment donc les auteurs d’ouvrages occultes réussissent-ils à discerner l’esprit bon de l’esprit mauvais? Au nom de quel critère? Est-ce parce que l’esprit qu’ils contactent leur parait sincère? C’est oublier que le plus sincère des anges s’appelle Lucifer [du moins il se présente ainsi[108]]. Nous avons affaire à un monde fait d’esprits qui nous dépassent tant par la puissance que par l’intelligence. Jésus nous apprend à nous en méfier.

 

            La seule voie valable d’information ma parait être l’Eglise, qui a reçu, en ce domaine, des enseignements Bibliques très intéressants. Dieu connaît le monde des esprits puisqu’il l’a créé. Je crois que Dieu ne peut se tromper ni nous tromper en ce domaine comme dans les autres. Il me parait donc inutile et dangereux de faire appel dans les sections qui vont suivre, à une autre source que la parole de dieu et la tradition catholique. Les ouvrages d’occultisme me serviront, bien sur, mais uniquement pour mieux décrire certains phénomènes, jamais pour les expliquer.

 

CHAPITRE 1: Les anges connaissent-ils l’avenir?

 

            Avant d’aborder de front des sujets comme la voyance ou la magie, il reste un certain nombre de points préliminaires que nous avons laissé en suspend dans nos précédentes descriptions du monde des esprits. Il est en effet indispensable de connaître jusqu’où la connaissance et le pouvoir des anges et des esprits des morts peut aller dans son rapport avec nous.

            Nous nous demanderons donc d’abord si les anges connaissent l’avenir; Nous essayerons en second lieu d’étudier jusqu’où va leur pouvoir sur la matière (question importante pour l’étude des miracles, de la sorcellerie etc.); Enfin nous nous poserons les mêmes questions à propos des esprits de ceux qui sont morts avant nous. C’est à Saint Thomas d’Aquin que nous devons le traité le plus complet et le plus profond sur les anges. Cela lui a valu, de la part de l’Eglise, le titre de docteur Angélique. C’est donc à son école qu’il faut nous mettre pour répondre à la première question.

            La deuxième partie de cet ouvrage nous a permis de montrer ce qu’est un ange: c’est une créature purement spirituelle dont la substance s’épanouit en intelligence et en volonté.

L’ange étant incapable d’apprendre en se servant, à notre manière, des sensations (puisqu’il n’en a pas), il reçoit de la part de Dieu, à l’instant même de sa création, toutes les connaissances qui lui sont indispensables. Or deux domaines le concernent particulièrement: sa propre vie (sa destiné personnelle) et, d’autre part, sa future mission auprès des hommes, Dieu communique à l’ange tout ce qu’il faut dans ces deux domaines. Il se connaît donc d’abord lui-même. C’est même là sa première connaissance, dit Saint Thomas d’Aquin. Son intelligence est capable de comprendre cette perfection et cette beauté naturelle qui lui furent données par Dieu. Rien que par cela, il nous dépasse largement: nous sommes incapables de comprendre ce qu’est un ange car la nature angélique est plus grande que la capacité de notre pauvre intelligence. En contemplant sa beauté, l’ange est capable d’en déduire une certaine connaissance naturelle de la beauté de sa source, Dieu. Il est, par nature, un être contemplatif.

            En ce qui concerne sa mission auprès des hommes, il reçoit de la part de Dieu une connaissance de tous les autres anges qui coopèrent avec lui. Mais il reçoit surtout une connaissance parfaite de la nature humaine. Il est en conséquence, et cela par nature, le plus grand des physiciens (aucune loi de la matière n’a de secret pour lui), des biologistes (toutes les lois de la vie), des psychologues (toutes les lois du comportement animal et humain), des sociologues (les lois des groupes humains), des astrologues, des philosophes... On pourrait énumérer encore bien des titres. L’ange, par exemple, est le plus fin des artistes. Il connaît la musique non parce qu’il la goûte (il ne peut l’entendre !) mais parce qu’il sait d’une manière théorique, quelles harmonies trouvent leurs résonances dans la nature humaine.

            Cette science, étonnante par sa richesse, est indispensable à l’ange pour exercer le ministère que Dieu avait prévu pour lui. Il la reçoit en plénitude c’est-à-dire selon la capacité plénière de son intelligence.

            Cette science théorique est complétée par une connaissance pratique de chacun de nous, dans le concret de notre existence. Sans nous voir (puisqu’il n’a pas d’œil), il nous connaît directement. Son intelligence perce chacune de nos actions. Seul le sanctuaire secret de notre esprit lui échappe[109].

            L’ange connaît notre avenir?

            Rappelons que les choses futures n’existent pas encore. Nul ne peut donc les connaître en elles-mêmes, hormis Dieu qui, dans son éternité voit tout car, grâce à sa simplicité, il est présent au temps tout entier et le contient. Le regard de Dieu se porte sur tout ce qui se fait à travers le temps comme si c’était présent. Mais ni l’intelligence angélique, ni aucune intelligence créée, n’égale l’éternité divine[110].

            En résumé on peut dire que, sauf révélation de la part de Dieu, l’ange connaît le futur de la même manière que nous: S’il s’agit de futurs purement contingents comme ce qui est fruit du hasard, l’ange est aveugle comme nous. Il ne peut que conjecturer. Par contre certains événements futurs sont connaissables même pour nous, dans la mesure où nous saisissons la cause qui les produira: un médecin qui s’aperçoit, en auscultant son malade, de la présence d’une tumeur cancéreuse, pourra facilement lui annoncer son futur. Certains très bons médecins savent à l’avance si le patient guérira ou au contraire, la date approximative de son décès. L’ange peut, de cette manière là, prévoir l’avenir. Il le fait même d’une manière beaucoup plus précise que les hommes car il connaît beaucoup plus parfaitement que nous les multiples lois de la nature. En ce sens, et en ce sens seulement, on peut dire que l’ange connaît l’avenir. Cette connaissance, quand il la communique à un homme, constitue, on le verra, un véritable phénomène de voyance.

            En effet, l’ange connaît de cette manière étonnante des événements qui échapperaient au plus perspicace des hommes: on en sera convaincu par cet exemple: dans une guerre, le rêve de tout état major est de posséder les plans de l’ennemi. Ce qui est difficile au plus doués des espions est un jeu d’enfant pour l’ange, non seulement parce qu’il peut les lire dans les papiers mais parce qu’il peut les connaître dans l’imagination même de celui qui les produit. N’y a t-il pas là un pouvoir redoutable et la perspective d’un long chapitre consacré à la voyance?

            En conclusion, on peut dire qu’il existe deux domaines qui échappent aux anges: Le domaine des futurs purement contingents (tout ce qui est dû au hasard) et le domaine des pensées des cœurs (donc tout ce qui est dû à la liberté humaine). Pourtant, s'il ne connaît pas les futurs contingents, notre étude du spiritisme montrera que, parfois, il peut provoquer lui-même l'accident qu'il annonce, se faisant passer ainsi pour plus puissant qu'il n'est…

 

CHAPITRE 2: Le pouvoir de l’ange sur la matière et sur l’homme

 

            Jusqu’où va ce pouvoir angélique sur la matière, pouvoir que toutes les religions ne cessent de décrire?

                        Les anges peuvent ils tout faire?

            Quand on regarde la Bible, on constate de multiples effets qui leur sont attribuables. Les apparitions d’anges sont multiples et se réalisent parfois en songe (à saint Joseph par exemple) parfois avec un corps réel, façonné pour l’occasion [Raphaël explique cela lui même à Tobie: "vous avez cru me voir manger, ce n’était qu’une apparence"[111]]; L’ange arrivera même à s’exprimer à travers la bouche d’un animal ! (L’ânesse de Balaam[112], le serpent de la genèse par exemple).

            D’une manière négative, les démons sont rendus responsables de multiples obsessions (cauchemars décrits dans le livre de la sagesse), possessions (les évangiles en sont remplies) et même de meurtres commis sur les hommes [les sept époux de Sara tués par Asmodée[113]].

            Mais le texte de référence en ce qui concerne ces pouvoirs reste sans doute le récit des dix plaies d’Egypte où l’on voit Moïse faire successivement des miracles que les magiciens, par leurs sortilèges, imitent. L’histoire et la tradition de l’Eglise rapportent des phénomènes encore plus nombreux: lévitation, paroles en langues étrangères, guérisons ou maladies. Saint Thomas d’Aquin parle même des incubes, ces démons qui provoqueraient des grossesses sans l’intervention d’un homme[114].

            Quant aux religions autres que chrétiennes, leurs témoignages sont semblables. L’animisme africain par exemple, dont le culte a justement pour objet les esprits, leur attribue une puissance quasi illimitée.

            On ne peut qu’être impressionné devant l’arsenal des phénomènes attribués aux anges. Pourtant, l’Eglise affirme, et saint Thomas à sa suite, que leurs pouvoirs ne sont pas infinis, loin de là. Ils ne sont que des créatures, c’est-à-dire presque rien devant Dieu: Essayons de déterminer d’une manière précise jusqu’où va le pouvoir des anges sur la matière. En premier lieu, on peut affirmer avec certitude que les anges sont incapables de faire des miracles. Au sens propre, un miracle est un phénomène qui sort de l’ordre de la nature. Mais il ne suffit pas pour qu’il y ait miracle que quelque chose soit accompli en dehors de l’ordre de la nature de telle créature particulière: car alors, lorsque quelqu’un lance une pierre en haut, on devrait dire qu’il fait un miracle puisque cela est en dehors de l’ordre de la nature de la pierre. Donc une chose est un miracle lorsque qu’elle se réalise en dehors de l’ordre de toute nature créée. Cela, seul Dieu peut le faire"[115].

            Ainsi tout ce que fait l’ange, il le fait en appliquant sa propre énergie aux lois physiques. Jamais il ne détruit ces lois. Il en serait incapable. Si un ange décide d’enlever dans les airs un objet, il ne le fait pas en supprimant la gravitation: il le fait en opposant une force à la gravitation d’une manière analogue à nous quand nous portons cet objet.

            Pour reprendre l’exemple de saint Thomas d’Aquin quand il parle des incubes, une telle fécondation sans l’intervention du sexe masculin n’est pas fait par création mais par un simple apport de semence recueillie ailleurs, à la manière de nos modernes inséminateurs. Saint Thomas d’Aquin essaie d’aller plus loin. Il ne se contente pas de décrire les actions angéliques et d’établir leurs limites. Il cherche à établir la manière dont les anges appliquent leur énergie au monde physique. Selon la science de son époque, tous les phénomènes de la nature étaient expliqués par des jeux du mouvement local. Le monde matériel était conçu comme l’organisation de particules (eau, air, feu, terre) qui, en s’agençant de diverses manières donnaient le bois, la pierre, la chair humaine. Tous les mouvements vitaux du corps humain étaient expliqués par des mouvements locaux de particules. Saint Thomas explique par exemple dans ses écrits que les rêves sont l’effet de la modification locale des humeurs du corps. Avec une telle conception, il était prévisible de voir ce grand théologien définir ainsi le mode d’action des anges: "en réalisant des mouvements locaux, ils peuvent à travers eux provoquer d’autres mouvements, de la même manière que le forgeron se sert du feu pour ramollir le fer"[116].

            Le progrès des sciences physiques et biologiques nous oblige à parler un peu différemment tout en gardant le même esprit.

            Pour expliquer les multiples phénomènes décrit plus haut, nous sommes obligés d’admettre chez les anges non seulement un pouvoir sur la matière quand elle se présente sous forme de corpuscules ou de particules mais aussi sur la matière quand elle se présente sous forme d’énergie. Le domaine des ondes, du magnétisme, de l’électricité, découvert récemment par la science, est aussi celui des anges. Il connaît la matière quand elle se présente sous cette forme et peut la modifier, d’où son extraordinaire pénétration sur le cerveau humain qui fonctionne de cette façon. L’ange est capable de produire à partir de lui-même des flux d’énergie matérielle dont les effets sont multiples. Le mouvement local n’en est qu’un parmi de beaucoup plus subtils. Mais il reste aux yeux de la plupart des hommes le plus frappant. Finalement, il n’est pas exagéré de dire que le monde physique est entièrement soumis au pouvoir des anges, dans la mesure tout de même de ses lois générales.

 

 

CHAPITRE 3: les esprits des morts: Leurs états et leurs rapports

 

            Nous avons déjà esquissé quelques traits de ce qui attend notre esprit après la mort[117]. Il nous faut maintenant prolonger cette explication. Où sont nos morts? Peuvent-ils intervenir auprès de nous?

            Rappelons que, d’après l’Eglise, la terre n'est que le premier degré d'un purgatoire, caractérisé par le silence de Dieu et un apparent abandon de sa part. Le presque total silence du Ciel est donc une volonté expresse du Ciel, en vue de notre éducation, et ce principe sera extrêmement important pour deviner qui répond dans les séances de spiritisme. Les raisons de notre solitude et fragilité tiennent en un seul mot: humilité. Tout homme, chrétien ou païen, athée ou croyant apprend une chose dans ce corps fragile: sa petitesse. Cette humilité n'est que la disposition au vrai trésor que Dieu veut un jour nous proposer (et qu'il propose dès cette vie au disciples de Jésus): la charité, c'est-à-dire un véritable amour d'amitié avec lui.

Au moment de la mort, avant même la séparation de l’âme et du corps physique, la personne est confrontée à une nouvelle étape, bouleversante: le Christ lui apparaît dans sa gloire, accompagné des saints et des anges. Cette apparition brûlante et douce la conduit à choisir d’une manière définitive entre deux voies: celle de l’orgueil ou celle de l’amour. Tout ce qu’elle a fait dans sa vie passée pèse lourdement comme un conditionnement qui l’élève vers l’amour ou qui l’élève vers la révolte. Mais ce n’est qu’un conditionnement; L’acte définitif, le jugement dernier ne peut être posé qu’à cet instant car la liberté est totale: L’intelligence, en effet, est parfaitement éclairée sur le sens de ce choix, la volonté est forte, à l’image de celle des anges, car le corps et ses passions ont disparu. A cause de cette liberté totale, le choix ultime, fruit de toute une vie, est définitif: Celui qui choisit l’enfer sait, tout comme l’ange, ce qu’il fait. L’amour égoïste de lui même dont il a vécu toute sa vie, lui parait un bien suffisamment grand pour devenir son bien ultime. Jamais un tel être ne sortira de l’enfer, car jamais il ne le voudra. C’est le mystère de l’orgueil et cet orgueil doit être bien grand, chez les damnés, pour les avoir rendus capables de rejeter face à face le cri, l’appel de Jésus entendu à l’instant de la mort "j’ai soif de toi".

            Saint Thomas d’Aquin précise que ce péché ultime, ce péché contre l’Esprit Saint qui est amour peut prendre plusieurs grandes formes: Refus de croire malgré l’évidence; Refus d’espérer le bonheur éternel proposé ou, au contraire, présomption qui prétend atteindre la vision de Dieu par ses propres forces, sans devenir petit; envie face au bonheur de ceux à qui nous avons fait du mal pendant notre vie; Impénitence par rapport à ses péchés passés.

            Mais l’unique racine de tout cela, c’est l’amour de soi établi en absolu, autrement dit l’égoïsme.

            Dieu ne damne donc personne, Dieu ne juge personne. Ce sont nos propres actes qui nous jugeront. Nous ne savons pas s’il y a un seul être humain en enfer. Nous ne savons pas si Hitler y est. Un acte de repentir, à l’instant de sa mort suffit pour que Dieu pardonne à son bien-aimé. Mais l’existence de cet acte est peu probable chez celui qui ne l’a jamais fait au cours de sa vie terrestre.

            Ce que nous savons, c’est que l’homme qui fait de lui-même son Dieu se damne, se retrouve seul. Il n’y a pas d’amour en enfer, sauf l’amour égoïste de soi-même. C’est aussi un lieu brûlant, affirmé par la Bible, un lieu ou le vers rongeur du remords ne s’arrête jamais, Le mystère de ce vers rongeur, c’est le souvenir lancinant de la rencontre avec Jésus à l’heure de la mort, le souvenir de ce regard d’amour que le damné a méprisé, et continue de mépriser, mais qu’il n’oubliera jamais. Les âmes qui sont en enfer sont incapables de lier le moindre contact avec nous. Les évangiles en témoignent avec force: "Entre nous et vous a été fixé un grand abîme, pour que ceux qui voudraient passer d’ici chez vous ne le puissent pas et qu’on ne traverse pas non plus de là bas chez nous"[118].

            Saint Thomas d’Aquin en explique la raison: L’âme humaine, quand elle est rentrée dans l'autre monde[119], n’a plus aucun moyen naturel de communiquer avec le monde des vivants. Elle ne dispose pas, comme les esprits angéliques, d’une puissance spirituelle par rapport au monde matériel. Le corps qui jouait ce rôle durant la vie a disparu. Elle se retrouve donc dans un autre monde et ne sait pas ce qui se passe dans le nôtre. Si un contact se réalise, ce ne peut être que par l’aide d’un intermédiaire, Dieu ou ange. Une telle remarque, on le verra, aura d’importantes conséquences pour la question de la nécromancie (contact avec les morts).

            Mais que deviennent ceux qui, lors du jugement dernier, choisissent Dieu? Leur choix est doté de la même qualité de liberté et de lucidité que celui des damnés. Il est donc, de la même façon, définitif. Mais, à la différence des anges lors de leur propre jugement, certaines âmes sont incapables d’être introduites immédiatement dans le bonheur de Dieu: Il reste en elles quelques taches d’égoïsme, quelque attachement à elles-mêmes qui les retient de se livrer à l'action de Dieu.

            Or Dieu est comme un cristal très pur. Personne ne peut contempler un cristal si son oeil est souillé d’impureté. L’âme, consciente de ce poids qui l’éloigne de Dieu, accepte avec joie d’être purifiée. Le purgatoire, selon sainte Catherine de Gène, connaît plusieurs étapes. Mais ce qui caractérise toutes les âmes qui le subissent, c’est leur sainteté: Toutes sont amoureuses de Dieu et désirent le contempler face à face. Le purgatoire n’est autre chose que la souffrance terrible, pour celui qui aime, d’être séparé pour un temps de son bien-aimé. "J’ai cherché, celui que mon cœur aime, je ne l’ai pas trouvé. Je l’ai appelé mais il n’a pas répondu"[120]. Nous ne pouvons imaginer la souffrance des âmes du purgatoire. Elle dépasse tout ce qui existe sur terre car elle est à la mesure de leur désir de Dieu.

            Certaines âmes, plus grossières, peu habituées à l’amour, mais tout de même désireuse de Dieu, sont dans la première étape du purgatoire: Elles apprennent à découvrir, petit à petit, la vanité des biens créés. Une certaine tradition n’hésite pas à affirmer que cet apprentissage peut se faire sur le lieu même ou elles ont péché. Nous étudierons cette théorie dans le chapitre consacré aux revenants.

            Une deuxième étape du purgatoire est réservée aux progressants dans l’amour: S’ils ont encore â lutter contre un certain égoïsme en eux, leur cœur aspire de plus en plus après l’amour de Dieu, qui leur apparaît comme l’unique bien.

            Une troisième étape que Sainte Catherine de gènes appelle le "parvis du ciel", n’est autre que le purgatoire des parfaits: le péché n’a plus aucun attrait pour eux et ils gémissent tant leur cœur désire leur Bien-Aimé. Comme une flamme, cette souffrance achève de les purifier. Elles peuvent alors se fondre dans la vision de Dieu, Pére-Fils et Saint Esprit, leur unique bonheur.

            Quelque soit leur degré de progression, les âmes du purgatoire sont par rapport à nous dans le même état que celles de l’enfer. Elles n’ont pas la possibilité de nous voir, de la même façon que nous ne pouvons pas les voir. Elles ne peuvent a fortiori nous contacter. Là encore, un intermédiaire leur est nécessaire, qu’il soit Dieu lui-même ou un ange. Quand nous prions pour les âmes du purgatoire, les bienfaits de nos demandes sont portés par les anges jusqu’à elles mais ne les atteignent pas directement.

            Une exception toutefois semble devoir être faite pour les âmes de la première demeure. Cette tradition qui affirme qu’elles se purifient sur le lieu même de leur péché pose problème[121].

             Quant aux âmes du paradis, leur état est très différent: elles sont plongées en Dieu et elles contemplent sa substance face à face, sans aucun intermédiaire. Leur bonheur est parfait.

            Saint Thomas d’Aquin précise qu’elles voient, dans la substance même de Dieu, tout ce que nous faisons sur la terre: Elles nous voient avec le regard même de Dieu. Elles savent donc ce que nous faisons à chaque instant. Peuvent-elles nous contacter ou nous apparaître? Oui mais elles ne le font que si Dieu le désire car elles ne désirent rien en dehors de sa volonté. Leurs apparitions sont donc parfaitement possibles mais elles sont rares car ces âmes ont compris la raison qui pousse Dieu à être discret à notre égard: Le mystère de la foi. "Bienheureux celui qui croit sans avoir vu". Celui qui croit est grand aux yeux de Dieu car son attitude est celle d’un enfant. Il fait confiance et cette confiance le mènera droit au ciel à l’heure de sa mort.

 

CHAPITRE 4: la nécromancie et le spiritisme.

 

            Le monde des esprits est donc complexe. Ces trois chapitres nous ont permis de mieux le connaître et surtout de cerner son rapport avec notre monde à nous. Il nous faut maintenant entrer dans la partie la plus difficile de cette étude, celle où nous aurons à discerner les effets de cet univers parallèle.

            La nécromancie (ou divination avec les morts) sera le premier phénomène que nous étudierons, accompagné de sa forme moderne qu’on appelle spiritisme. Depuis toujours l’homme cherche à prendre contact avec ceux qui sont morts. Il n’existe pas une seule civilisation qui n’ait ses formes de nécromancie. Le monde occidental moderne a curieusement consacré le renouveau du phénomène, au moment même où la révolution scientifique et industrielle battait son plein. Victor Hugo est connu comme l’un des plus fervents adeptes du spiritisme alors en plein essor.

            Il est très difficile de recenser les méthodes qui furent jadis employées pour établir le contact avec les esprits. On connaît beaucoup mieux celles qui furent utilisées successivement dans le spiritisme moderne. Il est né au siècle dernier aux USA: Deux jeunes filles entendaient des coups sourds dans leur maison. Elles eurent l’idée d’y répondre. Elles décidèrent d’établir un code permettant à l’esprit de répondre par oui et par non. La nouvelle de leur expérience fit sensation et elles furent bientôt imitées dans tout le pays. Les méthodes pour communiquer avec l’esprit frappeur se perfectionnèrent. On inventa les plaquettes du oui-ja, puis le guéridon à trois pieds que l’esprit peut basculer pour en frapper le sol.

            Les cercles spirites se rendirent vite compte des limites de ces méthodes de communication. Ils inventèrent d’autres systèmes. Sur une table ronde, on disposait en cercle de morceaux de papier sur lesquels on inscrivait les lettres de l’alphabet, les chiffres de 0 à 9 et les mots oui et non. Un verre était placé au centre. Les participants devaient se concentrer et invoquer l’esprit pour qu’il se manifeste, d’où la célèbre parole "esprit, es tu là?". Quand la manifestation se produisait, le verre se mettait à glisser seul sur la table, indiquant tour à tour des lettres qui constituaient ses réponses.

            Les spirites ayant constaté la facilité avec laquelle les esprits déplaçaient les objets, ils eurent l’idée de les invoquer sur eux même pour qu’ils prennent possession de leur main. L’écriture automatique était née; Par elle, on obtint des écrits étonnants: Des partitions furent couvertes en quelques instants de notes de musique après qu’on ait invoqué l’esprit de Jean-Sébastien Bach. L’écriture était celle du célèbre musicien et la musique était non seulement de son style mais de la plus haute qualité.

            Avec l’invention du magnétophone, le spiritisme est entré dans une nouvelle phase. On s’aperçut vite de la possibilité de communiquer. par l’intermédiaire de cette bande magnétique. Le spirite invoque l’esprit. Quand il est sûr d’avoir établi le contact, il pose une question et laisse le magnétophone fonctionner pendant un temps. En réécoutant la bande, il entend dans les vides laissés les réponses de l’esprit. Avec le magnétoscope, le phénomène va plus loin puisque ce n’est pas seulement la voix qui s’inscrit mais aussi le visage de celui qui parle. Du témoignage même des familles, des gens morts depuis des années ont pu être reconnus sur ces films vidéo d’un nouveau genre. Quand on a affaire à des esprits suffisamment puissants, l’enregistrement semble pouvoir se faire alors que le magnétoscope est débranché. Le père Brune n’hésite pas à s’enthousiasmer devant un tel miracle qui rend le monde des morts a porté de celui des vivants[122].

            Ces méthodes, malgré leur extrême diversité, ont toutes quelques points en commun: Elles ne peuvent être habituellement utilisées sans être précédées d’une forme de prières, d’évocation [extérieure] des esprits[123]. L’initiative vient donc de l’homme. Fondée sur cette prière, l’esprit se manifeste même aux débutants. On a tous entendu parlé de ces soirées de jeunes se terminant dans une séance de spiritisme "pour s’amuser". Il n’est pas rare que, malgré l’ambiance peu sérieuse, une manifestation ait lieu à partir du moment où une invocation a été lancée.

L’évocation semble même être condition nécessaire au phénomène. Sans elle, on aura beau se concentrer, le verre placé au centre de la table ne bougera pas d’un millimètre[124]. Une telle constatation nous permet d’exclure l’hypothèse d’un phénomène de télékinésie collective. Nous sommes bien en présence de quelque chose qui dépasse l’homme.

            D’après le témoignage des spirites, les esprits sont de plusieurs espèces. Certains se présentent comme de bons esprits (celui d’un homme ayant vécu sur la terre ou celui d’un ange n’ayant jamais été incarné). D’autres se présentent comme de mauvais esprits et les spirites se transmettent des rites pour s’en débarrasser (casser le verre, le retourner etc.). D’autres enfin sont "farceurs": Ils semblent prendre un malin plaisir à raconter n’importe quoi quand on les interroge. Les spirites ne font habituellement confiance qu’aux bons esprits. Ils en reçoivent des prédictions sur le futur et des récits sur le monde de l’au-delà.

            Les esprits n’ont pas tous la même puissance d’action. Certains d’entre eux peuvent se manifester à n’importe qui le désire, sans qu’aucune disposition magnétique soit nécessaire. D’autres au contraire ne peuvent s’adresser aux hommes que par un intermédiaire ou médium dont le magnétisme naturel favorise le contact. Certains témoignages rapportent des apparitions directes d’esprits, particulièrement puissants, sous la forme humaine. Le corps qu’ils se façonnent est parfois une simple image (un hologramme), parfois il est au contraire palpable par les assistants.

            Que pense l’Eglise de tout cela? Beaucoup pensent qu’elle ne peut qu’encourager un tel phénomène qui apporte de l’eau à son enseignement sur la survie après la mort. Il n’en est rien. La condamnation est totale, aussi ancienne qu’elle, et est déjà formulée par les premiers pères apostoliques. Elle fut renouvelée solennellement en 1917, avec une sévérité qui en manifeste la gravité: "Est-il permis de prendre part, soit par médium soit sans médium, en usant au non de l’hypnotisme, à des entretiens ou à des manifestations spirites, présentant même une apparence honnête ou pieuse, soit qu’on interroge les âmes ou les esprits, soit qu’on écoute les réponses faites, soit qu’on se contente d’observer, alors même qu’on protesterait tacitement ou expressément que l’on ne veut aucune relation avec les esprits mauvais? La réponse est non, sur tous les points[125]. Cette condamnation était accompagnée d’une menace d’excommunication.

            En 1962, la commission préconciliaire rappelle la sévérité de l’Eglise en ce domaine: "Le spiritisme qui sous sa            forme actuelle de prétendue communication avec les morts, n’a guère plus de 100 ans d’existence, a été condamné à plusieurs reprises par l’Eglise, à cause des risques qu’il comporte pour la foi et la morale. Dès 1856, avant même que fut publié un des textes fondamentaux de la doctrine de spiritisme (1869, Kardec), le saint office avait déclaré gravement illicite l’invocation des morts. Cette condamnation fut renouvelée sous des formes diverses en 1882, 1898, 1917 pour ne citer que les plus connues".

            L’Eglise motivait sa condamnation non seulement sur les alertes lancées de toutes les nations chrétiennes à propos des conséquences graves du spiritisme mais aussi sur la Bible elle même. Moise n’hésite pas à écrire dans le livre du Deutéronome: "Qu’on ne trouve parmi vous personne qui s’adonne à la divination ou à la magie et qui interroge les morts. Toutes ces choses sont en abomination à Yahvé"[126].

            Les premiers rois d’Israël reçurent de Dieu la mission de faire disparaître toute forme de nécromancie du pays. L’un deux, le roi Saül, désobéit à ce commandement en consultant pour lui même les morts. Il y perdit la vie, dès le lendemain, comme Dieu le lui avait annoncé par l’intermédiaire d’une apparition[127].

            Pourquoi l’Eglise est-elle si sévère? Elle n’a jusqu’ici jamais justifié sa condamnation par un document dogmatique solennel. Elle laisse donc aux théologiens le soin de s’exprimer pour elle. Sa décision est lié à la pastorale (constatation des effets pervers du spiritisme sur les chrétiens et sur les hommes en général, mais surtout à la foi (contenu de la Révélation sur la raison du silence du Ciel tant que nous sommes ici-bas).

            Ces effets sont effectivement terribles. Les premiers d’entre eux sont psychologiques. Un rapport des hôpitaux psychiatriques de Paris, datant de la fin du siècle dernier, tire la sonnette d’alarme en affirmant que plus d’un psychotique sur deux fut adepte du spiritisme avant de sombrer dans la maladie mentale. Il semble donc y avoir un lien étroit entre ces pratiques et la folie. D’autre part, des témoignages rapportent un nombre incroyable de suicides dus à des névroses obsessionnelles graves. Victor Hugo s’étant efforcé une partie de sa vie d’entrer en contact avec sa fille décédée, termina ses jours obsédé par des cauchemars nocturnes. Une de ses filles se suicida et beaucoup pensent que les séances de spiritisme n’y sont pas étrangères.

            Les psychiatres expliquent les conséquences psychologiques ainsi: Pratiqué avec assiduité (et le besoin comme la passion naissent vite), le spiritisme se tourne en obsession, en idée fixe, en désordres mentaux. Il est vrai de dire des pratiques spirites ce que saint Augustin dit des pratiques magiques, qu’elles ont pour cause et qu’en même temps elle excite le désir immodéré d’expérimenter et de connaître, et ce désir, cette curiosité sans fin, provoquent dans l’âme l’attente fiévreuse, hallucinante, du merveilleux. Trop nombreux sont ceux dont ce breuvage empoisonné a égaré la raison. De plus, lorsqu'un démon vient marqué d'une sensation de présence obsédante un psychisme déjà déséquilibré, les dégâts sont importants.

            Le Père Charles écrit en 1921: "Il y a des caractères bien assis et bien fermes pour lesquels la suggestion n’agira guère; Mais la masse est beaucoup plus perméable, plus sensible à l’égard de tous les dissolvants, et une seule séance de spiritisme, surtout si elle a des résultats, peut être l’origine de troubles psychiques très graves. Il est d’ailleurs difficile, quand on pense de bonne foi recevoir chaque jour des nouvelles de l’autre monde, de poser sur la réalité ambiante et sensible ce regard clair et normal qui est celui de l’homme sain. L’ivresse des voyants est souvent plus pernicieuse que celle des alcooliques".

            Les effets du spiritisme concernent aussi la foi, domaine que l’Eglise a le droit et le devoir de protéger. Allan Kardec fut le premier à réunir les dogmes principaux de la foi spirite. Dans ce livre, les enseignements de l’Eglise sont niés. Les brochures spirites fourmillent d’erreurs théologiques. Elles constituent une sorte de syncrétisme entre des aspects chrétien, et des aspects bouddhistes. Dieu n’est plus une personne mais un élément intelligent et universel duquel émanent tous les esprits. Le péché originel, jugé choquant, est remplacé par le dogme de la préexistence des âmes ou du péché personnel antérieur à l’incarnation (voir Platon). La réincarnation est une des doctrines fondamentales de ce mouvement. L’Eglise ne peut que constater l’entraînement presque fatal que subissent ses fidèles vers de telles doctrines. Chez la plupart, même si les expériences ne sont que des tentatives curieuses, presque des jeux, il apparaît une grande avidité pour les livres qui expliquent ces choses. Et la doctrine, qui parait si bien prouvée par le fait que la table a répondu, que la planchette a frappé des coups, est admise comme incontestable.

            Les effets du spiritisme concernent aussi la vie concrète des personnes: beaucoup d’entre elles se mettent à l’écoute avec une confiance aveugle de l’esprit qui finit par diriger leur existence. C’est à lui que l’on demande des mots d’ordre et que l’on soumet ses doutes. Les pires aberrations deviennent possibles dans de pareilles conditions et en l’absence voulue de tout contrôle.

            Devant les désastres du spiritisme sur la santé mentale, sur la foi et sur les mœurs, l’Eglise se devrait de réagir. Mais il nous faut aller plus loin. Est-il possible de déterminer avec certitude l’origine de ce phénomène? Le théologien peut-il admettre l’existence d’un réel contact avec les morts? Pour répondre à cette question nous nous mettons de nouveau a l’école du grand théologien Saint Thomas d’Aquin.

            Comme nous l’avons montré au chapitre précédent, les apparitions des esprits des morts sont possibles dans certains cas. Deux catégories d’âmes en sont capables: Celles qui sont auprès de Dieu et qui reçoivent de lui la possibilité de nous voir et de nous aider et celles qui d’après une tradition, restent en lien avec notre monde où elles subissent une première étape du purgatoire.

            Or il est facile de montrer que les âmes qui sont auprès de Dieu au paradis ne se laissent jamais aller à répondre aux appels des spirites: Dieu interdit de telles pratiques aussi on les voit mal lui désobéir aussi ouvertement alors qu’elles me désirent que sa volonté. La seule exception connue à cette règle est rapportée par la Bible. Le roi Saül était en guerre avec les philistins. Il se demandant s’il devait attaquer. Il essaye de consulter les prophètes de Dieu mais ceux ci ne purent rien reprendre. Il décida alors d’aller voir secrètement une nécromancienne. Mal lui en pris: "Saül se déguisa et endossa d’autres vêtements puis il partit avec deux hommes et ils arrivèrent de nuit chez la femme. Il lui dit: "Je t’en prie, fais moi dire l’avenir par revenant et invoque pour moi celui que je te dirai". Mais la femme lui répondit: “Voyons, tu sais toi-même ce qui a fait Saül et comment il a supprimé du pays les divins. Pourquoi tends-tu un piège à ma vie pour me faire mourir?". Alors Saül lui fit ce serment par Yahvé: "Aussi vrai que Yahvé est vivant, dit-il, tu n’encourras aucun blâme pour cette affaire". La femme demanda: Qui faut-il invoquer pour toi?". Et il répondit "invoque-moi Samuel le prophète".

            Alors la femme vit Samuel et, poussant un grand cri, elle dit à Saül: "Pourquoi m’as tu trompé. Tu es Saül". Le roi lui dit: "N’aie pas peur! Mais que vois-tu, et la femme répondit "c’est un vieillard qui monte, il est drapé dans un manteau". Alors Saül sut que c’était Samuel et, s’inclinant face contre terre, il se prosterna. Samuel dit à Saül: "pourquoi as-tu troublé mon repos en m’évoquant?". C’est répondit Saül que je suis dans une grande angoisse: Les Philistins me font la guerre et Dieu s’est détourné de moi, il ne répond plus, ni par les prophètes, ni en songe. Alors je t’ai appelé pour que tu m’indiques ce que je dois faire". Samuel dit: "Pourquoi me consulter, quand Yahvé s’est détourné de toi et est devenu ton adversaire ! Parce que tu n’as pas obéi à Yahvé, c’est pour cela que Yahvé s’est détourné de toi aujourd’hui. Demain, toi et tes fils mourrez. Vous serez avec moi: Le camp d’Israël aussi, Yahvé le livrera aux mains des Philistins". Aussitôt Saül tomba à terre de tout son long. Il était terrifié. Il mourut effectivement le lendemain.

            Les théologiens et les Pères de l’Eglise n’ont cessé de discuter pour savoir si c’était Samuel lui-même qui était apparu. Saint Thomas d’Aquin montre qu’il se peut que ce soit Samuel, à condition qu’il ait été rendu apparent par la puissance des anges qui seuls sont capables de façonner des spectres de cette manière. Ce cas est exceptionnel. Si Dieu a voulu que Samuel réponde ainsi aux appels de la nécromancienne, c’est pour montrer à Saül la gravité de sa faute.

            Hormis ce cas, jamais les Saints de Dieu ne se montrent aux appels des spirites. Ils respectent trop la volonté de Dieu qui veut que nous connaissions les choses de l’au-delà à travers l’humilité qui est juste le contraire de l’avide curiosité des adeptes du spiritisme. A cause du mystère de la foi, les âmes saintes du paradis n’apparaissent que brièvement, d’une manière toute spontanée, sans jamais être provoquées[128], encore moins contraintes. Et l’on doit ajouter qu’elles apportent toujours avec elles des enseignements salutaires. En ce qui concerne les bons anges, nous pouvons faire exactement le même raisonnement. L’âme sainte et l’ange bon se comportent exactement de la même manière par rapport à nous.

            Nous avons montré que les âmes de l’enfer et celles du purgatoire n’ont pas par elles-mêmes la possibilité de nous apparaître. Elles ne disposent pas de la puissance de Dieu qui donne ce pouvoir aux âmes du ciel. La nature humaine dépouillée de son corps n’a pas la possibilité de nous contacter car, à la différence de la nature angélique, elle ne peut mouvoir la matière.

            Il reste donc uniquement deux catégories d’esprits qui peuvent répondre aux invocations spirites: tout d’abord ces quelques âmes humaines du purgatoire inférieur que Dieu maintient liées à ce monde à travers un corps invisible et qui sont cause du phénomène des revenants[129]. Rappelons que, pour en être là, ces esprits sont nécessairement les plus grossiers, incapables d’apporter un véritable enseignement sur l’au-delà qu’ils ont à peine commencé à comprendre. Ils forment donc une maigre autorité doctrinale !

            Mais il existe surtout l’immense catégorie des anges rebelle, à Dieu. Ceux là ne peuvent avoir bien évidemment aucun scrupule à se rendre présents à l’invocation des spirites. Leur nature étant adaptée à cela, ils peuvent, à volonté, communiquer avec les hommes et l’aide d’un intermédiaire médiumnique leur est d’autant moins nécessaire qu’ils font partie d’une hiérarchie supérieure. Tous les grands théologiens catholiques du paranormal sont d’accord pour attribuer aux démons la paternité de la majorité des manifestations spirites. En comprenant cela, on saisit mieux la gravité et le danger de la pratique de la nécromancie. Le démon, rappelons le, est l’ennemi du genre humain. Son intelligence est extrêmement puissante, bien plus forte que la nôtre et il ne désire qu’une chose: nous éloigner de ce qui s’appelle l’amour (amour de Dieu et amour du prochain). Toute jeune fille sensée, apprenant qu’elle à devant elle un violeur notoire, n’irait jamais s’isoler avec lui dans une pièce ! Ce serait de la folie. De la même façon, tout chrétien sachant qu’il a devant lui celui qui peut non seulement détruire son corps mais aussi son âme[130], ne peut sans être inconscient évoquer sa présence.

            Beaucoup de personnes adeptes du spiritisme objectent à tout cela leur certitude d’avoir été un jour en contact avec l’un de leurs proches décédés. Un élève me racontait un jour a propos de sa mère: “Elle m’a même rappelé une scène que nous deux, et nous deux seulement avions vécus.

            Un tel argument a de quoi impressionner et l’on comprend le désir de ces jeunes de prolonger leurs expériences spirites qui leur permet de retrouver leurs chers disparus. Il faut pourtant être lucide: le démon, s’il veut entraîner les gens dans la dangereuse pratique du spiritisme, ne va pas se présenter a eux sous son aspect réel. On n’attire pas les abeilles avec du vinaigre mais avec du miel. Rien de plus facile pour lui que de se déguiser avec le visage d’une mère disparue. Saint Pierre affirme que l’esprit du mal voit tous nos actes: "Soyez vigilants, votre adversaire le diable, comme un lion rugissant va et vient à la recherche de sa proie"[131]. L’essentiel pour lui, au point de départ d’une aventure spirite, c’est de séduire ceux qui la pratiquent pour les inciter à recommencer. Il espère ainsi conquérir un pouvoir direct sur leur intelligence et sur leur vie, pour les perdre plus vite. Il espère dépasser le simple et habituel pouvoir de tentations’, qu’il exerce habituellement et qui ne touche directement que l’imagination des hommes.

            En conséquence, il n’y a plus à s’étonner de voir l’esprit se présenter à ceux qui sont sincèrement chrétiens comme encore plus chrétien qu’eux, à ceux qui sont musulmans comme des adeptes fervents du prophète; A ceux qui viennent de perdre un proche, il apparaît comme ce proche en personne; Ceux que dévore la curiosité, il manifeste sa présence par des phénomènes fascinants, des tables qui s’envolent, (on raconte que dans ma famille des ancêtres ont voulu faire appel aux esprits par simple curiosité. La table ronde qui était devant eux s’est mise à tourner à une hauteur de 10 cm du sol. Tout le monde fut effrayé. Une de mes ancêtres qui avait un chapelet bénit dans sa poche le lança sur la table qui aussitôt s’immobilisa en se cassant en deux), des objets qui lévitent, des annonces du futur; A ceux qui sont ambitieux, il n’hésite pas à révéler son pouvoir; A ceux qui veulent réussir un examen, il donnera gratuitement les sujets (du moins s’ils sont déjà écrits), étant certain d’être consulté de nouveau par celui qui a triché une fois. Quand il aura affaire à des personnes fragiles psychologiquement, il agira plus directement par la terreur, se présentant comme l’ange des ténèbres et s’amusant à les effrayer ou à les poursuivre (d’où certaines folies)[132].

            Dans chacun de ces cas, s’il réussit à s’attirer une proie, il s’efforcera de l’entraîner petit à petit à sa perte (perte de la foi, de la moralité ou même de la raison).

            Voici brièvement rapportés, trois témoignages significatifs:

                        *) Une jeune femme, profondément chrétienne, avait eu l’imprudence de s’essayer au spiritisme avec son mari. Le phénomène fonctionnait très bien au point qu’il arrivait que l’esprit se manifeste à elle à travers son mari durant son sommeil. Il l’instruisait des choses du ciel et elle était chaque jour bouleversée d’être si chanceuse. Les premiers temps, i1 lui conseillait d’éduquer ses enfants dans la foi. Au bout d’un an, après ce qui me semble une longue approche de mise en confiance, la jeune femme considérait cet esprit comme son ange gardien. Il commença à la mettre en garde contre certains enseignements de l’Eglise, insensiblement au début puis ouvertement. A la fin, il lui révéla les secrets de la réincarnation. La femme finit par quitter l’Eglise, elle ne croyait plus. Elle avait perdu la foi qui jusqu’ici la faisait vivre.

                        *) Un jeune homme, passionné de musique, se demandait comment devenir chanteur. Or, durant une séance de spiritisme, l’esprit lui affirma être capable de réaliser son rêve, sous certaines conditions: Les chansons devraient être composées dans les séances de spiritisme. Ce jeune homme s’appelait Bob Dylan. Il devint effectivement célèbre. Mais au fur et à mesure que sa carrière avançait l’esprit se faisait de plus en plus exigent, au point de réclamer la composition des chansons sous état de narcotiques ou de drogue. Pris par la drogue, conscient de sa décadence physique et morale, Bob Dylan finit par se convertir au christianisme, rejetant toute forme de spiritisme. Son témoignage est éloquent: "Il faut croire, écrit-il, au diable. Ce n’est pas une image, un symbole, mais une présence réelle, vivante. Il est là partout dans le monde. Il peut même prendre le masque d’un homme de paix"[133]. Avec la musique issue du spiritisme, nous sortons du domaine de la magie blanche (celle qui cherche à obtenir quelque chose par l’évocation des seuls esprits bons) pour celui de la magie noire (celle qui évoque les esprits mauvais). Le spiritisme est comme la porte ouverte au phénomène de la sorcellerie[134]. Il suffit d’utiliser un peu plus le pouvoir du démon.                

                        *) Un troisième exemple me vient d’un de mes élèves. Il voulait avoir son bac. Il eut l’idée d’en demander les sujets en séance de spiritisme. L’esprit les lui communiqua sans problème et il s’avéra qu’il n’avait pas menti. Un an plus tard, l’élève décida de recommencer pour sa première année de DEUG. L’esprit accepta, en y mettant toutefois une condition: il devrait pratiquer au moins une fois par semaine une invocation spirite. Ayant été élevé en école catholique, il hésita puis il prit peur. Il décida d’arrêter là ses activités spirites. Or, en rentrant chez lui le soir, il eut l’impression d’être suivi et épié. Etait-ce un effet de son imagination? Peut-être. Etait-ce un phénomène démoniaque? Peut-être. Toujours est-il qu’il ne trouva la paix qu’après avoir tout raconté à un prêtre qui lui conseilla de se confier à Dieu, de se confesser et de faire un signe de croix s’il était repris par de telles angoisses.

            De ce dernier témoignage il résulte que les prophéties du spiritisme sont très souvent vraies. Le démon a tout intérêt à agir ainsi s’il veut séduire. En saint Luc, on voit un démon proclamer que Jésus est le Messie et lui dit: "tais toi"[135]. Saint Athanase commente ainsi: "Bien que le démon confessa la vérité, le Christ réprimait ses paroles pour qu’il ne répondit point sa malice en publiant la vérité. Il voulait nous accoutumer aussi à ne pas jeter attention aux révélations de ce genre, même si elles paraissent vraies. Il est criminel en effet, alors que nous possédons la Sainte Ecriture, de nous faire instruire par le démon[136].

               

Le dernier témoignage m’à été rapporté par une femme, à la sortie d’une conférence sur le spiritisme: "un couple ami, monsieur et madame D. avaient l’habitude de pratiquer ensemble chaque semaine une séance de spiritisme. L’esprit leur disait beaucoup de choses sur leur avenir ou sur l’avenir de leurs amis. Or, il leur annonça un jour la mort prochaine par accident de la route d’un couple de leurs proches. L’esprit leur conseilla de ne pas en parler pour ne pas les effrayer inutilement devant leur destin[137]. Effectivement, 15 jours plus tard, ils apprirent que leurs amis s’étaient encastrés avec leur voiture sous un camion et que les pompiers avaient mis deux heures à les en sortir. Ils étaient morts avant d’arriver à l’hôpital. Choqués mais émerveillés par la puissance de l’esprit qui pouvait même leur annoncer l’avenir, Le couple D. continua ses séances de spiritisme. Moins de six mois plus tard, l’esprit leur annonça de nouveau la mort future d’un de leurs amis. Cette fois ils prirent peur et décidèrent d’aller en parler à un prêtre. Celui ci, peu au courant de ces questions, les orienta vers l’exorciste diocésain. L’exorciste se mit, parait-il, fort en colère et leur reprocha leur imprudence. Il exigea d’eux qu’ils reviennent le voir le lendemain avec l’ami dont l’esprit avait annoncé la mort.

            Le lendemain, après avoir raconté au jeune homme toute l’histoire, le prêtre le rassure et lui promit qu’il ne pourrait rien lui arriver, à condition qu’il se confie par la prière à la protection de Dieu. Il lui donna une médaille de la Vierge qu’il bénit. Jusqu’à ce jour, il n’est effectivement rien arrivé au garçon. Quant au couple D., il a bien sûr arrêté de pratiquer le spiritisme".

            J’ai tenu à raconter cette dernière histoire car elle pose un problème: Comment l’esprit a t-il pu connaître la mort prochaine par accident de la route? Il s’agit d’un fait que, théoriquement, seul

Dieu peut prévoir. Nous avons vu plus haut comment les anges eux-mêmes étaient ignorants devant le hasard. Faut-il admettre une révélation de la part de Dieu? Certainement pas. Nous touchons encore une fois l’orgueil de Lucifer qui espère se faire adorer comme Dieu. En annonçant un événement accidentel qui effectivement se produit, il fait croire aux spirites qu’il peut tout connaître, qu’il est Dieu. En réalité, le démon est incapable de prévoir cet accident. S’il l’annonce, c’est qu’il sait pouvoir le provoquer. La colère de l’exorciste s’explique sans doute pour cela. En pratiquant le spiritisme, le couple D. ne mettait pas seulement leurs propres personnes en danger mais aussi la personne de leurs proches. Ils sont, en quelque sorte, responsable de la mort de leurs amis, puisque l’esprit l’a provoqué dans un but de propagande sur sa puissance.

            Aux yeux de la foi, le spiritisme est donc condamnable d’une façon absolue. Chrétiens, Juifs et Musulmans se rejoignent dans cette unique théologie. Il n’existe à mes yeux qu’un seul aspect positif dans cette méthode: Certains de mes élèves, après avoir essayé malgré les mises en garde de l’Eglise, sont ressortis convaincus de l’existence du monde des esprits. Il est malheureusement bien rare que celui qui l’a pratiqué une fois ne recommence pas.

            Aux yeux de la foi, le démon est beaucoup plus dangereux lorsqu’il se présente comme un bon ange que lorsqu’il s’amuse à effrayer par la puissance de ses actions. Il est en effet beaucoup plus grave au regard de la vie éternelle de perdre la foi (ce fondement de tout l’édifice spirituel) que de perdre la raison. Or la pratique du spiritisme sous ses formes modernes (magnétoscope) a séduit ces dernières années des fidèles et des hommes d’Eglise. Le Père Brune est pour moi l’exemple type de la sincérité abusée. Il se décrit dans son livre comme un homme de foi plutôt que comme un théologien. C’est donc par la crédibilité qu’il s’est laissé abuser incapable de discerner les contradictions de certains de leurs enseignements avec la foi de l’Eglise[138].

Un ami connaissait un prêtre qui me confiait son inquiétude: en regardant les U.S.A qui ont 10 ans d’avance sur la vieille Europe dans ces domaines là, en constatant l’existence de cultes spirites dans les collèges et les lycées, il se demandait si nous n’allons pas passer en France par une telle crise. La voie est à ses yeux toute tracée: la religion officielle étant en grande partie ruinée et remplacée par le culte du matérialisme, le besoin de religiosité de nos contemporains n’est plus comblé. Or la nature a horreur du vide. Il est fort possible qu’on assiste à un violent retour de bâton, un puissant attrait vers le spirituel que l’Eglise ne sera pas forcément capable de combler, faute d’ouvriers. Voici la voie ouverte au spiritisme et aux sectes.

 

 

CHAPITRE 5: la voyance

 

            Une voyante est une femme qui prétend pouvoir connaître ce qui habituellement nous est inconnaissable. En les fréquentant, on s’aperçoit qu’il existe plusieurs niveaux que toutes n’atteignent pas. Certaines se contentent de raconter à leurs clients leur passé et leur état présent. Elles ne découvrent sans doute rien de franchement nouveau mais cette faculté n’en est pas moins étonnante. Si une telle voyante est par surcroît douée d’un bon sens psychologique, elle ne manquera pas d’avoir des clients qu’elle arrache à la psychiatrie habituelle ou même au confessionnal. D’autres voyantes vont plus loin et se disent capables d’annoncer des événements à venir, parfois d’une manière générale (exemple: vous risquez de briser votre mariage si vous continuez ainsi), parfois d’une manière extrêmement précise (exemple: le 6 juillet vous perdrez un être qui vous est cher).

            D’autre, enfin, n’hésitent pas à donner des nouvelles de personnes déjà décédées, comme si elles entraient en contact avec le monde des morts: voici le témoignage d’un homme, âgé de 53 ans, à la suite de son passage chez une voyante: "En arrivant chez elle, j’avais enlevé mon alliance et j’avais passé des vêtements inhabituels chez moi pour ne lui laisser aucun moyen de déduire ses affirmations de ma tenue extérieure. Elle pratiquait la voyance sans s’aider d’aucune boule de cristal ni jeu de taro. Elle commença à me dire des choses sur mon passé et sur ma situation actuelle avec une justesse qui me laissa interloqué.

            Elle se mit ensuite à me parler d’un procès qui effectivement me causait beaucoup de soucis en m’annonçant que les choses s’arrangeraient d’ici deux mois (ce qui fut en partie le cas). Mais ce qui me frappe le plus, ce fut quand elle se mit à me parler de mon père. Il faut dire que mon père est mort il y a 5 ans, après avoir fait beaucoup de mal à moi et à ma femme. Elle me dit qu’elle voyait mon père, que là où il était, il souffrait beaucoup et qu’il me demandait pardon.

            Elle conclut notre entretien en m’exhortant à beaucoup prier pour lui car il en avait besoin et même à faire dire des messes. Elle me demanda 100 francs pour la consultation, en 1980) ce qui me parut très honnête de sa part. Je suis resté marqué par sa rencontre".

            Un tel témoignage est positif mais c’est loin d’être le cas pour tous. Une jeune femme raconte: "J’étais depuis quelque temps angoissée pour mon avenir professionnel. Je m’inquiétais aussi pour mon mariage qui avait des hauts et des bas. A peu prés à la même période, on me donna dans le métro une carte où un homme se présentait comme "grand voyant, extralucide, diplômé d’une école de parapsychologie". J’y allais en me disant que cela ne pourrait pas me faire du mal. J’entrais dans une pièce décorée de draperies et de sculptures africaines. Il y avait de l’encens qui brûlait sur e coté ce qui donnait à la pièce l’aspect d’un temple. L’homme était un africain, habillé d’une robe de son pays. Je commençais par lui raconter mes soucis en lui demandant s’il pensait que l’avenir arrangerait tout pour moi. L’homme fit alors des gestes et prononça des paroles qui ressemblaient à un rite religieux. Il m’affirma que quelqu’un me voulait du mal et avait lancé contre moi un envoûtement. Il donna une date qui me parût correspondre avec le début de mes soucis. J’étais impressionnée. Il me promit de me tirer d’affaire grâce à l’aide des esprits. Il me demanda de revenir trois jours plus tard et qu’il me donnerait alors un talisman. Je revins, il me le donna en me réclamant 2100 Euros. J’étais tout émue par le climat qui régnait dans la pièce et je n’osais refuser. Je lui donnai 3 chèques de 700 francs en lui disant de les tirer à intervalle d’un mois. Quinze jours plus tard, l’homme avait tiré les 3 chèques et quand je voulu le retrouver, il avait changé d’adresse. Je fis analyser le talisman. C’était une fiole remplie de sucre en poudre".

            Nous avons là le récit d’une escroquerie de la pire espèce. Beaucoup de pauvres gens se font prendre a l’hameçon de ces milliers de faussaires qui courent les grandes villes. Leur habilité est grande: ils savent à l’avance qu’il existe deux types d’hommes qui viendront les voir: les curieux et les angoissés. Les premiers représentent une faible promesse de gains car ils ne sont pas prés à pousser leur vice jusqu’à dépenser des sommes folles. Les seconds font un gibier de choix: il suffit de les préparer psychologiquement et d’appuyer un peu sur le levier de leurs angoisses en l’attribuant à des forces occultes. Une telle technique est connue depuis toujours par les sorciers africains qui maintenaient de cette manière des tribus entières sous leur dépendance. On ne peut donc que conseiller la prudence.

            Mais à coté de cette majorité d’escrocs qui profitent du marché de l’occulte, l’Eglise et la Bible affirment l’existence d’un véritable don de voyance. Certains voyants racontent à leurs clients leur passé et leur présent uniquement. Un tel phénomène ne nécessite pas toujours l’aide d’autre chose qu’un simple don naturel. Au début de cet ouvrage, nous avons parlé de la télépathie. Habituellement, elle ne va pas plus loin que la simple intuition féminine capable de ressentir les états d’âme. Certaines personnes savent discerner immédiatement un cœur angoissé ou une intention malsaine. Beaucoup plus rarement, la télépathie permet de pénétrer dans l’imagination de l’interlocuteur et d’y extraire ses pensées. Rien n’empêche donc qu’elles puissent aussi pénétrer dans la mémoire sensible, organe du cerveau où sont entreposés les souvenirs.

            Si, ajouté à un tel don, la voyante possède un sens aiguë de la déduction, elle pourra conseiller ses clients pour leur vie future et exercer son talent pour leur plus grand bien: exemple: "si vous continuez ainsi, vous vous risquez de briser votre mariage". Il n’y a aucune objection à aller voir une telle personne, de même qu’il n’y en a pas à aller se faire conseiller par un psychologue.

Malheureusement, les voyantes de cette sorte, pour mieux attirer le client, ont souvent l’habitude d’entourer leur charisme naturel de tout un environnement mystérieux. Il s’agit d’un défaut bien regrettable car il peut conduire vers des formes de superstitions. La superstition est un mal car elle rend dépendant de causes qui n’existent pas.

            Certaines voyantes annoncent à leurs clients leur futur, d’une manière si précise qu’on a du mal à croire qu’elles le font par simple déduction psychologique. Exemple: "Le 6 juillet, vous perdrez un être qui vous est cher". J’ai eu la chance de rencontrer un moine membre d’une communauté bénédictine, qui avait pratiqué la voyance dans sa jeunesse. Son témoignage me parait important pour éclairer le problème.

            "Je devais avoir 16 ans. J’entrais dans un magasin pour y faire des courses quand je fus abordé par une femme qui m’affirma sentir en moi la présence d’un fluide particulièrement fort. Elle me dit qu’un tel don était rare et que, si je voulais, je pourrais l’utiliser pour faire le bien. Intrigué, je décidais de la revoir. Elle m’enseigna chez elle le maniement du jeu de tarot et de ses symboles. Mais elle finit par m’avouer que les cartes ne constituaient pas la voyance, qu’elles n’étaient qu’un support pour la concentration. Elle m’apprit que le vrai don de voyance venait d’un contact avec les esprits qu’il fallait que j’essaie d’établir, ce qui me serait facile grâce à mon fluide.

            Je m’aperçu très vite en effet de la présence de quelque chose de nouveau en moi. Quand je me préparais à tirer les cartes, tout en invoquant les esprits, il passait dans ma tête des images claires, des sortes de flashs très net. Très souvent, je voyais une petite fille, habillée à la mode 1900. Parfois, elle me semblait nimbée de lumière, d’autrefois couverte de sang. Comme une obsession, une scène revenait sans cesse. Je voyais cette petite fille marchant sur le trottoir au bras de sa mère. Un fiacre passait et la renversait. J’entendais alors un cri horrible: "Olga, Olga". Je n’ai jamais cherché à me renseigner sur cette Olga mais j’ai constaté plusieurs fois les conséquences de sa présence. Quand je tirais les cartes à des gens, il me venait des images les concernant qu’il me fallait interpréter. Parfois c’était facile. Un jour, un couple vint me Voir. Je vis nettement l’image de l’homme avec une autre femme au lit. J’en déduisis qu’il la trompait et c’était juste. Une autre fois, je vis l’image d’un grand vase en terre, une sorte de vasque de jardin. La vasque tombait et écrasait un enfant. J’étais alors en consultation avec une femme. Je lui racontais ma vision, incapable de l’interpréter. Elle me dit avoir effectivement deux grandes vasques dans son entrée. Quinze jours plus tard, je reçus un appel téléphonique de sa part. Elle me remerciait chaudement. Intriguée par ma vision, elle avait aussitôt fait sceller les vases de son entrée. Or elle venait ce matin de retrouver son jeune fils à l’intérieur de l’une d’elle. Si les vasques n’avaient pas été attachées, l’enfant les aurait renversées en grimpant et Dieu seul serait ce qui serait arrivé.

            Au fur à mesure que les années passaient, mes visions se faisaient plus obsédante. Je rêvais d’Olga même la nuit. Un ami religieux, à qui j’avais demandé conseil, me demanda d’arrêter. Il me mit en garde contre les dangers de telles pratiques. Il m’assura de sa prière. Je cessais donc de pratiquer la voyance et ses obsessions disparurent".           

            Comment expliquer ce phénomène? Faut-il admettre l’intervention de l’esprit de cette jeune morte, Olga? Nous avons répondu à cette question dans le chapitre consacré à l’état des hommes après la mort.         

            Une chose parait nette: nous avons affaire à un véritable don de voyance puisque des événements futurs ont été annoncés. Un esprit semble se manifester au médium, c’est-à-dire à un homme doué de dispositions physiques favorables.     

            Le phénomène est à rapprocher de celui du spiritisme par plusieurs points: son point de départ est le même. Des rites doivent être pratiqués (ici se sont des cartes) accompagnés de l’invocation d’un esprit. Les conséquences en sont analogues: Il existe de véritables prédictions mais elles s’accompagnent d’effets secondaires négatifs comme des obsessions ou des cauchemars. De tout cela, nous sommes obligés de conclure que cette forme de voyance n’est autre qu’un spiritisme déguisé. L’ange trompeur, là encore, met son pouvoir intellectuel au service de celui qui le désire. La plupart du temps, le médium l’évoquer en toute innocence[139], sincèrement persuadé d’avoir affaire aux esprits des morts. Pourtant, avec toute la tradition catholique, nous devons admettre l’existence d’un phénomène de voyance d’origine démoniaque, qu’il faut juger exactement comme nous l’avons fait tout à l’heure pour le spiritisme. Ses dangers sont les mêmes et la Bible en interdit strictement la pratique: Moise écrit "qu’on ne trouve personne parmi vous qui s’adonne à la divination, par la magie, qui consulte les évocateurs et les devins. Toutes ces choses sont en abomination à Yahvé"[140].      Comment reconnaître un voyant de cette espèce? En général, il est obligé d’accompagner ses séances par des rites très particuliers: Boule de cristal, cartes de e tarots, observation du café, des lignes de la main[141], bref des pratiques rituelles bien étrangères aux grandes religions révélées. Le démon aime s’entourer de tels sacrements pour deux raisons: D’une part il imite en cela l’Eglise quand elle honore Dieu. Le démon n’hésite pas à se faire adorer comme Dieu, si cela lui permet d’éloigner les hommes du vrai Dieu. D’autre part, il arrive à faire croire aux hommes que ce sont ces pratiques magiques qui leur permettent de connaître l’avenir, les plongeant ainsi dans la superstition.

            Comme dans le spiritisme, le démon donne parfois de vraies prophéties de deux manières: Quand il s’agit d’un événement prévisible, il se contente de se servir de son intelligence, quand il s’agit d’un accident imprévisible (lié au hasard) il s’efforce d’en provoquer la réalisation par sa puissance naturelle.

             

Il nous reste maintenant à parler d’une troisième forme de voyance, celle qui trouve son origine dans les bons anges ou même en Dieu. De la même manière que les démons, les anges bons peuvent connaître l’avenir (dans une certaine mesure quand ils cherchent à le découvrir par eux même et parfaitement quand Dieu le leur révèle). Mais à la différence des démons, ils ne se servent pas de ce pouvoir pour séduire les hommes et mieux les détruire. Ils ne l’utilisent que pour leur bien, dans une entière soumission à la volonté de Dieu.

La Bible témoigne de l’existence d’un tel don de voyance[142]. Dans le peuple Juif, le rôle des voyants était officiel et reconnu. Les rois les consultaient souvent, surtout avant une bataille et leur intention était pure puisqu’ils cherchaient ainsi à prendre leurs ordres de la bouche même de Dieu. Chacun savait différencier un voyant de Dieu d’un voyant du démon: Tout d’abord, les méthodes n’étaient pas les mêmes. Le voyant ou prophète de Dieu ne cherchait jamais par des pratiques magiques mais attendaient humblement la venue de l’ange. Bien au contraire, les nécromants appelaient les esprits par des prières rituelles et des sacrifices. Cette attitude de foi humble est caractéristique du véritable homme de Dieu.

            D’autre part, toute prophétie venue de la part de Dieu était signée par cette expression, mille fois reprise dans la Bible: "Parole de Yahvé". Aucun voyant n’aurait osé faire le blasphème d’attribuer à Dieu ce qu’il savait venir d’ailleurs[143]. Sur ce dernier point, le livre des nombres[144] nous donne un témoignage de la plus haute importance. Il existait à cette époque un grand prophète du démon appelé Balaam. Il était connu et craint car il était aussi un sorcier: ses malédictions s’accomplissaient toujours pour ceux qu’il maudissait. Sachant cela, le roi Balaq le fit venir afin qu’il maudisse le peuple d’Israël mais Dieu intervint et ne le lui permit pas. Le sorcier Balaam fut donc intérieurement contraint de bénir au lieu de maudire:

"Oracle de Balaam, fils de Béor,

Oracle de celui qui écoute les paroles de Dieu.

Il obtient la parole de Dieu et ses yeux s’ouvrent.

Que tes tentes sont belles, Jacob

et tes demeures Israël[145]".

 

Cette prophétie, sortie pourtant de la bouche d’un sorcier, est signée par Dieu.

            Le Nouveau Testament témoigne lui aussi de l’existence de la voyance d’origine positive. Saint Paul parle du charisme de prophétie[146]. Dans l’Eglise des premiers siècles, c’était un véritable ministère qui s’exerçait à la messe, en présence de toute la communauté.

            De nos jours, le charisme de prophétie revient en force. Il se manifeste dans les nouvelles communautés dites charismatiques. Ces communautés s’efforcent de vivre à la manière des premiers chrétiens et elles redécouvrent, aussi bien dans le monde catholique que protestant, la puissance prodigieuse des bons anges et surtout de l’esprit de Dieu. Mais le charisme de prophétie se manifeste encore davantage dans les apparitions de la Vierge. En ce qui concerne les prophéties du futur, l’apparition la plus connue est sans doute celle de Fatima. Si on analyse le message, donné par la Vierge en Juillet 1917, on s’aperçoit qu’il s’est entièrement réalisé. "La guerre prendra fin bientôt (un an plus tard). Mais si on ne cesse pas d’offenser Dieu, une autre bien pire, se déclenchera sous le règne de Pie XI (ce pape fut élu en 1922 soit 5 ans plus tard. Son règne s’acheva en 1939). Lorsque vous verrez une nuit éclairée d’une lumière inconnue, sachez que c’est le signe suprême que Dieu vous donnera pour vous faire savoir qu’il va punir le monde pour les crimes qu’il a commis ( au sujet de cette lumière étrange, voir les journaux du 26 Janvier 1938). Cette punition sera la guerre, la faim et la persécution (1939-1945).

            Pour l’empêcher, je viendrai demander la consécration de la Russie à mon coeur Immaculée et la communion réparatrice des premiers samedis. Si on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on aura la paix. Sinon, elle répandra ses erreurs par le monde provoquant des guerres et des persécutions contre l’Eglise (l’URSS fut la première nation officiellement athée, depuis octobre 1917. Elle n’a cessé de répandre son athéisme matérialiste, jusqu’à l’élection de Gorbatchev).

Beaucoup de bons seront martyrisés. Le Saint Père aura beaucoup à souffrir; Plusieurs nations seront anéanties (holocauste Juif, Tzigane et Polonais; Ici se situe le troisième secret de Fatima, non encore divulgué par le Saint-Siège). Mais enfin mon cœur Immaculé triomphera. Le Saint Père me consacrera la Russie qui se convertira et il sera concédé au monde un temps de paix". (consécration réalisée solennellement par Jean Paul II, en union avec tous les évêques du monde le 13 mai 1982 à Fatima)[147].

            Devant la grande précision de cette prophétie qui dévoile en quelques mots les principaux problèmes politico-religieux du vingtième siècle, on comprend le désir de beaucoup de connaître le troisième secret de Fatima. Lorsque le pape Jean-Paul II le révéla en 2000, beaucoup n'ont pas compris sont sens extrêmement profond et théologique: l'annonce du martyre de la papauté, annonce déjà explicitement faites par Jésus dans le muystérieux texte qui termine l'évangile de saint Jean: "Nous vîmes divers autres évêques, prêtres, religieux et religieuses monter sur une montagne escarpée, au sommet de laquelle il y avait une grande croix en troncs bruts, comme s’ils étaient en chêne liège avec leur écorce. Avant d’y arriver, le Saint-Père traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié tremblant, d’un pas vacillant, affligé de souffrance et de peine, il priait pour les âmes des cadavres qu’il trouvait sur son chemin. Parvenu au sommet de la montagne, prosterné à genoux au pied de la grande croix, il fut tué par un groupe de soldats qui tirèrent plusieurs coups avec une arme à feu et des flèches. Et de la même manière moururent les uns après les autres les évêques, les prêtres, les religieux et religieuses et divers laïcs, hommes et femmes de classe et de catégories sociales différentes. Sous les deux bras de la croix, il y avait deux anges, chacun avec un arrosoir de cristal à la main, dans lequel ils recueillaient le sang des martyrs et avec lequel ils irriguaient les âmes qui s’approchaient de Dieu."

 Une telle prophétie ne peut venir simplement de la Vierge ou des anges en tant que créatures. Elle donne trop de détails sur des événements futurs et contingents pour ne pas venir de Dieu[148].

            Le charisme de prophétie existe encore dans l’Eglise, reçu par des hommes et des femmes de la part des anges et de Dieu. Comment reconnaître de tels voyants et voyantes? L’Eglise nous donne quelques signes qui, s’ils ne permettent pas de conclure entièrement, ne sont pas moins nécessaire au discernement. Le charisme de prophétie, étant donné par Dieu ou par les anges au moment où ils le veulent, ne peut être provoqué â volonté par le voyant. Celui-ci peut s’y disposer [méditation, prière, encens ou comme le faisait le prophète Elisée[149], écoute de musique] mais il ne peut le provoquer. Ainsi, chez un voyant de Dieu, il n’y a ni boule de cristal, ni invocation des esprits. Jamais un tel homme ne forcera le ciel â dévoiler ses secrets.

            Nous pouvons discerner un deuxième signe de l’origine positive du charisme par ses effets: tout don charismatique donné par Dieu conduit à Dieu. Si une séance de voyance provoque cet effet (désir de prier, de mieux aimer son prochain), c’est que Dieu est certainement là. Toutefois, rappelons encore que l’ange des ténèbres se déguise parfois en ange de lumière[150].

            Un troisième signe peut-être significatif: Les voyants de Dieu ne se font très peu payer, parfois pas du tout. Ils savent en effet que les biens venus du Seigneur ne se vendent pas. S’ils demandent de l’argent c’est ce qui leur faut pour vivre (car tout ouvrier mérite son salaire). Ils ne spéculent pas sur leur charisme sous peine de voir Dieu et ses anges se retirer immédiatement et à jamais.

            La Bible nous donne enfin un quatrième signe d’une valeur bien plus importante. Dans le Deutéronome, on peut lire la phrase suivante: "Comment saurons nous qu’une parole prononcée par un prophète, n’a pas été dite par Dieu?

            Si un prophète a parlé au nom de Dieu et que sa parole s’accomplit pas, alors Dieu n’a pas dit cette parole là. Le prophète a parlé avec présomption"[151].

            Ce signe, malheureusement, ne permet pas de discerner la valeur d’une prophétie concernant un événement futur qu’après sa réalisation. Il a par contre l’avantage de manifester avec clarté la vanité de certains mouvements religieux qui appuyant leur autorité sur de prétendus prophètes. Les témoins de Jéhovah hésitent à parler de leurs origines historiques et pour cause: Les prophètes qui fondèrent ce mouvement religieux (Charles Russel (1873), Joseph Rutherford (1919) ) ont prévu la fin du monde pour 1874 puis 1914. Ils ont annoncé ensuite le retour d’Abraham pour 1925. De si cuisants échecs ont fini par calmer en partie de tels prophètes sans pourtant les faire s’interroger sur la valeur de leurs contacts avec Dieu.

            A l’inverse, il nous faut citer ici la valeur exceptionnelle de certaines prophéties faites par les saints. Sainte Odile écrit aux VII° siècles à propos de la seconde guerre mondiale:

 

LA PROPHETIE DE SAINTE ODILE

 

Ecoute, écoute, ô frère. J’ai vu la terreur des forêts et des montagnes. L’épouvante a glacé les peuples. Il est venu le temps où la Germanie sera appelée la nation la plus belliqueuse de la terre. Elle est arrivée l’époque où surgira de son sein le guerrier qui entreprendra la guerre du monde et que les peuples en armes appelleront l’Antéchrist, celui qui sera maudit par les mères pleurant, comme Rachel, leurs enfants et ne voulant ne pas être consolées.

            Le conquérant partira des rives du Danube. La guerre qu’il entreprendra sera la plus effroyable que les humains auront jamais subi. Ses armées seront flamboyantes et les casques de ses soldats seront hérissés de pointes qui lanceront des éclairs pendant que leurs mains brandiront des torches enflammées.

            Il remportera des victoires sur terre, sur mer et jusque dans les airs, car on verra ses guerriers ailés, dans des chevauchées inimaginables, s’élever jusque dans le firmament pour y saisir les étoiles afin de les projeter sur les villes et y allumer des grands incendies.

            Les nations seront dans l’étonnement et s’écrieront: "D’où vient sa force?".

            La terre sera bouleversée par le choc des combats: les fleuves seront rougis de sang, et les monstres marins eux-mêmes s’enfuiront épouvantés jusqu’au plus profond des océans.

             Les générations futures s’étonneront que ses adversaires n’aient pu entraver la marche de ses victoires.

            Des torrents de sang humain couleront autour de la montagne, ce sera la dernière bataille (ultima pugna).

            Cependant, le conquérant aura atteint l’apogée de ses triomphes vers le milieu du sixième mois de la deuxième année des hostilités, ce sera la fin de la première période, dite de victoire sanglante. Il croira alors pouvoir dicter ses conditions.

            La seconde partie de la guerre égalera en longueur la moitié de la première: Elle sera appelée tempus diuitionis, la période de la diminution. Elle sera féconde en surprises qui feront frémir les peuples.

            Dans la troisième période, tous les peuples spoliés recouvreront ce qu’ils ont perdu et quelque chose de plus: La région Lutèce sera sauvée elle-même à cause de ses montagnes bénies et de ses femmes dévotes. Pourtant, tous auront cru à sa perte, mais les peuples se rendront sur la montagne et rendront grâce au Seigneur.

            Car les hommes auront vu de telles abominations dans cette guerre que leurs générations n’en voudront plus jamais.

            Malheur pourtant encore à ceux qui ne craignent pas l’Antéchrist, car il suscitera de nouveaux meurtres. Mais l’ère de la paix sous le feu sera arrivée et l’on verra les deux cornes de la lune se réunir à la croix, car en ces jours, les hommes effrayés adoreront Dieu en vérité, et le soleil brillera d’un éclat inaccoutumé.

 

Les grands prophètes de Dieu manifestent leur origine divine par le témoignage d’une vie sainte et par des miracles. Les voyantes modernes peuvent être discernées selon les mêmes critères. Mais la meilleure façon, la façon la plus prudente, permettant d’être certain qu’on a affaire à un voyant qui ne fera pour nous que la volonté de Dieu, c’est certainement de demander conseil à l’Eglise. Chaque diocèse possède un prêtre spécialisé dans ces questions. L’exorciste du diocèse est normalement au courant. Il est alors tout à fait permis, avec son accord, d’aller consulter Dieu par ses voyants. Aucun mal ne peut en résulter, bien au contraire. Dieu et ses anges nous connaissent parfaitement et sauront dire les paroles qu’il nous faut.

            La curiosité est souvent déçue lors de telles séances. Mais les fruits spirituels ne déçoivent jamais du témoignage donné au début de ce chapitre.

 

 

CHAPITRE 6: Les songes et les prémonitions

 

            Le domaine des rêves a de tout temps intrigué l’homme. Des textes très anciens issus de nombreuses civilisations témoignent de la croyance persistante en l’existence d’un pouvoir divinatoire durant le sommeil. Sans cesse la Bible raconte des révélations divines venues par des songes au point qu’elle n’hésite pas à faire dire à Dieu: "S’il y a parmi vous un prophète, c’est en vision que je me révèle à lui, c’est dans un songe ou je lui parle"[152].

            Le phénomène des songes et des rêves prémonitoires n’a pas disparu avec les grands prophètes de l’Ancien Testament. De nombreux récits contemporains manifestent au contraire son actualité. Quand le paquebot Titanic partit en 1912 pour son premier et dernier voyage, plusieurs femmes embarquées avec leur famille firent dans la première nuit un rêve qui les marquèrent au point qu’elles décidèrent de descendre à la première escale, avant la grande traversée vers l’Amérique. Elles virent le naufrage d’une manière si nette que leur intuition féminine y discerna une prémonition divine. Plusieurs familles furent ainsi sauvées. Les psychologues expliquèrent après coup le phénomène par l’angoisse superstitieuse de ces femmes devant la publicité faite au navire qu’on avait proclamé incoulable. Est-ce bien sûr...?

            Les récits de rêves prémonitoires sont très fréquents. Il n’est pas rare que des gens affirment, voyant un événement grave à la télévision, en avoir rêvé la veille. Ce songe ne leur apparaît dans sa qualité de prémonition qu’après coup, dans sa confrontation avec événement.

            Est-il possible de discerner avant l’évènement ce qui est un simple rêve d’un songe prémonitoire? Pour répondre à cette question il faut comprendre qu’il existe de nombreuses espèces de rêves, selon leur origine. Les songes peuvent en effet dépendre de deux sortes de causes, internes et externes[153].

            Quand il s’agit de causes internes à nous-mêmes, elles peuvent être soit d’ordre psychique soit d’ordre physique. Freud a beaucoup étudié les rêves d’origine psychique: l’imagination nous représente durant le sommeil ce sur quoi nous avons, à l’état de veille, arrêté notre pensée ou notre affection. Cet effet est d’autant plus grand que notre attention a été davantage prise durant la veille: celui par exemple qui commet un vol et qui est travaillé par la honte ou par la peur de se faire prendre risque fort de passer une mauvaise nuit. Le livre de la Sagesse se plaît à décrire les cauchemars des pécheurs: "Alors qu’ils pensaient demeurer cachés avec leurs péchés secrets sous le sombre voile de l’oubli, ils furent dispersés, en proie à de terribles frayeurs, épouvanté par des fantômes, des spectres lugubres au visage morne qui leur apparaissaient"[154]. Freud appellerait cela un effet du sur-moi. Je préférerais parler ici d’un effet de la conscience morale.

            L’homme qui durant la veille a été en proie à un désir violent (qu’il soit physique ou spirituel) risque fort de rêver de l’objet de son désir. Quand il s’agit d’un violent désir sexuel, il n’est pas rare que l’imagination provoque durant la nuit des réactions physiques incontrôlées.

            De tels rêves, on le voit, n’ont rien de prémonitoire. Ils n’annoncent pas un événement futur mais témoignent au contraire de l’existence d’une passion passée suffisamment forte pour en être la cause.

            Le rêve peut avoir aussi une cause intense physique. Les dispositions du corps produisent des mouvements de l’imagination en rapport avec elle. L’homme en voie d’être atteint par le scorbut rêve souvent la nuit d’un repas fait de fruits et de crudités. Les médecins devraient parfois prêter attention aux rêves d’un malade pour diagnostiquer son état intérieur.

            Mais les rêves peuvent aussi trouver leur origine à l’extérieur de la personne, que ce soit par une cause physique ou par une cause spirituelle (démon ou Dieu, par ses anges).

Les causes physiques sont nombreuses. Chacun de nous expérimente comment l’imagination intègre tout naturellement à ses rêves les bruits qui règnent dans la maison: qu’une porte s’ouvre et nous verrons dans notre rêve une porte. Mais les causes physiques peuvent être plus mystérieuses, l’influence des planètes ou du magnétisme terrestre peut provoquer des effets curieux qui, si on sait les interpréter, donnent des indications analogues à celles que nous avons décrit en parlant de l’horoscope[155]. Celui qui, par exemple, a un sommeil agité les nuits de pleine lune doit apprendre à faire particulièrement attention à sa nervosité du lendemain. Malheureusement, une telle technique psychologique, malgré sa valeur théorique, est concrètement inutilisable tant les influences planétaires sont fines et peu discernables.

           

Quant à l’influence psychique de nos proches, elle a déjà été étudiée dans le chapitre consacré à la télépathie. Les cas de rêves liés à ce phénomène sont plus fréquents qu’on ne le pense surtout quand deux personnes sont proches par l’affection (épouse-époux) ou par le corps (jumeaux). Si un fils blessé à la guerre, pense intensément à sa mère, si celle-ci au même moment le voit en rêve, il n’y a pas vraiment à parler de rêve prémonitoire (car les événements sont simultanés) mais de télépathie provoquée par un intense état de détresse.

           

Les rêves prémonitoires, ceux qui annoncent à l’avance un événement futur, ne peuvent trouver leur origine que dans une puissance spirituelle supérieure à l’homme. C’est parfois Dieu qui, par le ministère des anges, fait aux hommes certaines révélations dans leurs songes. Le doigt de Dieu se reconnaît par l’aspect spontané de la révélation (les songes issus du démon sont toujours provoqués par un pacte établi dans le passé avec lui, qu’il soit implicite comme dans la pratique du spiritisme ou explicite comme dans la sorcellerie).

Le doigt de Dieu se reconnaît aussi quand le phénomène annoncé est inconnaissable sinon par lui. Le naufrage du Titanic en est l’exemple parfait: il n’a pas d’autre cause que le hasard de la présence d’un iceberg sur sa route. Dieu seul le savait.

            Ce sont malheureusement les deux seuls critères dans la plupart des songes prémonitoires. Ils ne permettent que très rarement une parfaite conscience de l’intervention de Dieu par ses anges, du moins avant que l’événement annoncé par le rêve ne se soit produit.

            Un troisième critère est malgré tout donné par moments, surtout quand la révélation exige d’être connue avant événement: les anges sont capables de transmettre le songe de telle manière que l’imagination en reste troublé. Le pharaon, lorsqu’il reçut de Dieu l’annonce symbolisant la future famine de son peuple se réveilla en sursaut et s’écria: "voilà que c’était un songe"[156]. St Joseph, époux de la Vierge Marie, ne douta pas un instant d’avoir vu un ange en rêve tant l’image était nette et différente des rêves habituels. Le plus beau des songes prophétiques modernes donné par Dieu à un homme, par l’intermédiaire de ses anges est sans conteste celui que fit saint Jeun Bosco à la fin du XIX° siècle. Sa portée spirituelle ne cesse d’éclairer les Chrétiens du vingtième siècle, dans leur lutte pour conserver la foi, la charité et l’espérance.

            Don Bosco s’était couché après une longue journée de travail dans ses fondations. Voici qu’il vit en rêve un immense navire, magnifique par la blancheur de ses voiles. Une tempête terrible se leva et le navire commença à en être malmené. Il prenait l’eau de toute part et des vagues monstrueuses balayaient à tout instant ses ponts. Alors apparurent trois colonnes d’une blancheur immaculée. Le navire s’en approcha et se plaça au milieu du triangle qu’elles formaient. Dans cet espace, la tempête n’eut plus aucun effet et le navire retrouva la paix totale.

            A ce moment une voix se fit entendre qui lui donna la signification de sa vision. Le lendemain, émerveillé, il raconta tout à ses élèves:

            Le navire représente l’Eglise entière ou encore notre âme. La tempête qui se lève n’est autre que le mal qui nous assaille de toute part pour nous faire sombrer loin de Dieu. Les vagues déferlantes sont notre propre convoitise, notre orgueil et notre égoïsme ou encore le monde et ses plaisirs ou encore le démon et ses tentations.

            Les trois colonnes blanches sont les trois blancheurs que Dieu nous a données, pour vaincre tous les dangers. La première est le pape, blanc par son vêtement et la pureté de sa foi. Il est le rocher qui soutient la foi. La seconde est l’Eucharistie, blanche hostie donnée en nourriture et qui soutient notre charité, notre amour de Jésus. La troisième est la Vierge Marie, immaculée dans sa conception, mère toujours présente qui est le soutien de notre espérance.

            Celui qui vit dans son cœur des trois blancheurs ne craindra aucun mal.

            Ce songe de Don Jean Bosco n’a pas besoin d’être reconnu officiellement par l’Eglise tant sa vérité est évidente. Il fait partie des plus grands messages: il ne fait pas qu’annoncer des luttes futures pour l’Eglise (la tempête), il en donne aussi les remèdes.

           

La puissance du démon peut aussi provoquer des songes prémonitoires. Mais cette catégorie de rêves n’est jamais spontanée. Ils sont toujours précédés par une pratique antérieure de spiritisme ou de sorcellerie.

            Une de mes élèves, passionnée pendant des années par le spiritisme pour lequel elle avait abandonné sa foi Musulmane, finit par être convaincu du danger de telles pratiques. Elle décida d’arrêter complètement ses invocations et commença à se tourner vers Jésus par la prière.

            Or des rêves étonnants commencèrent à l’envahir la nuit, des rêves si nets qu’ils ne semblaient pas naturels; Elle se voyait par exemple dans un long couloir: à sa droite, une pièce sombre, à sa gauche une pièce éclairée de brillantes lumières. Dans chaque pièce, des voix l’appelaient. Comme elle tournait ses pas vers la pièce éclairée, une voix terrible criait depuis l’autre pièce: "Tu me trahis mais je t’aurais de nouveau".

            Devant la valeur symbolique évidente d’un tel songe, devant le clair message qui y était délivré et sa parfaite concordance avec la situation spirituelle actuelle de cette jeune fille, je n’ai pu que confirmer la grande probabilité de son originalité supra-naturelle.

            S’il arrive qu’une personne, obsédée dans son sommeil par des songes ou des prémonitions, se souvient d’avoir contracté un voyant ou un guérisseur douteux, il se peut effectivement qu’elle soit victime d’un effet satanique. Un tel cas n’est pas rare et l’Eglise met à la disposition de ceux qui croient des sacrements et des sacramentaux comme l’eau bénite, par exemple[157], très efficace pour détruire ce genre de phénomènes. Dieu se plaît à chasser le démon par des moyens aussi humbles, du moins s‘il rencontre la foi dans le cœur qui l’appelle à l’aide. Il est très rare que les songes se poursuivent après un tel acte de foi. S’ils se poursuivent, il peut être bon de consulter un prêtre qui saura, selon les cas, orienter la personne vers un exorciste ou vers un psychologue.

            Saint Thomas conclut ainsi: "User des songes pour connaître l’avenir est chose légitime s’il s’agit:

1) des songes provenant d’une révélation divine;

2) des songes qui dépendent d’une cause naturelle interne ou externe, pourvu qu’on n'aille pas au-delà des limites où s’étend son influence. Mais si le songe divinatoire a pour origine une révélation diabolique, par suite d’un pacte exprès avec les démons invoqués (sorcellerie) ou d’un pacte tacite (spiritisme), la divination s’étendant au-delà des limites auxquelles elle peut prétendre, il y a superstition et péché"[158].        

            Quand il s’agit de songes ayant une origine supra-naturelle (ange, démon ou Dieu), la question de leur interprétation se pose d’une manière beaucoup plus radicale que pour tout songe d’origine naturelle[159]. Certains s’expliquent d’eux-mêmes car ils sont accompagnés d’une révélation intellectuelle tel le songe de Saint Jean Bosco. D’autres, au contraire se présentent comme une suite d’images symbolique apparemment décousues et dénuées de sens. C’est le cas du livre de l’Apocalypse dans son ensemble.

 

            La plupart des songes suscités par Dieu et ses anges ou au contraire par les démons, se réfèrent dans leur structure à la Bible. Les symboles habituels à ce grand livre y reviennent constamment.

            Voici, par exemple, un songe fait par Sainte Hildegarde en 1148: "Je vis alors, proche de l’ouest, tourné vers l’est, une figure dont le visage et les pieds rayonnaient d’un tel éclat que mes yeux étaient éblouis. Sur sa robe de soie blanche, elle portait un manteau vert, richement orné de gemmes les plus diverses. A ses oreilles un pendentif, un collier sur sa poitrine, aux bras des anneaux des bijoux d’or fin sertis de gemmes[160]".

            Sainte Hildelgarde est une religieuse bénédictine. Elle écrivit quatre ouvrages de révélations venues de Dieu: Connais les Voies, le Livre des Mérites, le Livre des Oeuvres Divines et l’Opération de Dieu. Ce texte, comme beaucoup d’autres, paraît au moins aussi hermétique que ceux de l’Apocalypse qui lui ressemblent.

            Voici l’interprétation qu’elle en reçu des anges: "La figure que tu aperçois ici près de l’ouest, là où s’achève la sottise et où se lève la justice, c’est la Sagesse de la vraie béatitude. Son commencement et son terme dépassent l’intelligence de l’homme, car sa même lumineuse prescience en prévoit le début et la fin. Sa robe de soie blanche, c’est le fils de Dieu qui s’incarne dans la virginale beauté et qui étreint l’homme de la blancheur et de la suavité de son amour: les modalités inconnues à l’homme, seul Dieu les connaît. Si le manteau est vert, orné de pierres précieuses, c’est que la sagesse ne rejette pas ces créatures extérieures dont l’esprit meurt avec la chair: animaux et plantes. Elle les fait croître, elle les préserve, car elles protègent l’homme de l’esclavage, en assurant sa nourriture. Elles portent aussi les ornements de la sagesse: C’est qu’elle n’outrepasse pas leur nature à la différence de l’homme qui transgresse souvent le droit chemin qui lui est réservé".

            Quel homme aurait pu trouver par lui-même une telle interprétation à ces symboles? On comprend en lisant ce texte et son interprétation, qu’il faut non seulement posséder une très riche théologie des symboles (et une telle théologie demande des années de travail tant elle est variée); Mais qu’il faut aussi, du moins dans ce cas, être instruit indirectement par Dieu de ce qu’il a voulu dire. La Bible confirme cette nécessité d’une aide de Dieu dans l’interprétation des songes prophétiques: "Nul ne peut interpréter une parole inspirée s’il n’est pas lui-même inspiré." Un tel charisme est-il appelé par Saint-Paul "L’interprétation"[161].

            Beaucoup plus facile est l’interprétation des songes prophétiques qui annoncent des événements futurs. Il ne s’agit plus alors de pénétrer, comme chez Sainte Hildegarde, dans les mystères divins; le songe reste au niveau de la compréhension de l’homme. Dans ce cas, une simple théologie symbolique doit, la plupart du temps, suffire. Pharaon vit sept beaux épis, bien gras et bien dorés sortir du Nil. Ils furent suivis par sept épis maigres et brûlés qui les dévorèrent[162]. Joseph en donna une interprétation qui nous paraît simple après coup mais qu’aucun des magiciens du roi n’avait réussi à donner: sept années d’abondantes récoltes suivies par sept années de sécheresse. S’il sauva ainsi la vie au peuple Egyptien, on peut se demander en regardant la Bible si son intelligence des songes lui vint de Dieu ou de sa propre connaissance des symboles.

            Une révélation divine peut être mal interprétée. Par exemple, Jeanne d’Arc ayant demandé à ses voix si elle serait brûlé, elles lui répondirent de s’en remettre à Notre Seigneur, qu’il l’aiderait et qu’elle serait délivrée par grande victoire; Or elle croyait que cette victoire serait sa délivrance de prison. Ce fut en réalité son martyr et son entrée au ciel.

            Une révélation peut être inconsciemment altérée par le voyant lui-même au moment où il cherche à l’expliquer ou, plus encore par ses secrétaires. Sainte Brigitte reconnaît elle-même que parfois elle retouchait ses révélations pour mieux les expliquer; Or ces explications ne sont pas toujours exemptes d’erreurs.

Bien souvent, les révélations concernant la foi, ne s’expliquent qu’à la lumière de la théologie de l’Eglise ou de l’écriture sainte. Quant à celles qui portent sur le futur on ne les comprend bien qu’après l’événement passé. La célèbre prophétie des papes, attribuée à Saint Malachie et qui a souvent impressionné les souverains pontifes, est de cet ordre. Il s’agit d’une liste de devises que chaque pape se voit attribuer selon la succession de leur règne. Chaque devise est obscure mais s’éclaire au moment de l’élection ou après la mort du pape. Voici quelques exemples significatifs.

            Peregrinus Apostolicus: Pie VI (1115-1199), ce pape fut déporté par la révolution française et transféré d’exil en exil: il devint bien le "pèlerin apostolique" de sa devise.

            Aquila Ropax (l’Aigle Ravisseur): Pie VII (1800-1823). Napoléon se leva durant son règne et pris pour emblème l’aigle. Arrivé au faite de sa gloire, ayant soumis les rois, il restait à Napoléon de contraindre le pape. Le pape résista. L’aigle l’enleva et le contraint à la prison de Fontainebleau.

            Ignis Ardens (le feu ardent): Saint-Pie X (1903-1914). Sa canonisation parle assez pour expliquer sa devise.

            Religio Depopulata (la religion dépeuplée): Benoît XV (1914-1922), pape de la guerre 14, la grande guerre qui dépeupla l’Europe chrétienne.

            Fides Intrepida (la foi intrépide): Pie XI (1922-1939). Pape de la montée du nazisme qu’il n’hésita pas à condamner, dès sa naissance, par l’encyclique en Allemand "Mit brennenden Sorge". Il condamna aussi le Stalinisme.

            Pastor et Nauta (le Pasteur et le pilote du Navire): Jean XXIII (1958-1965): pape du Concile Vatican II qui mena l’Eglise tel un berger et un guide dans le renouveau du XXe siècle.

            De Mediatate Lunae (la moitié de la lune): Jean-Paul Ier qui ne dura effectivement qu’un demi-règne, une demi-lune (33 jours).

            De Labore Solis (le Travail du Soleil): Jean-Paul II qui tel le soleil levant évangélisa le monde par ses voyages apostoliques.

            La prophétie se termine ainsi: De Gloria Olivae (la Gloire de l’Olivier): 111iéme pape de la prophétie. Sa devise ne s’explique pas encore puisqu’il n’est pas élu bien qu’on puisse penser à un rapport avec le peuple d’Israël, que l’on appelle l’olivier de Dieu. Il pourrait être le pape de la réalition d'une des prophéties de l'Evangile sur Israël. Ce pape est le dernier de la liste. La prophétie dit enfin: "Dans les dernières persécutions, la Sainte Eglise Romaine sera gouvernée par Pierre le Romain qui fera paître les brebis dans de nombreuses tribulations. Ces tribulations passées, la cité aux sept collines (Rome) sera détruite et le juge terrible jugera le peuple". Est-ce la fin du monde, est-ce la fin d’un monde (la fin visible de l'Eglise?)? Est-ce le retour de Jésus dans sa gloire? Est-ce la venue de l’Antéchrist?

            Mieux vaut ne pas trancher, mais espérer et prier.

 

 

CHAPITRE 7: Les apparitions

 

            Comme pour tous les phénomènes prodigieux, il est plus fréquent d’avoir affaire à des illusions qu'à des réalités. Les psychologues et les psychiatres ont de nombreux exemples dans leurs dossiers.

            Une simple frayeur par exemple, peut transformer une inoffensive créature en un monstre effrayant. Bien des légendes superstitieuses sont nées par ce truchement. Au plan psychiatrique, on connaît de mieux en mieux ces formes de maladie qui suscitent de véritables hallucinations visuelles et auditives.

            Certains psychiatres, poussant jusqu’au bout ce qu’ils ont observé dans leur métier, n’hésitent pas à faire de Jeanne d’Arc avec ses voies, une illuminée. Il est bien évident qu’ils vont trop loin. L’Eglise de son côté, reconnaît la réalité de certaines apparitions. Leurs origines peuvent être encore une fois multiples. Avec le domaine des apparitions nous avons donc un nouveau chapitre de la merveilleuse complexité du monde, dans un nouveau domaine où le discernement des esprits est indispensable.

            Quand l’Eglise se trouve obligé d’enquêter sur une nouvelle apparition, sa première attitude est la méfiance. Elle doit s’efforcer de rejeter tout ce qui est supercherie; C’est pourquoi elle ne reconnaît jamais une apparition sans que Dieu l’ait confirmée par un miracle indiscutable, un miracle dont l’origine est nécessairement divine[163]. On peut en effet singer une extase, mais pas un véritable miracle. L’Eglise doit aussi s’efforcer de rejeter ce qui n’est qu’un effet d’une psychologie déséquilibrée. Elle n’hésite pas pour cela à faire appel aux spécialistes de ce domaine de qui elle attend des certificats de santé mentale. Presque tous les voyants des apparitions jusqu’ici reconnus sont passés par là, quelquefois par le fait des autorités civiles (Lourdes, Fatima) et c’est une bonne chose.

            Mais elle sait qu’il peut exister des apparitions réelles dont l’origine n’a pourtant rien de divine. Elles peuvent être soit naturelles, soit d’origine démoniaque. Certains parapsychologues pensent que des hommes particulièrement doués sont capables, par la seule puissance de leur imagination, de matérialiser les images qu’ils ont dans la tête. Les ectoplasmes font parties de ces apparitions fantomatiques.

            En 1920, des expériences furent tentées avec le concours du médium polonais Franck Kluski. Homme d’une grande intelligence, instruit et polyglotte, écrivain et poète, il se prêta avec le plus grand dévouement aux vérifications scientifiques. Kluski avait besoin d’être dans un état de demi-transe. Il restait donc moitié conscient mais le moindre effort d’attention active faisait aussitôt cesser les phénomènes. Dans la demi-obscurité de la pièce, on voyait alors apparaître des formes fantomatiques, parfois des corps entiers parfois des membres (main, visages etc.). Le but de l’expérience était d’obtenir des moulages des membres matérialisés, suivant un procédé inventé en 1875; On dispose, à proximité du médium, un baquet rempli d’eau très chaude sur laquelle surnage une couche de paraffine liquéfiée. Si une main ectoplasmique plonge dans le baquet, elle ressort couverte d’une mince couche de paraffine qui se solidifie rapidement au contact de l’air, puis, se dématérialisant, elle abandonne sur la table le gant de paraffine ainsi formé. Ils ont une très fine épaisseur, inférieure à un millimètre. Ils sont d’une fragilité extrême et les expérimentateurs devaient le manier avec de grandes précautions pour les remplir de plâtre et obtenir un moulage.

            L’ensemble des conditions de contrôle excluaient toute possibilité de fraude. On obtint de cette manière plusieurs "mains" de plâtre, comportant tous les détails anatomiques (plis de la peau, sillons, lignes et ongles). Toutes les tentatives faites par les moyens les plus divers pour reproduire ces gants de paraffine échouèrent.

            L’ectoplasme est une forme matérielle faite par la condensation de l’air ou à partir d’une écume sortant de la bouche du médium. Elle ne survit pas à la fin de la transe et se désintègre immédiatement.

            L’origine naturelle des ectoplasmes a été mise en doute par certains. Leurs arguments ont du poids parce qu’ils ont remarqué que de tels phénomènes ne se produisaient pas sans une évocation préalable des esprits (spiritisme). Il n’en demeure pas moins qu’ils ne subsistent qu’en se nourrissant de l’énergie du médium, ce qui semble témoigner de leur lien avec l’homme.          

            L’ange peut, quant à lui, apparaître sans qu’il soit nécessaire de faire appel à un médium. Saint Thomas s’est efforcé d’étudier les multiples façons dont le démon pouvait apparaître. Ses conclusions sont étonnantes et elles sont confirmées par des exemples tirés de toute l’histoire de l’Eglise. Nous avons déjà montré la facilité avec laquelle le démon pouvait se manifester dans le spiritisme: En frappant des coups (langage codé), en déplaçant un verre vers des lettres pour former des mots, en inscrivant une voix sur un magnétophone, une image sur une cassette vidéo, en apparaissant dans des songes. Le Moyen Age connaissait la possibilité de manifestations encore plus directes. Les cas d’apparitions physiques du démon, sous forme humaine ou animale, sont fréquemment attestés. La Bible elle-même décrit l’apparition de l’ange Raphaël (qui n’est pas un démon) sous forme humaine à Tobie.

            Saint Thomas d’Aquin montre que les anges, par leur puissance naturelle, sont non seulement capables d’agir sur l’imagination de l’homme et apparaître dans sa tête, mais aussi d’assumer un corps visible de l’extérieur. Il peut donc y avoir de véritables visions corporelles des anges. Il ne s’agit bien sûr pas d’un corps vivant (hormis cas de possession) mais d’un corps apparent, parfois fait de lumière (donc impalpable) parfois fait par la synthèse de matières qui le rend palpable et lui donne l’apparence d’un corps vivant. Il ne s’agit que d’une apparence, comme le confirme l’ange du livre de Tobie: "Tu as cru me voir manger, mais ce n’était qu’une apparence". L’ange comme le démon ont le pouvoir d’apparaître sous la forme qu’ils désirent. Sainte Bernadette, à Lourdes, savait que le démon se déguise parfois en un ange de lumière. C’est la raison pour laquelle dans sa foi toute simple, elle s’efforça de vérifier la sainteté de l’apparition en lui lançant de l’eau bénite, en faisant son signe de croix. Elle savait que le démon fuit d'humbles gestes où Dieu est présent.

            La théologie traditionnelle attribue la plupart des apparitions réelles au ministère des anges bons ou mauvais. Quand, dans la Bible, Dieu se rend visible, il laisse aux anges habituellement le soin de façonner une image qui symbolise son invisibilité. Quant aux apparitions de saints ou de morts, elles sont, avec la permission de Dieu, soutenues par les bons anges qui sont là pour pallier à l’incapacité naturelle de tout homme mort à se rendre visible.

            Dans ma famille, qui n’a pourtant rien de chrétienne, on raconte plusieurs cas d’apparitions de ce genre et il me parait bien difficile de mettre en doute la parole des intéressés.

            Une grand-mère fut témoin de l’une d’elle. Elle avait eu la douleur de perdre son premier mari en 1914 après 6 mois d’un mariage d’amour brisé par la guerre. Cinq ans après ce drame, un homme la demanda de nouveau en mariage. Elle hésitait dans son désir de rester fidèle à ses souvenirs. Un soir, alors qu’elle s’occupait de soins domestiques, elle eut l’impression d’une étrange présence derrière elle, une présence douce et réconfortante. Se retournant, elle vit la main de son premier mari ou plutôt elle la reconnut à l’alliance caractéristique qu’elle portait. Elle perçut en elle sa voix qui lui disait: "Ne t’inquiète pas. Vis ! Je te protégerai toujours". Ce genre d’expérience n’est pas exceptionnel même s’il semble que Dieu les réserve avant tout aux humbles.

            Seule la Sainte Vierge et Jésus peuvent apparaître par leur propre puissance, puisque, selon la foi catholique, ils sont actuellement au Ciel avec leur corps physique[164]. Cependant leurs corps ne se trouve pas dans le même état que le notre. Il est glorifié, c’est-à-dire puissamment élevé par Dieu au-dessus de tout ce que nous pouvons imaginer. Il est entièrement soumis à leur volonté. Ceci explique que la vierge n’apparaisse pas toujours avec le même visage, la même couleur de cheveux. Elle adapte sa beauté à ce qu’elle veut dire et au goût de ceux à qui elle apparaît. Elle apparaîtra noire en Afrique et blanche en Europe.

            Parmi les multiples apparitions de la Vierge Marie ou de Jésus, l’Eglise ne reconnaît donc que celles qui offrent les trois critères de certitudes déjà décrits (conformité avec l’évangile, fruits spirituels positifs, miracle divin pour confirmer).

            La toute dernière apparition de la Vierge reconnue date de 1973: Elle eut lieu au Japon à Akita. Une statue de la vierge, faite dans un tronc de bois, se mit à pleurer devant le regard ébahi d’un couvent de religieuses. L’évêque fut vite appelé et il constata le prodige. Lui-même fit appel à des autorités scientifiques qui vinrent avec leurs instruments. Ils passèrent la statue aux rayons X sans y détecter le moindre trucage. Ils analysèrent les larmes "qui apparaissaient sur les yeux sans qu’aucun pore n’ait pu être descellé et montrèrent qu’ils s’agissaient bien de larmes humaines; elles contenaient même des cellules lacrymales mortes. Les scientifiques conclurent à l’existence d’un phénomène inexplicable. Aux yeux de l’évêque, ce miracle notoire ne venait que confirmer la vérité des déclarations d’une soeur, qui prétendait depuis deux ans recevoir des messages de la Vierge Marie. Voici l’un des messages reçus par Soeur Agnès (13/10/l973): "Ma fille bien-aimée, écoute bien ce que je vais te dire maintenant et transmets-le à ton supérieur. Comme je l’ai annoncé précédemment, si les hommes ne se convertissent pas, le Père laissera tomber sur toute l’espèce humaine un grand châtiment. Sans aucun doute, ce sera une punition terrible, plus grave que le déluge, telle qu’on n'en a encore jamais vu. Le feu tombera du ciel. Par ce châtiment, une grande partie de l’humanité sera anéantie. Les prêtres mourront comme les fidèles. Les hommes qui seront épargnés connaîtront de telles souffrances qu’ils envieront ceux qui sont morts."

 

            "Alors la seule arme oui restera sera le rosaire et le signe laissé par le Fils (le signe de la croix).

            Chaque jour, récitez la prière du rosaire. Avec la prière du rosaire, priez pour les évêques et pour les prêtres. L’action du démon a pénétré jusque dans l’Eglise. Les cardinaux se dresseront contre les cardinaux, les évêques contre les évêques. Les prêtres qui m’honoreront seront méprisés, vilipendés, combattus par leurs confrères. L’autel, l’Eglise seront saccagés. L’Eglise sera remplie de gens à compromission. Par l’action du démon, beaucoup de prêtres et de religieux abandonneront leur vocation. Le démon s’acharnera tout spécialement contre ceux qui seront offerts au Père. La perte de beaucoup d’âmes est la cause de ma douleur. Si les péchés continuent à se commettre et dépassent la mesure actuelle, même le pardon du péché finira par disparaître.

            Avec courage, transmets ce message à ton supérieur. Récitez beaucoup de rosaires. Moi seule, je puis vous sauver encore des malheurs qui s’annoncent. Quiconque mettra sa confiance en moi sera sauvé".

            Cette dernière phrase du message a passablement indisposé quelques théologiens du Japon. Comment peut-on appuyer sa confiance sur Marie? Va-t-elle prendre la place de Jésus et de Dieu? C’est pourtant bien simple, il ne s’agit pas du tout de prendre la place du christ, il s’agit seulement de reconnaître la médiation toute-puissante de Marie, voulue par le Ciel[165].

            Le message est donc parfaitement catholique, sa portée est hautement spirituelle puisqu’il ne fait qu’inventer à la prière et à l’humble obéissance à l’Eglise.

            Confirmé par le miracle des larmes, l’Eglise par la voix de Monseigneur Jean Ito Shojiro, évêque de Niigata, ne pouvait que confirmer l’authenticité de cette apparition mariale. Il mit dix ans pour se prononcer, dix ans d’une enquête précise et sérieuse. Toutes les hypothèses furent passées en revue, depuis celle d’une faculté exto-plasmique[166] de sœur Agnès, en passant par un prodige démoniaque. Aucune de ces hypothèses ne put résister à l’analyse théologique.

 

 

CHAPITRE 8: Les extases ou le ravissement

 

            Sainte Bernadette, quand elle vit la Vierge Marie, fut saisie par une extase d’une telle intensité qu’elle semblait hors du monde. Elle tenait un cierge dont la flamme vint lécher, pendant un long moment, la paume d’une de ses mains. A la fin de l’apparition, les médecins eurent beau chercher, ils ne virent aucune trace de brûlure. L’extase est un phénomène, que beaucoup considèrent comme le signe de la présence de Dieu. Ils ont tort, et l’Eglise se montre bien plus prudente qu’eux. Les extases accompagnent pourtant la plupart des apparitions authentiques. La cause en est simple: pour rencontrer les habitants de l’autre Monde, l’esprit doit en quelque sorte quitter ce monde ci, s’en abstraire. L’esprit et la sensibilité doivent donc être ravis au-dessus de leur niveau habituel de perception. Les Prophètes de la Bible décrivent ce phénomène: "L’Esprit m’enleva entre Ciel et Terre, et m’amena à Jérusalem dans les visions de Dieu"[167]. Certaines extases sont absolues, en ce sens que la personne ne voit plus rien et n’entend plus rien de ce monde. Saint Paul connut le jour de sa conversion un tel ravissement: "Il faisait route et approchait de Damas, quand soudain une lumière venue du ciel l’enveloppa de sa clarté. Tombant à terre, il entendit une voix qui disait: "Saül, Saül, pourquoi me persécutes-tu?"

"Qui est tu Seigneur? demanda t-il".

"Je suis Jésus, que tu persécutes"

La vision de cette lumière bouleversa Saint Paul au point de faire de lui le plus grand apôtre de l’Eglise. Quatorze ans plus tard, en en parlant, il dira avoir été élevé dans le troisième Ciel. Le troisième Ciel est, selon Saint Thomas, le domaine des visions purement intellectuelles, c’est-à-dire celui des visions les plus élevées que puisse connaître un homme sur cette terre. Pour voir cette Lumière, l’homme doit être à un tel point abstrait de son corps qu’il ne sent même plus qu’il en a un: "Etait-ce avec mon corps, était-ce sans mon corps? Je ne sais" dira Saint Paul. Autre interprétation: Lorsque l'on reconstitue les étapes des divers purgatoires qui conduisent à la vision de Dieu (le septième Ciel), on en trouve six: 1° La vie terrestre; 2° le shéol des âmes errantes; 3° L'apparition du Christ dans sa gloire; 4° 5 et 6° Les trois purgatoires mystiques de sainte Catherine de Gênes. Selon cette Vision, en montant au troisième Ciel, on peut dire que saint Paul a u le Christ dans sa gloire sensible et, par cette gloire sensible, il a compris son âme[168].

             Saint Jean, lui aussi, connut une extase totale: "Moi, Jean, votre frère et votre compagnon dans l’épreuve la royauté et la constance de Jésus. Je me trouvais dans l’île de Patmos, à cause de la parole de Dieu et du témoignage de Jésus. Je tombais en extase, le jour du Seigneur, et j’entendis une voix clamer derrière moi, comme une trompette. Ce que tu vois, écris-le dans un livre, pour l’envoyer aux sept Eglises." C’est ainsi que débute le livre de l’Apocalypse[169]. Les visions de saint Jean sont toutes d’ordre symbolique. Il les reçut dans son imagination (et non dans son intelligence comme saint Paul) à la manière d’un film qui défilait devant lui. Saint Thomas d’Aquin appelle une telle élévation le deuxième ciel. L’extase y est nécessaire pour que les visions envoyées par Dieu ne soient pas confondues avec la réalité habituelle.

            La plupart des apparitions de la Vierge se situent à ce niveau. Dieu, par ses anges, élève les facultés sensibles des voyants, pour les rendre capables de voir, d’entendre à des degrés supérieurs à la normale. Ils voient donc la Vierge, alors quelle est invisible aux autres. Mais cette extase sensible a pour effet de rendre le monde habituel invisible aux voyants. Ils sont alors plongés dans une autre dimension du sensible. Bernadette connut de telles extases à Lourdes.

            Certaines apparitions ne nécessitent pas une extase, car Dieu s’abaisse à les produire dans notre mode habituel de connaissance. C’est ainsi que Daniel, l’un des prophètes de la Bible, vit, avec de nombreux témoins une main apparaître et écrire sur un mur la condamnation d’un roi[170]. C’est ainsi que les foules de Fatima virent le soleil danser sur lui même, émettant dans toutes les directions des éclats multicolores. La célèbre apparition de Pontmain, en Mayenne, est de ce type[171]. Deux enfants, Eugène et Joseph Barbedette, étaient en train de préparer du fourrage pour la jument. Il était 17 heures le 7 Janvier 1871. La guerre battait alors son plein, et les Prussiens assiégeaient Paris. Eugène sortait de la grange, quand il remarqua, de l’autre côté de la route, au-dessus de la maison de la famille Guidecoq, à six mètres environ du toit, une Dame souriante, qui semblait flotter dans le ciel. Ses bras étaient ouverts, et elle était vêtue à l’orientale: elle portait une robe bleue, avec de grandes manches, parsemée d’étoiles d’or, et un large manteau. Elle avait sur la tête un voile noir sur lequel était posée une haute couronne en or. Après avoir contemplé l’apparition pendant quelques minutes, le garçon appela Jeannette, une femme du pays, qui passait par là. Il lui dit de regarder en haut, pour admirer la Dame. Mais la femme ne vit rien. Seul Joseph, que son frère avait également appelé, eut la même vision qu’Eugène. Leur père tenta à son tour de se rendre compte de ce qui se passait et ne vit rien. Seuls les enfants du village verront la fin de l’apparition. Seuls, ils liront le message laissé par la Vierge: "Mais, priez, mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps: mon fils se laisse toucher"[172].

            L’apparition dura trois heures un quart, sans qu’aucun état extatique ait été constaté chez les enfants. Ils voyaient à la fois la Vierge et les adultes qui l’entouraient, comme si ces deux mondes n’en faisaient qu’un. Au jugement de l’évêque en 1872, puis de l’Eglise en 1920, leur vision fut reconnue comme authentique. Saint Thomas aurait dit qu’ils avaient atteint le premier ciel, c’est-à-dire un état de vision prophétique n’atteignant que leurs sens externes.

            L’extase, quand elle se produit, s’accompagne généralement de phénomènes secondaires vérifiables: le corps devient impassible. Les voyants de Garabandal (apparition non encore reconnue par l’Eglise) pouvaient tomber à genoux. Sur des rochers tranchants sans qu’aucune trace de coupure ne marque leurs genoux. Le corps devient pesant, à cause de son lien indissociable avec l’apparition: plusieurs hommes forts n’arrivent pas à déplacer un enfant témoin d’une apparition. Le corps peut devenir au contraire agile (lévitation): les enfants de Garabandal montaient en courant vers le lieu de l’apparition, sans éprouver le moindre essoufflement, la moindre fatigue, la moindre transpiration. Ils épuisaient les plus robustes, qui s’efforçaient de les suivre. Le corps devient parfois lumineux. Il dégage une beauté surnaturelle, qui semble venir en droite ligne de la beauté de la vision contemplée. Les enfants de Medjugorje (Yougoslavie) ont des expressions dans leurs extases, que la photographie elle-même n’arrive pas à rendre.

            En résumé, une extase religieuse rend la personne entièrement et viscéralement liée à la vision dont elle est témoin. Elle est comme saisie par elle.

           

L’histoire de l’Eglise et les témoignages des philosophes manifestent malheureusement l’existence d’extases dont l’origine est bien différente. On sait de nos jours qu’il est possible de bien des manières de provoquer à volonté des états où la personne semble sortie d’elle même, pour un monde autre. Ces extases naturelles plongent dans un monde imaginaire, et leurs conséquences sont toujours négatives[173].

            Des mouvements comme le New Age ont su, par contrôle scientifique, éliminer ce qu’elles ont d’excessif, retrouvant de cette manière les anciennes sagesses bouddhiques de la paix psychique.

            Malheureusement, le New Age, en se proclamant religion de l’avenir, en s’exaltant au-dessus de toutes les religions au non de cette découverte, en séduisant les masses par des arguments pseudo-théologiques, ne fait que supprimer un peu plus la présence de Dieu dans les coeurs. Il la remplace par un Nirvana où Dieu n’est pas.

            Certaines drogues provoquent uniquement le plaisir. D’autres, au contraire, sont capables de faire voyager dans un monde nouveau où tout est beau. Le toxicomane est alors plongé dans des jardins magnifiques, des paysages grandioses, où il voudrait toujours rester. Une fois sorti de son voyage, le souvenir du bonheur éprouvé l’encourage à recommencer, l’entraînant dans un cycle de fuite du réel de plus en plus indispensable. Il s’agit d’une véritable extase, et d’un ravissement hallucinatoire. D’autres méthodes permettent un résultat quasi-analogue: L’Afrique traditionnelle maîtrise les rythmes du tamtam. Elle sait qu’un rythme judicieux, accompagné de tout le corps par la danse, peut conduire à un état de transe extatique. La personne est hors d’elle-même. Les traditions populaires prétendent qu’un tel état favorise la manifestation des esprits des morts. Ajoutons que certaines drogues semblent pouvoir provoquer un état de décorporation analogue à celui que nous avons décrit dans les Near Death Experiences. Mais, à cause de leur origine artificielle, ces décorporation n'ont de ressemblance que matériellement. Loin de mener à une expérience mystique, elles plongent le témoin dans ses propres nœuds psychiques. Nous sommes ici en présence non du passage vers l'autre monde, mais d'une expérience fugace de l'errance entre les deux mondes.

            Des extases naturelles peuvent être provoquées par une pratique mal orientée de la prière. Les mouvements charismatiques modernes ont parfois été confrontés de telles aberrations: tout jeune converti, en découvrant la présence du Seigneur, reçoit de lui des effusions sensibles. La prière des débutants est pratiquement toujours accompagnée de ce plaisir sublime, qui rend l’oraison facile et légère. Dieu, par ce moyen, ne vise qu’à ancrer à jamais son enfant dans le désir de s’approcher de lui. Malheureusement, certaines personnes mal conseillées finissent par s’attacher davantage à ce plaisir qu’a Dieu Lui-même. A leurs yeux, une oraison non accompagnée de cette exaltation sensible leur parait une mauvaise oraison. Ils en finissent par oublier que le seul Bien est Dieu, que le seul but est de l’aimer, dans la douleur ou dans la joie.

            A force de chercher fiévreusement le plaisir ressenti aux moments les plus marquants de leur rencontre avec Dieu ils finissent par découvrir qu’il est possible d’exalter à volonté sa sensibilité. Ils le font inconsciemment, confondant leur propre action sur leur corps avec la présence de Dieu. Or, il ne s’agit que d’une technique, en rapport avec la respiration, et conduisant à une certaine tension sur la poitrine et sur le cerveau. Dans les cas les plus fréquents, il en résulte un état quasi permanent de bouillonnement sensible. Dans certains cas rares, on assiste à des transes, à des comportements exaltés, parfois à des convulsions ou même des hallucinations. Il s’agit d’une véritable maladie, dont les conséquences touchent aussi l’esprit. L’Eglise n’a cessé de mettre en garde contre l’illuminisme qui guette les spirituels. Il s’agit de cette fausse certitude, appuyée sur l'expérience sensible de ce qu’on croit être Dieu, d’être immédiatement en contact avec l’Au-delà. Aux yeux des illuminés, l’Eglise et sa prudence sont inutiles et gênantes puisqu’on est persuadé d’être immédiatement instruit par Dieu.

            Ces extases psychologiques ouvrent très souvent la voie à l’action du démon. L’Abbaye de Port-Royal fut jadis confrontée, à ce problème: certains illuminés, après avoir exalté leur sensibilité, furent victimes de convulsions. On s’aperçut vite de la présence du démon à cause de l’efficacité des exorcismes pratiqués. Comme dans presque tous les cas de phénomènes psychologiques aberrants, le démon trouve un terrain tout préparé à son action. C’est la raison pour laquelle les sorciers africains ou vaudous aiment à provoquer des états de transe, pour faciliter la venue de l’esprit qu’ils invoquent. Le Père Régimbald a dénoncé dans les années 1980, des pratiques modernes analogues dans des concerts de Hard Rock. On a pu constater que certains rythmes de batteries étaient capables, aidés par l’ambiance d’une salle échauffée, de conduire dans de tels états. Chez des sujets fragiles, particulièrement sensibles aux influences musicales, la transe peut s’orienter vers des aberrations d’ordre sexuel, antisocial ou encore vers une exaltation de la violence, du désir de prendre de la drogue ou de se suicider. Le Père Régimbald montre que certains concerts, après cette préparation psychologique, entrent dans une phase autrement dangereuse. Les chanteurs se livrent ouvertement à des rites d’invocation des esprits: messes noires, parodies de sacrifices d’animaux. Ceux qui, dans le public, sont déjà saisis par la transe, semblent entièrement dépendants de la volonté des chanteurs. Ils obéissent parfois à leurs ordres les plus cachés, que le Père Régimbald appelle "des messages subliminaux". Il s’agit d’ordres codés sous de vers de chansons apparemment anodines. Une des chansons du groupe Led Zeppelin, "Stairway to Heaven", contient le vers suivant: "Lorsque je regarde vers l’Ouest, mon esprit crie pour s’en aller". En passant le disque à l’envers, le message est distinct: "Parce que je sais qu’ils doivent se suicider pour Satan".

             Selon le Père Régimbald, les suicides qu’on a pu constater chez des jeunes durant des concerts de Led Zeppelin, s’expliquent par une influence psychologique inconsciente sur l’esprit de celui qui est en transe (les messages subliminaux). L’esprit aurait le pouvoir de retourner par lui même la phrase prononcée par le chanteur. Une telle hypothèse, si elle est valable pour ceux qui connaissent un peu d’anglais, n’explique pas les suicides de personnes étrangères à la langue. L’inconscient n’a pas la puissance de comprendre une langue totalement inconnue[174], surtout quand le message est mis à l’envers.

Nous sommes apparemment devant une tout autre cause d’ordre satanique, une nouvelle forme de sorcellerie[175] moderne dont il est indispensable de se méfier, surtout si l’on est fragile de tempérament, et impressionnable.

 

 

 

CHAPITRE 9: Les fantômes et les revenants

 

            Le Père Emmanuel, dans son ermitage alpin, fut le premier homme d’Eglise dont je reçus un enseignement théologique sur le phénomène des revenants. J’avoue qu’avant d’écouter son témoignage, je rangeais cette question parmi les mythes superstitieux dont regorgent nos campagnes. Je fus extrêmement surpris d’apprendre ce jour là que l’Eglise prenait cela très au sérieux.

            Nous étions donc réunis autour de lui, et nous écoutions. Il nous raconta alors qu’au début de sa vie érémitique, il avait reçu de la part des villageois une vieille ferme abandonnée, appelée l’Adoux d’Oule. Il l’aménagea un peu, et s’y installa. Dès la première nuit, il perçut, venant du sol, une sorte de gémissement. Le lendemain, les gémissements se firent plus forts, prenant, dans le silence de la nuit une intensité encore plus poignante. Cela ne ressemblait, ni au cri d’un animal, ni au hululement du vent. Le gémissement semblait humain.

            Extrêmement intrigué, le Père Emmanuel décida donc de mener son enquête. Selon lui, l’Eglise demande d’agir ainsi avant de se prononcer sur le caractère paranormal d’un phénomène. Il descendit donc au village, pour y interroger les gens. Il apprit d’eux que l’Adoux d’Oule était une ancienne ferme. Pendant la seconde guerre mondiale, elle avait été le théâtre d’événements tragiques, puisque les miliciens y avaient torturé, puis exécuté des résistants (avant d’être à leur tour supprimés à la libération ou dans des combats contre l'Armée rouge). Tout cela bouleversa le Père Emmanuel, étant convaincu de l’origine paranormale des gémissements, il décida d’offrir trois messes à l’attention des âmes du Purgatoire. Dès lors, il n’entendit plus jamais de bruits anormaux dans son ermitage.

            Les paysans du secteur eurent vent de cette histoire. L’un d’eux vint donc trouver le Père Emmanuel, pour lui raconter une histoire autrement plus mystérieuse. Il possédait une grange en pleine montagne. Depuis des siècles, une tradition affirmait qu’on y voyait, par certaines nuits, des défilés d’ombres ressemblant une procession de moines en habit religieux. Or, le paysan affirmait avoir été lui-même témoin du phénomène, certains soirs où il s’occupait de ses bêtes. Le Père Emmanuel prit au sérieux cette histoire, à partir du jour où il apprit que cette grange se situait non loin du cite d’un ancien prieuré bénédictin. Le prieuré avait été fermé au XIIe siècle, par son Abbaye mère, à cause de la décadence notoire de sa vie monastique. Le Père Emmanuel se rendit donc trois fois sur le lieu, pour y célébrer la messe. Fallait-il admettre que, depuis huit siècles, les âmes de ces moines erraient en ce lieu?

            Dans l’Eglise catholique, il est possible de constituer une procédure spécifique face aux phénomènes de revenants. L’enquête précède la prière, qui délivre les âmes de leur errance. Selon certains théologiens, un revenant n’est autre qu’une âme soumise au Purgatoire, sur le lieu même où elle a péché. Que ce soit un milicien criminel ou un moine infidèle, Dieu peut, par la puissance de ses anges, le maintenir un certain temps dans notre monde. On devrait dire plutôt que c’est l’âme elle-même, à cause d’un attachement excessif à la terre, qui reste comme « accrochée » au lieu ou elle a vécu, d’où elle a été arrachée trop vite, et qu’elle ne s’habitue pas à devoir quitter. Il s’agit donc d’une âme pathologiquement attachée à la terre puisqu’elle s’est détournée volontairement de la Lumière venue la chercher, malgré sa beauté. Ces cas sont donc assez rares car assez spécifiques de personnes mal dégrossies. Dieu les laisse donc, le temps qu’il faut, jusqu’à ce qu’elles se lassent. Il n’agit pas ainsi pour punir, mais dans un but pédagogique. Ne pouvant être vues par les hommes vivants (sauf cas exceptionnel), étant séparées du monde des morts, leur solitude est totale. Si cette solitude dure plusieurs années, plusieurs siècles, elle finit par produire un retournement. La vanité des choses auxquelles elles sont attachées finit par s’imposer à elles. Dans sa solitude terrible, les esprits des pêcheurs apprennent petit à petit la vanité des biens de la Terre. Ils comprennent que l’unique bien est l’Amour.

Mais ces âmes peuvent être aidées dans la découverte de ce chemin par les vivants qui, s’ils se rendent compte de leur présence peuvent prier pour elles et leur expliquer leur erreur et le chemin qui leur est ouvert vers l’autre monde. Pour cela, Dieu permet que les âmes de ce purgatoire apparaissent ou se fassent entendre des vivants. Elles ont du mal à le faire par elles-mêmes tant le corps psychique qui leur est resté est peu adapté à ce genre de contact. La plupart du temps, il s’agit plutôt d’une aide de Dieu et de ses anges. Le phénomène des revenants, quand il se produit, ne devrait jamais effrayer. Comment avoir peur de ces âmes, qui crient leurs détresses? Notre réponse immédiate doit être, au contraire, la miséricorde. Il faut prier pour les âmes du Purgatoire. Certains saints, canonisés par l’Eglise, passèrent leur vie entière à s’offrir les âmes de tous les purgatoires. De telles prières ou sacrifices offerts pour elles ont une efficacité étonnante: L’âme en peine est bouleversée, comme le serait le plus solitaire des prisonniers, qui, pour la première fois, recevrait une lettre. Ce geste est efficace, tant l’âme a soif: elle peut, devant la beauté de ce geste comprendre en un instant la grandeur de l’Amour, et se trouver délivrée de sa solitude. Elle passe alors dans un autre Purgatoire où la souffrance n’est plus causée par l’absence des plaisirs, mais par l’absence de Dieu.

 

            Afin d’illustrer ce phénomène, voici quelques récits rapportés par des saints : parmi toutes les révélations que cite saint Grégoire le Grand dans ses dialogues, nous choisirons celles dont l’authenticité est à l’abri de toute contradiction.

            « Un pèlerin du territoire de Rodez, revenant de Jérusalem, est-il dit dans les annales de Cîteaux, fut obligé par la tempête de relâcher sur une île voisine de la Sicile. Il y visita un saint ermite qui s’informa de ce qui touchait à la religion dans son pays de France, et lui demanda en outre s’il connaissait le monastère de Cluny et l’abbé Odilon. Le pèlerin répondit qu’il les connaissait, et ajouta qu’il lui saurait gré de lui dire quel intérêt le portait à lui adresser cette question. L’ermite reprit: il y a ici tout près un cratère dont nous apercevons les cimes; A certaines époques il vomit avec fracas des tourbillons de fumée et de feu. J’ai vu des démons emporter les âmes des pécheurs, et les précipiter dans ce gouffre affreux, afin de les tourmenter pour un temps. Or, il m’arrive, à certains jours, d’entendre les mauvais esprits s’entretenir mutuellement et se plaindre de ce que quelques-unes de ces âmes leur échappent; ils murmurent contre les personnes de piété qui par leurs prières et leurs sacrifices, hâtent la délivrance de ces âmes. Odilon et ses religieux sont les hommes qui paraissent leur inspirer plus d’effroi. C’est pourquoi, quand vous serez de retour dans votre pays, je vous prie, au nom de Dieu, d’exhorter les moines et l’abbé de Cluny à redoubler leurs prières et leurs aumônes pour le soulagement de ces pauvres âmes. Le pèlerin à son retour s’acquitta de la commission. Le saint abbé Odilon considéra et pesa mûrement toutes choses; Il eut recours aux lumières de Dieu et ordonna que dans tous les monastères de son ordre, on fit chaque année, le deuxième jour de novembre, la commémoration de tous les fidèles trépassés. Telle fut l’origine de la fête des morts. »

            Saint Bernard, dans la vie de saint Malachie, cite un autre trait. Ce saint raconte qu’il vit un jour sa sœur trépassée depuis quelque temps. Elle faisait son Purgatoire au cimetière. A cause de ses vanités, des soins qu’elle avait eus de sa chevelure et de son corps, elle avait été condamnée à habiter la propre fosse où elle avait été ensevelie et à assister à la dissolution de son cadavre. Le saint offrit pour elle le sacrifice de la messe pendant trente jours. Ce terme expiré, il revit de nouveau sa sœur. Cette fois, elle avait été condamnée à achever son Purgatoire à la porte de l’Eglise, sans doute à cause de ses irrévérences dans le lieu saint, peut-être parce qu’elle avait détourné les fidèles de l’attention des mystères sacrés, pour attirer sur elle la considération et les regards. Elle était profondément triste, voilée de deuil, dans une angoisse extrême. Le saint célébra de nouveau le sacrifice pour elle durant trente jours, et une dernière fois elle lui apparut dans le sanctuaire, le front serein, rayonnante, vêtue d’une robe blanche. L’évêque connut à ce signe que sa sœur avait obtenu sa délivrance.

            Ce récit constate la coutume universellement en vigueur dès les premiers ages de l’Eglise, de prier pour les morts durant l’espace de trente jours. En ce point, le christianisme n’avait fait que suivre la tradition mosaïque. "Mes enfants, disait à ses fils le patriarche Jacob à son lit de mort, ensevelissez-moi dans la caverne de Mambré, qui est dans la terre de Chanaan; et les petits-fils d’Isaac pleurèrent leur père durant trente jours." A la mort du grand prêtre Aaron et de son frère Moïse, le peuple renouvela ce deuil de trente jours. Et la pieuse coutume de prier pour les défunts tout un mois devint bientôt une loi de la nation choisie. Saint Pierre, prince des Apôtres, au dire de saint Clément, aimait à faire prier pour le soulagement des morts, et saint Denys l’Aréopagite nous décrit en termes magnifiques avec quelle majesté les fidèles célébraient les funérailles. Dès les premiers siècles, l’Eglise, en mémoire des trente jours de deuil observés dans la loi mosaïque, encouragea les prières pendant un mois, après la mort des fidèles.

 

            Sans faire d’amalgame, il est important de constater que certaines théologies orientales expliquent de la même façon le phénomène des revenants. Le Livre des Morts tibétain indique comment il est possible aux vivants de conduire les âmes errantes vers le bon port. Dans cette tradition, on explique leur lien avec notre monde par une présence exceptionnelle sur terre, au-delà de la mort du corps physique, de ce qu’ils appellent le corps astral[176]. De cette manière, il leur est facile d’expliquer les manifestations des revenants. Une telle vision est parfaitement admissible par la théologie catholique.

 

            Le phénomène des revenants est, malheureusement, pour beaucoup cause de terreur plutôt que d’amour. Qu’on se rappelle la réaction des disciples de Jésus, quand ils le virent s’approcher d’eux en marchant sur les eaux: "Ils crurent que c’était un fantôme, et poussèrent des cris"[177].         

            Toutes les histoires de fantômes ne doivent pas être prises à la lettre, sans une enquête approfondie de la part des autorités religieuses. Une imagination débridée peut inventer bien des fantasmes. Il suffit de mettre un enfant dans le noir, pour s’en rendre compte. Il y verra sincèrement toutes sortes de monstres dangereux dans les plis d’un rideau, toute espèce de criminel dans le craquement d’un parquet. Nos ancêtres superstitieux inventaient dans leur frayeur des monstres comme l’Ancou avec son char (la Mort en Bretagne), le vampire assoiffé de sang (Roumanie), les Trolls et les lutins (Scandinavie). Chaque peuple a ses croyances d’enfant.

 

Autre cause possible: Satan

Le phénomène des revenants (âme humaine malheureuse) ne doit pas être confondu avec celui des maisons qu’on dit hantées (Satan). Le Saint Curé d’Ars alors qu’il était déjà connu dans la France entière, entendit une nuit d’hiver d’étranges bruits dans sa maison: des coups étaient frappés dans les plafonds et sur les meubles. Il chercha en vain, mais ne trouva personne. Persuadé d’avoir affaire à quelqu’un qui cherchait à l’effrayer, il fit appel à un solide paysan du village, qui vint veiller avec lui dans sa maison la nuit suivante. Dehors, il faisait froid, et la neige tombait à gros flocons. Vers minuit, les bruits se firent entendre de nouveau. Ils cherchèrent dans la maison, dans le grenier, mais ne virent personne. Etant sorti, le curé d’Ars se rendit compte qu’il n’y avait aucune trace de pas dans la neige. Il appela donc le paysan, et il le lui fit constater: “Rentre chez toi, lui dit-il, ce n’est que le grappin (le démon)". La réaction du Saint Curé a de quoi surprendre: effrayé par l’éventualité d’un voleur, il se tranquillise quand il se rend compte que sa maison est hantée par le démon.

            Le phénomène des maisons hantées ne s’explique pas par une âme défunte, mais par le démon. Or le démon ne vient jamais de sa propre initiative troubler la paix extérieure des hommes. Comme pour les cas de possession démoniaques[178] (prise de contrôle par le démon, du corps d’une personne), deux causes en sont possibles:

1) L’appel de l’homme par une pratique d’invocation d’esprits. Il n’est pas rare que des séances de spiritisme, où, le démon est appelé sans qu’on s’en doute, prolongent leurs effets pendant des années auprès des personnes qui les ont pratiquées: obsession démoniaque (conscience vive d’une présence malsaine), possession ou phénomène de maisons hantées. On me rapporta le fait suivant: un groupe de jeunes pratiquait le spiritisme. L’un d’eux eut l’idée de mettre sur la table un petit miroir de toilette, et de dire à l’esprit: "Si tu es là, casse ce miroir". Rien ne se produisit. Or, en revenant chez eux, les jeunes découvrirent avec horreur que tous les miroirs de leurs maisons respectives avaient été brisés. On imagine les effets d’un tel choc sur la paix de leur imagination.

            A la différence du spiritisme, la sorcellerie[179] appelle expressément le démon. Des pactes d’alliance peuvent être conclus entre le sorcier et le démon, dont le pouvoir devient à partir de ce jour soumis aux désirs de l’homme. Rien n’empêche donc que le sorcier puisse nuire à ses ennemis de cette manière, les plongeant dans la peur.

2) Permission de Dieu: dans des cas beaucoup plus rares, le phénomène de maisons hantées (comme celui de la possession) peut se produire sans aucune intervention humaine, à la simple initiative du démon, auquel Dieu laisse exceptionnellement la permission d’agir. La Bible témoigne de ces phénomènes: "Il y avait jadis au pays d’Ur, un homme intègre et droit appelé Job. Or, le jour où les Fils de Dieu venaient se présenter devant Yahvé, le Satan aussi se présentait parmi eux. Dieu dit alors a Satan: "As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n’a point son pareil sur la Terre". Et le Satan de répliquer: "Est ce pour rien que Job crains Dieu? n’as-tu pas béni toutes ses entreprises? Ses troupeaux pullulent dans le pays". "Soit, dit Yahvé au Satan, tous ses biens sont en ton pouvoir. Evite seulement de porter la main sur lui.[180]. Le lendemain, Job se trouva réduit à la misère, mais il ne pêcha pas contre Dieu."

 

            Cette permission de Dieu est exceptionnelle. La plupart du temps, le démon se contente de nous tenter pour nous faire tomber, nous maintenant dans une médiocrité habituelle. Le Curé d’Ars fut un véritable saint, et eut donc à subir des attaques de plus en plu directes du démon: après ces premiers bruits dans sa maison (obsession antérieure venant du démon), il connut la délation et la mise en doute de son honnêteté (on l’accusa d’être maigre non par ascèse, mais excès de débauche avec les femmes). Il connut enfin la tentation du désespoir (obsession intérieure venant du démon). Sainte Mariam, carmélite arabe, fut, pour sa part, soumise à une véritable possession démoniaque par l'autorisation de Dieu et en vue de son éducation à l'humilité. Marthe Robin semble avoir été frappée par le démon jusqu’à en mourir (témoignage du Père Finet).

 

 

Autre cause possible: La télékinésie inconsciente

De simples coups donnés dans une maison ou même la constatation d’objets qui se déplacent seuls, ne suffisent pas à conclure à un cas de hantise démoniaque. Un infirmier psychiatrique me raconta un jour le fait suivant: A New York, un café fut victime de phénomènes inexplicables: Les bouteilles tombaient seules des étagères, les verres se cassaient sans que personne les ait touchés. Le patron était au bord de la faillite. Il décida de renvoyer son garçon de café. A peine était-il parti que les phénomènes cessèrent. Ce garçon était travailleur, mais complètement renfermé sur lui-même. Il ne parlait pratiquement jamais, et semblait proie à la solitude. Il se fit embaucher dans un autre café de la ville. Les verres et bouteilles se remirent à tomber. S’étant renseigné, le patron le renvoya aussitôt. Sa réputation était faite, et personne ne voulait plus le prendre à son service, partit dans un autre état américain, où il trouva sans peine du travail. Les phénomènes se reproduisirent. Mais son nouveau patron, curieux de nature, se passionnait pour les phénomènes paranormaux. Il se mit donc à l’observer dans son travail. Un jour, alors qu’il servait, le garçon se retourna devant une rangée de verres, qui tombèrent un par un, au fur et à mesure qu’il passait. Aucun doute n’était plus permis: il s’agissait d’un extraordinaire phénomène de télékinésie[181] inconsciente. Ce garçon, malade de sa solitude, accumulait en lui une énergie qu’il vidait, sans s’en rendre compte, de cette manière. Il ne s’agissait pas d’une hantise démoniaque, mais d’une télékinésie inconsciente.

            La télékinésie inconsciente peut aussi se produire dans le sommeil. La personne déplace des objets de sa maison sans s’en rendre compte, sans aucune intervention démoniaque.

            Il est donc nécessaire que le psychiatre et l’exorciste s’unissent avant de conclure à un phénomène de maisons hanté. Le diagnostic conduira à un exorcisme ou à une action de cure psychiatrique, selon le cas.

 

 

 

CHAPITRE 10: La sorcellerie

 

            Habituellement, on distingue la magie blanche, qui ne cherche qu’une connaissance, de la magie noire, qui s’étend à de réels pouvoirs efficaces sur le monde. Dans ces deux catégories, la sorcellerie est définie comme une méthode où les démons sont explicitement invoqués. Le sorcier est donc un homme lucide de l’existence d’un pouvoir satanique, et il s’efforce de le contrôler en vue de ses intérêts.

            La sorcellerie est un phénomène qui reste d’actualité. On a tort de la réduire à une croyance moyenâgeuse. Des peuples entiers restent soumis à ces croyances. Les missionnaires chrétiens du XXe siècle rencontrèrent la sorcellerie depuis les confins du pôle Nord jusqu’à la pointe de l’Afrique, en passant par l’Amérique du Sud ou la Chine. Les marchands d’esclaves du XVIIIe siècle surent utiliser ce phénomène de société africaine. Il leur suffisait de séduire les sorciers, par quelques verroteries. Ceux-ci, appâtés par le gain, usaient de la peur qu’ils suscitaient par leur soi-disant maîtrise du monde des esprits. De cette manière, ils pouvaient livrer non seulement leurs ennemis, mais aussi leur propre peuple, entièrement soumis par la peur. J’ai pu constater comment, de nos jours, les élèves issus d’Afrique croient à la sorcellerie.

            L’Eglise catholique reconnaît la possibilité d’une pratique de la sorcellerie, de la même façon qu’elle croit à l’existence du démon. Elle condamne bien évidement cette pratique.

            L’initiation d’une personne à la sorcellerie peut se faire de plusieurs manières: Parfois la découverte est fortuite, à la suite d’une innocente pratique du spiritisme. D’autres fois la découverte se fait par des livres ou par un autre sorcier. Il est en tous cas étonnant de constater combien il est facile d'établir d’un contact avec le démon. Un aumônier d’école catholique me rapporta cette parole frappante venue d’une élève: "Dieu je n’y crois pas, mais je crois à Satan, parce que lui, au moins, il répond !".

            Il est clair, en effet, que la plupart des manifestations divines se font dans le silence du coeur. "Dieu n’était pas dans la tempête, Dieu n’était pas dans le tonnerre, mais Dieu était dans la brise légère"[182]. Le démon, au contraire, n’espère pas qu’on croit en lui dans le silence. Il s’adapte à l’homme, et se montre sensiblement[183]. Il montre sa puissance, pour qu’à cette vue, l’homme croit en lui, et se lie à lui.

            La théologie de la sorcellerie a été amplement développée par les démonologues de l’Eglise. Mais, aussi curieux que cela paraisse, j’en ai trouvé toute la substance dans trois chansons du groupe de hard rock TRUST[184], qu’il nous suffit de commenter. La lucidité de ces chansons est surprenante, et on se demande d’où leur vient une telle théologie.

            La première chanson s’intitule "Le Pacte": elle décrit d’une manière très prenante la façon dont s’établit le contact:

            "Tu m’as imploré, et me voici,

            Genoux à terre devant ton roi.

            J’ai daigné venir à toi,

            Car tu as fait le premier pas".

            Ces premiers vers nous indiquent que l’initiative ne peut venir que de l’homme. Le démon ne répond que si on l’appelle (implicitement dans le spiritisme ou explicitement): 

"Ton âme dépendra de moi.

Renonce à ton Dieu, à ta foi, à ses lois.

Verse ton sang et signe en bas.

Je te donne ma marque, si tu signes mon pacte".

 

 

            Quand un homme désire obtenir du démon des biens terrestre comme les plaisirs, la richesse, le pouvoir ou la gloire, certaines conditions sont préalablement imposées.

            Quand l’ange des ténèbres donne, il n’agit jamais gratuitement. Son intention première est toujours sous jacente: séparer l’homme de Dieu, détruire ce lien, pour manifester au créateur son erreur première[185]. Les théologiens du Moyen Age n’hésitaient pas à appeler un tel pacte une vente de son âme: vendre son âme au démon, c’est accepter de soumettre sa vie morale à ses commandements en échange de certains biens matériels.

            Le pacte dont il est fait mention, signé avec le sang, n’est pas qu’un symbole. Le démon aime de tels engagements signés, non par ce qu’il en a besoin, mais parce qu’il sait l’importance d’un acte palpable aux yeux des hommes. En agissant ainsi, il ne fait qu’imiter Dieu, quand il a instauré les sept sacrements (Baptême, confirmation, Pénitence, eucharistie, mariage, ordre, extrême onction). Son intention était de rendre les liens spirituels vraiment palpables, donc adaptés à notre mode habituel de connaissance.

            "Je te suivais pas à pas,

            Plus rien ne te résistera.

            De ma main je vais te guider,

            De ta vie tu ne vas plus te soucier".

            Ces vers décrivent la contrepartie promise par Satan. Ces promesses ne sont pas vaines, loin de là. Rappelons le réel pouvoir de l’ange sur notre monde matériel. La proposition du démon résonne comme l’extrême inverse de cette parole de Jésus: "Que sert à l’Homme de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme"[186]. Le démon n’a t-il pas fait une promesse semblable à Jésus lors de la tentation dans le désert: "Je te donnerai tout ce Pouvoir, et la gloire de ces royaumes, car elle m’a été livrée, et je la donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, elle t’appartient tout entière"[187].

            "Chaque mot sonnait comme un ordre.

            Il s’était déplacé avec sa horde.

            Serments, propagande diabolique,

            Visages aux traits changeants sataniques.

            Mes yeux fiévreux luisant de cupidité,

            Son masque anéantit toute ma volonté.

            La foudre allait s’abattre sur la terre,

            Pour sceller le pacte et saluer Lucifer".

 

            La séduction du démon est très forte. Non seulement il se sert des désirs de celui à qui il s’adresse, et qu’il prétend pouvoir combler, mais il se rend lui~même beau, pour mieux attirer sa victime. Le sorcier, quand il signe le pacte qui le fait tel, est victime de sa cupidité et de la ruse du démon.

"Sans remords je vais signer,

Respectueux de tes volontés,

La plus sordide des alliances.

Son savoir sera ma conscience;

Je te donne marque, si tu signes mon pacte".

 

            En exigeant en retour de la part de l’homme qu’il règle sa conscience sur son savoir, le démon obtient un pouvoir direct sur la vie de sa victime, qu’il va pouvoir diriger à sa guise.

            Il peut ainsi obtenir la perte de l’homme d'une manière beaucoup plus puissante que par la simple pratique de la tentation.

 

            "Le Sabbat fut pour moi célébré.

            En l’honneur de mon acte et du sang versé.

            Je serai protégé sur 10 années,

            Je serai riche, célèbre, adulé.

            Mon maître dans toute sa bonté,

            De son souffle me l’a assuré,

            Sans au revoir ni adieux,

            Possesseur de mon âme de damné.

            J’ai signé, j’ai signé".

            Les démonologues confirment le caractère temporel du pacte. Les promesses du démon sont limitées (ici à 10 ans de bonheur terrestre).

            Faut-il admettre qu’une fois le pacte signé, le sorcier est damné? La Théologie catholique s’oppose à cela[188]: tant qu’un homme est sur la terre, il peut toujours revenir en arrière, et se repentir. Aux yeux de Dieu, un pacte de sorcellerie signé avec le sang n’a aucune valeur. Le démon le sait, et il va profiter des années de pouvoir dont il dispose sur l’âme pour l’entraîner dans une destruction totale.

            La deuxième chanson, intitulée "La Luxure", décrit cela:

            "Ton orgueil t’a aveuglé,

            Et t’a conduit vers ta destinée.

            Ton Dieu t’avait si pieusement édifié,

            Mais désormais tu te retrouvera damné.

            Tout ce que tu as, c’est à moi que tu le dois:

            Je t’offre la jouissance ici-bas.

            Moi, ton maître, je te démontre toute l’étendue de mon pouvoir, de mon savoir,

            Car tu as succombé aux mêmes tentations,

            Car humain tu es, la luxure est devenue ta passion".

            Le démon s’efforce de faire croire à son adepte qu’il est damné, qu’il n’y a plus d’espoir de retour en arrière après avoir signé. Dans le cas décrit par cette chanson, le message vise à conduire au désespoir spirituel, l’un des six péchés contre l’Esprit Saint[189]. Le désespoir spirituel n’est pas un véritable désespoir spirituel mais plutôt un refus du pardon de Dieu, de sa miséricorde. C’est donc un choix volontaire et lucide, motivé par un trop grand amour de soi.

 

            "Mon fanatisme et ma vigueur ont fait de toi un dépravé.

            Je me permets de te juger homme dépourvu de dignité.

            La luxure te provoque.

            La luxure t’a subjugué.

            Comme une diablesse aux traits de princesse,

            La luxure t’a subjugué.

            Et tu désirais des femmes, et pour toi.

            Et pour toi, je les ai courtisées.

            Puis, tu as voulu les posséder.

            Et tes fantasmes, je les ai réalisés.

            Ton désir de richesse chez toi a engendré

            Une sorte d’orgie, sans te soucier du prix.

            Puis, tu as obtenu la célébrité,

            En laissant au rancart tous tes préjugés".

 

 

            Le démon ne se contente pas de la simple tentation au désespoir spirituel. II sait qu’une telle tentation d’ordre intellectuel ne résisterait pas à la parole du moindre homme de Dieu s’exprimant sur l’Amour infini de Dieu. Il va donc s’efforcer de lier sa victime à des vices terrestres. Saint Jean montre qu’il existe trois convoitises principales, qui expliquent le péché dans le monde: "Tout ce qui est dans le monde, s’appelle convoitise de la chair, convoitise des yeux, et orgueil de la vie"[190].

            Saint Thomas explique qu’il s’agit respectivement du plaisir (qu’il soit sexuel dans la luxure ou autre), de la richesse, et de la gloire. Il n’y a plus à s’étonner que ce soient les trois biens offerts par le démon.

            Tout homme désire le plaisir, la richesse ou la gloire. Normalement, ils constituent des moyens pour mieux vivre sa vie de famille ou ses activités politiques. Ces biens peuvent cependant être élevés au rang d’absolu. Celui qui recherche le plaisir sensuel pour lui-même, sans se servir de l’Amour qu’il devrait signifier, risque fort de voir cette recherche prendre une place monstrueuse dans sa vie. L’Eglise explique ce phénomène psychologique par la notion de péché capital. Le péché capital est comme une tête ("caput" en latin) d’où naît un corps fait d’autres péchés multiples. La luxure, par exemple, dans sa recherche du plaisir sexuel, peut conduire à des exactions allant de la séduction trompeuse d’une femme au viol ou même au meurtre. Le péché capital tisse autour de la personne des liens qu’elle aura bien du mal à couper: celui qui aime l’argent n’estimera jamais en avoir assez; celui qui aime les plaisirs ne sera jamais satisfait. Poussés jusqu’au bout de leur logique, ces péchés peuvent mener une personne à une destruction totale. Un philosophe écrivait: "L’homme a ceci de supérieur à l’animal, qu’il peut le dépasser en bestialité". Le démon, par sa conduite sur la vie du sorcier, et par sa facilité pour lui accorder ce qu’il désire, plonge sa victime dans les liens du vice de telle façon qu’il lui devient quasiment impossible de se libérer. Quand je dis quasiment impossible, c’est parce que la porte est toujours ouverte à la conversion. Le cas de Bob Dylan manifeste que rien n’est gagné par le démon tant que la mort et le jugement dernier n'ont pas consacré son oeuvre. La tentation principale reste donc celle du péché contre l’Esprit Saint, ce péché intellectuel, qui n’est pas pardonné car il refuse le pardon, d’où la fin de la chanson: "Désormais, tu te retrouves damné".

            La troisième chanson a justement pour titre: "Le jugement dernier":

            "Je suis venu te chercher,

            Car notre pacte est enterré.

            Je me suis fait accompagner

             De la mort, pour t’emmener.

            Voici venu le jugement dernier.

            Humain rempli de vanité".

            Le démon peut-il décider lui même de la date de la mort d’un homme? Les théologiens sont divisés sur ce problème, car il est difficile d’admettre que Dieu laisse une aussi grande liberté au monde des Ténèbres.

            La Bible nous donne pourtant plusieurs exemples où le démon tue: Job perdit tous ses enfants dans un feu envoyé par le démon. Sarah perdit sept fois son mari, à cause de l'action d’Asmodée, "Le pire des démons"[191].

            La démonologie n’hésite pas à parler de la possibilité d’envoûtements conduisant à la mort.       En théorie, le démon a le pouvoir de tuer, puisqu’il a pouvoir sur le corps de l’homme. Mais, il ne peut exercer son pouvoir que si Dieu le lui permet. Cette permission est donnée dans deux cas: Quand la sainteté d’une personne est si grande que l’action du démon ne peut plus rien contre elle. La mort physique imposée par le démon ne peut que manifester un peu plus cette sainteté: Marthe Robin en est l’exemple le plus connu, elle qui resta 40 ans fidèle à Dieu sur un lit de grabataire, pour enfin terminer dans les violences de Satan.

 

            "A toi de me témoigner

            Ton sens de la fidélité:

            Ton maître t’ordonne de le suivre.

            Tu t’étais damné pour survivre.

            Inutile de faire marche arrière.

            Satan n’attend pas les prières".

 

            "Je t’ai fait vivre comme un roi,

            Et tu trônais sans foi ni loi.

            Tu t’es vautré dans la luxure,

            Toi qui moisissais dans l’ordure

            Ton âme de damné va brûler

            Dans le brasier de l’éternité.

            Rien n’est comparable à l’Enfer.

            Tu étais heureux dans la misère".

            Ces derniers vers manifestent l’aboutissement final de tout le processus de la sorcellerie, pour celui qui la pratique. Lors du Jugement dernier, la séduction du démon prend d’autant plus de force qu’il ne fait que rappeler aux souvenirs du sorcier un pacte explicitement conclu. Le cas des sorciers est exceptionnel: Il est très rare, en effet, qu’un pécheur sache qu’il sert le démon quand il fait le mal. Il trouve donc habituellement des circonstances atténuantes, lors de son jugement final. Rien de tel pour le sorcier, qui est l’un des rares à faire le mal en sachant ce qu’il fait.

            Il nous reste à nous demander de quelle manière le démon donne son pouvoir au sorcier, et jusqu’où va ce pouvoir.

            On considère habituellement deux grands domaines où la sorcellerie produit ses effets: Le domaine du sorcier lui même, et celui des hommes qui l’approchent.

            En ce qui concerne son propre intérêt, le sorcier ne cherche évidemment qu’à se faire du bien. Il peut théoriquement obtenir de l’esprit avec qui il s’est lié tout ce qui est du domaine des biens matériels (plaisir, argent et gloire). Seuls les biens d’ordre spirituel sont inaccessibles à sa puissance: l’amitié dans ce qu’elle a de plus pur, et la connaissance intime de Dieu. La Bible affirme: "Qui offrirait toutes les richesses de sa maison pour acheter l’amour ne recueillerait que mépris" (fin du Cantique des cantiques). L’amour d’amitié ne doit pas, en effet, être confondu avec ces formes inférieures d’amour, qui sont fondées sur la séduction, sur le plaisir ou sur l’intérêt matériel. De telles amitiés sont au pouvoir du démon, mais elles ne sont que des apparences d’amitié.

Par contre, le démon peut transformer celui qui l’implore, en un artiste extraordinaire, soit en lui communiquant l’exaltation sensible, qui fonde l’inspiration, soit en lui dictant des oeuvres d’art. Le Père Regimbal n’hésite pas à attribuer au démon la paternité de certaines oeuvres musicales modernes de premier ordre[192].

            Le démon peut aussi communiquer la science, qu’il maîtrise parfaitement, concernant le monde matériel, faisant de celui qu’il sert une sommité scientifique.

 

            Mais l’action du sorcier peut s’exercer sur des domaines bien plus vastes que ceux de son intérêt personnel, aussi bien pour faire le bien (un bien matériel) que le mal. Dans le métro parisien, il n’est pas rare de trouver des cartes ainsi formulées: "Grand sorcier, marabout africain, diplômé en parapsychologie, pouvoirs illimités: retours d’affection, santé, argent, recherche de personnes disparues, examens, soucis professionnels. Paiement après résultat".

            Au-delà du charlatanisme visible là-dessous, il faut affirmer la possibilité théorique de tels pouvoirs chez un véritable sorcier.

            Le retour d’affection est un des phénomènes possibles. Un homme me racontait l’expérience faite par lui 10 ans plus tôt: sa femme le délectait, et il en souffrait beaucoup. Il décida donc de s’adresser à un de ces sorciers, qui lui donna (moyennant paiement) une amulette à glisser sous le lit conjugal. Il eut la surprise de voir sa femme changer radicalement, du jour au lendemain. Il en fût même effrayé, au point qu’il décida de détruire l’amulette. "Elle n’était plus elle-même", me confia-t-il.

            Un tel phénomène s’explique non par l’amulette, mais par l’action du démon. L’amulette n’est, à ses yeux, qu’un signe de la volonté du sorcier, avec qui il s’est lié (rappelons que le démon aime singer les sacrements chrétiens). Toujours est-il que son pouvoir sur le corps humain lui permet d’y développer artificiellement un phénomène qui ressemble à l’amour. Dans le cas présent, deux manières sont possibles: celle qui consiste à rendre l’homme à ce point séduisant qu’il paraît être différent aux yeux de sa femme; Celle qui consiste à exacerber dans la femme une passion inhabituelle. Dans les deux cas, il n’y a qu’apparence de retour d’affection, du moins si on considère l’affection comme une propriété de l’amitié.

            En ce qui concerne la santé, le démon possède aussi un pouvoir, mais celui ci n’est pas illimité: il ne peut agir qu’en se servant des lois du corps humain, qu’il active par l’apport de son énergie. Il peut donc détruire une infection microbienne, toutes choses que l’homme lui même peut réaliser par la médecine. Mais, il ne peut faire repousser un bras, ressusciter un mort, rendre la vue à un oeil aveugle, faire marcher un paraplégique, toutes choses qui dépassent les lois naturelles du corps humain[193].

 

            En ce qui concerne la richesse, le démon peut théoriquement l’apporter en prenant l’argent là où il se trouve. Habituellement pourtant, cela ne se passe pas ainsi. Il est trop sensé pour ne pas se servir de la cupidité des gens à ses fins. Il est tellement facile d’amener l’homme à pécher quand il s’agit de la recherche de la richesse. Il prodigue donc des conseils, et son action s’arrête là, tant que l’intéressé ne désire pas s’engager plus loin à son service.

 

            Peut-on arriver à connaître les numéros gagnants du loto par la sorcellerie? Non, car il s’agit d’un jeu de hasard qui échappe à toute prédiction. Il est d’autre part très difficile pour un sorcier de provoquer le démon à faire sortir les numéros désirés, tant le nombre de sorciers qui s’essayent à ce jeu est important: leurs efforts se contrarient !

            La recherche des personnes disparues entre aussi dans le domaine du possible. Il est bien évident que le démon connaît le lieu et l’état de chacun des êtres humains qu’il pénètre de son regard aigu.

            Les sujets d’examens peuvent être donnés à partir de l’instant ou ils ont été décidés par les autorités. L’ange rebelle se contente de les lire !

            On pourrait décrire encore bien des phénomènes que la sorcellerie rend possible. On comprend la séduction que peuvent exercer de telles merveilles chez ceux qui ne s’intéressent pas à la vie éternelle, à l’amour de Dieu, à la mort de Jésus sur la croix. Il faut se rappeler pourtant que la fréquentation d’un tel pouvoir a toujours des conséquences sur la vie surnaturelle, qu’elle finit toujours par détruire.

            Le sorcier peut aussi se servir de son pouvoir pour faire le mal, que ce soit sur la demande d’un client ou par vindicte personnelle. De telles pratiques sont fréquentes. Le démon exige souvent, en échange de ces services certains rite qu’on croirait sortis de liturgies religieuses, à la différentes près qu’ils lui sont adressés au lieu de l’être à Dieu. Les messes noires singent le sacrement de l’Eucharistie et peuvent être accompagnées de fausses consécrations d’hosties ou de profanation de vraies hosties. Les sacrifices d’animaux singent les rites juifs du sabbat ou de la Pâque, où l’on offrait des brebis ou des taureaux à Yahvé. Les pratiques du vaudou ou de certaines sectes sataniques sud-américaines vont parfois jusqu’au sacrifice humain. De nombreux cas concernant de telles horreurs ont défrayé les journaux ces dernières années. En se faisant offrir un culte comme à un Dieu, le démon plonge ses adeptes un peu plus dans le blasphème et dans les pires aberrations morales.

            Le pouvoir du démon pour faire le mal peut aller jusqu’an meurtre (envoûtement de mort vaudou) s’il n’est pas arrêté par la puissance de Dieu et de ses anges. Certaines maladies, au témoignage de l’Evangile, tout en paraissant naturelles, ont une origine satanique. Les exorcistes constatent des cas d’obsession ou de possession, dont l’origine est la même[194].

            De tout ce qui précède, il ressort qu’il est aberrant et dangereux non seulement pour sa santé, mais pour sa foi, de fréquenter un sorcier, pour obtenir un résultat, même positif. Toute personne qui invoque les esprits doit susciter la méfiance, et être fuie par les chrétiens. Participer, même par simple curiosité à une telle pratique, c’est devenir en quelque sort complice du sorcier, et cela revient à se livrer à la puissance des esprits invoqués.

 

            Fallait-il brûler les sorcières? L’Histoire de l’Eglise regorge de ces faits. La plus connue des sorcières brûlées fut, il faut s’en souvenir, sainte Jeanne-d’Arc elle-même. Si l’on exclut ces cas dramatiques, où la politique passait avant la Théologie, il reste qu’il y a eu de véritables cas de sorcellerie, qui ont abouti à la condamnation à mort du coupable. Fallait-il agir ainsi? L’Eglise se devait elle de livrer au bras séculier ceux dont on pouvait prouver qu’ils avaient fait un pacte avec le démon?

            S’il s’agissait de punir une personne coupable par ses sortilèges du malheur ou de la mort, la question reste ouverte, et elle revient à se demander la légitimité de la peine de mort.

            Mais, s’il s’agissait d’arrêter par ce moyen l’influence du démon, c’était une erreur grave de la part des inquisiteurs. Dieu a donné à son Eglise, pour lutter coutre le démon, un glaive spirituel autrement redoutable que le glaive matériel: "Je vous donne le pouvoir sur les esprits du malin," disait Jésus à ses disciples.

            Les missionnaires ont expérimenté partout la vérité de cette parole. Quand ils arrivaient dans un village pour y planter la croix, le sorcier perdait immédiatement son pouvoir. Quand Saint Paul, dans une de ses missions, fut poursuivi par une possédée, qui criait sans cesse: "Ces gens-là sont les serviteurs du Dieu Très-Haut", il n’eut qu’à prononcer une parole, pour chasser le démon à jamais de son corps. L’ange du mal ne peut rien devant Dieu et ses anges. Rappelons que le Chérubin Lucifer fut battu par la parole d’un simple archange[195]. Mais cet archange était avec Dieu.

            L’Eglise dispose contre la puissance formidable du démon à travers les sorciers, d’armes telles que la prière, les sacrements et les sacramentaux. La prière, quand elle est humble et confiante, met de notre côté Dieu et ses anges. Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous? Qui donc, en effet, peut être comparé à Dieu?

            Cette prière doit être humble, car il n’est rien qui mette davantage en fuite l’Ange rebelle qui, s’étant révolté par orgueil, n’a jamais pu s’humilier devant Dieu. Celui qui reconnaît son impuissance à triompher sans son secours, déconcerte les plans de l’Ange. Cette prière doit être confiante, car Dieu ne peut manquer d’y répondre. Il est bon aussi d’invoquer Saint Michel qui, ayant infligé au démon une éclatante défaite, sera heureux de compléter sa victoire en nous et par nous. De même, notre ange gardien a pour mission particulière de nous protéger contre toutes ces attaques.

            Le second moyen, c’est l’usage confiant des sacrements. La confession étant un acte d’humilité, elle met en fuite le démon. L’absolution qui la suit nous donne le pardon de Dieu, et nous communique une grâce capable de nous rendre invulnérables. Quant à la Communion, en mettant dans notre coeur Dieu lui-même, elle fait de nous une forteresse imprenable. Le rituel catholique conseille aussi le jeûne, les aumônes. Plus on est pur et donné à l’amour, moins le démon a de prise sur nous.

            L’église dispose aussi d’armes terribles telles que le signe de la croix, l’eau bénite, le Notre Père... Elle appelle ces choses ou ces gestes des sacramentaux. Ils se distinguent des sacrements parce que ces derniers agissent indépendamment de la foi de celui qui les célèbre: que le prêtre soit croyant ou non, quand il prononce les paroles de la consécration à la messe, il réalise le grand miracle de l’eucharistie: Le pain devient le corps de Jésus.

            Les sacramentaux sont incroyablement nombreux, puisque chaque objet religieux, chaque pensée religieuse en fait partie. Les plus connus des fidèles sont actuellement ceux que la Vierge a donnés dans ses diverses apparitions modernes: Les médailles de la rue du Bac, l’eau de Lourdes, le chapelet...

            Les petits sacramentaux suffisent pour chasser le démon. Leur redoutable efficacité vient en effet de Dieu. Ces objets ont en commun de symboliser Sa présence. Il est évident qu’ils ne peuvent agir par eux-mêmes. Une médaille miraculeuse, aussi belle ou bénie soit elle, est incapable, par sa propre puissance d’éloigner l’ange des ténèbres. En aucun cas, les sacramentaux de l’Eglise ne doivent être utilisés à la manière des gris-gris animistes. Ce serait de la superstition. C’est Dieu qui agit à travers eux ou plutôt à travers la foi de celui qui s’en sert. Dieu ne résiste jamais à la foi, quand il la trouve dans un cœur. Connaissant notre tendance à exprimer nos sentiments dans de petits signes, il s’est adapté à nous en instituant ou en laissant instituer par l’Eglise les sacramentaux. Celui qui exprime sa foi par un signe de croix est comparable, aux yeux de Dieu, à celui qui exprime son amour en offrant des fleurs à sa bien aimée.

             Il est étonnant de voir combien la simple présence d’un sacramental dans une maison rend la puissance des sorciers impossible sur les habitants de ce lieu. Les pays africains regorgent de récit de ce genre. Que la puissance de l’ange Lucifer soit arrêtée par une simple aspersion d’eau bénite accompagnée de la foi, c’est la réalisation de cette prophétie de Dieu au début de la Genèse: "Il t’écrasera la tête"[196]. L’orgueil Luciférien est vaincu par un bien petit signe de l’Eglise.

 

 

 

CHAPITRE 11: L’exorcisme

 

            L’Eglise dispose donc des sacramentaux et des sacrements pour prévenir toute action liée au spiritisme ou à la sorcellerie. Il est clair que celui qui porte sur lui avec foi une médaille de la Vierge bloque à l’avance toute action liée à ces phénomènes (sauf si c'est Dieu lui-même qui, pour faire grandir une personne, envoie le démon). Les adeptes du spiritisme connaissent si bien ces propriétés des sacramentaux qu’ils prennent toujours la précaution de s’assurer de leur absence avant de commence leurs invocations. Les adeptes de la sorcellerie savent qu’il leur est impossible de faire du mal à un croyant. Malgré cela, les cas de phénomènes démoniaques restent nombreux. Ils se multiplient même dans les pays occidentaux, dans la mesure même où la pratique religieuse diminue. Chaque diocèse de France dispose, depuis quelques années, de son exorciste officiel.

            Parmi les phénomènes sataniques, l’Eglise distingue la tentation, l’obsession et la possession.

            Tentation: Habituellement, le démon se contente d’attaquer l’homme en le tentant, c’est-à-dire en agissant sur ses passions et pour le pousser à commettre des actes mauvais. Il est bien sûr excessif de dire que toutes les tentations qui nous assaillent viennent du démon, mais il est aussi faux de dire qu’aucune d’entre elles ne l’on pour origine. Cette petite histoire, rapportée par les premiers Pères du désert, peut nous éclairer théologiquement sur l’action occulte du démon par la tentation: un moine vit en songe un de ses frères. Celui ci était connu pour sa sainteté, et représentait un modèle pour chacun. Or, sa cellule était entourée par une armée de démons de toutes formes qui glapissaient, criaient, frappaient, pour le tirer de sa prière. Le moine restait pourtant impassible, plongé en Dieu. Il vit ensuite une grande ville. Les gens s’y agitaient en tous sens, vendant et achetant, mangeant et buvant, riant ou pleurant. A la porte de la ville, un démon gras était assis, et faisait la sieste. Il semblait beaucoup s’ennuyer. Le moine, très étonné, vint donc le voir, et lui demanda: "Comment se fait il que tu sois le seul démon pour cette ville immense, alors que des milliers de tes semblables sont avec le moine, là-bas?".

             Le démon lui répondit: "Nous n’avons pas besoin de travailler dans cette ville. Les hommes ont suffisamment d’occasions d’être tentés !".

            Face à la tentation du démon, l’Eglise propose avant tout la prière (qu’elle soit silencieuse ou sacramentelle), comme la messe et le jeûne.

            L’obsession représente une forme plus grande de tentation. Deux types de personnes en sont victimes: Elle peut atteindre les hommes de Dieu, dont la sainteté particulière a su résister aux attaques de la tentation. Elle peut atteindre aussi les imprudents qui ont flirté avec le spiritisme ou avec la sorcellerie. L’obsession est parfois externe, lorsqu’elle agit sur les sens extérieurs par des apparitions, des voies, des coups frappés ou encore des objets déplacés. Par ces moyens, le démon tente d’effrayer ses victimes pour les détourner de la pratique de la Charité ou, au contraire, il essaie de les séduire, pour les attirer au mal. On raconte que Saint Antoine du désert fut obsédé par le démon, qui lui apparaissait sous la forme de courtisanes. Il sut résister là où tout homme serait tombé. L’obsession est le plus souvent interne. On peut même dire qu’il n’existe pratiquement pas d’obsession externe qui ne soit accompagnée de ce genre de tentations puissantes. Dans ce cas, le démon agit sur les sens intérieurs, l’imagination et la mémoire, et sur les passions, pour les exciter. Comme malgré soi, on est envahi pur des images importunes, obsédantes, qui persistent malgré les efforts énergiques. On se sent en proie aux bouillonnements de la colère, aux angoisses du désespoir, à des mouvements instinctifs d’antipathie ou au contraire, à des tendresses dangereuses, et que rien ne semble justifier. Sans doute, il est difficile d’être sûr de la présence d’une véritable obsession, mais quand les tentations sont à la fois soudaines, violentes, persistantes, et difficiles à expliquer par une cause naturelle, on peut y voir une action spéciale du démon. En cas de doute, il est bon de consulter un psychologue chrétien, qui puisse examiner si ces phénomènes ne sont pas dus à un état morbide relevant de la médecine.

            Si l’obsession diabolique est moralement certaine ou très probable, la personne qui en est victime doit être entourée et soutenue par la prière et l’affection de tous. L’Eglise dispose en outre de prières et de petits exorcismes, qu’elle préfère appliquer à l’insu de la personne, pour ne pas la troubler.

 

            La possession démoniaque va plus loin, puisqu’elle est une prise de contrôle par le démon du corps de la personne. Le démon ne s’unit pas au corps comme l’âme l’est au corps, mais comme un moteur externe, qui agit sur les membres et leur fait exécuter toutes sortes de mouvements.

Hormis les cas extrêmement rares des possessions sataniques permises par Dieu pour la plus grande gloire d’un saint, une possession ne vient jamais par hasard. Elle est toujours précédée par une imprudence ou une malveillance des hommes qui font appel au service des anges révoltés.

            Ce soir là, un groupe de jeunes avait décidé de fêter l’approche de leur baccalauréat par une réunion dansante dans la maison de l’un d’entre eux. Ils étaient une quinzaine, et la soirée tirait à sa fin, quand l’un d’eux eu l’idée d’organiser une séance de spiritisme. On mit donc un verre au centre d’une table, on disposa des lettres, et on se tint prêts, chacun ayant disposé son doigt au-dessus du verre. Après avoir appelé un esprit, on s’aperçut de sa venue, car le verre se mit à bouger. Diverses questions furent posées: L’âge de la petite soeur, les futurs résultats du bac, le nombre d’enfant qu’on aurait. A chaque fois la réponse tombait, et chacun était forcé de s’émerveiller du phénomène. A ce moment, l’un des jeunes demanda: "Esprit, si tu es là, essaie de parler à travers l’un d’entre nous".

            Aussitôt cette parole prononcée, l’une des jeunes filles du groupe sembla se figer, et devint toute pâle. Son visage prit une expression qui jeta l’effroi sur toute l’assemblée. Très vite devant ce visage de mort, le groupe se débanda. La maison fut laissée vide, avec la seule présence de la jeune fille, qui n’avait pas bougé de l’étage. L’un des garçons, témoin de cette scène, m’a rapporté la frayeur qu’il éprouva en sortant de la maison et en jetant un regard vers la fenêtre du premier étage. Il vit le visage blême de sa camarade qui le regardait fixement. Le lendemain matin, la jeune fille ne se souvenait de rien. Fort heureusement pour elle, la possession dont elle fut victime ce soir là ne fut que ponctuelle.

            C’est encore à l’imprudence que l’on doit ce cas de possession fort célèbre dans l’Eglise, mais cette imprudence fut accompagnée de la malveillance d’un sorcier de village. Une jeune femme, touchée par des ennuis de santé, avait fait tout son possible auprès de divers corps de médecine pour être soulagée. Rien n’avait pu la guérir et en désespoir de cause, son mari eut l’idée de l’emmener chez un guérisseur. La première fois, il l’y accompagna. Le guérisseur pratiqua pour sa femme diverses passes magnétiques. Revenu chez elle, elle éprouva un certain soulagement dans ses douleurs. Elle décida donc de retourner chez cet homme, qui était le seul, jusqu’ici, a avoir eu une réelle efficacité sur sa maladie. Chaque séance apportait un mieux, au point que le couple ne regardait pas aux dépenses. Cependant, elle se rendit compte que le guérisseur profitait de l’absence du mari pour se faire de plus en plus entreprenant envers elle. Il finit par dévoiler son jeu, et lui demanda de devenir sa maîtresse. Elle partit avec fracas, et le guérisseur lui annonça qu’elle aurait à se repentir de son refus. Effectivement, quelques jours plus tard, ses douleurs revinrent, aussi fortes qu’avant. Bientôt s’y ajoutèrent de violents maux de tête. Le couple dut partir de nouveau à la recherche de médecins et de spécialistes. Quelques mois plus tard, la maladie avait non seulement empiré, mais s’y étaient ajouté des troubles psychologiques. La femme restait par moments prostrée, à d’autres moments, elle était surexcitée. Extérieurement, cela ressemblait à une névrose maniaco-dépressive. La vie commune en devenait de plus en plus difficile, et le pauvre homme se demandait souvent comment cela finirait.

            Un jour, il entendit dans la maison un chant mélodieux. Cela ressemblait à une mélodie d’opéra. Il chercha, et trouva sa femme, les yeux hagards, en train de chanter avec une voix qui n’était pas la sienne. D’autres phénomènes de ce genre apparurent: par moments, elle récitait un long discours dans des langues qui lui étaient absolument inconnues; elle bondissait dans les pièces, au point qu’on aurait dit qu’elle volait. Entre deux crises, elle apparaissait épuisée et désemparée, ne se souvenant de rien.

            Sur les conseils d’un chrétien, l’homme se décida à demander conseil à un exorciste officiel de l’Eglise catholique. Il lui décrivit les symptômes, et le prêtre lui confirma qu’il s’agissait d’un cas de possession démoniaque. Il ne voulut pas se prononcer définitivement avant de l’avoir vue, et d’avoir tenté sur elle le grand exorcisme.

            Le Jour venu, il fallut quatre hommes pour maîtriser la femme, qui était entrée dans une crise terrible. On dut l’attacher sur une chaise, dans la sacristie de l’église. A peine le prêtre avait-il commencé ses prières que la crise se fit plus violente. Le corps était pris de convulsions, tandis que la voix proférait des insultes, avec un ton qui ne lui était pas naturel.

            La litanie des saints[197] se termina dans ce climat. Le rituel du grand exorcisme prévoit alors un interrogatoire, à la manière dont Jésus lui-même le pratiquait dans l’Evangile[198]. A l’interrogation insistante de l’exorciste, une voix grave, une voix d’homme se fit entendre, confirmant la réalité d’une véritable possession satanique.

            Au cours des séances suivantes, on apprit que plusieurs démons habitaient le corps de la pauvre femme. Ils avaient été mandatés par le guérisseur, qui était en fait adepte de la sorcellerie. Celui-ci désirait se venger d’un outrage, qu’il n’avait jamais pu pardonner (sans doute, du refus opposé par la femme à ses avances). Le Grand exorciste de l’Eglise commence donc par la prière, se prolonge dans un interrogatoire et se termine par l’expulsion du démon. Pour atteindre ce but, l’Eglise met à la disposition du prêtre mandaté la puissance des sacramentaux. Il s’agit bien sûr de l’eau bénite, mais aussi de paroles comme celles-ci:

            "Au nom de Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, sors de cette femme !".

            "Au nom de la Vierge Marie, sors de cette femme !".

            Dans le cas qui nous occupe, toute cette puissance déployée arrachait aux démons de cris de douleur, mais ils refusaient de partir. Il fallut pratiquer l’exorcisme pendant plus de deux ans. Après chaque séance, la femme se sentait mieux, jusqu’au jour où il fallait recommencer. Le démon, dans les derniers temps se montrait de plus en plus faible. Il finit par avouer qu’il voulait bien sortir, mais qu’il ne le pouvait pas, car il s’était engagé avec le sorcier par un pacte écrit. La justice de Dieu le maintenait fidèle à ce pacte, jusqu’à ce qu’il soit détruit par la main du sorcier. Il fallut donc attendre que le sorcier se décide à brûler ce papier, ce qu’il fit. Sans doute y fut il poussé par le démon lui même qui, lassé d’affronter l’Eglise, se retourna contre celui qui l’avait envoyé.

            Ce cas de possession, extrêmement grave dans ses conséquences, confirme encore une fois la prudence qu’il faut avoir avant de consulter un guérisseur.

            Le ministère d’exorciste est actuellement réservé dans l’Eglise à un prêtre dont la foi, la prudence et la science théologique sont reconnues de tous. Il reçoit sa juridiction (c’est-à-dire la faculté d’exercer son pouvoir d’exorcisme sur quelqu’un) des mains de l’évêque. Il est interdit à tout autre que lui, qu’il soit prêtre ou laïc, de prendre l’initiait de pratiquer le grand exorcisme. Depuis quelques dizaines d’années, l’Eglise a même interdit la pratique des petits exorcismes[199] à tout homme qui n’en avait pas reçu mandat. En agissant ainsi, l’Eglise ne cherche qu’à protéger les imprudents qui ne savent pas à quelle puissance ils s’attaquent. Le métier d’exorciste est dangereux, comme en témoigne le texte des Actes des Apôtres: "Dieu opérait par les mains de Paul des miracles peu banals à tel point qu’il suffisait d’appliquer sur les malades des mouchoirs ou des linges, qui avaient touché son corps: alors, les maladies les quittaient, et les esprits mauvais s’en allaient. Or les quelques exorcistes juifs ambulants s’essayèrent à prononcer aussi le nom du Seigneur Jésus sur ceux qui avaient des esprits mauvais. Ils disaient: "Je vous adjure par ce Jésus que Paul proclame". Il y avait sept fils de Sécha, un grand prêtre juif, qui agissaient de la sorte. Mais l’esprit mauvais leur répliqua: "Jésus, je le connais, et Paul, je sais qui c’est. Mais, vous autres, qui êtes-vous?". Et se jetant sur eux, l’homme possédé de l’esprit mauvais les maîtrisa les uns et les autres, et les malmena si bien que c’est nus et couverts de blessures qu’ils s’échappèrent de cette maison. Tous les habitants d’Ephèse, Juif et grecs, surent la chose. La crainte, alors, s’empara de tous, et le nom du Seigneur Jésus fut glorifié"[200].

            L’exorciste officiel de l’Eglise, revêtu de l’autorité de Dieu lui-même, ressemble à Saint Paul, et n’a rien à craindre pour sa vie. L’exorciste amateur ne dispose d’aucune garantie autre que lui même, ce qui est bien peu face au monde des Ténèbres.

            La science théologique de l’exorciste doit être suffisamment précise pour lui permettre de discerne les obsessions et les possessions des multiples maladies psychologiques, qui leur ressemblent et peuvent être confondues: passions/tentation, névroses/obsession; psychose/possession. L’action du démon ne se manifeste pas toujours par des signes aussi évidents que ceux qui apparurent dans le cas de la jeune femme. Il est bien évident que des faits, comme parler une langue étrangère, s’exprimer avec urne voix autre que la sienne, voler dans les airs suggèrent la présence d’une puissance supra-naturelle. Mais, avant d’en arriver là, la jeune femme souffrit pendant près de deux ans de simples maux de tête, puis d’une névrose maniaco-dépressive. L’Evangile confirme que certaines maladies bien connues des médecins ont parfois une cause qui n’est pas naturelle. Il parle de démoniaques sourds et muets[201] que Jésus guérit par exorcisme, mais aussi de maladies analogues, que Jésus guérit sans qu’il soit fait mention du démon (l’aveugle de naissance, par exemple). Le monde des maladies psychologiques est situé dans le cerveau de l’homme, domaine où les esprits excellent. S’il est excessif et donc faux d’attribuer toute maladie psychologique au règne des démons, il n’est cependant pas exclu que certaines d’entre elles, semblables aux autres relèvent de l’exorciste surtout si l’on peut prouver qu’elles ont été précédées par des pratiques liées au spiritisme ou par la fréquentation d’un magicien.

            Certains tests permettent de se former une opinion déterminante: Connaissant la répulsion des démons pour tout ce qui relève de Dieu, les exorcistes guettent chez les malades venus les consulter certains signe comme la répulsion à entrer dans urne église, à toucher une bible ou un crucifix.

            Un homme, se prétendant possédé, vint consulter un exorciste de l’Eglise. Pour vérifier ses dires, le prêtre l’aspergea alors d’eau du robinet. L’homme dut penser qu’il s’agissait d’eau bénite, puisqu’il se mit à se tordre comme s’il était en proie à de grandes douleurs. La ficelle était trop grosse pour que le prêtre s’y laisse prendre. Le cas relevait davantage du psychologue que de son ministère. Lors d’une véritable possession, il est évident que le démon reconnaît un sacramental d’un objet profane.

            Qu’un malade réagisse en face des objets saints de l’Eglise ne prouve rien, mais invite à la prudence. Bien des gens sont allergiques à l’Eglise sans pour autant être possédés !

            Le grand Exorcisme se pratique toujours dans un climat de prière et de pénitence, sans cette parole de Jésus: "Certains démons ne partent que par la prière et le jeûne"[202].

            Des témoins sont admis, pour assister le prêtre de leur prière et de leur aide matérielle (Il faut parfois tenir le possédé). Bien qu’il ne fasse qu’utiliser la puissance de l’Eglise, l’exorciste doit être aussi homme de foi, pour ne pas mériter ce reproche de Jésus: Les disciples, s’approchant de Jésus, lui demandèrent: "Pourquoi n’avons-nous pu expulser le démon? Parce que vous avez peu de foi. Car, je vous le dis, en vérité, si vous aviez de la foi gros comme un grain de sénevé, vous diriez à cette montagne: Déplace toi d’ici à là, et elle se déplacera, et rien ne vous sera impossible"[203].

            S’il arrive parfois que le démon résiste au plus saint des exorcistes, ce ne peut être que par une permission de Dieu, qui en tirera un bien préférable. Dans le cas rapporté au début de ce chapitre, ce fut pour la femme victime du démon et pour son mari un retour définitif à la prière et à la pratique religieuse; Pour le sorcier, une occasion d’expérimenter le danger de la vengeance (puisqu’il subit à son tour les attaques du démon).

            Devant la multiplication des cas de possession, un commerce de pseudo-exorcistes s’est multiplié en France ces dernières années. Certains reportages télévisés nous ont même montré un homme, qui se donne le titre de "Pape des Lucifériens", exorciser une femme. Est-il possible que le démon chasse le démon?

            L’Evangile répond nettement à cette question: on accusait Jésus, chasser les démons par la puissance de Beelzeboul, le prince des démons. Celui-ci répondit à ses détracteurs: "Tout royaume divisé contre lui-même est dévasté, et maison sur maison s’écroule. Si donc Satan s’est lui aussi, divisé contre lui-même, comment son royaume se maintiendrait-il, puisque vous dites que c’est par Beelzeboul que j’expulse les démons"[204].

             Le démon ne peut donc chasser un autre démon, ce serait illogique. Pourtant, certains affirment avoir été soulagés du mal de possession dû à un sorcier par la puissance d’un autre sorcier plus fort que le premier. Ce cas est même si fréquent que certains préfèrent l’efficacité de tels hommes à celle des prêtres de l’Eglise.

            Il faut répondre que le départ du démon n’est alors qu’apparent. En acceptant de libérer le corps d’une personne, l’esprit du mal manifeste sa puissance et suscite l’admiration de celui qui en a bénéficié. Il ne perd donc rien au change: son influence, au lieu de rester limité au corps, peut alors s’étendre directement à l’intelligence subjuguée. Il obtient ainsi des facilites beaucoup plus grandes pour conduire la personne loin de Dieu et de son amour.

            Le démon agit de la même manière que certains hommes habiles, quand il veut séduire. Il n’hésite pas à faire croire qu’il libère d’un danger, alors que c’est eux-mêmes qui, en secret, ont suscité ce danger.

            Avant de conclure ce chapitre, une dernière remarque est nécessaire: comme l’ange mauvais, l’ange bon est capable de prendre possession d’un corps humain. La vie de certains saints est remplie ces faits. Saint Vincent Ferrier, par exemple, n’était qu’un petit homme terne et voûté. Mais, quand il devait prendre la parole, il était saisi par une force, qui le rendait puissant au point d’enthousiasmer les foules. Nous verrons dans le chapitre consacré aux charismes jusqu’où peut aller ce phénomène. Sainte Mariam Bonard après avoir dû subir l’épreuve d’une possession démoniaque, fut possédée par un ange de lumière, qui rendit son visage lumineux, et proféra par sa bouche des psaumes dignes du roi David. De telles possessions, comme tout ce qui relève de Dieu, ne se provoquent pas à volonté. Elles sont des dons gratuits, accordés pour le bien de toute l’Eglise à ceux qui, parfois, s’y attendent le moins.

            Conclusion: Par cette section, nous n’avons fait qu’approcher le monde des esprits. Bien d’autres phénomènes ont été décrits par les théologiens, et les récits dignes de foi ne manquent pas. L’histoire de l’Eglise n’est pas finie, et les prophéties bibliques ne manquent pas de nous mettre en garde contre une multiplication des phénomènes et des prodiges, qui précédèrent la fin du monde.

 

 

 

SECTION V: Les croyances modernes de l’Occident

 

CHAPITRE 1: Les OVNI

 

            Le phénomène des OVNI (objets volants non identifiés) se manifeste pour la première fois au cours de la seconde guerre mondiale, le 25 février 1942 entre 3 h 12 et 4 h 15: De mystérieux avions, capables de faire dû sur place, avant d’accélérer brusquement, ont été observés, et pris sous le feu de la 37e brigade antiaérienne, sur le territoire américain. Mille quatre cent trente obus furent tirés.

            Depuis ces débuts retentissants, le phénomène OVNI n’a plus cessé de défrayer la chronique. Le nombre des témoignages contenus dans des rapports de police ou d’armée est impressionnant. Une part non négligeable d’entre eux a été expliquée par le passage d’un satellite, la chute d’une météorite, d’un avion. Mais il demeure un grand nombre de cas à ce jour non identifiés. Les données des radars confirment parfois la vision de témoins oculaires.

            Ces OVNI sont des objets matériels (donc photographiables) capables de se déplacer avec des vitesses incroyables et des accélérations qui dépassent toute capacité du corps humain. L’hypothèse d’un engin piloté par un homme est donc exclue. Les mouvements des OVNI s’opposent à l’attraction terrestre, et obligent à conclure à l’existence d’une source d’énergie interne. Les OVNI apparaissent brutalement sur les écrans radars, et peuvent disparaître tout aussi vite, comme s’ils se dématérialisaient.

            Tous ces faits, confirmés par les témoignages, ne laissent aucun doute de l’existence d’un nouveau phénomène paranormal, inconnu des anciens, un phénomène moderne, qu’il est difficile de ranger a priori dans les oubliettes de la science. C’est pourquoi nombre de pays ont créé des organismes chargés de recueillir, les témoignages, les photos, les traces d’atterrissage.

            L’hypothèse la plus séduisante consiste à supposer qu’il s’agit d’un spatial habité. La question de l’existence d’un monde extra-terrestre est donc posée.

            Là s’arrête la connaissance officielle sur le phénomène.

            Que peut dire la Théologie catholique là dessus?

            Est-il révélé quelque part dans la Bible l’existence d’autres mondes habités? Non, une telle révélation n’existe pas explicitement. Par contre, il n’est pas non plus révélé la non existence de ces mondes. La question reste donc ouverte et, si l’on découvrait un jour une telle planète, les chrétiens auraient le devoir d’y annoncer la Bonne Nouvelle de ce que Dieu a fait pour eux !

            Les seuls extra-terrestres dont la Bible fait mention sont les anges. Mais ces créatures sont très différentes de nous, puisqu’elles n’ont pas de corps (donc pas de vaisseaux spatiaux). Au-delà de la science moderne, on constate qu’un certain nombre de mouvements religieux modernes approchent le phénomène OVNI. Le plus connu d’entre eux est le mouvement RAELIEN, du nom de son fondateur.

            Raël prétend avoir été enlevé dans sa jeunesse par un vaisseau extra-terrestre. Ses occupants, appelés les Elohim, lui auraient confié une mission pour l’humanité.

            Le message est simple: "Nous, les Elohim, avons façonné sur la Terre les animaux qui la peuple, avant d’y installer les hommes, génétiquement créés en laboratoire. Nous avons décidé d’apparaître en cette deuxième moitié du XXe siècle, à cause de l’invention de la bombe atomique. Cessez de produire des armes, aimez-vous les uns les autres ou vous courrez à votre destruction".             On aurait bien tort de se moquer trop vite de cette révélation, même si le caractère parfaitement vénal et lubrique de Raël apparaît sans équivoque, à travers les écuries de course automobiles qu'il s'offre avec l'argent de sa religion, à travers ses concubines de luxe. La simplicité du message, accompagnée de toute une élaboration théologique et scientifique, séduit aussi bien les petits que les savants. Les adeptes du mouvement raëlien sont issus de tous les peuples, et de toutes les religions, car il paraît les assurer toutes en une synthèse oecuménique parfaite.

            Le mot Elohim vient de la Bible. Il est même dans la première phrase de ce livre: "Au commencement les Elohim créèrent le ciel et la Terre". Pour les chrétiens, ce mot pluriel annonce le mystère de la Trinité, pas pour Raël.

            Ce sont encore les Elohim qui apparurent à Abraham au chêne de Mambré, à Moïse au Mont Sinaï, lui laissant les tables de la loi. L’histoire sainte tout entière est ainsi interprétée à la lumière des OVNI. Quant à Jésus, il est le fruit de l’union sexuelle entre une femme (Marie) et un extra-terrestre. Il est un demi-Dieu, à l’image de ceux de la Mythologie grecque, et ses pouvoirs miraculeux s’expliquent de cette manière. Avant lui, Bouddha fut illuminé par un enseignement venu de l’espace. Après lui, Mahomet reçut le Coran sous la dictée d’un extra-terrestre. Quant aux saints de tous les temps, ils ont simplement la chance de pouvoir entrer en contact télépathique avec les Elohim. Raël est le dernier d’entre eux. La révélation qu’il a reçue est la plus haute, puisqu’elle explique, pour la première fois, l’origine de toutes les religions, au-delà de leurs divisions.

             Est-il réellement en contact télépathique avec une entité intelligente? Raël est-il un habile fondateur de secte, qui a su utiliser le phénomène scientifico-religieux des OVNI. L’hypothèse est possible, du moins si l’on regarde la richesse de son train de vie.

                        Ce qui est certain, c’est qu’un chrétien ne doit pas adhérer à son mouvement (ni même, d’ailleurs un juif, un musulman ou tout homme qui croit en Dieu). Le message de Raël est un faux Evangile. Il y manque Dieu, le Dieu unique et Tout Puissant, créateur des anges et des hommes. Si des extra-terrestres s’affirment créateurs[205], ils s’élèvent au rang de Dieu, et la religion qu’ils fondent n’est autre que le polythéisme des Grecs ou des Romains, une sorte de paganisme moderne.

            Que les chrétiens ne se laissent pas séduire par la puissance du message, et par le fait qu’on y parle d’amour. Saint Paul nous met en garde: "Eh bien ! Si nous mêmes, si un ange venu du ciel vous annonçait un Evangile différent de celui que nous avons prêché, qu’il soit anathème ! Nous vous l’avons déjà dit, et aujourd’hui je le répète: si quelqu’un vous annonce un Evangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème"[206].

            Lorsque j’étais auprès du père Emmanuel, dans son ermitage des Alpes, je vins le voir pour lui demander ce qu’il pensait du phénomène d’OVNI. Il prit sa Bible, et me montra le texte que voici: "L’Esprit dit expressément que, dans les derniers temps, certains renieront la foi pour s’attacher à des esprits trompeurs et à des doctrines diaboliques, séduits par menteurs"[207].

            Puis, il me dit: "J’espère que c’est la fin des temps, et que je verrai le Christ revenir dans sa gloire".

            Cette parole est restée gravée dans ma mémoire. La multiplication des phénomènes paranormaux accompagnés de messages pseudo-religieux serait-elle la réalisation de ces prophéties de l’Ecriture? A-t-on affaire à des ultimes tentatives de l’ange rebelle, qui, sentant son temps compté, multiplie les démarches pour éloigner les hommes de leur Dieu, pour les replonger dans le paganisme ancien?

 

 

CHAPITRE 2: La Réincarnation

 

            Un chrétien sur deux croit en la Réincarnation. Cette doctrine, nouvelle en Occident, fut importée dans les milieux populaires par plusieurs voies convergentes: la pratique du spiritisme au XIXe siècle, la découverte des religions de l’Inde et de la Chine au XXe. Avant de regarder l’enseignement de Jésus sur ce problème, il nous faut rechercher s’il n’en existe pas des preuves paranormales. Le premier témoignage me vient de la bouche d’un religieux du Prieuré Notre-Dame de Rimont en Bourgogne. Son frère marié et père de deux enfants âgés respectivement de 3 et 5 ans, avait décidé d’emmener toute la famille aux U.S.A. Ils se promenaient dans les rues de New York, quand son fils cadet se précipita vers un passant en criant: "Papa, papa".

            L’homme parut bouleversé et invita toute la famille à venir dans son appartement. Ils apprirent alors qu’il était veuf depuis 3 ans, depuis que sa femme et son fils de 8 ans s’étaient tués dans un accident de la route. Quant à l’enfant de 3 ans, il restait accroché à l’homme qu’il continuait d’appeler papa. On décida donc de pousser plu loin. Parmi des photos de femmes, on mélangea une photo de l’épouse décédée. On présenta le tout à l’enfant, qui se jeta sur la photo en criant: "Maman, maman !".

            Le deuxième témoignage est tiré de la religion du Tibet, le bouddhisme tantrique. Quand le dalaï-lama se fait vieux, il réunit son conseil pour annoncer la proximité de sa mort. Il donne alors le nom du village où ils devront le rechercher, car c’est là qu’il a décidé de se réincarner.

            Deux ans après la mort de leur chef spirituel, les moines se rendent au village indiqué, et cherchent parmi les garçonnets âgés de deux ans celui qu’ils considéreront comme sa réincarnation.

            Pour le reconnaître, ils amènent avec eux différents objets ayant appartenu au défunt: son chapelet et son bol, sa tunique et ses sandales, et bien d’autres choses. Ces différents objets doivent être reconnus par l’enfant alors qu’ils sont mêlés à des dizaines d’autres. Une seule erreur est éliminatoire.

            C’est ainsi que fut désigné, à l’âge de deux ans l’actuel successeur des dalaï-lamas, prix Nobel de la Paix en 1989. A propos de sa nomination, il se souvient: "Si je ne peux pas affirmer avec certitude être la réincarnation de mon prédécesseur, je me souviens par contre qu’il n’est apparu plusieurs fois en rêve durant mon enfance".

            Ces deux témoignages sont saisissants. Certains n’hésitent pas à fonder sur de telles histoires leur foi en la réincarnation "Comment expliquer autrement, demandent-ils, l’existence de souvenir chez de tout jeunes enfants?".

            Plusieurs théories sont donc enseignées, selon qu’elles sont prises à l’Hindouisme ou au Bouddhisme. Aux yeux de l’Hindouisme, celui qui fait le mal dans sa vie réincarne dans quelque chose d’inférieur à ce qu’il était. C’est une loi inexorable du Karma. Selon cette conception, l’enfant handicapé n’est pas à plaindre, puisqu’il subit les conséquences de ce qu’il fait dans son existence antérieure. Aux yeux du Bouddhisme, chaque réincarnation ne peut aller que dans le sens du progrès, jusqu’à la perfection totale, qui vient faire cesser le cycle des renaissances.

            Mais dans les deux cas, elle est considérée comme un mal, qu’il faut s’efforcer de fuir, pour rejoindre la paix définitive.

            Certains chrétiens, sensibles à l’injustice de ce monde, où les méchants sont comblés de biens, adhèrent à la première solution, qui leur paraît rétablir la justice.

            D’autres, refusant l’existence de l’enfer éternel, pensent que Dieu laisse une chance à chacun de recommencer ce qu’il a raté. La deuxième solution leur paraît correspondre à la bonté de Dieu. Avant de rappeler l’enseignement de l’Eglise en ce domaine, il n’est pas vain de se demander si Dieu est capable, par sa puissance, de réaliser une réincarnation. La réponse est bien évidemment "oui": la Toute Puissance de Dieu ne saurait être mise en échec par n’importe quel miracle, du moment qu’il ne s’y présente pas une contradiction interne (par exemple, faire qu’un cercle soit en même temps un carré). La réincarnation ne présente pas de contradiction interne: Elle est simplement contre nature, ce qui signifie qu’elle ne pourrait se produire spontanément. Si elle se produisait, ce serait donc par miracle, et par un miracle plus grand que celui d’une résurrection. Il est, en effet, plus facile d’unir une âme à son propre corps (résurrection) que de l’unir à un autre corps (réincarnation). La réincarnation suppose de la part de Dieu l’octroi à l’âme d’un surcroît de vitalité, car elle n’est pas faite pour assumer un corps étranger.

            Malgré cela, malgré les semblants de preuves que nous avons décrits au début de ce chapitre, l’Eglise affirme, avec toute la force de son autorité, que la réincarnation n’existe pas. Son enseignement est clair: Il n’a jamais existé, et il n’existera jamais un seul cas de réincarnation, car Dieu a prévu quelque chose de bien plus grand pour ses enfants: la résurrection. Cet enseignement de l’Eglise présente même toutes les caractéristiques de l’infaillibilité. Un chrétien peut donc affirmer, appuyé sur la confiance en Jésus: "Je crois en la résurrection de la chair", "Je ne crois pas en réincarnation dans la chair".

 

Note:

            La réincarnation est une croyance nouvelle de l’occident. Elle ne s’est réellement introduite dans nos mentalités que depuis un siècle et demi. Certains soutiennent pourtant que l’Eglise des premiers siècles croyait en ce phénomène. Il faut remettre les choses au point: Le théologien Origéne est pratiquement le seul à avoir enseigné la métempsycose[208]. Il fut d’ailleurs très vite condamné pour cette doctrine par divers Conciles.

            D’autres personnes pensent qu’on peut trouver dans l’Evangile des traces d’une foi en la réincarnation. Le texte suivant est souvent cité: "Jean-Baptiste, c’est lui l’Elie qui doit venir"[209]. Jésus lui même prononce cette parole mystérieuse pour répondre à la question de ces disciples sur la nature de Jean Baptiste.

            On a déduit de ce passage que, si Jean-Baptiste est vraiment Elie revenu sur terre, c’est qu’Elie s’est réincarné. L’Eglise n’a jamais accepté une telle interprétation. Selon sa tradition la plus profonde, quand la Bible affirme que Jean-Baptiste est Elie revenu sur terre, elle veut signifier qu’il s’agit du retour de la "spiritualité" d’Elie. On appelle spiritualité la manière dont un homme ou une communauté vit sa foi. Jean-Baptiste a vraiment vécu de la spiritualité d’Elie puisque, comme lui, il a manifesté au monde avec puissance la présence de Dieu. En ce sens, on peut dire, qu’il est vraiment Elie revenu sur terre.

 

 

            La loi du Karma, issue de la théorie hindouiste (voir plus haut) a été explicitement rejetée par Jésus. Cela se passait à Jérusalem: "En passant, il vit un homme aveugle de naissance. Ses disciples lui demandèrent: "maître, qui a péché, lui ou ses parents pour qu’il soit aveugle?". Jésus répondit: "Ni lui, ni ses parents, mais c’est afin que soient manifestées en lui les oeuvres de Dieu".

            En Israël, à cette époque, deux théories tentaient d’expliquer la souffrance. Dans les deux cas, on essayait d’en excuser Dieu en montrant qu’il s’agissait toujours de l’effet d’un péché précédent. Certains pensaient que les péchés retombaient sur les enfants, selon le proverbe: "Les parents ont mangé des fruits verts, et les dents des enfants en ont été agacées". D’autres affirmaient, s’inspirant des théories grecques de Platon, que l’enfant s’était lui même mal conduit dans une autre vie, Jésus rejette ces deux théories. Selon lui, la souffrance qui atteint cet aveugle n’a pas d’autre cause que la fragilité de la matière. Mais toute souffrance de ce type peut servir à la gloire de Dieu en provoquant de l'humilité et, si elle est vécue par amour pour lui, de la communion des saints.

            Quant à la deuxième théorie, celle qui s’inspire du bouddhisme, elle semble être contredite par l’expérience. Comment affirmer qu’il existe un réel progrès moral de l’Humanité en ce XXe siècle, qui a fait, à lui seul, plus de morts par la guerre que toute l’histoire de l’humanité? Comment affirmer que nous sommes plus sages que nos ancêtres. L’argent, le plaisir et les honneurs demeurent plus que jamais les valeurs suprêmes du monde. La réincarnation ne semble avoir en rien fait progresser les choses. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant: comment Dieu pourrait il espérer un réel progrès en réincarnant les hommes, si ceux-ci ne gardent aucun souvenir de leurs erreurs passées? Il ne peut y avoir de progrès moral sans expérience. Ainsi, si Dieu, dans sa sagesse, avait voulu passer par cette méthode pour purifier ses créatures, il aurait maintenu intacte leur mémoire.             

            Certains objectent à cela qu’il est possible de remonter le cours de ses existences antérieures, par des méthodes relevant de l’hypnose ou du spiritisme. Il faut être clair: Ces deux méthodes n’ont aucune valeur scientifique et théologique: Celle qui utilise l’hypnose a donné trop de réincarnations de Napoléon Ier ou d’Alexandre le Grand pour être prise au sérieux. Elle ne fait que rendre conscients les vieux rêves qui sommeillent en nous. Quant à celle qui utilise le spiritisme (l’invocation des esprits supérieurs), si elle donne des résultats extraordinaires des récits de vies dont on peut vérifier l’authenticité, elle s’appuie pour cela sur des autorités douteuses et menteuses[210]. La réincarnation pose davantage de problèmes qu’elle n’en résout. Celui qui y croit se condamne à ne plus jamais revoir ceux qu’il a aimé dans une existence présente. Il devient une étincelle de vie neutre, dont la personnalité change de vie en vie.

            Comment expliquer, malgré cela, l’engouement des chrétiens pour cette doctrine? J’y vois malheureusement deux causes. La première me paraît la plus grave: C’est la perte générale du goût de Dieu. L’espérance des chrétiens n’est plus pour le ciel, mais pour la terre. Ils ont oublié la valeur sublime de la promesse de Jésus qui faisait vibrer d’espérance les premiers martyrs: "Dans la maison de mon père, il y a de nombreuses demeures. Je vais vous préparer une place, et je vous prendrai près de moi[211]". Les chrétiens n’aiment plus assez Dieu. Voir son visage ne suscite plus l’enthousiasme. Ils préfèrent donc revenir sur terre où la vie ne leur semble pas si mal.

            La deuxième cause est à mettre au compte des théologiens des universités de formation. A force d’affirmer qu’on ne sait pas exactement ce qui se passe après la mort, à force de réduire l’enseignement de l’Eglise et des saints à de simples opinions, ils ont laissé un vide que chaque fidèle essaie de combler par ses propres moyens. A forces d’affirmer qu’un chrétien est fait pour changer ce monde avant de penser au monde de l’au-delà, ils ont fait de la sagesse chrétienne une forme religieuse du combat social.

            Or, la sagesse chrétienne est plus que cela: Elle est la porte ouverte par Dieu sur le coeur même de son amour. Elle est un torrent qui jaillit en vie éternelle. Mère Térésa n’est-elle pas le modèle de l’action sociale? Ses soeurs sont débordées de travail, et malgré cela, elle a imposé dans leur règle une heure de prière silencieuse en plus. Elle a compris que la source de tout amour est en Dieu. Il est donc urgent que les prêtres parlent de nouveau de la mort et de ce qui la suit, qu’ils proclament la vraie nature du Jugement dernier, qu’ils annoncent partout que les disciples du Christ n’ont pas à craindre la réincarnation, parce que le Seigneur a inventé une forme beaucoup plus belle, beaucoup plus respectueuse du salut: "Nous serons jugés sur l’amour". Cette forme de salut rend inutile la réincarnation. Dieu est capable de réaliser un jugement parfaitement juste, au-delà des aléas du destin terrestre de chacun: "Bienheureux les assoiffés de justice, ils seront rassasiés".

            Qu’il s’agisse d’un nourrisson mort avant d’avoir grandi, d’une prostituée soumise à la honte à cause de la misère, d’un handicapé, d’un pauvre ou d’un riche, l’essentiel est cet acte d’amour au moment de la mort. Il suffit d’aimer[212]. Il suffit d’aimer pour recevoir de la part de Dieu une mesure bien pleine, bien tassée de bonheur, et d’un bonheur qui est inimaginable pour celui qui ne l’a pas vécu. Ce bonheur ne fera pas de jaloux, car il sera parfait pour chacun.

            Tout cela se terminera par la résurrection de la chair. Nous retrouverons notre propre corps, débarrassé de ses imperfections. Quant à ceux qui auront choisi la damnation, ils l’auront fait avec entière liberté. Nous nous réjouirons de la bonté de Dieu, de sa grandeur, qui laisse à sa créature le droit de le rejeter.

Autant donner ici en une fois l'explication du mal en théologie catholique, dans sa version la plus officielle.  Seulement, permettez que je la présente à la façon d'un "conte", car il s'agit bien de cela: une Histoire (sainte).

 

Après tout, puisqu'il s'agit d'une foi, indémontrable mais cohérente, il sera possible à chacun de s'en faire une idée.

D'abord il y a un commencement (L'ALPHA) qui explique une fin (L'OMEGA): L'alpha s'appelle: Trinité et l'OMEGA s'appelle, … Trinité…

 

Tout s'explique par un ALPHA, c'est à dire un principe de connaissance dont tout procède, c'est Dieu.

 

Il existe donc, depuis toujours, un Etre infini, parfait, qui en lui même se suffit. Il est si grandiose (= le Père) que, éternellement, la seule contemplation de son immensité (= le Verbe) et l'amour de lui même (= le Saint Esprit) le comble.

Or, cette vie intérieure, (c'est ce que révèle Jésus, le Verbe fait chair), PRESENTE DEUX QUALITES QU'IL NE PEUT PAS CHANGER. LA EST LA CLEF DE TOUT, y compris de la souffrance, vous le verrez:

Ces deux qualités sont:

1° "KÉNOSE" (anéantissent intérieur de soi): Le Père n'est qu'extase "VERS" le Fils et réciproquement: Ils se disent éternellement "C'est toi qui compte"

2° "AMOUR" (ça vous connaissez)

Cette théologie de la Trinité peut vous avoir parue complexe. Mais on peut dire la même chose en langage enfantin: le Dieu infini et tout puissant pourrait être comparé à "la plus pure, la plus virginale, la plus humble, et la plus désireuse de l'amour parmi les jeunes filles", à un point tel que Marie elle-même (une simple créature) ne peut que l'esquisser.

 

Or ce Dieu décide un jour de faire partager son bonheur. Il décide de créer de vraies personnes LIBRES qui, si elles le veulent, pourront l'épouser. Cela ne lui apportera rien, il est heureux. C'est de la pure gratuité.

 

Et c'est là que se trouve l'"OS", je veux dire "le problème".

 

Ils sont au nombre de trois, tous en rapport avec ce que je vous ai dit de la Trinité:

 

1° Dieu étant COMME "la plus pure, la plus virginale, la plus humble des jeunes filles", nul ne peut partager son bonheur sans "l'épouser par amour". C'est ce que veut dire saint Paul: "Le mariage est un grand sacrement, je veux dire l'union de notre âme avec Dieu". Ainsi, si une créature, quelle qu'elle soit, ne devient pas comme Dieu "TOUT HUMBLE ET TOUT AMOUR", elle ne peut épouser Dieu. C'est un fait. Nul ne pourra le changer. Lucifer, un ange, a eu beau contester en disant: "c'est idiot. On doit pouvoir voir Dieu qui est d'abord esprit PARCE QU'ON EST INTELLIGENT, et non à la mesure d'un stupide motif d'humilité et d'amour", Dieu ne peut se changer. Toute proportion gardée, épouser Dieu sans ces qualités (cœur humble et amour), c'est comme épouser "la plus pure, la plus virginale, la plus humble des jeunes filles" pour le seul motif du plaisir sexuel ou de son argent. Cela s'appelle un viol.

 

2° Dieu ayant créé l'homme et les anges pour ce bonheur et ce bonheur étant … LUI, il est évident qu'il a mis dans le coeur de l'homme en le créant, un "creux" une capacité essentielle pour Lui, donc pour "l'infini". Ainsi, puisqu'il faut avant de voir Dieu face à face, le choisir en toute humilité et amour, il y aura nécessairement un temps où une première SOUFFRANCE est créée par Dieu, en même temps que l'homme et les anges: Il s'agit d'un "feu" de l'âme, que la psychologie appelle "ANGOISSE" et qui est ce manque de Dieu tant que nous ne voyons pas Dieu. Vous l'expérimentez tous, cette espèce de "PEUR SANS OBJET" qui vous prend… alors que tout va bien… C'est elle.

 

3° Puisque ce choix doit se faire librement, il est évident que certains pourront dire, au moment où ce choix leur sera présenté EN TOUTE LUCIDITE ET LIBERTE: "Ridicule". Ainsi, en créant des personnes libres de choisir un jour, Dieu a créé la possibilité de refuser ce mariage. Or, en créant des créatures faites pour lui et capables de mépriser ce mariage, Dieu a créé… l'enfer. L'enfer, ce n'est pas un lieu de tortures préparées par un sadique. C'est le même lieu physique que le paradis éternel, (le même jardin nouveau, les même merveilles) données à des personnes qui, faites pour épouser Dieu, le refusent librement et se trouvent avec une nature coupée de ce pour quoi elle fut créée (l'angoisse devient leur vie et leur vie librement choisie).

Lorsque Dieu créa le premier homme et la première femme, Adam et Eve, ceux qui devaient enfanter tous les autres, il les mit sur terre en leur expliquant TOUT CELA. Il fit donc d'Adam et Eve des SAGES (mais ils ne connaissaient rien aux SCIENCES ET TECHNIQUES). Il leur dit: "Mettez en premier dans vos vies HUMILITE ET AMOUR. Faites des enfants, élevez les. Je ne vous quitte pas. Je marche à côté de vous. Mais bientôt, je viendrai vous épouser pour l'éternité."

Vous connaissez la suite de l'histoire: Adam et Eve dirent NON, en toute lucidité et malgré cet avertissement de Dieu: "Mais attention, si vous mettez une autre valeur dans vos vies que celles que je vous indique, alors je me cacherai et toutes les souffrances tomberont sur vous."

Alors Dieu commença par se cacher. C'est bien Dieu qui donna ordre aux anges de retirer leur protection visible. C'est bien Dieu qui nous laissa dans le froid, comme ABANDONNES. En réalité, les anges étaient bien là, EFFICACES PLUS QUE JAMAIS, distribuant joies et souffrances, laissant agir les lois de ce monde, à un point qu'on ne soupçonne même pas. En fait, le raz de marée qui tue des centaines de milliers de personnes est l'image de notre destin à tous: TOUS SANS EXCEPTION, NOUS SOMMES COMME ABANDONNES, LIVRES A NOS PULSIONS, A L'IGNORANCE, puis NOUS ALLONS ÊTRE ÔTÉS DE CE MONDE, SANS MERCI, AU MOMENT QUE NOUS N'ATTENDONS PAS.

 

Pour mieux comprendre ce fait, cette souffrance, il faut expliquer maintenant L'OMEGA, c'est-à-dire ce qui se passe A L'HEURE DE LA MORT.

 

Lisons maintenant la toile par son endroit. Lorsque au terme de leur errance, le corps usé, l'âme angoissée, Adam et Eve (et nous-mêmes à leur suite) moururent, ils avaient probablement tout oublié du Dieu tendre qui jadis marchait dans le jardin. Ils se croyaient maudits pour toujours, à cause de leur péché.

 

Tant de souffrances, de fait, les avaient RENDUES HUMBLES et ils ne s'en rendaient même pas compte. Finies les histoires du style: "Nous serons comme des Dieux". Ils moururent donc et parurent de l'autre côté "A GENOUX". Et l'ange de Dieu leur apparut (aujourd'hui, c'est le Christ qui vient à l'heure de la mort). Il les releva et leur dit: "Parce que vous avez péché, vous avez SOUFFERT. Parce que vous avez SOUFFFERT, vous avez découvert votre faiblesse. Parce que vous étiez FAIBLES, vous avez découvert votre INDIGNITE. Et ainsi, vous êtes arrivés DISPOSES AU REPENTIR. Maintenant, regardez ce que Dieu vous propose."

Et l'ange leur montra par sa lumière une image de la Trinité, "la plus pure, la plus virginale, la plus humble, et la plus désireuse de l'amour parmi les jeunes filles"… et du mariage d'amour qu'elle souhaitait.

 

Il est possible maintenant de comprendre le sens de la souffrance et l'impossibilité de l'effacement de ses fruuts conscient par une hypothétique réincarnation. Jésus disait: "Je vous le dis, oui ils ont beaucoup péché. Et parce qu'ils ont beaucoup été pardonnés, ils ont beaucoup aimé." Reprenez l'ALPHA raconté tout à l'heure, la fameuse histoire de "Nul ne peut voir et épouser Dieu s'il ne devient pas comme Dieu TOUT HUMBLE ET TOUT AMOUR". Il est possible de comparer le degré d'humilité et d'amour atteints par Adam et Eve après le péché originel et ce passage par la souffrance à celui qu'ils auraient atteint sans. C'est évident et l'Eglise s'est mise à dire: "Bienheureuse faute qui nous a valu un tel salut".

Il est évident, à la lumière de ce récit, que si un homme décédé n'est pas tout-à-fait humble et amour pour entrer au paradis, Dieu ne va pas le faire progresser en lui effaçant ses souvenir et en le replongeant sur la terre, lui faisant perdre du même coup tout ce qui est au cœur de son projet sur nous: ses relations personnelles (parents, enfants, conjoints, communion des saints). Il est évident que, s'il doit y avoir purification, cela se fera pour une personne maîtresse de ses souvenir, repentante de ses péchés passés. C'est ce que l'Eglise appelle le PURGATOIRE.

Conclusion: La réincarnation est contradictoire avec le cœur de la théologie catholique puisqu'elle croit à LA PERSONNE HUMAINE. Mais, l'Eglise croit en une nécessaire purification qu'elle sait se réaliser, après le premier purgatoire de la terre, à travers d'autres étapes qui accompagnent ou suivent la mort, jusqu'à ce que, devenue totalement pauvre (humble) et aimante, elle voit Dieu face à face en compagnie des saints et des anges.

 

 

Que penser maintenant des deux témoignages rapportés au début de ce chapitre. Comment expliquer l’existence de souvenirs chez les enfants, chez le Dalaï-Lama lui même? Au plan purement philosophique, la réincarnation demeure une hypothèse possible, mais elle n’est pas la seule. La philosophie chinoise permet d’établir d’autres tout aussi valables. Quand elle parle de l’existence d’un corps astral, sorte de charge énergétique où sont condensés les souvenirs d’une personne, quand elle affirme la possibilité d’une survie momentanée de ce corps astral[213] après la mort, elle ouvre la porte à la possibilité d’une contamination avec le psychisme d’un nouveau né. Rien n’empêche qu’à sa naissance, un enfant reçoive inconsciemment, et par contamination les souvenirs d’un être qui meurt au même moment. Il n’y aurait pas lors à parler de réincarnation, mais de récupération par l’enfant d’un moi psychique qui n’est pas le sien (et qu’il oublie d’ailleurs assez vite).

            Quant au Dalaï-Lama, la religion dont il est le chef semble trop belle pour ne pas recevoir l’aide de Dieu et de ses anges. Dieu ne réserve pas ses interventions à l’Eglise, mais à tout mouvement religieux, qui peut réaliser du bien dans le coeur des hommes.

            Pour étayer la croyance en la réincarnation, certaines personnes mettent en avant l’expérience commune à beaucoup, d’avoir connu un lieu où l’on passe pour la première fois, d’avoir déjà vécu une scène. Une telle expérience peut trouver des explications naturelles. Certains psychologues ont montré qu’il peut arriver, lorsqu’on passe dans un lieu, que l’on perçoive les choses extérieures à que la conscience ne les ait saisies. Le court décollage entre ces deux perceptions, dont la première est inconsciente, peut expliquer un phénomène de "déjà vu".

Dans d’autres cas, on peut avoir affaire à un véritable rêve prémonitoire[214], dont le souvenir demeure au fond de la mémoire, et qui resurgit avec toute sa netteté au moment où la scène se déroule devant les yeux. Ce phénomène manifeste alors encore l'action et la présence des anges.

 

SECTION VI: LE DOIGT DE DIEU EST LA

 

            "Dieu dit à Moïse: Dis à Aaron: Etends ton bâton frappe la poussière du sol, et elle se changera en moustiques dans tout le pays d’Egypte. Aaron étendit la main avec son bâton, et frappa la poussière du sol, et il y eut des moustiques dans tout le pays d’Egypte". Les magiciens d’Egypte avec leurs sortilèges firent la même chose, pour faire sortir les moustiques, mais ils ne le purent. Les magiciens dirent à Pharaon: "C’est le doigt de Dieu" (Exode).

            Ce chapitre n’ajoute sans doute rien de nouveau à ce qui a été dit jusqu’ici. Il est cependant important de rappeler à tous ceux qui croient en Dieu les domaines où ils peuvent être certains de la présence de son action. Devant la multiplication des pseudo-prophètes et faiseurs de miracles, qui fondent ici et là leurs Eglises personnelles, un discernement est indispensable. L’Eglise catholique, à chaque fois qu’on lui demande de reconnaître une apparition, demande à Dieu de lui donner un de ces signes dont il a l’habitude de marquer ses messages. La signature de Dieu peut être singée par la technique humaine ou par le démon, mais elle ne peut jamais être imitée.

 

CHAPITRE 1: La conversion du cœur.

 

            Saint Augustin, contemplant la multitude des oeuvres de Dieu, cria: "C’est un plus grand ouvrage de faire d’un impie un juste que créer le ciel et la terre"[215].

            La conversion d’un coeur est la première de ces oeuvres qu’aucune autre que Dieu ne peut accomplir, de même que personne d’autre que ne peut créer à partir de rien. Il ne s’agit pas ici de n’importe quelle conversion, celle, par exemple, qui ramène un ami infidèle à son ami. Il s’agit d’une conversion très particulière, d’un niveau qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer sur terre. Il s’agit de cette conversion mystérieuse, surnaturelle, qui fait que, soudain, Dieu est là.

            Dieu présent, Dieu visible, Dieu aimé, voici le fruit extraordinaire de cette conversion là.

            Il s’agit d’une expérience mystique (c’est-à-dire mystérieuse): Elle ne peut-être comprise que par celui qui l’a vécue. Une fois vécue, elle ne peut être décrite que par des mots qui la trahissent. Bien des hommes s’y sont pourtant essayés. Saint Jean de la Croix s’est écrié: "C’est une vive flamme d’amour". Sainte Thérèse lui répondit: "C’est comme un torrent d’eaux vives, qui jaillit en éternité". Un pauvre paysan confiait au Curé d’Ars: "Je l’avise, et il me parle". C’est sans doute ce petit paysan, mort et oublié depuis longtemps, que nous devons la plus belle description de cette mer veille. En effet, au-delà du feu qui remplit le cœur de celui qui la vit, tant l’amour est intense, au-delà de l’eau qui jaillit, tant la joie et la paix qui l’accompagnent sont uniques.

            Le feu, l’eau, l’amour, la paix, ne sont que des effets, quelques uns de ces nombreux effets de l’unique cause: la présence de Dieu.

            Celui qui, une seule fois, a eu le privilège de goûter cette Présence, ne l’oublie jamais. Le temps aura beau passer avec son usure, les péchés auront beau s’accumuler, et en rendre lointain le souvenir, il restera toujours, quelque part au fond de l’âme, une nostalgie du Bonheur unique touché un jour.

            Celui qui, ayant compris du premier coup la valeur de ce don s’efforce de lui rester fidèle, a la surprise de voir sa soif de Dieu augmenter, s’enfler au fur et à mesure qu’il s’approche de lui, au point de mettre son coeur en flammes, de lui donner envie du Ciel. Cet amour est irrésistible: il rend ivre, comme un vin nouveau et intarissable, et dont on ne se lasse jamais. C’est lui qui donne aux convertis l’envie de prier sans cesse, de faire de leur vie une messe, tant ils ont soif de recevoir le Seigneur; C’est lui qui précipite vers les monastères, comme par un appel, une vocation irrésistible; C’est lui qui anime les apôtres, les prosélytes, qui voudraient tant lui faire partager: "Je suis venu allumer un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il brûle déjà"[216]; C’est lui qui fait aimer ses amis et même ses ennemis comme des frères, au point de susciter des Mère Térésa, des Vincent de Paul.

            Cette expérience est à la base de toute vie surnaturelle. Elle est parfois violente, à la manière de saint Paul, parfois douce et paisible, à la manière de la plupart. Mais elle est toujours là. Sans elle, on peut être chrétien par tradition familiale ou politique, par peur de la mort ou par raisonnement intellectuel (à la manière de Blaise Pascal dans son pari), mais on n’est pas chrétien par la foi.

            Or, une telle conversion est nécessairement un don de Dieu. Nul ne peut la provoquer à volonté, tant Dieu est inaccessible. Elle constitue le plus grand des phénomènes paranormaux, tant par sa hauteur que par ses effets sur la vie entière. Il est aussi impensable pour un homme d’imaginer la simple possibilité de cette présence de Dieu, qu’à un aveugle de naissance de représenter un lever de soleil.

            Ce qui est à la fois merveilleux et terrible, c’est que dieu la donne à qui la désire, dès qu’il trouve un cœur de bonne volonté qui appelle. C’est merveilleux, car la porte de la vie surnaturelle est ainsi ouverte à tout le monde. Nul n’est exclu des trésors innombrables dont elle n’est que les prémices. Cela peut aussi être terrible, quand l’âme, ainsi touchée par Dieu, ne trouve pas un "bon berger" pour l’aider à aller plus loin sur le chemin ainsi ouvert, si elle ne trouve pas un prêtre ou un chrétien expérimenté pour la guider.

            Bien des hommes se sont pour cette raison perdus dans l’illuminisme, ont été happés par des sectes.

            L’expérience religieuse, qui est à la base de la conversion peut donc être donnée à tout le monde. Elle ne nécessite aucun entraînement, aucun exercice spirituel. Elle est un pur don de Dieu, comme la foi, qui est son premier effet: Celui qui a touché la présence de Dieu est prêt, dans la mesure de l’intensité de cette expérience, à croire tout ce que Dieu lui enseigne. Il croit non seulement parce qu’il sait, dès ce premier moment que Dieu existe réellement, mais aussi parce qu’il sent que Dieu est bon et ne peut le tromper.

            Il ne tient qu’à lui de marcher sur la voie ainsi ouverte, la voie d’un amour unique qui a conduit bien des hommes et des femmes là où ils n’auraient jamais pensé aller: la sainteté[217].          Laissons parler un instant l’un des plus grands saints, des plus grands apôtres de la vie surnaturelle. Saint Séraphim de Sarov disait: "Tu cherches quel est le but de la vie chrétienne. Tu as demandé et on t’a répondu d’aller à l’Eglise, de prier, de vivre selon les commandements de Dieu, de faire le bien. Tel, disait-on était le but de la vie chrétienne. Et bien, moi, je te dis: la prière, le jeûne, les veilles, et autres activités chrétiennes, ne sont que des moyens. Le vrai but de la vie chrétienne consiste en l’ACQUISITION DU SAINT-ESPRIT DE DIEU"[218].

 

CHAPITRE 2: les Charismes

 

            Saint Paul, dans la première épître aux Corinthiens, signale l’existence de dons d’origine divine: "L’un reçoit de l’Esprit le don de parler avec sagesse, l’autre don de parler avec science selon le même Esprit; Celui-ci reçoit dans le même Esprit la foi, celui là la grâce de guérir les malades; Un autre don d’opérer des miracles; Un autre encore la prophétie; Un autre le discernement des esprits; Un autre les langues; Un autre enfin l’interprétation des discours en langues"[219].

            Nous avons vu tout au long de cet ouvrage combien il était difficile d’attribuer à Dieu tous les miracles, toutes les guérisons des malades, toutes les prophéties. Quant au don de parler avec sagesse ou avec science, chacun sait que cela peut être un simple effet des études accomplies, accompagnées en un sens de l’allocution qu’on peut entraîner en pratiquant la rhétorique. Il existe donc des charismes humains qui ne sont pas reçus de l’Esprit, mais de la nature ou des anges bons et mauvais. Les charismes naturels peuvent être développés par entraînement. Les charismes sataniques peuvent être obtenus par invocation d’esprits.

           

            Mais ce qui caractérise les charismes donnés par Dieu, ce qui permet de les distinguer avec certitude de tout autre, c’est leur effet: eux seuls convertissent les cœurs. J’ai montré au chapitre précédent qu’une conversion du cœur, au sens chrétien du terme, se fonde sur une expérience mystérieuse de la présence de Dieu. Nul autre que Dieu ne peut donc provoquer un tel miracle.

            Ainsi, si l’on peut constater qu’après un discours prononcé en chaire, une partie de l’Assemblée s’est retrouvée élevée vers Dieu au point de vivre cette expérience, on pourra sans hésiter parler d’un véritable charisme du prédicateur. Un tel charisme ne se possède pas, Dieu le donne quand il le veut. Les prêtres le savent bien: Le plus génial des orateurs aura beau mettre tout son talent pour enthousiasmer les foules en parlant de Dieu, si l’Esprit Saint ne vient pas, ses paroles n’auront pas plus d’effet qu’une splendide pièce de théâtre. L’Esprit Saint peut au contraire venir, alors que l’orateur ne prononce que des mots ternes et sans consistance. Un tel charisme des discours fut expérimenté par un prêtre qui me le rapporta: il venait de terminer un long sermon. Le public semblait dormir. Il fit son signe de croix, et dit dans le micro, à l’adresse de l’organiste qui se trompait: "Il faut tourner la page". A la fin de la messe, une personne en larmes vint le voir, lui disant qu’il avait converti son coeur. Flatté, il lui demanda quelle partie de son sermon avait eu un tel effet. Elle lui répondit: "Quand vous avez dit qu’il fallait tourner la page, j’ai compris la vanité de ma vie".

            Certains prétendent qu’on peut entretenir les charismes. S’ils avaient vraiment compris ce qu’ils sont, ils ne parleraient pas ainsi. Il est malheureusement facile de confondre ses dons naturels avec dons gratuits de Dieu.

            Un magnétiseur de campagne, par exemple, dans la mesure où il fait qu’utiliser son énergie naturelle pour aider à la guérison d’un malade n’exerce pas un charisme, mais une simple propriété de la nature humaine.

            Son action est bien différente de celle de ces paysans tout simples, pleins de foi en Dieu, qui se transmettent de génération en génération une prière qui guérit telle ou telle maladie. Je me souviens avoir rencontré un de ces braves hommes. On venait le voir des alentours pour se faire guérir de toutes les brûlures, quel que soit leur degré. Il se contentait de tracer sur la plaie une croix en prononçant le nom de Jésus. L’effet était immédiat. Il s’agit bien là d’un charisme dans ce qu’il a de plus pur, l’un de ces charismes chrétiens donnés par Jésus en récompense de la foi. De la même manière, les rois de France recevaient de Dieu le pouvoir de guérir certaines maladies par le signe de la croix.

            Le saint le plus charismatique est sans aucun doute Saint Vincent Ferrier[220]. Les faits qui illustrent sa vie sont si extraordinaires qu’ils sont à peine croyables, même pour un chrétien habitué aux phénomènes paranormaux. Pourtant, les témoignages de l’époque sont absolument crédibles. Ce petit dominicain, d’abord professeur de Théologie, fut appelé pour évangéliser l’Europe. Il demanda au pape la permission de prêcher partout, et partit, simplement accompagné d’un âne, qui portait sa Somme théologique, sa Bible, et une cloche pour attirer les foules. Son unique désir était de convertir les cœurs: l’Eglise l’avait confirmé dans cette vocation. Il reçut donc de Dieu les charismes. Mais il les reçut au point de pouvoir éclairer toute Théologie: pour instruire les autres des vérités divines, qui dépassent toute démonstration, mais requièrent la foi, trois conditions sont requises, affirme Saint Thomas[221]. L’apôtre doit posséder une connaissance complète de ces vérités divines, afin d’être capable de les enseigner. Il doit donc être un chrétien et un théologien. Etre chrétien c’est aimer Dieu et ses frères plus que soi-même. Saint Vincent Ferrier était brûlé de ce feu divin.

            Etre théologien n’est pas non plus un charisme divin, mais le fruit de longues études. Saint Vincent commença sa vie de prêtre par enseigner cette discipline.

 

On le décrit comme un scolastique doué, mais peu différant des autres professeurs de son époque. Il ne brillait donc pas particulièrement en tant qu’homme, ce qui ne fait que confirmer l’origine supra-naturelle des dons qui éclatèrent en lui dès qu’il devint apôtre. Nous trouvons en lui, à partir de cette seconde époque de sa vie, une des plus belles illustrations de la théologie chrétienne des charismes. Pour convertir les cœurs, il reçut en premier lieu le charisme de la foi. Il ne s’agit pas de cette foi intérieure, qui fixe l’intelligence dans une confiance totale en Dieu. Cette vertu théologale est commune à tous les croyants, qu’ils soient juifs, chrétiens ou musulmans. Il s’agit là d’une foi qui transparaît à l’extérieur au point de provoquer l’étonnement des auditeurs. Quand Saint Vincent passait dans la campagne, la plus profonde impression qu’il laissait était celle de sa totale foi en Dieu, sa confiance absolue, au point qu’il donnait envie de croire avec lui en tout ce qu’il croyait. Ce charisme aurait presque suffit à convertir les foules, tant il saisissait les coeurs.

            Mais Dieu ne s’arrêta pas là, il lui donna aussi le charisme des discours dont parle Saint Paul.     Cet homme terne et voûté semblait saisi par une force venue d’ailleurs, à l’instant même où il montait en chaire pou parler. Sa parole s’élevait, claire comme une eau vive. Son élocution demeurait surhumaine, incomparable avec tout ce que peu donner l’art oratoire humain. Les gens tombaient à genoux dès les premiers mots, touchés au cœur par les flèches de Dieu. En théologie chrétienne, la meilleure explication de ce charisme semble être la coopération entre cet homme étonnant, les anges et Dieu. L’homme s’abandonnait à Dieu dans une confiance totale, pour qu’Il parle à travers lui; l’ange venait alors prendre possession de ses facultés, inspirant le discours de ce qu’il prononçait, parlant quasiment à travers sa bouche; Dieu, enfin, couronnait tout cela de sa puissance rédemptrice, retournant les cœurs vers lui, par la manifestation intime, brûlante ou douce, de sa présence.

            En Saint Vincent Ferrier, le charisme des discours se disait en plusieurs espèces: Il pouvait prononcer des paroles de sagesse, c’est-à-dire des paroles capables d’exprimer les plus grands mystères de Dieu; ceux qui entendaient étaient saisis du désir de contempler la Sainte Trinité, l’éternel mystère du Père qui engendre le Fils par le Saint-Esprit. La contemplation paraissait simple sur ses lèvres. La mystique ne semblait plus réservée à quelques religieuses isolées de leurs couvents.

            Il pouvait aussi prononcer des discours de science: aucun des problèmes de la Théologie ne lui échappait, et il savait les illustrer par des exemples pris dans l’univers entier. Dans sa bouche, les abeilles parlaient de Dieu, les oiseaux devenaient témoins de la vie chrétienne. La science chrétienne n’avait plus de secrets pour ses auditeurs.

            Ces trois charismes (la foi, les discours de sagesse et les discours de science) suffisaient à ramener vers Dieu et l’Eglise la masse des foules chrétiennes des campagnes européennes. La tiédeur ne pouvait résister à ce feu de Dieu. Mais, quand il s’agissait de toucher le coeur des hommes sincèrement croyants d’autres religions, en particulier des musulmans d’Espagne ou des juifs, il fallait bien d’autres armes. Il fallait, en effet, confirmer pour eux l’origine divine de ses paroles. Saint Thomas montre que les données de la foi ne peuvent être confirmées par des preuves rationnelles. Nul ne peut prouver philosophiquement que Jésus est réellement présent dans l’eucharistie. Seul Dieu peut le faire en donnant un signe que lui seul peut accomplir[222]. C’est le charisme des miracles. Ils se divisent en quatre espèces: soit que les causes aboutissent au soulagement du corps, et l’on parlera du charisme de guérisons; Soit qu’elles tendent uniquement à montrer la puissance divine lorsque, par exemple le soleil s’arrête ou s’obscurcit, que la mer se divise, et on a le pouvoir d’opérer des prodiges. Ou bien, ce docteur est en mesure de révéler ce qu’il n’appartient de connaître, comme les futurs contingents et l’on a la prophétie ou encore les secrets des consciences et l’on a le discernement des esprits[223].

            Saint Vincent Ferrier, assoiffé de révéler Jésus-Christ aux juifs et aux musulmans de toute la terre, accomplissait des miracles inimaginables. Il ne se contentait pas de guérir, il ressuscitait. Il refit, par exemple, le grand miracle de Saint Nicolas. Il était depuis quelque temps en Bretagne, quand un homme vint le voir, pour lui parler de sa femme qu’il trouvait de plus en plus violente et inquiétante: le saint lui conseilla de l’aimer et de multiplier les délicatesses envers elle. Quelques jours plus tard, l’homme revint, et lui demanda de venir avec lui à la maison: Depuis deux jours sa femme était encore plus bizarre que d’habitude, depuis que leur enfant avait disparu. Le saint le suivit donc, entra dans la maison, vit la femme, et s’écria: "Malheureuse, qu’as-tu fait?". Puis, il se dirigea vers le saloir, où il trouva le corps de l’enfant, découpé par la main criminelle de sa mère. Devant la douleur du pauvre homme, qui était resté stupéfié d’horreur, il fit sortir tout le monde et resta seul avec le corps de l’enfant. Des gens s’étaient réunis devant la maison. Quelques minutes plus tard, Vincent Ferrier sortit. Il tenait par la main l’enfant, qu’il avait tout simplement ressuscité. Une autre fois, il avait réuni dans une église une foule qui l’écoutait prêcher. Une femme juive ne cessait de lancer des remarques ironiques à propos de ses paroles. Elle finit par se lever, et se dirigea vers la sortie. Le saint la vit, traça un signe de croix vers elle. Aussitôt, le porche de l’église s’écroula sur elle, la tuant sur le coup, à la grande stupeur de la foule. Les gens le vit alors descendre de chaire. Aidés par des hommes, ils dégagèrent le corps de la femme. Le saint fit un nouveau signe de croix, et elle se releva aussitôt.

            "Crois tu, maintenant? lui demanda-t il.

            Oui, je crois".

            Tous les juifs présents, et bien d’autres, se convertirent aussitôt, et demandèrent le baptême.      Les prophéties de Saint Vincent Ferrier sont nombreuses et précises. Il vit et annonça le retour du Christ pour "bientôt", à manière de Saint Jean. Il annonça la venue d’un autre grand prophète Louis-Marie Grignon, semblable à lui, que certains croient être convertisseur de la Vendée et de la Bretagne.

            Saint Thomas montre enfin la nécessité pour l’apôtre de céder un dernier charisme qui lui permette de s’exprimer dans langue de ceux à qui il parle. C’est le don des langues, dont parle Saint Paul. Il est d’autre part nécessaire de saisir le sens de paroles qui sont dites, et c’est l’interprétation des discours. Saint Vincent Ferrier outre le latin, ne connaissait qu’une langue, un vieux patois de son pays, et il s’exprimait toujours dans ce dialecte. Or, de l’Allemagne à l’Espagne, chacun le comprenait. Ses paroles étaient miraculeusement traduites dans la langue de ses auditeurs, de la même manière qu’au jour de la Pentecôte pour Saint Pierre[224]. Les témoignages confirment ces derniers prodiges sont innombrables, autant que les foules qu’il évangélisa. Depuis Saint Vincent, aucun homme dans l’Eglise ne posséda avec autant de plénitude les charismes donnés par Dieu pour convertir les cœurs. De nos jours, certains chrétiens s’efforcent de redécouvrir ces multiples dons de Dieu. Les communautés charismatiques les reçoivent en profusion, de la même manière que les premiers chrétiens. Elles sont devenues de ce fait, aujourd’hui dans l’Eglise les porte-drapeaux de la nouvelle évangélisation.

           

Faut-il demander les charismes?

            Cette question est de la plus haute importance pour celui qui veut vivre en disciple de Jésus. Un vrai chrétien est un homme qui aime. Il aime d’abord Dieu, de tout son cœur, de toute son âme, et de toute sa force. Il l’aime plus que sa propre vie, et ne désire qu’une chose: être auprès de lui. Mais pour que l’Esprit Saint de Dieu vienne, il doit trouver un cœur doux et humble. Dieu ne vient jamais dans un cœur orgueilleux. Comment un chrétien pourrait-il avoir l’imprudence des demander pour lui des charismes? Ces dons merveilleux, rappelons le, transforment un homme en un apôtre de Dieu, ils l’exaltent et le rendent célèbre. La célébrité, la gloire ne coexistent que très rarement avec l’humilité. Il serait bien présomptueux de la part de celui qui aime dieu de se croire suffisamment humble au point de demander les charismes et de mettre en danger de cette manière son lien avec Dieu.

            Mais un chrétien est aussi un homme qui aime son prochain comme lui-même. Il désire pour ses frères non seulement les liens du corps, mais avant tout ceux de l’âme et en particulier le plus grand d’entre eux: Jésus. Il voudrait que tout homme connaisse la bonne nouvelle du salut. Or, pour convertir les cœurs, il faut des apôtres, et pour faire des apôtres, il faut les charismes donnés par Dieu.

            S’il est donc imprudent et présomptueux de demander pour soi les charismes, il est indispensable de les demander pour l’Eglise, de les demander pour les prêtres, pour les diacres qui ont le devoir de prêcher, de les demander pour les catéchistes et pour chaque chrétien que Jésus appelle à devenir apôtre. Si Dieu suscitait dans le monde d’aujourd’hui un seul de ces grands apôtres, comme Saint Paul, Saint Vincent Ferrier, Saint François Xavier, le monde entier convertirait son cœur à l’amour.

            Les charismes étant donnés pour le bien de l’Eglise, et non pour manifester la sainteté d’une personne, ils peuvent très bien être octroyés à des hommes qui ne sont pas saints. Ils peuvent être donnés à n’importe qui s’efforce de parler de Jésus. L’Evangile rapporte le scandale des disciples de Jésus devant cette magnanimité de Dieu: "Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons en ton nom, quelqu’un qui ne nous suit pas, et nous voulions l’empêcher, parce qu’il ne nous suivait pas. Mais Jésus dit: "Ne l’en empêchez pas, il n’est personne qui puisse faire un miracle en invoquant mon nom et sitôt après parler mal de moi. Qui n’est pas contre nous est pour nous[225]".

            Il peut arriver que des hommes parlent de Jésus, non par amour mais pour leur propre gloire, et pour d’autres motifs encore moins nobles. Certains prêchèrent ainsi, pour se venger de Saint Paul, espérant lui attirer des ennuis en parlant en son nom. Même à ces hommes là, Dieu peut donner des charismes pour le bien de son Eglise. Le charisme n’a donc rien à voir avec la sainteté, et c’est si vrai que Jésus l’exprime lui même dans ce célèbre passage de l’Evangile: "Ce n’est pas en disant: Seigneur, Seigneur, qu’on entrera dans le royaume de Dieu mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup diront en ces jours là: Seigneur, Seigneur n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé? En ton nom que nous avons chassé les démons? En ton nom que nous avons fait bien des miracles? Alors, je leur dirai en face: Jamais je ne vous ai connus. Ecartez vous de moi, vous qui commettez l’iniquité[226]".

            O Marie, conçue sans péché, envoie ces apôtres des derniers temps que tu as promis[227]. Qu’ils enflamment le monde grâce aux charismes divins. Mais qu’ils soient aussi des saints, amoureux de Jésus, jusqu’à donner leur vie.

 

 

 

CHAPITRE 3: Les Miracles

 

            A la différence du prodige, le miracle est un acte qui nécessite une puissance supérieure à tout ce qui est créé. Nous avons vu que les anges, qui sont des créatures, peuvent par leur propre puissance réaliser de nombreux prodiges: faire élever une personne dans les airs, la faire parler une langue étrangère, qu’elle n’a jamais apprise, guérir certaines fièvres, cicatriser avec rapidité des plaies, rendre lumineuse un visage etc.

            Tous ces prodiges, et bien d’autres, nécessitent une réelle puissance, mais une puissance limitée: Quand on observe bien chaque phénomène, on s’aperçoit qu’il ne sort pas des lois de la nature. Il se contente de les activer. L’ange possède une telle capacité. Or, il existe des anges bons et des anges mauvais. L’Eglise, qui connaît l’extrême intelligence du démon, hésite bien souvent à reconnaître une apparition sur la foi d’un tel prodige. Dieu marque son oeuvre par la puissance infinie de son action. Lui peut réaliser un véritable miracle, c’est-à-dire un phénomène qui contredit toutes les lois de la nature, y compris celle de la nature angélique. Les bons anges ont réalisé pour Dieu bien des prodiges qui, malgré tout, ne constituent pas des miracles.

            Quand ils firent s’enflammer devant Moïse un buisson qui ne se consumait pas, quand ils frappèrent d’Egypte de plaies, jusqu’à la mort des premiers nés, quand ils firent traverser la Mer Rouge au peuple juif à pied sec, quand ils lui donnèrent des cailles ou de la Manne à manger au désert, ils ne firent qu’utiliser à bon escient les forces la nature ou leur propre force. Nul besoin dans tous ces cas d’une puissance infinie. De même, plus récemment, ce sont les anges qui donnèrent aux foules de Fatima l’impression que le soleil dansait sur lui-même. Ce n’était qu’une impression, puisque le phénomène ne fut observé qu’autour de ce lieu d’apparition de la Vierge. On peut parler de la même manière de certains saints canonisés.

            1) Quand on peut prouver, en analysant un miracle, qu’il y a eu création, c’est-à-dire formation à partir de rien d’une matière nouvelle, c’est que le doigt de Dieu est là. Dieu seul, en effet, a pouvoir de créer ou d’anéantir.

            2) Quand on peut d’autre part, prouver qu’un miracle a nécessité l’appel d’une énergie quasi-illimitée, c’est encore que le doigt de Dieu est là, directement, sans que le ministère des bons anges puisse expliquer quoi que ce soit. Dieu seul a un pouvoir infini.

            Il existe de nombreux miracles de cette sorte, répertoriés par la science et reconnus par l’Eglise. Sur plusieurs milliers de guérisons obtenues à Lourdes, moins d’une centaine furent reconnue officiellement par l’Eglise, parce qu’elles sont les seules à satisfaire l’un des deux critères précités. Le cas de Jeanne Frétel est l’un des plus célèbre car il réunit les deux critères.

            Cette jeune fille est arrivée inconsciente à Lourdes, sans même connaître l’initiative de sa famille. Cela exclut à l’avance toute influence psychologique sur sa guérison. Elle n’avait presque plus d’intestin. On avait dû installer au-dessus de son nombril un anus artificiel.

            Au moment où on l’a plongée dans la piscine, elle s’est réveillée, puis elle a eu faim. Sa guérison a été aussi soudaine qu’un éclair. Un mouvement instantané ne peut être produit que par une puissance infinie. Le critère N°2 est donc vérifié.

             On s’est aperçu qu’elle avait retrouvé en cet instant l’intégralité de ses organes. Son intestin était miraculeusement réapparu. D’où vient cette matière ajoutée à son corps? Le critère N°l est, selon toute évidence, vérifié[228]. Un certain nombre de guérisons de cette sorte ne peuvent être le fait que de Dieu: les théologies juives, musulmanes et chrétiennes se rejoignent sur ce point: Les prophètes avaient annoncé que le Messie manifestera l’origine divine de son message par les miracles que Dieu ferait en son nom. Quand Jean-Baptiste, enfermé dans sa prison, fit demander à Jésus s’il était le Messie, celui ci répondit: "Allez rapporter à Jean ce que vous avez vu et entendu: les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne nouvelle est annoncée aux pauvres"[229].     

            Un aveugle né, que Jésus avait guéri, proclamait: "Nous savons bien que jamais on n’a ouï dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle de naissance"[230].

            Un infirmier psychiatrique m’opposait un jour une scène dont il avait été témoin: un de ses malades, atteint d’une grave schizophrénie, en était devenu paralysé. Son corps s’était déformé, il ne bougeait plus ses pieds. Etant un jour avec un de ses collègues, ils parlaient de Jésus. Pour s’amuser, ils crièrent au malade: "Je te l’ordonne, lève-toi et marche"[231]. Ils eurent alors la surprise de voir le malade se lever et faire pour la première fois deux pas, avant de retomber dans sa prostration.             S’agit-il d’un miracle? Non, bien rien sûr. Le malade en question n’était pas un handicapé moteur, mais un handicapé mental, que maladie avait petit à petit rendu grabataire. Rien ne s’opposa donc organiquement à ce qu’il marche. Son problème était d’ordre psychique, et les infirmiers, en lui donnant un ordre, n’ont fait que stimuler son psychisme. Il n’y a donc pas là de véritables miracles selon les critères 1 et 2. Si le malade avait été paraplégique (moelle épinière sectionnée), et s’il avait marché sur leur ordre il y aurait eu un véritable miracle. On n’a jamais entendu par d’un tel fait, hormis dans les lieux où Dieu est invoqué.

            Il en va de même pour chacun des autres cas énumérés par Jésus. Qu’un aveugle de naissance, dont l’oeil est physiologiquement aveugle voit, c’est un miracle. Qu’un aveugle pour cause de schizophrénie voit à nouveau, c’est une guérison psychiatrique.

            Le cas de la résurrection d’un mort est le plus difficilement imitable, aussi bien pour les hommes que pour les démons. Quand Jésus ressuscite Lazare[232], dont le corps déposé depuis trois jours au tombeau, s’était déjà en partie décomposé (Il sent déjà, affirme Marie sa soeur), il manifeste de façon définitive et absolue à ses contemporains l’origine divine de sa mission. Aucune puissance angélique ne peut faire passer un homme de la mort à la vie.

            L’homme ne peut imiter un tel miracle, par exemple en veillant un homme en coma déposé en hibernation. Le démon, par son pouvoir sur la matière, pourra donner à un cadavre une apparence de vie en bougeant ses membres. Mais jamais il ne réalisera une véritable résurrection comme celle de Lazare. Les grands prêtres juifs, inquiets de ce miracle, décidèrent de supprimer Lazare.

            Un tel projet, dans son machiavélisme, démontre à la foi la lucidité de leur théologie et la grandeur de leur orgueil. Jésus n’hésite pas à qualifier de Blasphème contre l’Esprit Saint.

            La résurrection d’un mort est un miracle marqué de la puissance divine, non parce qu’il répond à la première condition (il n’y a pas dans ce cas de réelle création à partir de rien), mais parce qu’il entre dans la seconde (puissance infinie pour donner vie à un corps décomposé).

            Le cas du Saint ermite libanais Charbel Maklouf, canonisé par le pape Jean Paul II est un exemple typique du critère N°l[233]: Au lendemain de la mort du saint, le Père Antoine de Michnich écrit sur le registre du monastère: "Le 24 Décembre 1898, est mort en Dieu l’ermite Charbel, âgé de 70 ans: Ce qu’il accomplira après sa mort nous dispense décrire sa vie". Et déjà l’histoire de la survie commence.

            Dans la nuit même des funérailles, frère Elie vit soudain sortir du tabernacle de la chapelle une lumière qui se déplace vers le tombeau de Charbel. Ce tombeau est situé dans un bâti touchant l’église à l’est. Il est inondé à cause des pluies nombreuses en cette époque.

            Quelques jours plus tard, des bandits s’étant réfugiés dan la montagne voient eux aussi la lumière et frappent au monastère: "Que se passe-t-il chez vous?". Les gens viennent de plus e plus nombreux, attirés par de tels prodiges.

            Les moines décident donc de déplacer le corps. La première exhumation, qui sera suivie de bien d’autres, eut lieu le 15 Avril 1899.

Le corps du moine est intact, mais de l’eau et du sang mêlés sortent de son coté et sont mélangés à l’eau du tombeau. Le corps est alors déposé dans un premier cercueil au couvercle de verre non scellé, et exposé dans une cellule du monastère. Il y restera 28 ans, continuant à sécréter de l’eau et du sang, qui obligent constamment les moines à nettoyer le cadavre. Dieu est grand, mais les moines n’apprécient pas qu’il puisse faire miracle en ce lieu. Une nuit, en cachette, on retire le corps de son armoire cercueil et on le monte sur la terrasse du couvent pour que le grand vent du nord le fasse sécher. En été, en plein midi, c’est au soleil brûlant que l’on demande d’agir. Rien n’y fit.

            En juillet 1927, les autorités ecclésiastiques s’émeuvent de L’affluence des fidèles. Elles décident de déposer le corps dans un double cercueil de plomb et de cèdre, lui-même placé dans une excavation creusée dans le mur énorme de l’église. Les moines désormais, peuvent dormir tranquilles. Les ingénieurs les ont rassurés. La pierre, non poreuse, est étanche entièrement.

            Ils le feront 23 ans; 25 Février 1950: Un moine du couve qui balaye la crypte remarque un liquide épais, sanguinolent, qui suinte de la pierre du tombeau. Le 22 Avril, celui ci est ouvert, en présence d’un comité officiel et de médecins venus de la Faculté de Beyrouth. Ils constatent l’intégrité totale du corps. "Le caractère de ces faits est exceptionnel et inexplicable" constatent les membres de la commission.

            L’Eglise catholique finira par reconnaître le miraculeux du phénomène. L’ermite Charbel, béatifié par Paul VI le 5 Décembre 1965, fut canonisé par Jean-Paul II. Comment autrement que par l'action de Dieu l’apparition d’eau et de sang à partir de ce corps, dans des quantités qui en dépasse le poids total. Ce miracle implique une création de matière surajoutée au corps de l’ermite.

 

CHAPITRE 4: La Prophétie et le Discernement des esprits

 

            Le charisme de prophétie se distingue des phénomènes de voyance naturelle ou de divination satanique par son origine divine. Il se reconnaît par ses effets, qui sont toujours positifs: Conversion de coeurs, désir d’approfondir sa foi. Un prophète quel qu’il soit dont la fréquentation provoque de tels effets avec constance et sur des années, peut être, avec une certitude presque parfaite, considéré comme envoyé par Dieu. "Un mauvais arbre ne peut porter de bons fruits" disait Jésus.

            Mais la prophétie venue de Dieu se reconnaît aussi à sa qualité interne: Dieu seul peut tout annoncer, infailliblement. Dieu seul connaît le futur comme s’il était présent. Dieu seul domine le hasard ou la liberté humaine. De même, Dieu seul connaît intimement les pensées de chaque cœur. Il peut donc les révéler à ses saints, leur donnant ce qu’on appelle le charisme du discernement des esprits dans ce qu’il a de plus profond. Un tel charisme, qui permet de lire au plus profond de la vie de chacun, au plus intime de ses secrets, n’est bien sûr donné qu’à des personnes discrètes, qui savent s’en servir pour le bien. C’est le charisme de certains confesseurs, comme le Padre Pio ou le Curé d’Ars. Comme tout charisme, il ne s’exerce pas tout le temps. Il est donné par l’Esprit Saint, quand il veut et à qui il veut. Le Curé d’Ars, si fin d’habitude, ne crut pas en la vérité de l’apparition de la Salette, malgré sa rencontre avec les enfants. L’Eglise devrait pourtant lui apporter un grand démenti, en reconnaissant l’authenticité.

            Il existe deux grands types de prophéties: les prophéties de menace ou de promesse, et les prophéties de prédestination. Les premières s’expriment toujours ainsi: "Si vous ne changez pas, il vous arrivera tel malheur; Si vous changez, il vous arrivera tel bien".

            Ce qui est annoncé ne se passe donc pas infailliblement, mais sous condition. Nous en avons des exemples nombreux dans la Bible. Quand le prophète Jonas[234] fut envoyé par Dieu annoncer à Ninive sa destruction, il parla ainsi: "Encore quarante jours, et Ninive sera détruite".

            Or, les gens de Ninive crurent en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et, dans l’humilité, demandèrent pardon à Dieu de leurs péchés. La ville fut donc épargnée, à la grande colère, d’ailleurs, de Jonas, qui étai prophète malgré lui et aurait espéré autre chose pour manifester son savoir. La plupart du temps, la Vierge Marie parle ainsi dans ses apparitions. Voici un exemple célèbre, tiré d’une apparition qui, si elle n’est pas encore reconnue par l’Eglise, n’en reste pas moins très significatif.

            C’était en 1944: la guerre était partout. La péninsule Italie était envahie au sud par les alliés, et occupée au centre et au nord par les troupes allemandes. Les bombardements, l’exode des populations vers les campagnes, la déroute des soldats italiens, le drame politique, étaient les composantes de la tragédie quotidienne. Mais dans ce contexte, un événement polarisa l’attention générale. En effet, dans un petit village proche de Ponte San Pietro, dénommé Ghiaie di Bonate situé sur la rive droite du fleuve Brembo, une fillette de 15 ans connaissait des extases mystiques. Elle consigna sur un cahier le récit de ses 13 rencontres avec la Vierge Marie.

            Le 15 Juin 1944, la Vierge répondit par sa bouche à tous ceux qui l’interrogeait pour savoir quand la guerre prendrait fin. C’était sa troisième apparition, et elle déclara: "Si les hommes font pénitence, la guerre se terminera dans deux mois, autrement dans un peu moins de deux ans". Il s’agit bien d’une prophétie de promesse, mais aucun de ceux qui avaient entendu le message de la Vierge n’aurait été capable de dire ce que recouvrait cette éventualité. La Vierge avait précisé à la jeune fille qu’il fallait bien faire attention à ce qui allait se passer un jeudi, dans deux mois. On arriva ainsi au 20 Juillet, c’est-à-dire dans le deuxième mois qui suivit la prophétie de la Vierge, date à laquelle un événement qui aurait pu changer le cours de l’histoire se produisit. Hitler se tenait en réunion avec les chefs suprêmes de l’armée, lorsqu’explosa une bombe dans la salle. L’attentat contre Hitler aurait, en effet, pu, s’il avait réussi, entraîner la cessation immédiate de la guerre. Mais les gens ne firent pas assez cas des paroles de la Vierge, prononcées de la part de Dieu[235].

            A la différence des prophéties de menace ou de promesse, les prophéties de prédestination se réalisent toujours. Dieu ne parle plus conditionnellement, mais il annonce un fait en raison de la science absolue et infaillible qu’il en a.

            La Bible contient de multiples prophéties de ce type, celles, par exemple qui annoncent la naissance, la mort et la résurrection de Jésus: Voici quelques exemples concernant Jésus: "Voici que la Vierge est enceinte et enfante un fils. Elle lui donnera le nom d’Emmanuel (Dieu avec nous)"[236]; "Objet de mépris, abandonné des hommes, homme de douleur, familier de la douleur comme quelqu’un devant qui on se voile la face, méprisé, nous n’en faisions aucun cas. Or, c’étaient nos souffrances qu’il portait, et nos douleurs dont il était chargé"[237]; "Voici que mon serviteur triomphera, il sera haut placé, élevé, exalté à l’extrême. De même que les foules ont été bonifiées à son sujet, de même à son sujet des foules de nations vont être émerveillées"[238].

            Certaines prophéties de prédestination concernent les nations: Israël, par exemple, est dans l’Evangile objet de trois prophéties importantes, et reste le peuple élu, signe pour les chrétiens du retour du Christ.

            1) La destruction du Temple de Jérusalem: "De ce que vous contemplez, viendront des jours où il ne restera pas pierre sur pierre, tout sera jeté bas"[239];. 2)Déportation du peuple Juif, puis retour dans sa terre de Palestine, ce retour étant lui-même signe de la venue proche du Messie: "Ils seront amenés captifs dans toutes les nations. Jérusalem sera foulée aux pieds des païens, jusqu’a ce que soient accomplis le temps des païens[240]; 3) Conversion du peuple d’Israël, précédant le retour du Christ: "Vous ne me verrez plus jusqu’à ce que vous disiez: "Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur"[241].

            Les deux premières prophéties sont réalisées, ainsi qu’une autre, plus mystérieuse, qui annonce l’holocauste des juifs. Seule la troisième demeure, et elle est l’objet d’espérance de beaucoup de chrétiens.

            Certaines prophéties de ce type concernent les personnes individuelles: "Aujourd’hui, dit Jésus au bandit crucifié avec lui, tu seras avec moi dans le paradis"[242].

            Celui qui apprend à lire la Bible avec le regard de la foi y découvrira de profondes révélations sur le futur de l’Humanité, sur la fin de l’Eglise. Mais les prophéties les plus belles, les plus profondes, racontent des choses bien plus importances: Elles racontent Dieu et son amour pour les hommes. Elles annoncent la vie éternelle qui nous attend après ces années d’épreuve terrestre.

            En ce qui concerne les révélations privées, l’Eglise ne les reconnaît que lorsqu’elles sont bien et dûment constatées et, même alors, elle ne les impose pas à la croyance des fidèles. De Plus, s’il s’agit de l’institution d’une fête ou de quelques pèlerinages elle attend de longues années avant de se prononcer et ne se décide qu’après avoir examiné mûrement la chose en elle-même et dans ses rapports avec le dogme et la liturgie. Elle demande des preuves convaincantes, ces preuves si bien résumées par Benoît XIV dans son livre sur la canonisation des saints. En général, elle ne se contente pas d’un seul miracle ou signe, mais en exige plusieurs; C’est de cette manière que fut reconnue l’apparition de Jésus à une religieuse de Paray-le-Monial, Marguerite Marie. A la suite de cette apparition, l’Eglise décide de fêter chaque année le Sacré-Coeur.

            Beaucoup de prophéties privées ne réclament pas une telle reconnaissance de l’Eglise. Elles portent parfois sur la vie d’une personne individuelle. Le discernement doit être le même que ce que nous avons décrit dans le chapitre consacré à la voyance.

 

Voici un exemple tiré de la vie du Père Maximilien Kolbe. Ce prêtre extraordinaire, fondateur en Pologne d’un gigantesque apostolat en vue de faire connaître l’Immaculée par la presse catholique fut martyrisé a Auschwitz en 1941. Il a été canonisé par le pape Jean-Paul II. Or, à l’age de 9 ans, en 1894, il n’était pas un enfant facile: violent, très indépendant, il éprouvait souvent la patience de sa mère qui s’écria un jour, de guerre lasse: "Mon pauvre enfant qu’est-ce que tu deviendras?".

            L’accent devait être plus éloquent que les paroles avec ce geste des mains jointes et les yeux levés au ciel, car la réprimande provoqua chez le petit une véritable crise d’âme. Depuis ce temps là, avoue sa maman "il changea complètement et devint très sage et très obéissant. Surprise de cette transformation soudaine, elle se mit à observer le petit garçon et s’aperçut qu’il disparaissait de plus en plus souvent derrière l’armoire où se trouvait un petit autel de Notre-Dame de Czestochowa, avec une lampe à huile qui brûlait tous les mercredis, les samedis et les dimanches. Tapi dans le coin, l’enfant priait longuement et sortait avec des yeux rougis par les larmes. Très intriguée, sa maman le soumit un jour à un interrogatoire serré. "Voyons qu’est ce que tu as? Pourquoi pleures-tu comme une fille?". Elle le croyait malade. Il baissait la tête et ne voulait rien répondre. Sa maman usa du grand moyen: "Voyons, mon petit, mon petit, à maman il faut tout avouer. Ne sois pas désobéissant. En pleurant et en tremblant il raconta: "lorsque, vous m’aviez dit: mon pauvre enfant, qu’est ce que tu deviendras?, j’ai eu beaucoup de peine et je suis allé demander à la Sainte Vierge ce que je deviendrais? Après, à l’église, je le lui ai redemandé; Alors la Sainte Vierge m’est apparue, en tenant deux couronnes, l’une blanche et l’autre rouge. Elle me regarda avec amour et me demanda laquelle je choisissais; La blanche signifie que je serais toujours pur et la rouge que je mourrais martyr. Alors moi, j’ai répondu à la Sainte Vierge que je les choisis toutes les deux. Elle sourit, et disparut. Depuis lors, ajouta-t-il après un moment de silence, lorsque nous allons à l’église il me semble que je ne vais plus avec papa et maman, mais avec la Sainte Vierge et Saint Joseph".

            Ces prophéties devaient se réaliser à la lettre et toute la vie du futur Père Kolbe en témoigne[243].

 

 

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CHAPITRE 5: Les dons extraordinaires

 

            François, le pauvre d’Assise[244], en ce mois d’Août 1224, faisait route vers le mont Aleverne, accompagné des frères Léon, Ange, Masséo, Rufin, Sylvestre et Illuminé. Il gravit à dos d’âne la montagne qui culmine à 1280 mètres. Le silence et la majesté du lieu saisissaient son esprit. Il trouva une anfractuosité dans le rocher, pour y abriter loin de tout regard, la flamme intérieure qui le brûlait. Il voulait être absolument seul. Il se lia d’amitié avec un faucon qui, la nuit, l’éveillait par son cri et l’appelait à la prière.

            Or, un matin, à la pointe du jour, tandis qu’il priait sur le versant de la montagne, il vit venir à lui dans le ciel un être ailé, un être de feu et de tendresse: Un séraphin aux six ailes resplendissantes. Il semblait souffrir, et ses ailes couvraient le corps d’un homme crucifié, les mains et les pieds étaient fixés à une croix. A ce spectacle, l’âme de Saint François se déchira. Il pensa à son Seigneur crucifié et glorifié jusqu’à la fin des temps. Son âme ne désirait qu’une chose: porter lui-même une part des souffrances pour les péchés du monde.

            Puis, la vision s’effaça. Alors, baissant les yeux vers la terre, il vit dans ses mains et dans ses pieds la marque des clous. Son côté saignait abondamment: il était marqué des stigmates du Christ.

            Jusqu’à la fin de sa vie, il devait rester ainsi blessé. Son corps venait d’être uni à la passion du Christ, à l’image de son âme qui était déjà crucifiée avec Jésus.

 

            Les phénomènes mystiques extraordinaires, à la différence des charismes, ne servent pas avant tout à convertir les coeurs. Ils ne servent pas à proclamer l’Evangile, mais simplement à manifester la sainteté d’un être particulier, dont Dieu veut faire un modèle pour le monde. En donnant à Saint François les stigmates de la passion, l’ange envoyé par Dieu manifestait sensiblement aux hommes un mystère qui était depuis longtemps réalisé dans son âme: Le mystère d’une charité poussée si loin qu’elle était capable de tout offrir, même la souffrance ou la mort.

            Il est presque impossible de recenser les phénomènes extraordinaires, tant Dieu les a multipliés chez ses saints. Il a inventé des merveilles pour manifester aux hommes les trésors de délicatesse que lui seul connaissait dans le coeur de ses bien aimés. Marthe Robin, à l’âge de 20 ans, ne vivait plus que pour Dieu. Elle était déjà prête à accepter de donner chaque goutte de sa vie, heure par heure. Pour manifester cela, Dieu permit qu’elle ne mange plus pendant 40 ans, qu’elle ne se nourrisse que de l’hostie quotidienne qu’elle recevait à la messe. On voulut vérifié le prodige, dépister les éventuels trucages. Ceux qui s’y essayèrent durent conclure ainsi: "Cette femme ne se nourrit que du pain blanc de l’hostie, quelques grammes par jour. Ceux qui ont approché Marthe Robin parlaient autrement: "Elle ne se nourrit que de Dieu".

            Sainte Catherine de Gènes voulait voir Dieu. Son âme était faite de feu. Elle aurait voulu emmener avec elle tous les hommes. Elle offrait sa prière et sa vie pour les âmes qu’elle voyait au purgatoire, par révélation spéciale. Pour manifester cette charité unique, Dieu permit plusieurs fois que son corps entier devienne brûlant. Il ne s’agissait pas d’une simple montée de fièvre, mais d’une chaleur capable de mettre le feu à ses vêtements. Dans ces moments là, elle était aussi inappréciable qu’un brasier. C’est le phénomène d’hyperthermie, manifestation d’une autre chaleur, toute spirituelle.

            Saint Philippe Néri en voulait beaucoup à Dieu: il ne pouvait presque plus célébrer la messe. Dès qu’il commençait Dieu l’entraînait dans des extases de plusieurs heures. Les fidèles, après s’être étonnés de le voir flotter en l’air, finissaient par s’en aller, lassés d’attendre. Pour éviter ces inconvénients, le saint décida de ne plus célébrer la messe sans la présence de son chat, sur l’autel. Il mit en garde Jésus: "Si tu m’emmènes encore, je ne pourrai plus surveiller le chat et il risque de faire bien des bêtises". La lévitation mystique, provoquée par les anges de Dieu, manifeste aux hommes une âme pure, aussi légère du poids du péché qu’une colombe portée par le vent.

            Dans le cœur de Sainte Catherine de Sienne, morte d’amour à 33 ans, comme le Seigneur qu’elle servait, on trouva la trace d’une blessure faite par un instrument tranchant. Le cœur avait dû être traversé de part en part, bien des années avant la mort, et il s’était cicatrisé.

            Innombrables sont les phénomènes de parfums mystérieux qui émanent du corps d’un saint avant ou après sa mort. Plus rarement, on parle de transfigurations (apparence lumineuse du corps) de mariages mystiques (apparition d’une alliance lumineuse à l’annulaire, qui manifeste l’union à Dieu), d’auréole visible (halo lumineux du visage manifestant la gloire de Dieu), de couronnement (apparition d’une couronne symbolisant la confiance envers son saint).

            Dieu n’a pas fini de nous étonner par ces signes mystérieux. Ceux qui les voient savent avec certitude leur origine divine, car ils ne font que couronner une vie de sainteté.

            Pourtant, dans les cas où la sainteté de la personne n’était pas reconnue avant par la voix populaire, l’Eglise fait preuve de sa prudence habituelle: Dans un couvent français du XVIIe siècle, la mère supérieure était bouleversée: une de ses filles, une des religieuses dont Dieu lui avait confié la garde était sujette à des phénomènes mystiques extraordinaires: ses pieds et ses mains étaient marqués par les stigmates de la Passion du Christ et, tous les vendredis, il en sortait du sang brûlant. Comment Dieu avait-il pu avoir tant de bonté pour la rendre témoin d’une telle merveille? Malgré sa joie, sa prudence lui conseillait de faire appel au discernement de l’Eglise. Un Père Dominicain, spécialiste en ces matières, fut donc mandaté. Il resta une semaine au monastère, et cela lui suffit. Il fit son enquête auprès des sœurs et se renseigna sur la religieuse, puis, il la rencontra seul à seul. Il assista au phénomène le vendredi suivant. Il savait que les phénomènes mystiques de ce type ne précèdent jamais la sainteté, mais la suivent et la manifestent. Il dit donc à la sœur, alors qu’elle prétendait vivre la Passion du Christ: "Au nom de la Sainte Obéissance dont vous avez fait vœux lors de votre profession, je vous demande de vous lever et de retourner à votre charge conventuelle".Aussitôt, la sœur se révolta et refusa d’obéir, sous prétexte de l’importance de ce qu’elle vivait.

            Le Père sut alors que les stigmates ne pouvaient venir de Dieu. Aussi merveilleux que cela paraisse, Dieu lui-même se soumet à l’obéissance à sa créature, l’Eglise, selon cette parole de Jésus: "Tout ce que vous lierez sur la terre sera considéré comme lié dans les Cieux"[245]. Dieu cesse immédiatement de se manifester pour n’importe quel phénomène étonnant, si l’obéissance à ce qu’il a institué chefs de l’Eglise l’exige.

            En se révoltant, la sœur manifestait son orgueil et sa préférence pour les phénomènes extraordinaires, plutôt que pour l’amour et l’obéissance à Dieu.

            Quelques jours plus tard, on tenta sur cette religieuse un exorcisme qui s’avéra parfaitement efficace.

 

Comme les charismes, les phénomènes mystiques doivent jamais être désirés pour soi. Ce ne sont pas, en effet, des moyens nécessaires pour arriver à l’union à Dieu et, parfois même, à cause de nos tendances mauvaises, ce sont plutôt des obstacles à l’union divine. C’est ce que montre en particulier saint Jean de la Croix; Il affirme que ce désir enlève la pureté de la foi, développe une curiosité dangereuse qui est une source d’illusions, embarrasse l’esprit de vains fantasmes, dénote souvent un manque d’humilité et un manque d’abandon à Dieu.

            Des phénomènes mystiques extraordinaires peuvent aussi apparaître au sein des communautés chrétiennes. Le plus connu est le chant en langues: mystérieusement, lors de liturgies ferventes, un ou plusieurs membres de l’assemblée se mettent à chanter en une langue inconnue. Le tout peut former une harmonie extraordinaire dont la beauté douce et forte élève vers Dieu. Bien souvent, on confond ce phénomène avec le charisme des langues, qui porte le même nom[246].

            Il n’est pourtant pas un charisme, car son but premier n’est pas conversion des cœurs. Il s’agit d’un phénomène mystique destiné à rendre plus légères nos liturgies humaines. Il manifeste la particulière présence de l’Esprit Saint dans une communauté. Saint Paul en parle ainsi: "Frères, supposons que je revienne chez vous et vous parle en langues; En quoi serais-je utile si ma parole ne vous apporte ni révélation, ni science, ni prophétie, ni enseignement. Ainsi en est-il des instruments de musique, flûtes ou cithare. S’ils ne donnent pas distinctement les notes, comment saura-t-on ce qu’on joue sur la flûte ou la cithare? Et si la trompette n’émet qu’un son confus, qui se préparera au combat. Ainsi de vous: si votre langue n’émet que des paroles inintelligibles, comment saura t-on ce que vous dites? Vous parlerez en l’air".

            Le charisme des langues, au contraire, permet à l’apôtre de parler une langue étrangère sans l’avoir apprise pour prêcher plus facilement la Bonne Nouvelle à toutes les nations. Il est compris de tous les hommes.

            Le phénomène mystique de la parole en langue est un chant qui monte comme une volute d’encens. Il prédispose l’âme à la prière.

 

 

 

 

CONCLUSION

 

CHAPITRE 1: Bouddhisme tibétain et christianisme    

 

            Après ce rapide tour d’horizon des principaux phénomènes paranormaux, il est indispensable pour un chrétien de connaître le mouvement religieux qu’on peut considérer comme le grand spécialiste en ce domaine. Il s’agit de ce bouddhisme particulier, inséré aux frontières de la Chine et de l’Inde, et qui a façonné durant des siècles un véritable peuple de moines. Entre le bouddhisme tantrique et le christianisme, y a t il possibilité de comparer ou de faire des alliances?

            Le bouddhisme tantrique est d’abord une forme du bouddhisme. Mais à la différence de l’orthodoxie essentiellement conservée en Chine, il a pris à l’hindouisme la notion de Dieu. Le bouddhisme du Tibet est une quête de Dieu, faite par l’homme appuyé sur ses propres forces. Le NIRVANA ne veut plus dire seulement EXTINCTION, mais aussi ILLUMINATION. En alliant la notion de croissance spirituelle issue de la philosophie bouddhique originelle à celle de Dieu issu de l’hindouisme, la religion du Tibet est devenue une sagesse adaptée aux masses. Chacun y trouve son compte, ceux qui aiment la dévotion peuvent adorer. Ceux qui cherchent la perfection peuvent devenir moine. Ce bouddhisme là est donc une véritable religion allié à une simple philosophie panthéiste.

            Mais pour parvenir au Nirvana dans tout bouddhisme, commencer par cela, il existe quatre méthodes, quatre yogas complémentaires, et que tout moine doit pratiquer:

                        1) RAJA YOGA: c’est la connaissance des concepts transcendantaux de la sagesse. Il s’agit d’un enseignement, d’une théologie sur le sens du monde et de la vie. Le moine novice, dès son enfance, reçoit cet enseignement. Il doit savoir où il va. Le Raja Yoga nourrit l’intelligence.

                         2) HATHA YOGA: maîtrise du corps physique: contrôler la faim, la soif, le froid et le chaud bref la douleur physique. C’est une méthode commune aujourd’hui de l’Occident, basée sur la respiration, et qui utilise la position corps sont ainsi développés. L’armée l’utilise dans certains entraînements.

                         3) LAYA YOGA: maîtrise du psychisme (mémoire, imagination, passion: peurs, joies et tristesses). Cette méthode est à la base de toute éducation. Elle est faite d’exercices mnémotechniques, de leçons apprises par cœur, et d’exercices de vertu, comme dans les écoles occidentales.

                        4) KUNDALINI YOGA: Ce yoga est celui qui fascine le plus les occidentaux, puisque sa finalité spécifique est de développer des pouvoirs psychiques présents dans chaque homme et oubliés (télépathie, télékinésie, décorporation, vision de l’aura, sixième sens, lévitation)[247].

            Selon les moines du Tibet, une seconde forme du Kundalini permet un contact avec les esprits (= les anges). Ils pratiquent un spiritisme avec une prudence qu’expliquent les déconvenues dont ils ont l'expérience.

                        5) SAMADITI YOGA: Pour un lama, les quatre premiers yogas ne sont que des moyens. Ils donnent à l’homme les cordes, les piolets et les piolets nécessaires à l’escalade de la montagne. Mais le but, le sommet est SAMADITI ou l’illumination suprême. Seule une élite l’atteint, et les témoignages de ces privilégiés sont surprenants: on y parle d’une Lumière inaccessible, d’une Réalité suprême. Il s’agit d’une expérience mystique, et la tradition affirme que celui qui l’a atteint, échappe aux cycles de la réincarnation.

            Une vie entière suffit à peine à une telle ascension. En lisant les écrits mystiques du Tibet, on retrouve des expressions semblables à celles des plus grands mystiques chrétiens: on y parle de vive flamme d’amour (Saint Jean de la Croix), d’extase super substantielle (Saint Denys). Sans s’avancer trop, il ne s'agit tout de même pas d'une véritable expérience de Dieu, puisque l'enseignement fondamentale du Raja Yoga maintient que tout n'est qu'illusion.

 

 

            Cette expérience est parfois ressentie par des moines comme personnelle: "Quelqu'un est là". Dans ce cas, elle semble ne pas être le fruit naturel d’une vie entière consacrée à la pratique du yoga. Elle semble même marquer une rupture, puisque certains ne la vivent que très âgés, au moment où le corps malade perd petit à petit les fruits des quatre premiers yogas. Elle semble être davantage la conséquence de la découverte de la vanité de toute cette vie passée.

            Le Bouddhisme du Tibet est donc une magnifique religion, sans doute la plus belle que l’homme ait jamais inventé par sa propre réflexion. Il se rapproche parfois du christianisme par son sommet expérimental et sa finalité ultime: Dieu.

            Mais la route qui mène à ce sommet est bien différente. Le maître du christianisme, Jésus, enseigne l’impossibilité pour l’homme d’atteindre Dieu par ses propres forces. Il est plus difficile à l’homme d’atteindre Dieu qu’à une alouette de s’élever jusqu’au soleil. Dieu habite des sommets inaccessibles. La lumière de son visage est plus forte que les capacités de notre intelligence. La seule voie qui mène à Dieu n’est donc pas dans l’homme, mais en Dieu seul, qui peut réaliser ce qui nous est impossible.

            Et Jésus annonce aux hommes que cette voie qui mène à Dieu existe: "Je suis la voie, la vérité, la vie"[248]. Il annonce que lui même, Jésus n’est autre que le Dieu Tout Puissant, le Créateur du Ciel et de la Terre, fait homme tout exprès pour annoncer cette bonne nouvelle.

 

            La condition présupposée (DISPOSITION) pour entrer sur ce chemin qui mène à Dieu, c’est l’humilité: "Si vous ne devenez petits comme ces enfants que voici, vous n’entrerez pas dans le Royaume des Cieux". Jésus demande aux hommes de reconnaître simplement leur petitesse, leur incapacité de se sauver par eux mêmes. Il leur demande de renoncer à toute prétention d’atteindre Dieu par leurs propres forces. Dieu promet alors de se charger du reste, d’élever lui-même ceux qui jouent le jeu aux sommets les plus élevés de l’amour de la contemplation de Dieu.

C'est que la condition qui fait (SANCTIFICATION) la relation à Dieu dépasse les forces humaine: c'est une amitié (Agape) avec Dieu, amitié impossible avec le Tout Autre sauf s'il s'abaisse lui-même et élève l'homme à une certaine égalité avec lui.

            Dans le christianisme, on a vu de tout petits enfants accéder aux plus hauts sommets de la vie mystique, selon cette parole Jésus: "Je te bénis, Père, Seigneur du Ciel et de la Terre d’avoir caché tout cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout petits"[249]. On a vu des prostituées et des pécheurs atteindre en un instant, à cause de leur grande humilité, des sommets de grâce à faire pâlir les plus avancés des moines du Tibet. On a vu de tout jeunes hommes, comme Etienne s’écrier: "Je vois le ciel ouvert et le Fils de l’Homme debout à la droite de Dieu"[250].

            Le chemin du christianisme vers Dieu est donc l’extrême inverse de celui du bouddhisme tantrique. La mystique y précède l’ascèse. Un psaume chrétien fait parler Dieu aux hommes de cette manière: "Aime moi tel que tu es. Si tu attends d’être parfait pour m’aimer, tu ne m’aimeras jamais". Dans le bouddhisme, l’ascèse précède la mystique au point qu’il est impensable d’atteindre le SAMADITI sans passer par vie de pratique des quatre premiers yogas. Un texte sacré du Tibet dit: "Avant de prétendre aux sommets, deviens parfait".

            Que ces deux religions ne se confondent donc pas. Elles sont opposées[251]. Il est impossible d’être à la fois bouddhiste et chrétien. La théologie chrétienne est inconciliable avec le Raja Yoga. Un chrétien, s’il se convertissait au bouddhisme tantrique perdrait Dieu.

            Par contre, il est tout à fait possible à un chrétien d’assumer pour sa croissance personnelle les pratiques d’ascèses enseignées par les Hatha, Laya, et Kundalini Yoga. Ces pratiques ne sont que des techniques qui aident à mieux maîtriser son corps et son psychisme. Dans la mesure où elles permettent de devenir plus homme, elles aident la vie chrétienne.

            J’espère que Dieu enverra un jour au peuple tibétain un de ses apôtres, un homme à la parole de feu, qui leur annoncera cette merveilleuse nouvelle: "Il n’est plus besoin d’attendre toute une vie pour atteindre Dieu. Jésus est mort et ressuscite pour vous".

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CHAPITRE 2: Au delà des phénomènes paranormaux

 

            Il existe dit Saint Paul, un don qui les dépasse tous[252].

            Après avoir vu tous les charismes que Dieu peut donner aux hommes, après avoir décrit les pouvoirs peut on imaginer quelque chose de plus grand, quelque chose qui rendrait tout le reste petit? Saint Paul répond ceci: "Quand bien même je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n’ai pas la CHARITE, je ne suis rien. Quand j’aurais le don de prophétie et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la plénitude de la foi, une foi à transporter les montagnes, si je n’ai pas la Charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la Charité, cela sert à rien"[253].

            La charité est cette force, donnée aux hommes, qui permet d’aimer Dieu de tout son coeur, de toute son âme, de toutes ses forces et d’aimer son prochain comme soi-même. C’est elle, et elle seule qui fait d’un homme un chrétien. Elle est le commencement et le terme de la Bible entière. Elle est la raison qui poussa Dieu à mourir pour nous comme un esclave. Elle est la porte qui ouvre le Ciel. Nous vivrons d’elle pour les siècles des siècles

            La Charité est le plus grand don de Dieu, car, avec elle, Dieu se donne aussi.

            Comment peut-on recevoir ce don?

             Rien de plus simple. Il suffit de se mettre à demander: "Si quelqu’un frappe à la porte, on lui ouvre"[254]. Dieu ne laisse jamais sans réponse [mais la réponse n'est pas toujours immédiate] celui dont le cœur est à genoux, et qui l’appelle.

            L’homme qui a le courage d’entreprendre une telle démarche ne sera jamais déçu, même si la réponse n’est pas immédiate.

            Dieu commence par lui donner la foi, s’il ne l’a pas. Pour cela, il lui révèle sa présence. Il peut le faire de multiples manières: miracles, prodiges, signes. Mais la plupart du temps, il se contente de faire connaître sa présence par des grâces sensibles intenses ou douces. Celui qui a, un jour, expérimenté de cette manière la présence de Dieu risque fort de ne jamais l’oublier. Il entre dans l’aventure de la foi qui, s’il est fidèle, le conduira à aimer Dieu et son prochain plus que sa propre vie. Elle le conduira à la Charité, et la Charité le conduira jusqu’à Dieu, contemplé dans le silence. mmm

            La vie contemplative est ouverte à tout homme, quel qu’il Soit: "Venez à moi, dit Jésus, venez à moi, vous qui ployez sous le poids du fardeau, je vous consolerai". Elle est comparable à un mariage, si ce n’est que le bien aimé est Dieu lui-même.

            Comme toute histoire d’amour, elle connaît trois âges. Le premier est celui des fiançailles: comme un fiancé fait la joie de Son fiancé, l’âme du jeune converti trouve sa joie en Dieu. Tout est simple dans ce premier moment, car Dieu dispense à flots des consolations sensibles; La prière est portée sur les ailes du plaisir qu’elle apporte. Dieu semble palpable tant il se rend présent[255].

 

            Le deuxième âge est celui de l’apprentissage de la fidélité. Tous les couples humains expérimentent ce moment difficile, qui accompagne l’apprentissage de la vie commune. Quand les joies sensibles des premiers moments se terminent, parce qu’elles perdent leur nouveauté, quand la joie de se retrouver ensemble n’est plus assez sensible pour tout porter, il faut apprendre à aimer l’autre pour lui même. C’est à cause de cette épreuve, de ce passage nécessairement difficile que les divorces sont si nombreux dans les jeunes couples.

            Dieu agit de la même façon avec l’homme qui le cherche. A avoir comblé son cœur dans les fiançailles mystiques, il retire petit à petit les grâces sensibles. Il invite son bien aimé à l’aimer pour lui-même, indépendamment de tout plaisir porteur. Il l’invite pour lui montrer sa fidélité. Jésus appelle ce moment la croix: "Si quelqu’un m’aime, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive"[256]. Ce moment peut être terrible, il peut être une véritable nuit obscure. Pourtant, c’est le moment où Dieu est le plus présent à son bien-aimé. Une religieuse vit un jour en rêve sa vie entière. Elle ressemblait à une longue plage de sable. Jésus marchait à coté d’elle, la tenant par la main, et ils laissaient tous deux leurs traces de pas dans le sable. Or, en contemplent les moments qui avaient été les plus difficiles dans sa vie, elle s’aperçut qu’il n’y avait plus qu’une seule trace de pas.

            "Jésus, demanda-t-elle, pourquoi m’as-tu abandonné dans ce moments où j’avais tant besoin de toi?

            Je ne t’ai pas abandonné, je te portais". Comme dans le mariage, celui qui a su être fidèle dans l’épreuve récolte au centuple les fruits de son amour. Les vieux couples, restés unis indissociablement, malgré le bien et le mal qu’ils ont subi, s’aiment plus que dans les moments passionnés de leur jeunesse. Ils ne sont plus qu’une seule volonté, un seul cœur. Ils peuvent recommencer à se tenir par la main.

            De même, dans la vie de Dieu, le troisième âge suit l’épreuve. La croix est la porte de ce qu’on appelle les épousailles mystiques avec Dieu. Il ne s’agit pas du phénomène extraordinaire que nous avons décrit plus haut[257]; Il s’agit de la réalité contenue sous ce symbole. Dieu devient l’époux de celui qui l’aime. Il se donne à lui, il se livre et vient habiter son cœur. L’homme se met à avoir des droits sur Dieu, comme dans un véritable mariage. C’est un mystère que je ne peux expliquer. Peut-être comprendrez vous un peu si je laisse parler ceux qui l’ont vécu.

            Sainte Elisabeth de la Trinité fut l’une de ces épouses de Dieu. Elle lui parle, et sa parole vient du don de sagesse:

"O mon Dieu, Trinité que j’adore.

O mon Christ aimé, crucifié par amour,

Je voudrais être une épouse pour votre cœur.

O Verbe éternel, Parole de mon Dieu.

Je voudrais passer ma vie à vous écouter".

 

Sainte Catherine de Sienne sut qu’elle pouvait tout obtenir de Dieu, puisqu’ils étaient unis à jamais:

"Mon Dieu, je ne quitterai pas vos pieds.

Je ne quitterai pas votre présence,

 Et je ne cesserai de vous importuner

Tant que vous ne m’aurez pas donné ce que je désire pour votre Eglise"[258].

 

 

            Mieux que toutes les paroles, le silence parle de ce mystère fait pour nous tous.

            Que ce silence de Dieu, qui est plénitude d’amour, qui vaut mieux que tous les phénomènes paranormaux, remplisse votre cœur, jusqu’au jour où nous verrons son Visage, face à face. Jésus exprime ce fait par une histoire très éclairante: "Le Royaume des Cieux est semblable à un trésor caché dans un champ et qu’un homme vient à trouver: il le cache de nouveau, s’en va ravir de joie vendre tout ce qu’il possède et achète ce champ.

            Le Royaume des Cieux est encore semblable à un négociant en quête de perles fines: en ayant trouvé une perle de grand prix, il s’en est allé vendre tout ce qu’il possédait et il l’a acheté"[259].

 

 

ANNEXE: le Père Vernette et le Nouvel Age[260]

 

Travaux du groupe "pastorale et secte" sur le thème du nouvel âge.

 

Le groupe national pastoral et sectes a tenu sa première rencontre le 7 novembre 1988 au secrétariat général de l’épiscopat à Paris. Il réunit, avec le Père Jean Vernette, les Pères Pierre Le Cabellec, Norbert Gauderon, Yvon le Mince, Damien Sicard, Sœur Yvonne Vitré et le Père Claude Cesbron du secrétariat général.

 

I) Le thème du Nouvel Age dans les Nouveaux mouvements religieux:

 

            Le thème du Nouvel Age d’inspiration anglo-saxonne, est plus largement répandu dans la plupart des pays d’Europe et d’Amérique du Nord (il est moins répandu pour le moment en milieu francophone). Il inspire la doctrine et les pratiques d’une foule de groupes gnostiques et nouvelles sagesse se référant à la tradition parallèle: Anthroposophie, Théosophie, Rose-Croix, fraternité Blanche Universelle, Graal, Atlantia, Ordre Martiniste, Arcane, de mouvement se réclamant des religions d’Orient tel le Raja Yoga ou la Méditation Transcendantale, de groupes de développement du Potentiel Humain, de thérapies, ufologiques etc.

            Leur ambition est de proposer la supra-religion mondiale qui remarquera le passage à l’ère du Verseau, aux approches de l’an 2000, et la fin de la religion chrétienne de l’ère du Poisson. Ce sera le Second Avènement Christique. Certain se présentent personnellement comme les nouveaux messies pour le Nouvel Age: Le Révérend Moon bien connu, mais aussi Maitreya le Christ annoncé par Benjamin Creme, lshvara soutenu par Lifewave et bien d’autres.

            Chacun est également convié à réaliser en lui le Christ intérieur en se branchant sur l’énergie divine et cosmique, qui assure la triple harmonie de l’individu avec lui-même, avec l’humanité, avec le cosmos.

            D’où l’importance accordée aux techniques d’éveil spirituel ou d’exploration de l’espace intérieur, car la connaissance de soi est réputée le chemin le plus direct de la connaissance de dieu et du monde.

            D’où un ensemble de pratiques apparemment hétéroclites, mais unifiées par cette vision d’humanisation totale (dans une perspective holistique): Voies de médiation et médecine de l’âme, yoga et arts martiaux, astrologie et channeling (communication avec les entités du monde invisible), maîtrise du corps avec le tai chi chuan et les thérapies douces, et de la nature avec l’art floral de l’ikebana, écologie et végétarisme. Il s’agit de rassembler dans l’unité ce qui était divers, y compris toutes les religions, en un syncrétisme accueillant et réducteur. C’est un nouveau paradigme, une manière autre de voir toute chose.

            La conviction centrale est en effet que l’humanité est sur le point d’entrer, à l’aube du Verseau, dans un âge nouveau de prise de conscience spirituelle et planétaire, d’harmonie et de lumière, marquée par des mutations psychiques profondes sous l’influence des énergies christiques déjà à l’oeuvre parmi nous.

            C’est un millénarisme pour l’an 2000 dont le credo non dit, commun à une foule de mouvements, est proche parent de l’ésotéro-occultisme: attente d’une nouvelle époque du monde annoncée par la loi des cycles cosmiques, réincarnation et loi du Karma, nature divine de la conscience intérieure; Une anthropologie faisant place au corps subtil, éthérique, astral et une cosmologie faisant place aux anges et aux esprits. La métaphysique sous jacente est strictement moniste: la multiplicité des êtres n’est que la manifestation illusoire (maya) de l’unité ontologique du monde qui est d’essence divine, thème vecteur d’une certaine religiosité occidentale; Le Nouvel Age représente une utopie assez vague pour que chacun puisse y projeter ses propres aspirations religieuses, comme une nébuleuse dense mais aux contours flous.

            Les références sont à la fois: R. Steiner et Grudjeff mais aussi Aurobindo et Krishnsmurti, et aussi René Guenon.

 

 

II) Le Nouvel Age et le christianisme:

 

            Le Nouvel Age va représenter un des challenges, des défits importants pour le Christianisme dans les années qui viennent. D’abord parce que ces mouvements sont soucieux de hâter sa disparition pour faire place à la future religion mondiale. Ensuite parce que ce type de sensibilité religieuse revêt bien des traits de la gnose éternelle. Enfin parce que de nombreux chrétiens pratiquent couramment la double appartenance.

            Aussi le groupe, au regard de l’exposé des faits souligne quelques exigences pastorales:

 

                        1) Prendre au sérieux les questions soulevées par le Nouvel Age, sous peine de n’être entendu ni pris soi-même au sérieux. Il faut savoir par exemple que la Bible, le coeur du Christianisme, est abondamment utilisée dans le Nouvel Age, ce qui donne ainsi le change aux chrétiens, mais entièrement réinterprétée en perspective gnostique. Et qu’une nouvelle religiosité se constitue paisiblement en dehors des Eglises, avec une audience qui s’élargit.

 

                        2) Revoir certains liens que l’on a pus abusivement nouer entre le Christianisme et des conceptions (anthropologie, cosmologiques et métaphysiques) récusées par les courants du Nouvel Age. L’anthropologie biblique par exemple permet d’engager un dialogue où l’on sera entendu, à la différence d’une conception dualiste stricte de type cartésien.

 

                        3) Préciser certains points de repères fondamentaux de l’identité chrétienne à l’usage de ceux, nombreux, qui sont tentés par la double appartenance: Crois-tu à la réincarnation ou à la résurrection? De qui es-tu disciple, de Jésus ou du maître? Ta prière est-elle mainmise, emprise sur Dieu comme fruit d’une technique ou accueil et déprise d’une âme de pauvre? Le commandement du prochain est-il premier pour toi ou bien l’auto-réalisation? Le salut vient-il gratuitement de Jésus-Christ ou de la connaissance que tu as accumulé? Ton Dieu est-il un Dieu de bénédiction? Quelle place tient la communauté? Conserves-tu rigueur, distance et esprit critique dans l’évaluation de ce qui t’est proposé? Acceptes-tu de ne pas avoir le dernier mot sur tout?

            De nombreuses occasions seront sans nul doute données d’ouvrir à nouveau ce dossier dans l’avenir.

 

 



[1] Evangile de saint Jean 14, 11;

[2] Evangile de saint Luc 8, 26 à 33;

[3] C’est-à-dire, trop souvent, la science officielle. Le professeur Yves Rocard, en étudiant sans a priori dans les années 80 le phénomène du sourcier agissait pourtant en vrai scientifique. Sa mise à l’écart n’est le fait que d’une science trop dogmatique.

[4] Voir à ce sujet: docteur R. Serville: l’évolution est-elle une hypothèse scientifique? à la Pensée Universelle en 1975;

[5] Vidéo cassette de B. Lancelot; Mais elle ne le faisait pas d’abord dans un but de connaissance pure. La recherche d’un type de communication militaire par télépathie n’aboutit à rien à cause des propriétés du phénomène de télépathie qui n’est jamais vérifiable que par des probabilités variables selon les cas.

[6] Vidéo cassette sur le Linceul* de Turin par la communauté des Béatitudes;

[7] Evangile de saint Jean 20, 7.

[8] NOTE SUR LA DATATION AU CARBONNE 14:

 

                Cette méthode consiste à mesurer la quantité de carbone radioactif restant dans un tissu vivant après que la mort en ait arrêté l’absorption. Sachant que la moitié de carbone 14 se décompose en 5000 ans, la date de la récolte du lin ayant servi au tissage du linceul est facile à déduire.

                Une conclusion aussi rapide est-elle sérieuse? (1). On y sent toute la gêne d’une science qui, loin d’être maîtresse de la situation, est mise à l’épreuve, passée au crible par un morceau d’étoffe. Qu’auraient fait un véritable scientifique, un chercheur de vérité, face aux résultats contradictoires données par 3 méthodes de datation? Il se serait demandé la valeur objective de chacune. Pour le test au carbone 14, il se serait assuré que ses mesures n’avaient pu être faussées: le suaire était-il bien propre, exempt de toute contamination de carbone ajouté sur le tard...; Par les fumées des cierges par exemple qui ont de tout temps brûlé devant la relique? Ou encore par le carbone de cet incendie qui fit malencontreusement roussir le tissu en maints endroits au seizième siècle. Si le suaire est un nid à poussière capable de maintenir 20 siècles de grains de pollen, quelle valeur attribuer à la mesure au carbone 14? En tout cas, aucun savant digne de ce nom n’aurait fermé si vite un dossier où rien n’a été expliqué. Cet exemple, pris parmi d’autres, manifeste que, même dans le monde scientifique il arrive qu’on ne voit que ce qu’on croit ! Claude Bernard prédit: “ les hommes qui ont une foi excessive en leurs théories ou leurs idées sont non seulement mal disposées pour faire des découvertes mais ils sont aussi de très mauvais chercheur ”.

                Il ne s’agit pas bien sûr de rejeter toute science; Bien au contraire, une science bien faite, appliquée selon les règles objectives de sa méthode, ne peut qu’aider la recherche en de telles matières. La vérité à tout à y gagner et la vérité ne peut jamais faire peur. Elle ne peut qu’éclairer sa foi, en la décalant des éléments qui n’en font pas partie. N’est-ce pas Dieu le Créateur de toute vérité Ce que j’appelle une science mal faite, c’est celle que l’orgueil exalte, celle qui prétend savoir alors qu’elle n’a rien prouvé. On la reconnaît à un signe certain: elle n’emploie plus jamais le mot hypothèse*. Elle ne parle que de certitude. Voici un raisonnement de mauvais savants: “ La Sainte Vierge* n’existe pas, donc Bernadette a été victime d’hallucinations à Lourdes ”. Ou encore: “ La Bible dit que le monde a été crée par Dieu, donc la théorie de l’évolution est fausse. Dans les deux cas, on sort de la méthode scientifique car on part d’un a priori, d’une opinion, d’une foi (quelle soit athée ou religieuse). Le savant, par sa méthode propre, ne connaît que ce qu’il peut mesurer, quantifier. Il ne part pas de ses convictions en matières religieuses ou philosophiques. Il faut apprendre à respecter les niveaux de connaissance. Beaucoup de conflits, d’incompréhensions seront alors réglées. Dans chacune de nos études, nous essayerons de respecter ces niveaux et d’utiliser au maximum la science et la philosophie. Nous espérons ainsi rendre l’exposé de la foi plus clair et précis.

[9] L’Eglise n’a jamais pris position sur l’authenticité du Saint-Suaire. Le Pape Paul VI, en 1973, avouait être frappé par la profondeur et la sainteté du visage imprimé sur le linceul. En exécution au testament du roi Umberto II d’Italie, le saint Suaire est devenu propriété du Saint-Siège en 1983. A cette occasion, le professeur John Jackson a remis au Pape Jean-Paul II le mannequin en fibre de verre réalisé à l’aide d’ordinateurs à partir des examens scientifiques du linceul, et restituant ainsi en trois dimensions l’image du personnage figurant sur le linge. Le cardinal Ballestro, archevêque de milan, a rendu publique le 13 octobre 1988 les conclusions des experts désignés par lui, avec l’accord du pape Jean-Paul II, pour l’examen du saint Suaire. Les traits sont ceux d’un supplicié soumis aux mêmes traitements que ceux décrits dans la passion du Christ. Le mystère demeure également sur le fait que l’image est tracée sur le tissu en négatif (notion inconnue avant l’invention de la photographie) et en trois dimensions (une peinture ou une photographie sont en deux dimensions). Pour le cardinal Ballestro, le saint Suaire reste un objet exceptionnellement évocateur des souffrances du christ, et de ce fait continuera à être objet de vénération pour les chrétiens. Le saint Suaire n’est pas objet de foi; C’est un signe pour nous aider à croire à la passion terrestre du Christ.

 

[10] Sagesse 18, 14;

[11] Apocalypse 1, 15 et 16;

[12] Evangile de saint Jean 16, 13; (3) Evangile de saint Matthieu 16, 18;

[13] Evangile de saint Luc 22, 31-32;

[14] Du latin « Maître »;

[15] Evangile de saint Luc 22, 32.

[16] Evangile de saint Jean XVI, 13;

[17] Evangile de saint Matthieu 16, 18;

[18] Dans la constitution Lumen Gentium n°25;

[19] La vocation du théologien du 24 mai 1990 n°13.

[20] C’est l’expression du Concile Vatican II;

[21] Pie X, Motu Proprio du 29 juin 1914;

[22] Exode 3, 14;

[23] Exode 33, 23;

[24] Evangile de Saint Luc 1, 37;

[25] Evangile de Saint Matthieu 28, 19.

[26] Evangile de saint Matthieu 11, 29.

[27] voir Credo donné par Paul VI à l’Eglise en 1968;

[28] Ce qui ne veut pas dire qu'il ne pourrait en aucun cas exister des "créatures intermédiaires" dotées de corps psychique. Les musulmans y croient (les djinns) et saint Paul le suggère: Ephésiens 6, 12: "Car ce n'est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les espaces célestes." Leur existence serait logique, entre les hommes (biologie, psychisme et esprit et les anges (purs esprits). Ils pourraient expliquer certains phénomènes grotesques, peu dignes des anges, dans le spiritisme.

 

[29] Tout le reste de l’enseignement que je vais essayer de développer est parfois marqué du caractère d’infaillibilité habituel de l’Eglise (surtout quand il développe un des ces cinq points), parfois d’une simple mais profonde vénération, soit à cause de l’autorité des maîtres qui l’ont enseigné (saint Denis, Saint Thomas d’Aquin), soit à cause de leur concordance avec l’Ecriture. Voir a ce sujet: Jean Paul II, anges et démons, la foi de l’Eglise édition du Laurier, saint Thomas d’Aquin traité sur les anges dans la Somme Théologique et Denys la hiérarchie céleste.

 

[30] Exode 33, 20: Cette parole est adressée dans le texte aux hommes. Mais elle peut être aussi appliquée aux anges. Les anges ne peuvent mourir comme les hommes puisqu’ils n’ont pas de corps. Mais si Dieu ne fortifie pas leur être, ils peuvent être déstabilisés dans leur existence même par la lumière trop aveuglante de Dieu;

[31] Genèse 1;

[32] Il est bien évident que cette parole n’est pas dans l’Ecriture. Il s’agit d’un essai de reconstitution théologique.

[33] Evangile de saint Luc 18, 17.

[34] Evangile de saint Matthieu 12, 34;

[35] Chez les anges, la haine n’est pas un sentiment passionnel mais une volonté froide et métallique qui le porte à nuire.

[36] Jérémie 2, 20;

[37] Jean 13, 8;

[38] Evangile de saint Jean 13, 6-7;

[39] Apocalypse 12,4;

[40] Apocalypse 12,7;

[41] Cette parole n’est pas dans la Bible mais elle est une tentative de reconstitution du combat spirituel entre les anges.

[42] Isaïe 14, 12;

[43] Jean 8, 44;

[44] Apocalypse 12.

[45] voir n°5.

[46] Pour l’analyse de leur connaissance de l’avenir, voir le chapitre qui en parle.

[47] Pour l’étude de ce pouvoir angélique, voir l’étude spécifique en partie 3;

[48] Ephésiens 6, l2;

[49] Genèse 1;

[50] C’est-à-dire des dons dont l’origine est dans la nature humaine elle-même, mais qui ne peuvent s’exercer pleinement sans l’aide de Dieu;

[51] Pour trouver les textes dogmatiques sur l’origine de l’homme, voir la foi catholique, textes doctrinaux du Magistère de l’Eglise, édition de l’Orante 1982 pages 162 et 16.

[52] Allocution du 22 octobre 1996 à l’Académie pontificale des sciences (O.R. du 24 octobre 1996)

 

[53] Voir Genèse 2;

[54] Voir credo du pape Paul VI donné à l’Eglise en 1968.

[55] Genèse 6, 3;

[56] Genèse 3, 24. Mais prolonger la vie humaine de plusieurs siècle sera probablement possible un jour. Il se pourrait que l’audace des chercheurs soit un "tremblement apocalyptique". J’entends par là un de ces actes graves dont on ne comprend les conséquences que si l’on connaît les raisons qui poussèrent Dieu à rendre l’homme mortel.

[57] Voir du même auteur, Traité des Fins dernières, La vision béatifique, Question 1, article 8.

[58] Genèse 2,18;

[59] Genèse 1, 28;

[60] Genèse 2, l9;

[61] Genèse 1, 28;

[62] 1 Jean 2, 7;

[63] Genèse 1, 31;

[64] 1 Pierre 5, 8.

[65] La Bible, pour exprimer cette colère de Lucifer le décrit comme un Dragon Rouge-feu (Apocalypse 12). Il s’agit d’une image pour exprimer l’action d’une intelligence calculatrice qui est prêtre à tout faire pour rétablir ce qui lui apparaît être le bien;

[66] Genèse 2, 16;

[67] Genèse 3, 1: Le serpent signifie symboliquement le démon. Voir à ce sujet les noms employés par l’Apocalypse au chapitre 12, 8 pour parler du démon: “... le dragon, l’antique serpent, le diable ou le Satan comme on l’appelle, le séducteur du monde entier...". Si la Bible utilise le symbolisme du serpent pour parler du démon, c’est parce qu’il est l’animal qu’on considère comme le plus rusé et le plus dangereux.

[68] Voir Saint Augustin: aimé signifie pour lui ici l’amour de charité (Agape);

[69] Interprétation de Genèse 3, 5;

[70] Genèse 3, 7;

[71] Romains 5, 12; (5) Voir section 1: les phénomènes paranormaux qui trouvent leur explication dans la nature humaine page 30.

[72] Ce pouvoir est bien sûr limité par Dieu qui veille et ne permet les attaques du démon sur l’homme dans la seule mesure où elles peuvent servir à son bien. Les attaques sont principalement la tentation (qui passe par l’imagination et les passions) et la possession qui est une prise de pouvoir sur le corps.

 

[73] Epître aux Romains 11, 33.

 

[74] Evangile de marc 1, 13;

[75] Voir le cas de saint François d’Assise dans le chapitre des miracles.

 

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