L’ÉGLISE ET LES PHÉNOMÈNES
PARANORMAUX
Arnaud
Dumouch
Théologie,
1988
INTRODUCTION: Pourquoi ce livre?_____________________________________________________________ 2
PREMIERE PARTIE:
QUESTION DE METHODE__________________________________________________ 4
CHAPITRE 1: Qu’est
ce qu’un phénomène paranormal?___________________________________________ 4
CHAPITRE 2: La
science face aux phénomènes paranormaux_______________________________________ 5
CHAPITRE 3: La foi
face aux phénomènes paranormaux__________________________________________ 7
CHAPITRE 4: Où est
la source de la Théologie?__________________________________________________ 8
DEUXIÈME PARTIE:
LES CAUSES DU PARANORMAL___________________________________________ 11
CHAPITRE 1: Dieu,
première Cause possible du paranormal______________________________________ 11
CHAPITRE 2: les
anges, deuxième cause possible des phénomènes paranormaux_______________________ 14
CHAPITRE 3: Les
hommes et le monde visible__________________________________________________ 21
TROISIÈME PARTIE:
LES PHÉNOMÈNES PARANORMAUX_______________________________________ 29
SECTION I:
phénomènes paranormaux d’origine humaine________________________________________ 29
CHAPITRE 1: la télépathie________________________________________________________________ 29
CHAPITRE 2: les pendules et les
sourciers: le magnétisme cognitif___________________________________ 31
CHAPITRE 3: La télékinésie et les
guérisseurs-magnétiseurs: Le magnétisme efficace____________________ 34
CHAPITRE 4: l’horoscope_________________________________________________________________ 36
SECTION II:
phénomènes à la limite du naturel et du surnaturel____________________________________ 40
CHAPITRE 1: L’expérience de mort
approchée (Near Death Expérience)_____________________________ 40
SECTION III:
Exemple de phénomènes parfois naturels, parfois supra-naturels._______________________ 46
CHAPITRE 1: le voyage dans
l’astral, le dédoublement, la bilocation.________________________________ 47
CHAPITRE 2: La lévitation________________________________________________________________ 49
CHAPITRE 3: aura et auréole.______________________________________________________________ 50
SECTION IV: Où
l’on parle des anges, des démons et des esprits des morts.____________________________ 51
CHAPITRE 1: Les anges
connaissent-ils l’avenir?_______________________________________________ 52
CHAPITRE 2: Le pouvoir de l’ange
sur la matière et sur l’homme___________________________________ 54
CHAPITRE 3: les esprits des morts:
Leurs états et leurs rapports____________________________________ 55
CHAPITRE 4: la nécromancie et le
spiritisme.__________________________________________________ 57
CHAPITRE 5: la voyance_________________________________________________________________ 65
LA PROPHETIE DE SAINTE ODILE_________________________________________________________ 70
CHAPITRE 6: Les songes et les
prémonitions___________________________________________________ 71
CHAPITRE 7: Les apparitions______________________________________________________________ 76
CHAPITRE 8: Les extases ou le
ravissement___________________________________________________ 79
CHAPITRE 9: Les fantômes et les
revenants___________________________________________________ 82
CHAPITRE 10: La sorcellerie_______________________________________________________________ 86
CHAPITRE 11: L’exorcisme_______________________________________________________________ 94
SECTION V: Les
croyances modernes de l’Occident______________________________________________ 99
CHAPITRE 1: Les OVNI__________________________________________________________________ 99
CHAPITRE 2: La Réincarnation___________________________________________________________ 100
SECTION VI: LE
DOIGT DE DIEU EST LA___________________________________________________ 106
CHAPITRE 1: La conversion du cœur._______________________________________________________ 107
CHAPITRE 2: les Charismes______________________________________________________________ 108
CHAPITRE 3: Les Miracles_______________________________________________________________ 112
CHAPITRE 4: La Prophétie et le
Discernement des esprits________________________________________ 115
CHAPITRE 5: Les dons
extraordinaires______________________________________________________ 117
CONCLUSION__________________________________________________________________________ 120
CHAPITRE 1: Bouddhisme tibétain et
christianisme____________________________________________ 120
CHAPITRE 2: Au delà des phénomènes
paranormaux__________________________________________ 122
ANNEXE: le Père
Vernette et le Nouvel Age___________________________________________________ 124
Travaux du groupe "pastorale
et secte" sur le thème du nouvel âge._________________________________ 124
Le problème des
phénomènes paranormaux concerne l’Eglise au plus haut point. Fondée par
Jésus-Christ il y a 2000 ans, elle trouve ses racines dans des civilisations
parmi les plus anciennes, celle du peuple Juif, celle de la Mésopotamie et
celle de l’Egypte. Elle a hérité de ces nations, de leur épopée millénaire, le
livre de l’Ancien Testament* qui, tout comme l’Evangile, foisonne de récits
rapportant des phénomènes extraordinaires. Les maîtres du judaïsme avaient déjà
élaboré une théologie très précise qui permettait de discerner ce qui était
divin. L’Eglise, par saint Paul en particulier, a pris à son compte beaucoup de
ces connaissances et y a ajouté les lumières nouvelles données par le Messie.
L’Eglise
catholique parle donc des phénomènes paranormaux et elle en parle souvent avec
précision. Elle en parle davantage que les autres Eglises, en particulier
protestantes car elle n’appuie pas sa connaissance sur la seule Ecriture
Sainte, mais aussi sur la tradition des plus grands saints et théologiens, sur
la confirmation des papes et des conciles. Elle ne le fait pas seulement dans
un but intellectuel, dans son désir d’approfondir sa connaissance de
l’admirable beauté de la création. Elle le fait aussi dans un but pastoral,
pour aider concrètement chaque homme qui, pour une raison ou une autre, se
trouve confronté à ce genre de phénomène.
Le
problème des phénomènes paranormaux concerne donc l’Eglise au plus haut point.
Et l’Eglise, depuis sa fondation, s’est efforcée de donner aux hommes les
moyens pour en discerner la nature. Pour s’en convaincre il suffit de parcourir
les grands textes édités depuis 2000 ans à commencer par l’Evangile, les actes
des Apôtres, les Pères de l’Eglise, en passant par les grands théologiens comme
saint Augustin, saint Thomas d’Aquin. Les papes eux même se sont souvent
intéressés au problème, et pour cause: l’Eglise demeure un lieu de miracles.
Mais il reste à discerner quel miracle vient de Dieu. Saint Paul disait: "Discernez les esprits, n’imposez pas trop
vite les mains...". Les longues enquêtes précédant la canonisation
d’un saint, la reconnaissance d’une apparition, aboutissent souvent à des
dossiers où l’on parle de lévitations, d’extase et de charismes multiples.
Il
est dommage de constater que ce domaine est laissé à l’abandon depuis 40 ans.
Parce que la nature a horreur du vide, ces sujets deviennent le piédestal dont
profitent les sectes pour répandre leurs enseignements. Elles se donnent une
autorité quasi-divine sur leurs adeptes, en expliquant avec autorité l’origine
des phénomènes qu’elles prennent à leur compte. Parfois elles arrivent même à
réaliser devant témoins des merveilles qui suscitent l’admiration. Les sectes
ont bien compris la logique du merveilleux, elles qui appuient souvent leur
doctrine sur de prétendus miracles ou apparitions. Elles ne font en cela
qu’imiter Jésus qui, multipliant les guérisons, disait aux foules: "Si vous ne croyez pas, croyez à cause de mes
oeuvres".[1]
Pendant ma formation, un professeur de
théologie commentait un passage bien connu de l’Evangile[2]
à propos d’un exorcisme du Christ: "Jésus
venait d’aborder en barque au pays des Génésariens lorsque vint à sa rencontre
un homme de la ville possédé par des démons. Depuis longtemps il ne portait pas
de vêtements; Il n’habitait pas non plus dans une maison mais dans les
tombeaux. Voyant Jésus, il se mit à vociférer, tomba à ses pieds et dit d’une
voix forte: que me veux-tu, Jésus, fils de David? Je t’en prie ne me tourmente
pas. Jésus en effet prescrivait à l’esprit de sortir de cet homme. Car, à
maintes reprises, l’esprit s’était emparé de lui. On le liait alors pour le garder,
avec des chaînes et des entraves, mais il brisait ses chaînes et le démon
l’entraînait vers les solitudes. Jésus lui demande: Quel est ton nom?
légion répondit-il parce que beaucoup de démons étaient entrés en lui. Et ils
le suppliaient de ne pas leur ordonner de s’en aller dans l’abîme. Or il y
avait un troupeau considérable de porcs en train de paître dans la montagne.
Les démons supplièrent Jésus de leur permettre d’entrer dans les porcs. Il le
leur permit. Ils sortirent donc de cet homme, entrèrent dans les porcs et du
haut de l’escarpement se précipita dans le lac et s’y noya". Le
professeur, avec autorité, expliqua qu’on avait ici un cas typique de maladie
psychologique, que métaphoriquement l’Evangile se plaît à appeler un démon, et
que Jésus en bon psychanalyste a su guérir. Après réflexion, je me suis dit que
ce professeur niait tout caractère supra-naturel, malgré l’évidence des faits.
Ce professeur relègue aux catacombes de l’obscurantisme moyenâgeux bien des
trésors de l’Eglise.
A l’inverse, je me souviens d’une mère de
famille qui enseignait la catéchèse dans une paroisse. C’était une femme de
foi, dotée d’un sens aiguë de la prière et avide de se former en théologie. Or,
elle avait acheté un livre qui lui paraissait de grande autorité car écrit par
un prêtre, le Père Brune. Il y exposait l’expérience extraordinaire faite par
lui: celle de la communication avec les morts. Ce prêtre, célèbre par ses
divers passages à la télévision, montrait qu’on pouvait contacter un esprit et
que celui-ci avait le pouvoir de répondre en direct, en inscrivant son image
sur un écran de télévision ou sa voix sur une bande magnétique. C’est une
expérience fabuleuse que celle-ci, où un témoin direct de l’au-delà raconte ce
qu’il vit. C’est aussi une expérience très séduisante.
Devant
certains propos étranges tenus par cette catéchiste, je lisais le livre. Je fus
d’abord admiratif devant la grande foi du Père Brune, sa confiance d’enfant. Je
fus ensuite étonné de voir que bien souvent son attitude n’était pas: "Je
crois en Jésus et en toutes les vérités qu’il nous a révélées par son
Eglise" mais "Je crois en vous, esprits, et en la plupart des
enseignements que vous me donnez, du moment que vous êtes unanimes à les
supporter !". Je fus enfin inquiet de voir apparaître diverses doctrines
étonnantes, passionnantes mais conduisant le père Brune dans un chemin bien
éloigné de la foi catholique.
Devant
l’attitude opposée d’un professeur de théologie qui n’ose plus croire aux
esprits de peur d’être pris pour un naïf et d’un prêtre qui croit en tout car
il a vu un esprit apparaître, je me suis demandé ce que pouvait bien faire un
chrétien avide de connaître ou même un homme de la rue désireux de savoir ce
que croient les chrétiens. La plupart des émissions télévisées ou radiophoniques
ne donnent qu’un seul point de vue sur le sujet, celui du merveilleux. Le jeu
est davantage d’attirer l’audience que d’établir une véritable recherche,
exposant les faits, les critiquant à l’aide d’une méthodologie scientifique ou
philosophique, et exposant l’opinion officielle des diverses religions
Si la clef de la connaissance a été de nos
jours cachés pour certains ou perdue par d’autres, il est malgré tout urgent,
face à la montée des nouvelles religiosités, de rappeler ce que les plus grands
saints de l’Eglise catholique, ce que les plus grands théologiens ont toujours
constamment enseigné. Il existe bien sûr des phénomènes paranormaux nouveaux,
spécifiques au vingtième siècle et dont personne n’a parlé. J’essayerai alors
de donner mon opinion personnelle en précisant à chaque fois lorsque je ne
parle qu’en mon nom. Je pense par exemple au phénomène des O.V.N.I, apparu
après la guerre de 1939-45 et qui sera étudié selon une approche qui n’engage
que moi.
Cette partie ne
concerne que les personnes désireuses de s’instruire sur les sources de ce qui
sera dit ensuite. Il s’agit de ce qui spécifie et rend si passionnante et
ouverte la théologie catholique.
Les
phénomènes paranormaux sont extrêmement variés et nombreux. Avant d’en donner
une liste, il convient d’essayer de définir ce qu’on entend sous cette
expression.
Un
phénomène est un événement extérieur visible. Il a donc la propriété d’attirer
immédiatement l’attention des hommes. Ce phénomène est appelé paranormal quand il sort des lois
habituelles de la nature. Il n’est pas "normal". Il suscite donc
immédiatement l’étonnement et même l’admiration.
Or les lois "habituelles" de la nature ne sont pas les mêmes selon les époques. Je ne veux pas dire que la nature change ses lois mais que l’homme, au fur et à mesure qu’il pénètre dans la connaissance du monde, découvre d’autres lois, d’autres propriétés et les utilise. Il fait ainsi passer pour lui certains phénomènes du paranormal au normal. Prenons l’exemple de la télévision. Un homme du dix-huitième siècle confronté à cette boite où tout un monde vit et parle conclurait, et on pourrait l’en blâmer, à l’existence d’un phénomène paranormal. Et l’on ne serait pas étonné de voir l’homme attribuer immédiatement à ce phénomène une cause surhumaine. L’hypothèse de l’action du démon lui viendrait d’abord à l’esprit, surtout si le hasard de l’expérience le mettait devant un de nos films modernes d’horreur. Peut-être penserait-il aux anges si le film s’appelait "Jésus de Nazareth". Mais il ne lui viendrait pas à l’idée que ce phénomène est simplement le fruit de l’art humain. La science du vingtième siècle a fait sortir du domaine paranormal les ondes électromagnétiques. Il serait donc mal vu d’écrire dans un livre daté de 1990 un chapitre sur la télévision. Il aurait par contre été parfaitement à se place dans un traité du dix-huitième siècle.
Notre
étude est donc située dans le temps, comme est située dans le temps la notion
de phénomène paranormal. En fin de compte, nous appelons phénomène paranormal
tout événement dont la science officielle dans l’état actuel de son progrès,
n’explique pas la cause.
Dans
ce domaine immense, on peut distinguer trois grands groupes. Il y a d’abord les
phénomènes dont la science positiviste[3]
refuse a priori de reconnaître
l’existence. Elle justifie son attitude par le fait qu’ils touchent au domaine
flou de la psychologie humaine. Ils ne seraient donc pas reproductibles donc
scientifiquement aptes à être étudiés. C’est oublier bien vite que, depuis des
décennies, grâce aux calculs de la probabilité et des statistiques, la
psychologie a acquis le statut d’une science humaine. C’est oublier aussi que
la philosophie réaliste, celle qui à l’école d’Aristote recherche la vérité,
dispose de bien d’autres méthodes que le calcul pour aboutir à une étude
scientifique. Nous classerons dans ce premier groupe la voyance de l’avenir (ou
prophétie), la sorcellerie, les apparitions, les miracles, le phénomène
O.V.N.I, et bien d’autres questions qui ont toutes en commun de faire référence
à un monde parallèle fait d’esprit ou d’entités inconnues à ce jour. Si les
esprits existent, ils ne sont pas matériels et donc non mesurables. Quant aux
extraterrestres, ils ne sont que la forme moderne de la croyance aux esprits.
On comprend qu’ils échappent au domaine de la science positive qui, par
méthodologie, ne doit croire qu’à ce qu’elle mesure. Mais il est plus facile de
nier ce qui nous échappe que d’avouer son incapacité à l’étudier.
Un
deuxième groupe de phénomène se prête à la mesure. Expérimentalement, on peut
en vérifier l’existence par des effets et en calculer la probabilité, soit pour
les infirmer, soit pour les confirmer. Ils entrent alors dans le champ de
vision de la science officielle mais, comme elle n’a pas trouvé de solutions
pour en expliquer la cause, elle s’en méfie, elle les entoure d’un halo de
scepticisme et de critique. N’est ce pas une façon pour elle de protéger son image
de marque qu’on peut parfois exprimer ainsi: "je connais tout, j’explique
tout". Je classerai dans ce groupe la télépathie, la télékinésie,
l’astrologie, le sourcier et bien d’autres phénomènes de ce genre.
Les
phénomènes d’un troisième groupe peuvent être qualifiés de paranormaux en ce
sens qu’ils entrent dans la définition donnée plus haut: Ils sortent des lois
habituelles de la nature et la science ne les explique pas. Mais ces questions
sont si fondamentales que la science moderne, soucieuse là encore de son image,
a du mal à avouer qu’elle en est qu’au stade des hypothèses. Ses hypothèses,
dans ce domaine, ressemblent fort à un château construit en marbre et en
pierres précieuses, mais dont les fondations sont en carton. Je veux parler des
questions de l’existence de la nature, de l’apparition de la vie, de
l’apparition de l’homme. Ce troisième groupe de questions ne sera pas abordé
ici[4].
Une
telle critique de la science officielle paraîtra exagérée. Il n’y a pourtant
rien que de normal à ce genre de propos. Ils sont même nécessaires au progrès
des connaissances. La science n’évolue dans les domaines nouveaux que par
l’audace de la jeunesse qui sait remettre en cause la tendance dogmatique des
aînés. Il en sera toujours ainsi. Le fait de se laver les mains avant de
pratiquer un accouchement provoqua la persécution d’un obstétricien du
dix-neuvième siècle. Ce climat est réel et très pesant. Il ralentit
considérablement les recherches dans ces domaines nouveaux. Certaines nations
osent parfois secouer le joug. L’URSS durant ces dernières décennies, s’est
intéressée aux phénomènes du type 2[5].
Chacun connaît les expériences de télépathie tentées à bord de sous-marin à des
fins militaires. Les USA ont cherché une plus grande honnêteté dans le groupe
3. Certains Etats américains n’héritent pas à présenter dans leurs universités
deux hypothèses pour l’apparition de la vie: évolution et création évolutive,
hasard des lois de la matière ou Intelligence organisatrice du monde.
Quant à l’Europe, elle reste bien loin en arrière. Ces dernières années nous ont montré comme les choses ont peu changé depuis Auguste Comte. On se souvient de la manière rapide et très peu scientifique dont à été classé l’étude du saint Suaire de Turin. Ce morceau de tissus porteur de l’emprunte d’un corps humain était considéré par la dévotion populaire comme le véritable linceul du Christ. Depuis un siècle, la science l’étudiait avec passion. Le mystère de la formation de ce négatif photographique l’intriguait. Car il s’agissait bien d’un mystère qui reste d’ailleurs inexpliqué.
Malheureusement
pour le linceul de Turin[6],
il se situait à la fois dans les phénomènes de type 1 et de type 2: du type 1
car il posait, à lui seul, la question de la résurrection du Christ, bref toute
une série de sujets classés; Du type 2 car il était mesurable, palpable. Il
représentait donc un danger pour les a
priori de la pensée humaniste athée à la mode: celui de démontrer ou du
moins de suggérer l’existence d’un domaine qu’elle ne pourrait jamais mesurer,
d’un domaine immatériel.
Ce
suaire était-il donc vraiment celui du christ, tel que saint Jean l’avait vu au
matin de Pâques, affaissé sur lui-même[7]?
Pour répondre à cette question, il fallait au moins pouvoir le dater. Plusieurs
méthodes avaient été employées: l’étude de la trame du tissu prouvait sa
fabrication au Proche Orient par un métier à tisser contemporain de Jésus;
L’étude des pollens prisonniers des fibres démontrait son passage par la Palestine
avant l’année 70 après Jésus-Christ (date de la destruction par les Romains de
l’Etat Juif et du changement, par manque d’irrigation, de sa flore habituelle).
Pour n’importe quelle momie Egyptienne ces deux voies auraient suffi à une
datation portant le label scientifique. On voit mal un faussaire du moyen âge
saupoudrer une fausse momie faite par ses soins avec le pollen de plantes ayant
vécu 3000 ans plus tôt. Pour le Suaire, il n’en était rien. Il fallait
multiplier les preuves à l’infini. La science ne faisait que son travail en
cherchant à le dater par un test au carbone 14[8].
Trois laboratoires trouvèrent une datation semblable: le douzième siècle.
Je parlais de l’existence d’une mentalité scientifique et positiviste. On en voit la trace non pas dans cette expérience du carbone 14 mais dans la manière dont cette science l’a utilisée: le Suaire à été aussitôt et irrémédiablement déclaré l’œuvre d’un faussaire du Moyen-Age. Le dossier a été clos et il reste officiellement clos aux yeux du grand public. Nous pouvons chanter maintenant un hymne à la science reine qui a si bien su, là encore dénicher la malhonnêteté. Ce faussaire du Moyen-Age a donc réussi à se procurer une pièce de tissus de 4 mètres sur 2 mètres, fait sur le modèle exact de ceux qu’on fabriquait 13 siècles plutôt. Il a crucifié un homme ou plutôt plusieurs puisqu’il lui a fallu retrouver la technique de la croix qui consiste à planter des clous dans les poignets et non dans les mains comme on le pensait alors; Il a roulé le cadavre dans son tissu et a obtenu, par un procédé alchimique connu de lui seul, une empreinte parfaite. Puis il a enlevé le corps, sans déplacer une seule fibre de tissus malgré le sang coagulé avec les plaies. Mais le comble de son génie a été de saupoudrer le splendide résultat avec du pollen de plantes ayant vécu en Palestine au temps de Jésus, puis de plante d’Antioche, de Constantinople et enfin d’Europe (selon les époques). Voici pourtant l’hypothèse officielle de la science. A chacun d’en juger...[9]
Dans
les années soixante-dix, des milliers de jeunes partirent d’Europe et se
rendirent en Extrême Orient, au Népal et au tibet. Ils avaient entendu dire que
demeurait là bas, presque intacte, une Sagesse plusieurs fois millénaires,
capable de répondre à toutes les questions et d’étancher toutes les soifs de
bonheur que le vieil Occident n’avait pu qu’exacerber en eux. Presque tous
revinrent, désabusés, incapables qu’ils avaient été d’entrer dans ces spiritualités
tellement peu faites pour eux. Beaucoup, après s’être lancés avec fougue dans
les exercices d’ascétisme propres au Bouddhisme, sombrèrent dans l’extrême
inverse et revinrent esclave de la drogue. Les plus équilibrés surent se
modérer et découvrir des richesses spirituelles qu’ils rapportèrent. Qu’était
donc devenue la sagesse de l’Occident? N’avaient-ils pu trouver chez leurs
propres moines, chez leurs prêtres ici même, en Europe, le goût du sacré dont
ils semblaient avides? Cette sagesse Occidentale était pourtant aussi ancienne,
aussi vénérable que celle de Bouddha: Près de 4000 ans depuis qu’un vieil
homme, éleveur auprès de la métropole d’Ur en Chaldée avait entendu la voix de
Dieu : “quitte ton pays, ta parenté
et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. Je ferai de toi une
grande nation". C’était la voix de Dieu qui parlait directement à
Abraham, le père de tous ceux qui après lui ont cru. Qu’était devenue la
sagesse de l’occident? Sagesse beaucoup plus ancienne que celle de Bouddha, qui
n’était qu’un homme... Sagesse aussi ancienne que Dieu... Sagesse donnée goûte
à goûte durant 2000 ans par l’intermédiaire de milliers de prophètes, Sagesse
livrée en torrents pendant trois ans par la voix même qui avait parlé à
Abraham, la voix de Dieu fait homme, Jésus-Christ; Sagesse vécue pendant 2000
ans par des peuples entiers; Sagesse capable de jeter au désert des moines, de
faire jaillir de terre des cathédrales de pierre, d’envoyer à la mort des
générations de martyrs. "Nous ne l’avons pas trouvée, ont dit ces jeunes,
alors que nous sommes allés la chercher ailleurs".
Pourtant,
cette Sagesse existe et elle n’a rien perdu de sa puissance. Elle est
simplement cachée. Même si les hommes d’Occident ne croient plus, dans leur
majorité, au fait que ce message vient de Dieu, il n’en demeure pas moins,
entretenu, vécu dans le cœur de quelques-uns, dans toute la force de sa
jeunesse et de son antiquité. Il parle avant tout de Dieu. Mais pour mieux le
faire, il parle de l’homme et en raconte l’origine, lui révèle qu’il est et
pourquoi il est fait. Il parle aussi de l’univers et de l’ordre sublime mais
mystérieux qui y règne.
Ce
message puissant pourrait sembler n’être qu’une mythologie parmi d’autres, que
le temps et la raison finirent un jour ou l’autre par éliminer. A chacun d’en
décider... Certains ont la chance de pouvoir le recevoir en croyant réellement,
profondément, qu’il est la Parole de Dieu. Ceux là ont beaucoup de chance. Ils
ont la foi, cette foi qui est un don de Dieu. Ceux là ont un jour expérimenté
Sa présence et il leur est facile de croire en Sa parole puisqu’ils l’aiment
déjà. Ils sont devenus comme des petits enfants qui écoutent leur mère car ils
savent que leur mère ne peut les tromper.
A
ceux qui ne croient pas, le message chrétien mérite aussi d’être présenté dans
toute sa richesse. Ceux là le recevront sans doute avec le même regard qu’ils
portent sur d’autres vénérables traditions. L’essentiel n’est-il pas qu’ils en
connaissent la richesse telle qu’elle est, indépendamment des accommodations
introduites d’une manière passagère par certains théologiens. Ils ont le droit
de connaître le message chrétien à sa source.
Quand,
dans les années 70 les jeunes partirent à la recherche de la spiritualité
bouddhiste la plus pure, ils n’allèrent pas se renseigner auprès de tel ou de
tel érudit de faculté. Ils se déplacèrent sur les lieux et, pour ceux que
fascinait le lamaïsme tibétain, c’est auprès du Dalaï lama qu’ils
s’informèrent. En cela ils firent bien et évitèrent le risque de perdre leur
temps. Ils allèrent à la source même de ce bouddhisme si particulier. Dans
l’entreprise qui est la nôtre et qui consiste à rechercher l’enseignement
chrétien le plus profond sur les phénomènes paranormaux, il faut faire la même
chose. Cette démarche est très importante surtout si l’on regarde la multitude
des théologies qui se dénomment chrétiennes. Il y en a de toutes sortes, et
toutes se réclament de la Bible: Les Raëliens n’ont-ils pas réussi à y lire la
présence des Elohim, ces hommes de l’espace qui se manifestent aujourd’hui dans
leurs soucoupes volantes? Les Témoins de Jéhovah n’ont-ils pas démontré que
Jésus n’avait pas été crucifié mais pendu à un poteau? Les théologiens de la
libération n’ont-ils pas trouvé dans le Magnificat de Marie la première
invitation à la lutte des classes?
Quelle
est donc la source de la révélation? Où trouver la plénitude du message
chrétien en étant sûr d’aller le plus profond possible?
Tous les chrétiens sont d’accord sur une chose: la source unique de la révélation est Dieu lui-même. C’est lui, le Dieu Tout Puissant, Créateur du Ciel et de la terre qui à parlé. “Alors qu’un silence paisible enveloppait toute chose, et que la nuit parvenait au milieu de sa course, ta Parole divine s’élança du trône royal"[10], ainsi parla la Sagesse de la Bible. La somme de ces paroles divines forme ce monument, cette jungle que représente le livre le plus lu au monde, la Bible. Là s’arrête, en gros, l’unanimité des chrétiens. C’est peu et c’est beaucoup. C’est peu car la Bible est un jardin inextricable pour celui qui s’y aventure seul. Elle dit beaucoup de choses et semble se contredire quelques lignes plus loin. Finalement, un habile rhéteur peut lui faire enseigner ce qu’il veut. Comment choisir, par exemple, le véritable portrait de Jésus? Est-ce celui où il se présente lui-même: "venez à moi, vous qui peinez et ployez sous le fardeau, je vous soulagerai car je suis doux et humble de cœur" ou cet autre brossé par l’évangéliste saint Jean dans le livre de l’Apocalypse: "sa voix est comme le mugissement des grandes eaux et de sa bouche sort une épée à double tranchant, et son visage, c’est comme le soleil qui brille dans tout son éclat"[11]. Selon le goût ou l’humeur de chacun, rien n’empêche de privilégier l’un sur l’autre, de faire de Jésus un doux agneau (à la manière des quiétistes) ou au contraire un juge terrible (à la manière des jansénistes). Que n’a-t-on pas fait au nom de la Bible, parole de Dieu? Que n’a t-on pas enseigné?
Comment
donc en trouver la véritable interprétation? Comment être sûr de rejoindre la
pensée de Dieu, de ne pas la confondre avec ses propres aspirations? Jésus
lui-même répond à cela par deux textes complémentaires. “Quant à lui, l’Esprit Saint, il vous introduira dans la vérité tout
entière"[12]
et "Pierre, tu es Pierre, et sur
cette Pierre je bâtirai mon Eglise...". "Simon, Simon, voici que Satan vous a réclamés pour vous cribler
comme le froment. Mais j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas. Toi donc,
quand tu seras revenu, affermis tes frères"[13].
Le premier texte montre que nul ne peut réellement comprendre la parole de
Dieu, si l’Esprit Saint qui est en l’auteur ne l’éclaire. Il faut être inspiré
pour comprendre une parole inspirée. C’est déjà vrai au niveau de la poésie.
Chacun expérimente qu’il faut un certain climat, un certain état d’esprit pour
goûter un poème. En ce qui concerne la parole de Dieu, c’est encore plus vrai,
surtout si l’on comprend qu’il existe un abîme entre les pensées des hommes et
celles de Dieu. La parole de Dieu est un jardin bien clos, une source scellée,
réservée à ceux qui vivent avec Dieu. La prière en est la clef. La deuxième
parole citée plus haut vient compléter et rectifier ce qu’il y aurait
d’insuffisant dans la première. Il est en effet facile de confondre
l’inspiration de l’Esprit Saint avec son propre imaginaire. Psychologiquement,
les effets sont les mêmes. C’est pourquoi Dieu a établi une référence
objective, un "Magistère"[14]
qu’il s’est engagé à protéger de l’erreur, à rendre infaillible: "j’ai
prié pour que ta foi ne défaille pas"[15].
Il
est important de bien comprendre ce qu’on entend par infaillibilité du Pape.
Aucun homme n’est infaillible par lui-même, pas même Pierre. Etre faillible,
c’est être capable de commettre une faute. Or il existe deux types de fautes:
des fautes morales (le péché) et des fautes intellectuelles (l’erreur). Pierre
n’a pas cessé de commettre des fautes morales, même après que Jésus lui ait
promis qu’il ne faillirait pas dans sa foi. Ses fautes morales furent parfois
graves, à cause de sa situation de colonne de l’Eglise, au point que saint Paul
n’a pas hésité à le reprendre: Pierre par exemple était d’accord avec Paul pour
enseigner que les usages donnés par Moïse étaient inutiles et périmés après la
venue du Christ qu’ils annonçaient. Or, par peur de la réaction des Juifs, il
continuait à se comporter en Juif en leur présence. Il agissait ainsi par
respect humain et risquait de troubler la foi des chrétiens issus du paganisme.
Paul dut donc reprendre Pierre en face devant toute l’assemblée et Pierre
confessa ses torts. De la même façon, les successeurs de pierre furent
faillibles moralement. On se souvient du pape Borgias (Alexandre VI) qui
scandalisa l’Eglise par sa vie débauchée. Il ne fut pas le pire. La parole de
Dieu à Pierre ne disait pas en effet "j’ai
prié pour que tu sois immaculée"mais"j’ai prié pour que ta foi ne défaille pas". C’est donc
uniquement sur les erreurs d’ordre intellectuel, concernant la foi, que Jésus
prie pour Pierre dans ce passage d’Evangile. Si on lit attentivement
l’Evangile, on s’aperçoit qu’il existe donc deux sortes d’infaillibilité dans
l’Eglise: celle de ceux qui vivent de l’Esprit Saint, promis par Jésus quand il
dit: "Je vous enverrai l’Esprit
Saint qui vous conduira à la vérité tout entière"[16]
et celle de Pierre, le chef suprême de l’Eglise, qui est un charisme, promis
par Jésus et indépendant de la sainteté personnelle de l’homme qui le reçoit.
La première infaillibilité peut être vécue par tous, dans le dialogue cœur à
cœur avec l’Esprit de Dieu. La deuxième est là pour confirmer ce qu’il y a de
vraiment divin dans la première. Elle est comme un rocher sur lequel tout
chrétien peut s’appuyer car c’est Dieu lui-même qui le rend ferme "tu es Pierre"[17].
Elle est un rocher sur lequel tout chrétien doit s’appuyer car rien ne l’assure
de l’origine divine de ce qu’il croit comprendre sur Dieu, si ce n’est Pierre.
Les chrétiens des premiers siècles, en Orient comme en occident, crurent à
l’infaillibilité du Pape. Saint Ignace écrit dans les années 100 que
"l’Eglise de Rome préside". Les siècles suivants diront que
"c’est Dieu qui parle par la bouche du Pape". Le concile Vatican I
précisera les moments ou s’exerce l’infaillibilité et le concile Vatican II
développera encore cet exposé dogmatique[18].
Le Pape n’utilise son charisme d’infaillibilité que lorsqu’il parle en tant que
chef de l’Eglise: Le Pape, en privé, peut avoir des opinions théologiques sans
être infaillible. Elle ne s’exerce que dans le domaine de la foi (ce qu’on doit
croire comme révélé par Dieu) et de la morale (manière dont Dieu veut que nous
agissions). Le Pape Jean Paul II n’est pas infaillible en astronomie, en
politique... Or le pape (ou les évêques unis au Pape) peut exercer son
infaillibilité de deux manières: d’une manière habituelle quand il donne
l’interprétation véritable des écritures, quand il rappelle les vérités
explicitement révélées dans l’Evangile. C’est le cas de la plupart des
encycliques des enseignements catéchétique, comportant un enseignement
théologique ou moral. D’autre part, le pape ou le concile uni au pape, peut
exercer l’infaillibilité pour enseigner une vérité non explicitement révélée
dans l’Ecriture mais que l’Esprit Saint veut donner aux hommes. Cette
infaillibilité, emprunte d’un caractère solennel fut définie au concile Vatican
I et n’a été que rarement utilisée: le dogme de l’Immaculée Conception, celui
de l’Assomption de Marie. Beaucoup de théologiens, gênés par l’infaillibilité
pontificale qu’ils considéraient comme une atteinte à leur liberté de penser,
essayèrent de montrer qu’elle ne s’était exercée que 2 ou 3 fois et dans les
cas précités. C’était une manière habile de se débarrasser d’une tutelle
gênante pour eux. Le concile Vatican II dut donc rappeler ce qu’est l’infaillibilité
habituelle du magistère de l’Eglise. Récemment, le cardinal Ratzinger, chargé
de la congrégation romaine sur la foi à éditer un document rappelant en une
phrase tout cela: "le peuple de
Dieu, par le sens surnaturel de la foi, jouit de l’infaillibilité, sous la
conduite du Magistère vivant de l’Eglise qui, en vertu de l’autorité exercée au
nom du Christ, est le seul interprète authentique de la parole de Dieu, écrite
ou transmise"[19].
Bien loin d’être une atteinte à la liberté de
penser, le Magistère de l’Eglise est une aide et une sécurité pour le
théologien: qu’y a t-il de pire pour celui qui enseigne Dieu que d’enseigner
autre chose que Dieu? Qu’y a t-il de plus merveilleux pour lui que de savoir,
d’être certain, qu’il sert Dieu comme Dieu le veut? Il ne s’agit plus alors
d’inventer un nouvel Evangile. Il s’agit, partant de l’unique Evangile de
Jésus, d’en extraire tout ce qui y est contenu et de le livrer pour le service
de ses frères. Il y a là un travail immense et la créativité de 2000 ans d’Eglise
n’y a pas suffit. La philosophie dans ce qu’elle dit de vrai, la science, la
psychologie, la sociologie sont chacune les bienvenues pour aider cette oeuvre
sans fin. Appuyé sur le rocher infaillible de ce que l’Eglise a défini par son
Magistère, humblement à l’écoute de ce que les plus grands témoins de la
tradition ont enseigné avant lui, le théologien eut alors sans crainte émettre
les hypothèses les plus hardies. Il le doit même, car l’Eglise le lui demande.
En
ce qui concerne les phénomènes paranormaux, la méthode d’étude théologique
ainsi décrite peut et doit être utilisée. Dans ce domaine, il existe certains
points où le Magistère de l’Eglise s’est prononcé infailliblement et d’une
manière solennelle. Il existe d’autres points où l’Eglise ne fait que donner
des pistes de recherches pour aider à une intelligence plus profonde de la
révélation; Il en existe enfin un troisième groupe où elle laisse entière
liberté. Aux premiers points, je réponds par la foi: je crois de tout mon cœur
à cette vérité révélée et enseignée par l’Eglise. Aux seconds, je réponds par
« l’assentiment religieux de ma volonté et de mon cœur »[20].
Quant aux troisièmes, j’espère mettre à profit toutes les ressources de la
science et de la philosophie pour les préciser. Parmi les seconds, c’est-à-dire
parmi ces pistes de recherche données par l’Eglise, je crois important de citer
ici certains maîtres qu’elle a toujours considérés comme des docteurs dignes de
confiance. Elle a sans cesse encouragée les chercheurs de Dieu à se mettre à
leur école: Saint Augustin d’abord, qui est l’initiateur de la théologie en
Occident et surtout saint Thomas d’Aquin qu’on a surnommé le Docteur Commun,
c’est-à-dire le maître de tous sur [presque] toute la théologie. Un pape
n’hésitait pas à affirmer qu’une année passée avec saint Thomas d’Aquin valait
mieux que toute une vie avec n’importe quel théologien[21].
Or saint Thomas d’Aquin a largement traité des phénomènes paranormaux d’une
manière à la fois philosophique et théologique. Je me servirai de lui
abondamment et surtout de sa Somme Théologique. Ces quelques pages suffisent,
je l’espère, à montrer vers quelles sources je me tournerai dans cette
recherche sur les phénomènes paranormaux.
Après
avoir précisé les diverses sources sur lesquelles je m’appuierai pour cette
étude, il faut montrer qu’on ne peut pas comprendre le regard porté
habituellement par la foi chrétienne sur les phénomènes paranormaux si l’on ne
connaît pas son regard sur l’univers tout entier. Quand une personne fait un
songe qui lui parait anormal, elle commence par se demander d’où il vient:
vient-il de sa propre imagination que le sommeil a débridé (Freud, Jung et bien
d'autres), vient-il de l’influence des planètes (astrologie) ou des autres
(télépathie), vient-il d’une cause qui dépasse la nature (anges, démon, Dieu)?
On le voit, en toute hypothèse, un seul effet peut avoir de multiples causes.
En fonction de la réponse, la personne tiendra compte différemment de son rêve.
En fin de compte, la clef qui permet de comprendre les phénomènes de ce type
est la connaissance de leur cause.
L’univers est mystérieux, plein d’imprévus. Il a un ordre, une harmonie
secrète. Il faut accéder à cette sagesse. Et c’est parce que cette sagesse a
été donnée à l’Eglise qu’on peut dire qu’elle va plus loin que la science dans
l’étude du paranormal. Elle atteint des aspects que la science ne peut toucher
par sa méthode. Bien sûr, dans le discernement des causes, une méthode
rigoureuse doit être utilisée, aussi bien par le philosophe que par le
théologien. Il ne s’agit pas de voir Dieu ou ses anges partout. L’ordre de la
recherche est d’abord de chercher si le phénomène paranormal n’est pas du à une
cause naturelle.
"Au commencement Dieu créa le Ciel et
la terre." C’est le premier aspect. Rappelons simplement ce qu’en dit
la foi catholique. Qui est Dieu? Nul ne le sait. Il est, c’est tout. Est-il
l’infini, la transcendance dont parlent les poètes, Est-il celui qui n’a pas de
lieu, de temps, l’éternité? Il est tout cela et bien plus encore mais il est
avant tout une personne, un être concret et réel: "je suis celui qui est"[22].
Voici la première parole que Dieu a donnée sur lui-même. C’est Moïse qui l’a
reçue. En Hébreu, cela se dit YAHVE. Dieu a ensuite précisé d’autres choses sur
lui: son infinie grandeur : « nul
ne peut voir sans mourir »[23],
sa toute puissance : « rien
n’est impossible à Dieu »[24]
et surtout l’existence en lui d’une vie d’amour, secrète, riche: ils sont trois
en un seul Dieu, le Père, le Fils et le Saint Esprit[25].
En
ce qui concerne les phénomènes paranormaux, deux choses
sont importantes: 1° il faut savoir que Dieu peut tout faire et 2° qu'il fait
tout ici-bas en vue de préparer les hommes à un destin d'amour et d'humilité.
1° Rien n’est impossible à sa toute puissance
de ce qui est possible en soi. Seules les choses contradictoires échappent à sa
puissance: Dieu ne peut faire qu’un cercle soit en même temps carré; Dieu ne
peut pas faire que Pierre soit au même moment assis et debout; de même Dieu ne
peut pas faire que ce qui a déjà existé n’ait jamais existé. Si Pierre a tué
Jacques, Dieu peut bien ressusciter Jacques et faire perdre le souvenir de son
crime à Pierre mais il ne peut changer le passé.
Dieu
peut tout faire. Il peut organiser la vie, mais cela l’homme pourra
certainement le faire un jour; Il peut déplacer les montagnes, mais cela
l’homme peut aussi, toutes proportions gardées, le faire. La première chose que Dieu seul peut faire et nul autre à
part lui, c’est créer. Faire sortir du néant l’existence, voici l’acte où le
doigt de Dieu est nécessairement présent et c’est le premier article du Credo "je crois en Dieu créateur". Dieu seul a pouvoir sur
l’existence, pour donner l’être et pour le retirer. L’homme a beau faire, non
seulement il ne crée rien mais il ne peut rien faire retourner au néant. Dans
une explosion atomique, si quelques grammes de matière semblent s’être
volatilisés, ils n’ont fait en vérité que se transformer en un autre mode
d’existence, l’énergie. Quand on tue un animal, on ne néantise rien. L’animal
existe encore mais on a simplement détruit sa vie, l’ordre qui régnait dans son
corps. Ce pouvoir de créer, Dieu l’a utilisé deux fois, disait saint Augustin, car
il n’existe que deux choses qui sortent du néant: La matière et l’esprit. Tout
le reste est organisation.
En
ce qui concerne la matière, Einstein est là pour confirmer avec force cette
intuition du grand théologien qui est depuis la foi de l’Eglise. Einstein a
montré que toute matière a un principe unique qui est énergie ou encore
lumière. C’est cette énergie qui, organisée différemment, donne les atomes, les
molécules, les ondes de toutes sortes, la lumière du soleil. En ce qui concerne
l’esprit, seules les grandes religions semblent encore le discerner. La
philosophie s’en détourne, influencée en cela par la science matérialiste.
Quant
aux phénomènes paranormaux, l’application est facile: Si l’on peut prouver qu’à
un endroit il y a eu création (de matière ou d’un esprit), c’est que Dieu est
là. On verra l’importance de cette question dans le chapitre consacré aux
miracles.
Une autre application
théologique de la toute puissance de Dieu doit être manifestée au préalable à
l’étude des phénomènes paranormaux. Dans la nature du monde matériel, il est
une loi que jamais personne n’a pu transgresser. Jamais, dans aucun des
domaines de la transformation de la matière, qu’elle soit chimique, physique,
on ne peut réaliser de changement instantané. L’exemple du mouvement local
illustre cette propriété d’inertie de la matière. Un corps physique ne peut
instantanément se déplacer d’un lieu A à un lieu B. Saint Thomas le prouve de
la façon suivante. « Il faudrait
qu’il soit à la fois en A et en B. Il faudrait donc que le corps soit plus
grand que lui-même. » La science moderne confirme par la mesure cette
démonstration par l’absurde. La vitesse de la lumière est en rapport étroit
avec la nature des corps physiques. Ainsi, si dans un phénomène paranormal, on
peut démontrer le caractère instantané d’un changement physique, c’est
nécessairement que la Toute Puissance a agi. L’ange lui-même, aussi puissant
soit-il, reste soumis aux lois d’une puissance limitée.
Le chapitre consacré à la prophétie ou voyance peut aussi trouver à ce stade une pierre d’attente: Dieu connaît tout, rien n’échappe à son regard, que ce soit le passé, le présent et le futur. Dieu est en effet éternel et son éternité est comparable à un instant subsistant qui contiendrait toute la durée des temps. Dieu voit en un seul regard tout ce qui se passe et se passera car sa puissance est infinie. Il y a là un mystère qui a pu effrayer certains. Sommes-nous des robots préprogrammés par le Créateur et dont la liberté n’est qu’apparente? Si Dieu sait tout à l’avance, où est l’initiative de l’homme? Une telle inquiétude naît de notre difficulté à comprendre la transcendance infinie de Dieu: il ne connaît pas notre avenir pour l’avoir programmé mais parce que la notion de futur n’existe pas en lui. Tout est présent à ses yeux. Imaginez qu’un homme, assis sur une haute montagne, voit très loin au-dessous de lui deux promeneurs qui marchent sur le chemin. L’un vient de sa droite et l’autre arrive par l’opposé, de sa gauche. L’homme qui est sur la montagne sait que ces deux promeneurs se rencontreront. Il connaît leur avenir sans pour autant influencer leur liberté. C’est un peu de cette manière que Dieu se situe par rapport à nous. Il nous reste à nous poser cette question: si Dieu connaît notre avenir, peut-il nous le révéler? Le veut-il parfois ? Le phénomène de la prophétie existe t-il? Pour répondre à cette question, il ne suffit pas d’étudier de manière abstraite la puissance du Créateur mais aussi, on le devine, la raison de sa création, le sens de la vie terrestre où sa présence reste cachée. Les questions de la science théologique trouvent leur ultime réponse dans la Sagesse théologique.
2° Un autre point peut être utile
dans le discernement des phénomènes paranormaux, c'est la connaissance des intentions de Dieu sur l'homme. Le message du
Christ dit que nous sommes de vraies personnes, sacrées, créée par Dieu pour un
futur mariage d'amour avec lui, un mariage qui durera toujours, dans un échange
perpétuel de lumière et de don.
L'Esprit de Dieu au contraire,
cherche d'abord ce qui est éternel, ce qui ne passe pas. Or, par essence,
l'éternité est une MARIAGE D'AMOUR AVEC UN DIEU DONT LA NATURE EST D'ÊTRE LE
PLUS PETIT, lui qui est le plus grand.
Reprenons ces termes:
D'abord un mariage, et dans un
mariage selon le Christ, c'est L'AUTRE (conjoint, enfants), qui compte d'abord.
Ainsi, tout ce qui fait sortir de soi pour se soucier des autres risque bien de
venir de Dieu (ou parfois de la bonté naturel d'un cœur, d'où la nécessité
d'une grande souplesse pour discerner les esprits).
Ensuite, c'est un mariage d'AMOUR.
Ainsi, tout ce qui aboutit à un amour (pas seulement au SENTIMENT d'amour),
pourrait bien avoir un rapport avec l'Esprit de Dieu.
Enfin, ce Dieu est HUMBLE, où
plutôt, KENOSE, c'est-à-dire que le Père ne vit que pour le Fils et
réciproquement… Ainsi, si un phénomène paranormal quelconque conduit à
davantage d'humilité, c'est bon signe.
Ces trois critères spirituels de
l'Esprit de Dieu (l'amour humble de l'autre) furent depuis toujours le critère
de discernement des plus grands théologiens pour distinguer Dieu et le
psychisme humain, et parfois le démon. On se souvient du magistral travail de
l'envoyé ecclésiastique auprès des religieuses voyantes de Loudain: "Ma sœur, vous dites que le Christ doit
vous apparaître. Moi je vous dis d'aller d'abord à l'Office." Réponse
de la sœur: "Vous abusez. La volonté
de Jésus doit passer avant!" Cette désobéissance de la sœur voyante,
son manque d'humilité et de défiance d'elle-même disait tout. Et de fait, les
phénomènes paranormaux, les stigmates, les lévitations venaient de son orgueil
que le diable avait béni...
Il doit en être ainsi pour le
discernement de tous les phénomènes paranormaux de type "prodiges"
(c'est-à-dire ceux qui peuvent indifféremment provenir des bons anges, du démon
ou du psychisme humain). S'ils ne sont pas accompagnés de vrais miracles (voir
plus bas), il faut d'abord regarder, outre la fidélité de la foi de la
personne, l'amour et l'humilité qui sort de sa présence.
Dieu se laisse contempler. Il est certains domaines où la connaissance amoureuse va plus loin que la raison. Il appelle l’homme à le chercher: « Venez à moi vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau. Je vous consolerai. Chargez-vous de mon joug car je suis doux et humble de cœur »[26]. La plus grande source de connaissance qu’on ait sur Dieu est l’image qu’il nous a laissée de lui quand il s’est fait homme. La vie de Jésus Christ, qui est Dieu fait homme, nous révèle simplement que Dieu est amour.
Mais
quand il s’agit de parler de la création, Dieu est intarissable. Il parle et
cet enseignement qu’il donne est extrêmement important quant aux phénomènes
paranormaux. Pour aller plus vite, nous n’allons pas recommencer ici la
démarche qui consiste à extraire de la Bible tout ce donné révélé. Nous
donnerons directement la synthèse réalisée par l’Eglise et précisée au cours
des temps.
Essayons
de nous représenter la vie de Dieu. Dieu est. Sans commencement, sans fin, Dieu
vit de son bonheur infini. Le Père vit du Fils, le Fils vit du Père et le Saint
Esprit est leur amour. Trois personnes, un seul Dieu. Dieu n’a pas besoin de
personne. Il est pour nous inconcevable, ce bonheur parfait qui se suffit à
lui-même: Dieu se suffit à lui-même, Car il est Dieu... Et pourtant, soudain,
il crée. Saint Thomas précise qu’il n’y a pas de raison à la création si ce
n’est l’amour: Dieu a eu la volonté de communiquer son bonheur et son bonheur est réservé aux HUMBLES qui veulent bien
L'EPOUSER DANS L'AMOUR.
Certains
croient que l’Eglise enseigne que l’univers entier n’a été fait que pour
l’homme. C’est pourtant faux car, avant l’homme, Dieu a créé les anges et Dieu
a aimé les anges pour eux-mêmes. Rappelons d’abord ce qu’il y a de
solennellement infaillible dans l’enseignement de l’Eglise sur les anges: Cela
se résume en quelques phrases.
1) Les anges existent[27]:
« Nous croyons en un seul Dieu, Père, Fils et Saint Esprit, Créateur des
choses visibles et des choses invisibles comme les purs esprits qu’on appelle
aussi anges. »
2)
Ils sont de purs esprits. Ils n’ont pas de corps, pas même un corps aérien[28].
3) Ils ont été créés
dans la foi, c’est-à-dire avec la liberté de choisir ou de rejeter Dieu.
4) Certains se sont tournés
vers Dieu et d’autres l’ont rejeté par orgueil devenant les démons.
5) Ils
ont un ministère de service auprès des hommes: par exemple: anges gardiens, messagers[29].
Les anges existent, affirme la révélation, et
leur connaissance on le verra, rend compte de bien des phénomènes paranormaux.
Nul ne connaît l’instant précis où Dieu prononça cette parole : "que la Lumière soit", faisant
sortir du néant ces myriades de créatures appelées les anges. Si nous avions
déjà été présents à cet instant ou commença le temps, nous ne nous serions
aperçus de rien car l’ange n’est pas visible avec des yeux matériels. Il est
lumière, non pas au sens propre du mot mais au sens métaphorique: il est pur
esprit, sans aucun mélange avec l’opacité de la matière. Il est pour nous très
difficile de comprendre vraiment ce qu’est une réalité purement spirituelle, de
comprendre comment vit une personne qui n’a pas de corps. Notre langage est
fait pour parler des choses matérielles. Pour comprendre un ange il faut
s’efforcer d’éliminer en lui toute faculté dépendante d’un organe. L’ange ne
peut manger, boire, ni se reproduire. Toutes les fonctions vitales végétatives
sont inexistantes en lui. Mais il faut aussi éliminer en lui la possibilité
d’une vie psychique. L’ange n’a pas de cerveau et ne peut donc exercer les
facultés qui font la richesse de la sensibilité humaine et animale: l’ange n’a
pas de perceptions; il ne peut sentir l’odeur des plantes, il ne peut voir la
beauté des couchers de soleil, il ne peut entendre la musique ni goûter le
plaisir de la nourriture. Il fait partie d’un autre monde, d’une autre
dimension que la nôtre. L’ange n’a pas de mémoire sensible. Il lui est
impossible d’apprendre par cœur des connaissances comme nous le faisons. Cela
lui est d’ailleurs parfaitement inutile puisque sa connaissance est bien
supérieure à celle là. Il n’a pas non plus la faculté d’imaginer: impossible
pour lui de fermer les yeux et de se représenter un paysage, en sorte de rêver.
Mais le plus étonnant pour nous, c’est qu’il faut chasser de la vie des anges
toute passion. La passion est un amour qui nous fait nous porter vers une
réalité sensible. L’homme et l’animal sont des êtres passionnés, capables de
s’enflammer à cause des beaux yeux du sexe opposé. L’ange ne peut tomber
amoureux de cette manière. Il ne connaît les charmes de ces amours que parce
qu’il est intelligent et non parce qu’il les expérimente. Amour passionnel et
haine, désir et fuite, tristesse et jouissance, crainte et audace, espoir d’un
bien sensible ou désespoir, voici toute une série de sentiments impossibles aux
anges. Ainsi, lorsque nous parlerons plus tard comme si les anges avaient des
passions, ce sera dans un sens métaphorique pour mieux exprimer les réactions
de leur intelligence et de leur volonté.
Que
peut donc faire l’ange? Quelle est sa vie? Il ne lui reste que les facultés
vitales qui dépassent la matière, celles qui n’ont pas besoin d’un organe pour
s’exercer: L’intelligence et la volonté. Il ne s’agit pas de cette intelligence
des animaux qui leur permet de trouver des solutions ingénieuses pour mieux
vivre et survivre ou pour mieux se reproduire. Il s’agit de l’intelligence dans
ce qu’elle a de spécifiquement spirituel, celle qui est capable de connaître
tout ce qui est connaissable, de pénétrer la nature des réalités.
L’intelligence des anges est parfaite. Elle est faite de telle manière qu’elle
peut connaître immédiatement l’essence de toute chose. Elle pénètre la nature
de tout ce qui existe (sauf Dieu qui la dépasse trop pour être connu), d’une
manière directe et intuitive. Elle n’a pas besoin comme notre intelligence de
s’appuyer sur une connaissance sensible au préalable.
De
même, pour la volonté, l’ange ne possède pas cette volonté des animaux qui les
porte à la recherche de ce qui peut assouvir leurs besoins. La volonté de
l’ange est son intelligence qui désire ce qu’elle a compris pour être un bien.
Quand l’ange aime, ce n’est pas parce qu’il a été séduit par les charmes d’une
réalité mais parce qu’il en a compris la bonté. Il n’a pas la capacité de
s’émouvoir, non qu’il soit insensible comme le sont certains intellectuels
humains au cœur rétracté, mais parce qu’il ne possède pas de sensibilité.
De
ce fait, la liberté des anges est parfaite. Elle n’est soumise à aucune limite
comme la nôtre. Il n’a pas de corps pour le porter dans une autre direction que
sa volonté. Il n’est pas comme nous tiraillé entre les désirs contradictoires
de ses instincts. Il ne subit aucune influence du social car il se suffit à
lui-même. Ce qu’il veut, c’est ce qu’il a compris comme étant le bien absolu et
il s’y porte tout entier, simplement, sans retour en arrière, sans erreur
possible. C’est ainsi que Dieu créa les anges, sa première oeuvre. Il les créa
innombrables, par myriades, dit la Bible. Saint Augustin, puis à sa suite saint
Thomas d’Aquin se demandèrent si les anges, une fois créés eurent à apprendre
comme nous les diverses connaissances qui leur étaient nécessaires. Quand un
homme naît, il ne connaît rien. Son intelligence est comme une table sur
laquelle rien n’est écrit. Grâce à ses sensations, l’enfant commence à appendre
et il ne cessera d’appendre jusqu’à la fin de sa vie, s’élevant petit à petit
du sensible (ce chien, ce chat) au spirituel (la beauté, la vérité, la bonté
etc.) Mais l’ange n’ayant pas de sensation ne pouvait appendre de cette
manière. Dieu lui donna donc dès le point de départ, en le créant la
connaissance de tout ce dont il avait besoin pour sa vie d’ange. Les anges
furent créés adultes et à l’instant même où ils sortirent du néant, ils se
comprirent tout entier.
Chaque
ange, par nature, était différent des autres selon les degrés reçus de Dieu.
Chaque ange, était un peu comme un diamant très pur qu’on ne peut comparer à
aucun autre diamant. Parmi eux, le plus beau, le plus semblable à Dieu
s’appelait Lucifer, "le porte-lumière". Lucifer était un Chérubin
resplendissant, chef-d’œuvre et objet d’admiration de tous les autres anges. "Dieu vit que la lumière était
bonne", commente simplement la Bible.
En
ce premier instant de la création, tous les anges étaient bons. Lucifer par sa
beauté, par la grandeur de son être était le chef-d’œuvre de Dieu. Les autres
anges n’en éprouvaient pas de jalousie. Bien au contraire, en contemplant sa
perfection, ils se faisaient une idée de l’infinie grandeur du Dieu caché qui
venait de les créer. Tous les anges aimaient Dieu, affirme saint Thomas
d’Aquin. Ils n’avaient que reconnaissance pour ce qu’ils venaient de recevoir
de sa main: l’existence, la vie, la beauté. Ce spectacle sur la création leur
faisait crier d’une seule voix: « Gloire
à Dieu au plus haut des Cieux.»
S’ils
l’aimaient, ils ne pouvaient par contre le connaître, sinon de loin. Même pour
le plus intelligent des anges, Dieu reste le Mystère par excellence. L’intelligence
des esprits célestes a beau être de loin supérieure à la nôtre, elle reste
limitée. Or ce qui est limité ne peut comprendre ce qui est sans limites.
Comment un vase fini (l’ange) pourrait-il contenir l’Infini (Dieu) ? Cela
les anges le savaient. Ils se contentaient donc de connaître Dieu de loin, à
travers les effets de sa puissance. En se regardant eux-mêmes, en regardant les
autres anges, ils voyaient comme dans un miroir le reflet lointain de leur
Dieu. Ce qui est intéressant de remarquer dans ce premier état du monde, c’est
qu’il était hiérarchisé. Le plus grand de tous était celui qui avait l’esprit
le plus performant. Lucifer était le Prince des anges, sans contestation, car
il était le plus intelligent. Nul ne contestait ce fait. Cette hiérarchie et
cette vie paisible et contemplative leur plaisaient. Le monde aurait pu rester
ainsi pour l’éternité.
Pourtant, la foi catholique
et l’Ecriture Sainte affirment que ce bonheur naturel n’a pas duré. Il y a eu
une brisure, un schisme terrible dams le ciel angélique. En s’appuyant sur les
quelques allusions qui expliquent ce fait dans la Bible, les théologiens et les
saints sont arrivés à reconstituer l’histoire de ce drame primitif qui fit de
Lucifer le prince des anges révoltés contre Dieu, le prince des démons.
Alors
que la création était encore frémissante de sa nouveauté, que les anges
verraient de découvrir en un regard leur magnifique beauté, venaient de se
tourner en un élan de reconnaissance vers leur Créateur, Dieu parla. Il ne
s’agit pas d’une parole faite de mots articulés. Il s’agit plutôt d’une pensée,
d’une révélation transmise directement dans l’intelligence de chaque ange, à la
manière d’un éclair lumineux. C’est le contenu de cette révélation première qui
provoqua ce premier drame de la création. Cette parole fut en effet synonyme
pour eux d’épreuve. Il s’agit d’une épreuve très difficile à comprendre pour
nous car elle est d’ordre strictement spirituel. Il est pourtant indispensable,
dans le cadre de cet ouvrage d’en saisir le contenu car elle constitue un
commencement qui éclaire bien des phénomènes paranormaux, particulièrement ceux
qui trouvent leur origine dans les démons. Dieu parla donc, à la manière d’un
éclair qui déchire le ciel.
Pour mieux comprendre, on
peut décomposer en trois parties la révélation qu’il fit. Dieu dit: "Je vous ai créés pour que vous me voyiez face à face".
Cette première révélation est bouleversante pour un ange, bien plus que pour un
homme car l’ange a la capacité d’en saisir immédiatement toute la portée. Voir
Dieu face à face signifie pour eux l’inimaginable, l’impensable. Il leur était
impossible, même à eux, de simplement désirer un tel bonheur. Ils savaient bien
plus que nous l’infinie profondeur du mystère divin et la limite de leurs
capacités intellectuelles. Voir Dieu face à face, cela signifie comprendre son
Mystère en plénitude, avec le regard même dont Dieu se comprend. Cela signifie
vivre du bonheur même de Dieu. Or une telle chose est impossible, de même qu’il
est impossible de mettre toute l’eau de la mer dans un verre. La Bible témoigne
de cette incapacité naturelle des créatures à voir le Créateur[30]:
"Nul ne peut voir Dieu face à face
sans mourir". Pourtant, les légions angéliques avaient bien entendu
"Je vous ai créés pour que vous me voyiez face à face". Ils crurent
donc, Ils adhérèrent à cette parole de Dieu, malgré son caractère illogique
sachant que rien n’est impossible à Dieu. Ils crurent en la possibilité d’une
vie surnaturelle. Lucifer le premier crut. Avec lui, les séraphins, les chérubins
et tous les ordres célestes crurent en Dieu et désirèrent voir se réaliser
cette promesse. Cette adhésion s’appelle la foi. Mais déjà en ce premier
instant, Dieu savait que Lucifer croyait pour un autre motif que l’archange
Michael. Lucifer crut parce qu’il savait que Dieu peut réaliser ce qu’il dit.
Michael crut parce qu’il aimait.
Dans
la Bible Dieu dit encore[31]:
« Dieu sépara la lumière des ténèbres.»
Cette simple phrase nous montre qu’il parla encore, de manière à manifester
extérieurement la présomption des uns et l’amour des autres.
2) Dieu dit[32]:
“Je suis amour. Nul ne peut me voir face à face s’il n’est à
son tour amour". Quand Dieu révèle aux anges qu’il est
amour, il ne leur apprend pas quelque chose d’entièrement nouveau. Ceux-ci
savaient en effet, en raison de leur contemplation naturelle, que Dieu ne
pouvait les avoir crées que par amour.
Mais
ils découvrent avec stupeur en cet instant que Dieu est amour. Leur
contemplation naturelle les invitait plutôt à admirer en premier lieu l’intelligence
du Créateur, sa lumière. Le monde angélique leur paraissait davantage beauté
que bonté. Par sa parole, Dieu les invite donc à bouleverser entièrement leurs
conceptions habituelles.
Quand
Dieu affirme qu’il est amour avant tout, il manifeste que la perfection
naturelle des Chérubins n’est rien à ses yeux comparée à l’amour. Il manifeste
que son ordre de préférence n’est pas celui que donne la noblesse mais celui
que donne le cœur. Quand Dieu dit “Nul ne peut me
voir face à face s’il n’est à son tour amour", il manifeste
clairement aux anges qu’il leur demande une conversion totale. Ce n’est plus
seulement une invitation mais un commandement. Devenir amour est la condition
nécessaire pour tout entrée dans le Royaume de Dieu, dans la vision béatifique.
C’est la même condition qui fut révélée aux hommes par Jésus quand il dit
"tu aimeras ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton
esprit. Tu aimeras ton prochain comme toi-même. A ces deux commandements se
rattache toute la loi ainsi que les prophètes"[33].
Pour
voir Dieu, il faut donc que l’ange accepte de mettre de côté la noblesse de sa
science, la beauté de son être pour entrer dans une autre sagesse où l’humilité
est première. Là se situe l’épreuve terrible pour les anges: renoncer à
soi-même. Renoncer à soi-même est déjà grand pour un être humain qui est
pourtant chaque jour confronté à ses imperfections. Cela l’est d’autant plus
pour un esprit pur, image parfaite et inviolée de la perfection de Dieu.
L’orgueil est un défaut plus proche des anges que des hommes. Cette abnégation
est indispensable car la vie proposée est surnaturelle. Elle implique donc que
Dieu trouve un cœur livré, abandonné entre ses mains, qu’il pourra élever dans
sa gloire. C’est la condition de toute vie surnaturelle, qu’elle soit donnée
aux anges ou aux hommes. Jésus disait [34]:
"si vous ne devenez pas comme un de
ces petits enfants que voici, vous n’entrerez pas dans le royaume de Dieu"[35].
3) Les anges ont compris en plénitude cette exigence d’humilité. Mais Dieu, afin de rendre leur intelligence plus lucide encore dans son choix, afin de mettre à l’épreuve l’intensité de leur confiance en lui, leur a révélé son projet secret, connu jusqu’ici de lui seul: il leur a révélé son désir de ne pas arrêter sa création avec eux mais de la prolonger dans un chef-d’œuvre ultime, que ces nouvelles créatures, seraient supérieures à ses yeux aux anges, non pas en perfections naturelles bien sûr, mais en perfections surnaturelles: à cause de leur sensibilité, l’homme et la femme seraient capables d’un plus grand amour que les séraphins eux-mêmes; Or, ce qu’il y a de plus grand aux yeux de Dieu, c’est l’amour.
Certains
théologiens sont allés plus loin encore. Ils ont cru lire dans la Bible que
Dieu était allé jusqu’à révéler aux anges que lire dans la Bible que naîtrait
un jour une femme dont le cœur serait si pur, l’humilité si absolue, le don
d’elle même si total que Dieu lui même l’élèverait au-dessus de tous les anges
et en ferait leur reine. Dieu a t-il réellement fait ceci? Leur a t-il révélé
dès cet instant la naissance future de la Vierge Marie ? Leur a t-il annoncé
qu’un jour il se ferait lui-même homme, poussant ainsi son amour jusqu’à la
folie ? Cela reste et restera longtemps le secret des esprits angéliques.
Une chose par contre est certaine: Dieu leur dit: "Je vous demande de devenir pour l'homme et la femme des gardiens et les guides spirituels. Vous les aiderez à parvenir au paradis." Anges gardiens, mandatés selon un ordre hiérarchique parfait au service des hommes, voilà quelle serait leur mission jusqu’à ce que le dernier homme ait terminé sa vie terrestre.
Cette révélation, à la manière d’un éclair
fulgurant, laissa le ciel entier silencieux et, dans l’instant qui suivit, un
de ces instants célestes qui mesure la pensée des anges, une voix puissante
cria "je ne servirai pas"[36]; Le plus beau de tous, Lucifer, avait
parlé, devenant pour toujours Satan, que la Bible appelle encore l’antique
serpent, le prince des démons.
Il est indispensable de comprendre le pourquoi
de la colère de Lucifer car son rôle est très important dans la Théologie
catholique de certains phénomènes paranormaux. Lucifer et ses anges agissent
par rapport aux hommes d’une manière ordonnée et réglée par cet instant premier
qui motiva leur révolte commune. Lucifer est le plus beau des anges. Il est
donc le plus intelligent, le plus proche de Dieu par sa perfection. Lucifer
aime Dieu. Il serait aberrant d’affirmer que cet ange a de la haine pour son
Créateur à qui il sait tout devoir. Seul l’homme est capable de haïr Dieu car
il ne le connaît pas et le juge bien souvent à des effets pénibles, provisoires
et éducatifs de sa providence. L’homme agit souvent comme un enfant qui, ayant
été grondé par sa mère, lui en veut terriblement. Cet enfant n’est pas encore
capable de comprendre que c’est l’amour qui a fait agir sa mère ainsi. L’ange
est au-delà de ces raisonnements enfantins.
Le problème de Lucifer est qu’il aimait Dieu à
sa manière à lui. Il voyait en lui le sommet de tout l’univers devant qui tout
genou fléchit. Il avait le sens de l’honneur de Dieu et de son rang. Il avait
encore plus le sens de sa perfection personnelle, de sa place de chef de tous
les anges. Finalement, pour Lucifer la valeur suprême de tout l’univers
s’appelait la beauté et la noblesse de l’intelligence mais certainement pas
l’humilité et l’amour. Quand il comprit que Dieu en avait décidé autrement, que
l’ordre naturel allait s’en trouver renversé, que les premiers seraient les derniers et les derniers premiers, quand
il eut pleinement saisi qu’il devrait, lui, le chef des légions célestes,
s’abaisser à servir cet être de boue et d’os appelé homme, il se révolta. Il
devint en un instant, d’une manière parfaitement lucide, le héraut de la
défense des "droits" de Dieu et de la défense de la place
hiérarchique des anges. Au nom de son amour pour le Créateur et la création, il
proclama sa révolte, un peu (toutes proportions gardées) à la manière de saint
Pierre avant la passion de Jésus[37]:
"Tu es le maître et le Seigneur, tu
ne me laveras pas les pieds".
Pierre
aussi eut ce sens de la place de Jésus mais, à la différence de Lucifer, il sut
se taire quand Jésus lui répondit: "si
je ne te lave pas les pieds, tu n’auras pas de part avec moi"[38].
Lucifer
étant le plus beau des anges, il eut par ses arguments une influence terrible
sur le reste du Ciel. La Bible dit que le dragon rouge-feu (couleur symbolisant
la colère) balaya le tiers des étoiles du
ciel[39].
Ce nombre n’est sans doute pas à prendre au sens propre mais il manifeste tout de
même que les démons sont nombreux (le tiers des anges). Son influence vint sans
doute de la noblesse de ses arguments. Il prétendit n’agir ainsi que pour le
bien de Dieu. Son argument eut encore plus de poids si, comme le pensent
certains théologiens, les anges connurent dès le premier moment le projet de
l’incarnation du Fils de Dieu en Jésus Christ. Un tel projet ne peut être que
scandaleux aux yeux des esprits purs. Lucifer était-il vraiment le défenseur
des droits de Dieu? Son amour pour lui est-il la vraie raison de sa révolte?
Beaucoup d’anges ne s’y laissèrent pas prendre (les deux tiers si l’on prend
les textes au pied de la lettre). L’Apocalypse parle ainsi: "Alors une bataille s’engagea dans le ciel:
Michel et ses anges combattirent le dragon. Et le dragon riposta, appuyé par
ses anges, mais ils eurent le dessous et furent chassés du Ciel"[40]. Ce combat ne se fit pas avec des épées
d’acier mais avec le glaive de la vérité. Michel, un simple archange, fut le
premier à dénoncer le mensonge de Satan, un Chérubin resplendissant: "Ce n’est pas pour Dieu que tu luttes mais
pour toi. Si tu aimais vraiment Dieu tu obéirais à sa volonté. Ce qui
t’importe, c’est de rester le premier. C’est l’orgueil qui t’a aveuglé"[41].
Michel par cette parole de vérité entraîna à sa suite ceux que Lucifer ne put
séduire. La Bible ne cesse de confirmer cet orgueil primitif de Lucifer, qu’il
sut si bien camoufler en grandeur de sentiment.
Isaïe,
parlant de lui, déclare[42]:
"Comment es-tu tombé du ciel, étoile
du matin, fils de l’aurore? Comment as-tu été jeté sur la terre, vainqueur des
nations? Toi qui avais dit en ton cœur: J’escaladerai les Cieux, au-dessus des
étoiles de Dieu j’élèverai mon trône. Je m’égalerai au très haut".
Quant à Jésus, il n’hésite pas à affirmer que Satan fut menteur dès l’origine[43].
Il fut le prince du mensonge. En effet il n’y a pas de plus grand mensonge que
d’appeler bien ce qui est mal.
Par rapport au sujet qui
nous occupe, il est important de comprendre ce que sont devenus les anges
depuis l’éclair de leur création et depuis la chute de certains d’entre eux.
Ils sont divisés en deux groupes selon le choix qu’ils firent de servir ou de lutter contre le projet de Dieu. Les anges bons furent immédiatement introduits dans la vision de Dieu et ils ne la quittent jamais. Les anges mauvais se séparèrent de Dieu et Jésus, affirme que leur rupture ne cessera jamais. Lucifer et ses anges sont damnés pour l’éternité. Certains chrétiens pensent que l’éternité de l’enfer est contradictoire avec la bonté de Dieu. Ils pensent que Dieu pardonnera un jour son péché à Lucifer et le prendra auprès de lui. Ils parlent ainsi car ils comprennent mal le mystère de l’Enfer. Ils le comprennent d’une manière terrestre et humaine. L’homme tant qu’il est sur la terre peut toujours revenir sur ses fautes. Dieu le reçoit alors et lui pardonne toutes ses offenses. L’ange, quant à lui, est trop intelligent pour être soumis à ces revirements de volonté. Quand un ange choisit, il sait ce qu’il choisit. En un instant, il pèse le pour et le contre et son intelligence, comme une lame tranchante, ne laisse rien dans le vague. Lucifer et ses anges savaient ce qu’était l’Enfer, ce vide de Dieu. L’Enfer ne leur a pas paru un mal si terrible face à la perte de cet autre bien qu’ils mirent à la place suprême dans leur cœur: l’amour d’eux-mêmes. Dieu aurait beau pardonner beaucoup à Lucifer, celui ci répondrait indéfiniment "j’ai raison".
Que font les démons maintenant? L’Apocalypse affirme qu’ils furent précipités sur la terre[44]. Cette phrase mystérieuse signifie que leur unique obsession, l’objet de toute leur activité, est l’homme. Les démons, logiques avec leur choix originel ne désirent plus que détruire l’homme. Ils espèrent, de cette manière, démontrer à Dieu son erreur grossière, la stupidité de ses plans d’amour. S’ils pouvaient arriver à faire que l’homme, ce soi-disant chef-d’œuvre, s’autodétruise ou mieux encore se damne, leur victoire leur semblerait complète. Quand un homme, arrivé au terme de sa vie, rejette l’amour de Dieu et rejoint Lucifer dans son infortune, ce dernier ne se réjouit pas parce qu’il a un nouveau compagnon de malheur. Il n’a que mépris pour la petite intelligence humaine. Il se réjouit car il peut prouver à Dieu une fois de plus la légitimité de sa révolte. Il espère obtenir, en révoltant l’univers entier contre son Créateur, le rétablissement de l’ancien ordre qui lui plaisait, 1’ordre de la noblesse fondée sur des droits de nature.
L’Eglise,
par toute sa tradition, par la voix de Jésus son fondateur et par celle de son
Magistère le plus solennel affirme la présence constante et agissante des
esprits angéliques auprès de nous[45].
Qu’ils soient bons ou mauvais, les anges exercent une action efficace qui va
bien au-delà de ce que nous appelons les phénomènes paranormaux. Ils sont
pourtant responsables d’une partie d’entre eux.
Saint
Thomas d’Aquin fut l’un des premiers à se demander comment un pur esprit
pouvait avoir une influence sur le monde matériel. Il démontra qu’il fallait
nécessairement poser dans la nature angélique l’existence d’une troisième
faculté vitale outre l’intelligence[46]
et la volonté: Il s’agit d’une faculté d’efficacité, un pouvoir sur la matière[47].
L’ange connut cette faculté dès le jour de sa création mais n’en compris
l’utilité que le jour où lui fut révélée sa mission auprès des hommes. Si les
anges bons mirent cette puissance au service de Dieu, les anges mauvais ne la
perdirent pas et ils l’utilisèrent. C’est par la tentation que Satan s’attaqua
pour la première fois à l’humanité.
Dans
son rapport avec l’humanité, le monde angélique est organisé selon trois
hiérarchies parfaites. C’est saint Denis qui le premier au quatrième siècle sut
extraire de la Bible cette révélation. La première hiérarchie, la plus élevée,
est composée des Chérubins, des Séraphins et des Trônes. Ils sont si proches de
Dieu qu’ils reçoivent de lui directement ses volontés sur nous qu’ils
communiquent aux hiérarchies inférieures. Ils sont un peu comme les ministres
pour le roi. La deuxième hiérarchie, composée des Dominations, des Vertus et
des Puissances s’occupent de la manière générale dont ces volontés seront
appliquées sur les hommes. Ils sont comme l’Etat-major de l’armée du roi. Quant
à la troisième hiérarchie, celle des anges inférieurs, elle exécute auprès de
nous les commandements de Dieu. Ils sont comme l’armée du roi, présente sur le
terrain du combat. C’est justement en raison de leur nature inférieure qu’ils
peuvent être si proche de nous. Cette hiérarchie est composée des anges de
l’ordre des Dominations, chargés du destin général des peuples; de l’ordre des
Archanges qui annoncent les grandes nouvelles et enfin, des Anges gardiens qui
s’occupent de chaque individu en particulier.
On
pouvait décrire de la même façon la hiérarchie démoniaque à la différence
toutefois qu’elle est coupée de sa source, Dieu. Lucifer, prince des démons,
commande une armée dont la puissance ne vise qu’à détruire. Saint Paul nous
conseille de ne pas sous estimer leur importance dans notre vie. Il n’hésite
pas à écrire, à l’adresse de ceux qui souffrent des persécutions dans leur vie[48]:
"Ce n’est pas contre des adversaires
de sang et de chair que vous avez à lutter, mais contre les Principautés,
contre les Puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre
les esprits du mal qui habitent les espaces célestes".
Dieu
est amour: Il ne s’est pas arrêté dans sa création. La révolte de ses anges ne
le décourage pas et il se lance dans la réalisation de sa plus belle oeuvre,
l’homme. Dieu dit: "Faisons l’homme
à notre image, à notre ressemblance". Ce fut le sixième jour[49].
L’Eglise,
là encore, nous aide à mieux comprendre le mystère. Sa méthode est tout autre
que celle de la science. Elle ne s’appuie pas sur les vestiges du passé mais
sur la parole de Celui qui en fut le témoin puisque c’est son oeuvre. Le texte
Biblique à lui seul est très difficile à lire car tout s’exprime par mode de
symbole. Comment discerner dans ces paroles ce qui a un sens historique? Là
encore, l’Esprit Saint nous vient en aide par la voie solennelle du Magistère
de l’Eglise. Voici les quelques points qui font partie de la foi catholique:
1)
C’est Dieu lui-même qui a créé l’homme et la femme et leur a insufflé une âme
spirituelle et immortelle;
2)
Les noms d’Adam et Eve, malgré le sens symbolique, désignent un homme et une
femme réels, nos premiers parents.
3)
Adam et Eve furent créés parfaits selon la grâce et la
sagesse [la connaissance de leur destin éternel]: à cause de leur place
de premiers parents de tous les hommes, Dieu leur communiqua des dons naturels
et des dons préternaturels[50].
Ils reçurent aussi la grâce surnaturelle qui les rendit tout proches de Dieu.
Cette grâce s’appelle la grâce originelle.
4) Le démon s’approcha d’eux
et les séduisit; Ils se révoltèrent contre Dieu et perdirent en conséquence la
grâce originelle et les dons préternaturels qui l’accompagnaient.
5) Etant responsables de
l’humanité aux yeux de Dieu, ils séparèrent de Dieu par leur péché toutes les
générations qui devaient naître d’eux. C’est le péché originel[51].
Le
pape Paul VI, dans le Credo qu’il donna à l’Eglise en 1968 écrit: "Nous croyons qu’en Adam tous ont péché, ce
qui signifie que la faute originelle commise par lui a fait tomber la nature
humaine, commune à tous les hommes dans un état où elle porte les conséquences
de cette faute et qui n’est pas celui où elle se trouvait d’abord en nos
premiers parents, constitués dans la sainteté et la justice et où l’homme ne
connaissait ni le mal ni la mort. C’est la nature humaine ainsi tombée,
dépouillée de la grâce qui la revêtait, blessée dans ses propres forces
naturelles et soumises à l’empire de la mort, qui est transmise à tous les
hommes et c’est en ce sens que chaque homme naît dans le péché".
L’Eglise ne sait pas
exactement comment Dieu s’y prit pour préparer, sur des millions d’années, la
terre. Elle laisse à la science le soin de découvrir cela. Tout ce qu’elle
sait, c’est que sa main fut là pour façonner pas à pas, nuance après nuance, un
lieu pour l’homme. Les anges eurent certainement un rôle dans l’organisation
grandiose de l’univers, vu leur pouvoir réel sur la matière. Dieu se sert
d’intermédiaire aussitôt qu’il le peut. Le texte de la Genèse a peut-être une
certaine valeur scientifique. Ce n’est pas à l’Eglise d’en décider car cela a
peu d’importance pour ce qui l’intéresse, à savoir la foi. La science, en
progressant, nous éclaire là dessus. Comment Dieu fit-il le corps de l’homme?
Prit-il un singe qu’il ennoblit d’une âme spirituelle comme
le pense Jean-Paul II [52]? Prit-il de la
terre pour en façonner une oeuvre toute nouvelle? Les deux thèses ont été
défendues et c’est sans doute la science génétique qui tranchera
définitivement, dans quelques dizaines d’années, le débat sur l’évolution.
L’essentiel est que ce corps devint
le réceptacle où Dieu déposa un esprit. La science moderne peut nous aider à
toucher du doigt l’infinie sollicitude de Dieu pour l’homme: des milliards
d’années de gestation, des sommes colossales d’énergie cristallisées en des
milliers d’univers, des galaxies aux dimensions gigantesques et un soleil qui
brille faiblement sa lumière pour quelques grains de poussières. Sur l’un
d’eux, la Terre, Dieu déposa avec précaution son chef-d’œuvre: par son esprit,
l’homme devint le centre et la finalité de l’univers entier. C’est parce qu’il
a un esprit qu’il se trouve placé bien au-dessus de ces mondes immenses mais
sans âme. L’esprit est cette flamme divine qui fait d’un animal une personne et
de cette personne un être capable de voir Dieu. L’expérience et la philosophie
ne peuvent que constater l’existence en l’homme de quelque chose de plus que
l’animal. L’intelligence animale, enchaînée au sensible, est incapable de se
poser les grandes questions. Un animal est heureux quand sa vie matérielle et
sensible est comblée. L’homme, au contraire, n’a de paix que s’il comprend ce
qu’il fait sur terre. Tant qu’il n’a pas trouvé la réponse, il erre. Cette
interrogation perpétuelle, dont témoigne l’art, les religions et les sciences,
est l’effet premier de l’existence en lui d’une intelligence faite pour tout
connaître et d’une volonté* faite pour un amour infini.
La théologie des phénomènes
paranormaux d’origine para-psychique (dans notre corps), est fondée sur la
connaissance des dons de nos premiers parents. Le don le plus grand que Dieu
fit à Adam et Eve fut celui de la Sagesse. Il ne s’agit pas de la sagesse qui
fait un grand architecte ou un grand homme politique mais de celle qui fait
aimer Dieu comme son ami et rend simple la contemplation de sa présence. La
Bible dit que Dieu s’entretenait familièrement avec Adam et Eve dans le jardin
où il les avait placés. Comme ils aimaient Dieu, leur vie entière parlait de
lui. Chaque animal qu’ils apprenaient à connaître leur faisait découvrir un peu
plus la bonté de leur Ami. Ils n’avaient qu’à se recueillir un peu pour
retrouver immédiatement la présence de leur Bien-Aimé au fond d’eux même. La
contemplation mystique, d’une intensité à faire pâlir le plus saint des moines
chrétiens actuels, leur était comme naturelle. Pourtant, Ce don n’avait rien de
naturel: il s’agissait de la plus pure des grâces surnaturelles. Si déjà un
séraphin resplendissant ne peut même pas, par ses simples forces naturelles
désirer une simple amitié avec son Créateur, que dire quand il s’agit de la
petite intelligence humaine?
Mais
Dieu n’a pas créé l’homme dans la misère morale où il se trouve actuellement.
N’en déplaise à une certaine science, l’Eglise
s’oppose à sa conception qui nous décrit l’humanité passant, sur des milliers d’années
de l’état de la brute à celui de sage. S’il y eut un véritable progrès pour ce
qui concerne l’intelligence technique, il n’en est rien pour l’intelligence du
cœur. Adam et Eve étaient des êtres, d’une limpidité comparable à celle de la
Vierge Marie. Eve, tout comme Marie, fut immaculée dans sa conception.
Peut-être son corps n’était-il pas exactement selon nos critères de beauté mais
son âme, comme celle d’Adam, fut comblée de grâce. Il nous est presque
impossible de comprendre la beauté intérieure d’Adam et Eve. Il faut pourtant
tenter de le faire car la Bible et l’Eglise témoignent de l’existence en eux de
facultés préternaturelles qui, même si elles semblent avoir disparu en partie
après leur péché, n’en demeurent pas moins présente dans la nature humaine.
Adam
et Eve ne voyaient bien sûr pas Dieu face à face. Ils auraient été
immédiatement enlevés au Ciel car nul ne peut voir Dieu sans mourir. Leurs
contemplations se faisaient dans la nuit: ils connaissaient leur Dieu en
découvrant ses oeuvres et ils vivaient du sentiment toujours nouveau de sa
présence au fond d’eux-mêmes.
Le
deuxième don fait par Dieu à Adam et Eve fut l’amitié. La Bible emploi un
symbole d’une grande profondeur pour montrer la grandeur de l’amour que le
Créateur voulut entre eux: Eve fut façonnée avec la "côte" d’Adam,
c’est-à-dire avec la partie la plus proche de son cœur. Cela signifie qu’Eve
fut faite pour être collée au cœur d’Adam à la manière dont la côte est une
avec le cœur. Adam, enthousiasmé, s’écria en voyant pour la première fois sa
femme "pour le coup, celle ci est la chair
de ma chair, l’os de mes os"[53].
Mais
si leur amour fut si pur, comparable à nul autre si ce n’est celui de Marie, la
mère de Jésus, pour Joseph, c’est parce qu’ils étaient fondés en Dieu. Leur vie
mystérieuse avec Dieu* était d’une telle profondeur qu’elle rayonnait dans tout
leur être. Leur corps s’en trouvait perfectionné, dans des dons préternaturels
qu’il nous faut décrire: On appelle don préternaturel une faculté vitale qui a
sa source première dans la nature de l’être humain mais qui, malgré cela, ne
peut s’exercer parfaitement que si l’âme est dans un état particulier: Elle
doit être parfaitement elle même, c’est-à-dire entièrement maîtresse du corps à
qui elle donne de vivre. L’âme, source de la vie de tout l’homme, ne doit être
gênée par aucun obstacle. Son emprise étant totale sur le corps, elle peut
alors en utiliser toutes les potentialités cachées. Les dons préternaturels ne
sont donc pas des grâces surajoutées par la bonté de Dieu mais des facultés
naturelles.
Or
Adam et Eve étaient dans cet état de perfection parce que leurs cœurs et leurs
intelligences étaient entièrement fondues en Dieu, la paix en eux était totale.
Cette paix envahissait leur âme qui à son tour unifiait leur corps. La source
de leur perfection première ne venait pas d’eux-mêmes, à la manière des ascètes
bouddhistes, mais de leur union à Dieu, offerte comme un cadeau au jour de leur
Création.
Les dons préternaturels étaient multiples et le plus grand d’entre eux s’appelait l’immortalité; mais il y en avait de nombreux autres que nous allons essayer de décrire.
L’immortalité
est donc le plus étonnant des dons fait à nos premiers parents. L’Eglise,
bravant le sourire moqueur de la science, n’a pas hésité, par la voix de Paul
VI, à mettre cette étonnante croyance dans le Credo de l’Eglise[54].
Chacun
sait pourtant, la science moderne semble l’avoir montré, que la mort est
naturelle aux êtres vivants. Elle est inscrite dès leur naissance dans leurs
gênes et la vieillesse n’est autre que la conséquence d’un ralentissement
programmé des divisions cellulaires. Chaque espèce vivante à sa durée propre,
que l’on peut allonger si l’on manipule le gène responsable de cette durée.
Ce gène est en quelque sorte "l’arbre de
vie" dont parle la Bible au chapitre 3 du livre de la Genèse. Adam et Eve
n’étaient pas faits différemment de nous puisqu’ils nous ont communiqué leur
nature humaine. Ces découvertes scientifiques peuvent donc nous permettre
d’interpréter d’une manière plus profonde le dogme de leur immortalité. En
agissant ainsi, nous ne faisons qu’imiter la méthode de saint Thomas qui
n’hésita pas à utiliser la science de son époque.
Deux
hypothèses de recherche se présentent à moi: Celle qui prétendrait que le gène
de la mort, présent en Adam et Eve était récessif, c’est-à-dire ne fonctionnait
pas, permettant à leurs cellules une division sans cesse renouvelée, une
éternelle jeunesse. Cette hypothèse théologique parait peu soutenable bien
qu’elle soit séduisante. Une lecture littérale de certains passages de la Bible
pourrait pourtant l’étayer. Dès le chapitre 6 du livre de la Genèse, on voit
Dieu se décider, devant la méchanceté des hommes, à raccourcir leur vie: "Que mon esprit ne soit pas
indéfiniment humilié devant l’homme puisqu’il est chair. Sa vie ne sera que de
120 ans"[55].
Cette hypothèse n’est pas la bonne. Tout ce qui existe
sur terre est soumis, tôt ou tard à la corruption. Même si certains savants
généticiens pouvaient rallonger la durée terrestre de l’homme par leurs
manipulations sur les gènes responsables du vieillissement, ils ne pourraient
rendre la vie éternelle. C'est pourquoi, lorsque la Bible parle de la vie
éternelle qu'elle symbolise par "l’arbre de vie", elle dit[56]: "Dieu bannit l'homme
et il posta devant le jardin d'Eden les chérubins et la flamme du glaive
fulgurant pour garder le chemin de l'arbre de vie.".
L’hypothèse
la plus traditionnelle[57]
me parait être celle ci: Adam et Eve étaient immortels en ce sens que Dieu ne
les aurait pas laissé mourir, s’ils n’avaient pas péché. Leur vie aurait en
tout point semblable à celle de la Vierge Marie: ils auraient certes vieilli
(leurs cellules se seraient divisées moins vite !) mais la puissance de leur
âme fortifiée par Dieu aurait protégé leur corps de toute maladie, de toute
infirmité. S’ils n’avaient pas péché, Dieu les aurait laissés sur terre le
temps qu’ils donnent vie à leurs enfants, qu’ils les aient éduqués. Puis il
serait venu les chercher, il les aurait aspirés dans sa gloire, corps et âme,
comme il le fit pour Marie au jour de l’Assomption. Jamais ils n’auraient connu
la mort, ni eux ni leurs enfants. Jamais leur corps n’aurait connu la
corruption car Dieu aurait devancé la faiblesse de la chair par sa puissance.
L’immortalité d’Adam et Eve me semble donc être un phénomène préternaturel dû à
leurs âmes unies à Dieu et non un phénomène d’ordre purement génétique (dû à
leurs corps).
Mais
il existait en eux d’autres dons préternaturels qui peuvent être décrits en
deux groupes distincts: L’harmonie totale de leur vie intérieure, de leur
psychologie et l’harmonie totale de leur être avec l’univers.
1) L’harmonie totale de leur vie intérieure: la Bible parle ainsi: "Adam et Eve étaient nus et ils n’avaient pas honte". Cette petite phrase peut symboliser à elle seule la merveille de cette harmonie. Un homme normal quand il voit un splendide corps de femme, risque fort d’éprouver en lui, des bouffées de sensualité. "Rien de plus naturel à cela", dira-t-on. Mais si pour une raison ou une autre, cet homme veut contrôler ou même arrêter ses pensées, il s’apercevra vite que ce n’est pas si facile. Il existe une logique de la chair qui, tel un cheval fougueux, renâcle à se soumettre à la volonté. C’est cette loi de la chair opposée à celle de l’esprit qui rend la consécration monastique héroïque et la fidélité conjugale parfois difficile. Elle fut absente totalement de la vie de nos premiers parents. Non seulement elle n’existait pas au plan sexuel mais elle était impossible dans tout autre domaine de leur vie. La raison en était encore en Dieu: la vie surnaturelle avait tellement envahi leur cœur, que leur âme s’en trouvait fortifiée pour tout harmoniser tout en eux. Dans notre vie de tous les jours, la plupart des blessures que nous infligeons aux autres viennent de cette faiblesse: un caractère coléreux aura beau prendre la ferme résolution de ne plus jamais s’énerver, il recommencera le lendemain, et une vie entière suffirait à peine pour contrôler entièrement cette tendance. Adam et Eve ne pouvaient pécher par faiblesse. Ils possédaient toutes les vertus d’une manière naturelle et innée. La Bible, pour nous le montrer, prend l’exemple significatif de la sexualité.
Quand Adam voyait Eve, il la
regardait comme son amie la plus chère et la beauté de son corps le ravissait.
C’est l’amour qui dirigeait toute son attitude envers elle; Tout en eux, même
le plaisir sexuel le plus intense aurait été simple.
Après
le péché originel, tout devint compliqué: les facultés animales en eux comme en
nous prirent leur autonomie et cherchèrent leur bien propre. L’âme, séparée de
Dieu perdit à jamais sa puissance d’unification. Adam vit en Eve non plus son
épouse mais un objet pour son plaisir. Il en eut honte. Il expérimentait pour
la première fois ce qu’est une sexualité qui ne s’intéresse qu’au plaisir.
2)
L’harmonie totale de leur être avec l’univers: ce don préternaturel est de la
plus haute importance pour notre étude. L’Eglise affirme que leur âme unie à
Dieu les harmonisait non seulement avec eux-mêmes mais avec tous le cosmos. Leur
corps, doué d’une sensibilité exquise, était capable de vivre comme d’instinct
avec ce monde fait exprès pour eux. La Bible parle peu de ce sujet mais ce
qu’elle dit suffit pour ouvrir la voie à bien des recherches actuelles. La
Bible se contente de décrire les rapports de l’homme avec les animaux: "Dieu amena à l’homme toutes les bêtes
sauvages et tous les oiseaux du ciel pour voir comment il les nommerait"
[58].
Les
animaux ne fuyaient donc pas, venant librement vers l’homme, comme subjugués
par la présence de celui qu’ils ressentaient comme supérieur à eux. La capacité
d’attirer les animaux représente un phénomène paranormal bien parfois constaté
aujourd’hui, don que ne possèdent que des personnes extrêmement pacifiantes,
presque maternelles.
Mais
l’univers n’est pas fait que d’animaux: il existe aussi les planètes, (ce qui
pose la question de l’horoscope), les minéraux dont l’eau (ce qui doit nous
interroger sur ce qu’est un sourcier), les plantes (qu’est ce qu’avoir la main
fleurie?). Avant d’entrer dans l’analyse spécifique de chaque phénomène
paranormal, il faut raconter le second drame de la création: le péché des
hommes.
Adam
et Eve avaient donc été créés parfaits: leur intelligence avait reçu tout ce
qui était nécessaire pour faire d’eux un homme et une femme. Ils connaissaient
la possibilité du mal et ils savaient la révolte de Lucifer. Leur volonté était
maîtresse parfaite de leur vie tout entière. Ils ne pouvaient faire le mal, ni
par ignorance, ni par faiblesse. Ils ne pouvaient le faire que par choix.
Dieu
leur avait d’autre part révélé son projet secret sur eux. Sa parole Divine
avait déjà raisonné plusieurs fois dans leur cœur. Ils savaient donc ce qu’ils
devaient faire durant leur séjour sur terre: mettre au monde des enfants[59],
pour qu’eux mêmes puissent vivre et connaître Dieu; Eduquer ces enfants pour en
faire des hommes: en développant leur intelligence par la connaissance de
l’univers[60],
en développant leur efficacité par la transformation du monde[61],
mais surtout en développant les capacités de leur cœur. Déjà â cette époque, en
ce premier instant de la création de l’homme, le commandement de l’amour
représentait le résumé de toute la volonté de Dieu. Saint Jean dit qu’aimer est
le commandement le plus ancien, reçu dès le début[62].
Adam et Eve vivaient de ce commandement, de tout leur être. Comme ils étaient
les seuls habitants de la terre, comme leur bonté et leur limpidité irradiaient
toute la nature qui les entourait, on peut dire sans mentir qu’ils vivaient
dans un véritable "paradis terrestre". Dieu vit ce monde qu’il venait
de créer. C’était très bon![63]
Pourtant, quelque part, tapis comme des lions prêts à bondir[64], Les anges révoltés guettaient. Ils méprisaient en silence ces deux créatures à leurs yeux ridicules qu’étaient l’homme et la femme: Ils s’indignaient de voir Dieu prendre tant de soin pour des êtres à l’intelligence limitée, au corps pesant; Ils tournaient et retournaient dans leur cœur ce qui, à leurs yeux, était un scandale.
Ils s’indignaient au
souvenir de ce que Dieu avait jadis exigé d’eux, comme condition pour entrer
dans la Vision face à face: servir les hommes, devenir leurs gardiens !
"Quelle folie, quelle indignité ! proclamait Lucifer, montrons à quel
point Dieu se trompe. Faisons-le se repentir d’avoir créé ces êtres de chair,
ces soi-disant chefs-d’œuvre. Quand il aura comprit, il se montrera à nous face
à face, sans exiger aucune condition indigne de notre Noblesse[65].
Le
péché le plus grave de Lucifer se nomme la présomption. Il désirait voir Dieu
face à face mais il prétendait obtenir ce bonheur sans accepter les conditions
posées par lui. Il s’agit d’un péché contre l’Esprit Saint, grave entre tous.
La conséquence en sa volonté s’appelait haine implacable pour l’homme et la
femme qui étaient sans le savoir cause de sa chute; Son obsession unique se
résumait ainsi: les détruire. Mais il ne pouvait rien contre l’homme et la
femme qui étaient entièrement protégés par les légions d’anges fidèles. La
seule liberté qui restait à Lucifer, c’était de leur parler comme de
l’extérieur.
Dieu
devança auprès d’Adam et Eve toute action du Démon. Il leur parla ainsi: "Tu peux manger de tous les arbres du
jardin mais de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, tu ne mangeras pas
car, le jour où tu en mangeras, tu mourras certainement"[66].
Nulle
trace en cette parole d’un quelconque pommier. Son sens est au contraire
parfaitement spirituel et Adam et Eve ne s’y trompèrent pas. L’arbre de la
connaissance du bien et du mal représente l’orgueil intellectuel. Prise au sens
propre, cette parole de Dieu peut être traduite ainsi: "Tu peux tout expérimenter, tout connaître, tout essayer, tout
faire sauf une chose: Je t’ai commandé de mettre l’amour au centre de ton âme.
Je t’ai commandé de m’aimer moi, ton Créateur de tout ton cœur, de toute ton
âme, de toute ta force et d’aimer ta femme et les enfants qui naîtront de vous,
comme toi-même. Si un jour, pour ton malheur, tu mets autre chose que cet amour
au centre de ta vie, si tu appelles "bien" ce que moi j’ai appelé
"mal", si tu donnes à toi-même une nouvelle connaissance du bien et
du mal, alors certainement tu détruiras ce que j’ai fait en toi, et cette
destruction de ton cœur te conduira un jour à celle de ton corps. Tu
mourras".
Adam
et Eve crurent en cette parole de Dieu, avec toute la confiance qu’ils
éprouvaient pour lui. Peut-être ne prêtèrent-ils pas assez attention à la mise
en garde tragique qu’elle contenait tant le monde leur paraissait paisible et
sans danger, tant leur Dieu était bon.
En
ce premier instant de leur création, Adam et Eve se donnèrent entièrement à la
joie de découvrir l’univers crée pour eux. Leur âme n’était qu’action de grâce
envers leur Créateur. Tout aurait pu continuer ainsi, leur vie durant. Ils
auraient mis au monde des enfants, de nombreux enfants qu’ils auraient éduqués,
puis Dieu serait venu les chercher, il les aurait happés auprès de lui corps et
âme, dans le bonheur éternel de son face à face. Il n’en fut pas ainsi. Il nous
faut essayer de reconstituer, en nous appuyant sur le texte biblique, le second
drame de la création qui amena, après la chute des anges, celle des hommes.
"Le serpent était le plus rusé etc." Satan s’approcha d’eux, subtilement, et à la manière d’un serpent[67] qui se faufile, il se glissa auprès d’eux pour les tenter. Sa tactique fut parfaite car il sut mentir avec l’accent même de la vérité. Une question lui suffit pour connaître le commandement donné par Dieu à Eve: "Alors, Dieu a dit que vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin" Ce qui signifie en clair "Alors Dieu vous a interdit de faire quoique ce soit sans permission?".
Eve
crut de son devoir de rétablir la vérité: "mais non ! Dieu nous a permis
de tout faire, sauf de nous déclarer maîtres de ce qui est bien et de ce qui
est mal". Le démon sut alors que l’unique commandement donné par Dieu
était celui-ci: "aime et fais ce que
tu veux"[68].
Il comprit qu’il ne pouvait tenter Eve que sur le péché d’orgueil, représenté
par l’arbre de la connaissance du bien et du mal: "Mais non pas du tout, il ne vous arrivera rien si vous mangez de
cet arbre. Il ne vous arrivera au contraire que du bien: vous deviendrez
intelligents et maîtres de votre vie. Vous deviendrez comme des Dieux qui font
ce qu’ils veulent. Dieu a trop peur de perdre son pouvoir sur vous. C’est pour
cela qu’il vous a menacé de mort"[69].
Cette
parole de Satan eut un effet immédiat sur le cœur d’Eve. Aimer est une chose
certes bien belle mais qui implique d’être dépendant. Quelle apparence de
liberté au contraire quand on devient le maître absolu de sa vie, quand il
dépend de soi et de soi seul de faire ce qu’on veut. Eve, et à sa suite Adam,
décidèrent donc de manger de cet arbre, c’est-à-dire de mettre comme bien
suprême de leur vie, au-delà de leur amour propre pour Celui qui leur avait
tout donné, l’amour de leur propre intelligence.
Immédiatement, avec une brutalité qu’ils n’auraient jamais soupçonnée, ils "moururent". Il ne s’agit pas là de la mort physique mais d’une mort bien plus grave: celle de leur cœur. L’amitié qu’ils avaient avec Dieu et qui illuminait toute leur vie fut brisée. Ils perdirent en eux le sentiment même de sa présence. La nuit s’abattit donc sur eux car ils avaient perdu la Lumière surnaturelle à qui ils devaient tout. Les conséquences d’un tel bouleversement ébranlèrent l’ordre parfait de leur nature. Leur corps, jusqu’ici parfaitement soumis à leur volonté, se révolta. "Adam et Eve connurent qu’ils étaient nus"[70]. Adam regardant Eve, éprouva un sentiment de convoitise purement sexuelle et sa pureté tout juste perdue en eut honte. Face à l’attaque sordide de leur sexualité qu’il ne pouvait plus contrôler, ni mettre au service de l’amour, ils éprouvèrent le besoin de se vêtir. Puis ils découvrirent en eux la lâcheté: Adam accusa Eve d’être responsable de sa perte et Eve accusa Satan, incapables qu’ils étaient de reconnaître que, s’ils avaient été séduits, c’est eux seuls qui avaient décidé de pécher. Le don préternaturel qui les harmonisait avec la nature disparut à son tour et le monde jusqu’ici paradisiaque prit l’apparence pour eux d’un enfer. Les animaux se mirent à les fuir ou même à les menacer. Leur corps vivifié par une âme affaiblie ressentit le froid, la faim.
En se voyant si faibles et si démunis, ils
eurent peur. Dieu devint lui-même à leurs yeux un danger. Ils se mirent à le
fuir, incapables de se souvenir de son immense amour, de cet amour qu’ils
avaient pourtant expérimenté jadis. Il m’a semblé indispensable de rappeler
cette histoire. Elle peut faire sourire certains tant il parait naïf de croire
encore de nos jours à ce qui semble plutôt être une légende. Malgré cela, le
Magistère de l’Eglise continue de l’enseigner, inlassablement. A ses yeux, on
ne peut comprendre notre état actuel sans se référer à ce drame de l’origine,
ce péché originel.
L’Eglise,
à la suite de Saint Paul enseigne une vérité beaucoup plus difficile à croire:
"Adam et Eve en choisissant d’être libres par rapport à Dieu, en se
séparant de lui, se sont engagés POUR NOUS". Ils nous ont entraînés avec
eux, en toute connaissance de cause. Saint Paul l’exprime ainsi "Par un
seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et ainsi
la mort a passé en tous les hommes du fait que tous ont péché"[71].
Les conséquences d’une telle foi sont importantes pour comprendre l’actualité
des phénomènes paranormaux: Dieu n’a pas rendu aux descendants d’Adam et Eve
les dons surnaturels (la proximité de sa présence) et les dons préternaturels
(immortalité, harmonie interne de leur être, harmonie externe avec l’univers).
Les dons préternaturels n’existeront donc jamais plus avec la même intensité
qu’en nos premiers parents. Par contre, il est probable qu’ils restent présents
en germe dans notre nature humaine. Ils permettent donc certainement
d’expliquer certaines facultés paranormales qui apparaissent parfois.
L’histoire de l’humanité
dans son ensemble jusqu’à Abraham, n’est aux yeux de l’Eglise que la suite
logique et lamentable de la faute originelle. Pendant des milliers d’années,
Dieu laissa l’homme manger jusqu’au bout les fruits de l’arbre de la connaissance
du bien et du mal. Dieu laissa l’homme libre de se diriger seul. Il n’imposa
plus aucun commandement nouveau. Quand un homme le cherchait, Il lui répondait
dans son silence qui est lumière. Mais très peu d’hommes eurent soif de lui. La
Bible en cite quelques-uns: Enoch, Noé. La plupart des autres, la grande masse
des autres vécurent de cette "divine et dérisoire liberté" promise
par Satan: dérisoire liberté dont Freud, d’une manière exagérée, a montré les
limites: liberté conditionnée, parfois déterminée par les instincts du corps,
par les mouvements de l’entourage social; Liberté manipulée, affirme l’Eglise,
par le rôle occulte des démons vainqueurs et triomphants qui, le jour de la
chute d’Adam et Eve, reçurent un pouvoir direct sur leur corps, sur leur imagination,
sur leurs passions[72].
Il
en résulta beaucoup de mal, jusqu’à aujourd’hui. Il s’agit heureusement d’un
mal davantage provoqué par la faiblesse des passions et par la bêtise que par
une réelle méchanceté. Peu d’hommes sont capables d’être réellement méchants
tant la nature humaine est fragilisée. Le premier, Caïn, fils d’Adam tua son
frère Abel, par jalousie, plongeant par la même occasion sa mère dans le
chagrin. "Tu enfanteras dans la
douleur" avait prédit Dieu. Puis l’humanité se pervertit de plus en
plus malgré des renouveaux partiels de civilisation. La préhistoire aurait
beaucoup à dire en ce domaine.
Dieu
aime l’homme, et toutes ses actions par rapport à lui ne se comprennent qu’à la
lumière de son désir de lui donner le bonheur infini et parfait: "vous me verrez face à face".
Il n’existe donc aux yeux de Dieu qu’un seul mal absolu: c’est l’orgueil, "l’arbre de la connaissance du bien et
du mal". Ce mal en effet, est le seul capable, après sa mort, de
plonger l’homme dans un choix éternel et terrible, celui de l’Enfer.
Quand
Dieu laisse à l’homme la liberté, c’est par amour pour lui parce qu’il le
respecte. Cela reste un grand mystère, surtout quand cette liberté conduit au
meurtre, au viol. Dieu se tait. La foi chrétienne parle d’une deuxième phase
dans l’histoire de l’humanité: celle ou Dieu se remit à parler. Il commença
avec Abraham et s’arrêta avec Jésus quand il se fit lui-même homme. La bonne
nouvelle, l’Evangile se résume dans cette unique Parole, toujours la même "Je vous aime. Si vous m’aimez et
faites ce que je vous commande, vous me verrez face à face".
"Abîme de la richesse, de la sagesse et
de la science de Dieu ! Que ses décrets sont insondables et ses voies
incompréhensibles ! Qui en effet n’a jamais connu la pensée du Seigneur? Qui
n’en fut jamais le conseillé?"[73].
Cette
sagesse dont nous avons essayé de donner quelques axes dans la partie
précédente éclaire d’une vive lumière tous les problèmes humains et en
particulier, celui des phénomènes paranormaux. La révélation de l’ordre de
l’univers tel que Dieu l’a voulu dans son amour, nous permet de les comprendre
d’une manière théologique. J’essaierai de les étudier un par un, sans prétendre
être exhaustif tant la création recèle de trésors à découvrir. Je m’attacherai
à donner d’abord une description de chaque phénomène, puis à voir ce qu’en dit
la science et la philosophie; Ce n’est qu’en dernier lieu que je ferai appel à
la théologie.
Le règne animal est souvent pour l’homme
révélateur de lui-même surtout en cette époque où le climat aseptisé de la
ville nous sépare de nos racines profondes. Un photographe animalier, passionné
de photographie, avait repéré par hasard la tanière d’une renarde. Celle-ci
s’éloignait souvent de ses petits pour la chasse. Ses escapades se faisaient à
heure régulière et duraient longtemps. Elle partait parfois à plusieurs
kilomètres. Un jour, il eut envie d’en profiter pour s’approcher. Les petits,
blottis au fond d’un terrier étroit, n’avaient pas bougé. Il eut alors la
surprise de voir la mère surgir, crocs en avant.
Plusieurs
fois, il refit l’expérience. Presque à chaque fois la mère interrompait sa
course, quel que soit son éloignement. D’où venait ce signal mystérieux qui lui
faisait pressentir, presque infailliblement, un danger pour ses petits?
Une
institutrice en maternelle avait deux enfants jumeaux dans sa classe. C’étaient
de vrais jumeaux et ils ne se quittaient jamais. Elle était surprise de les
voir très souvent réagir de la même façon. Curieuse de ce phénomène, elle
décida de les séparer. Elle donna à chaque élève une dizaine de feuilles de
papier et leur laissa une heure pour faire sur chacune d’elles un dessin de
leur choix. Le travail terminé, elle ramassa les feuilles selon leur ordre de
composition et eut la surprise de constater que les jumeaux, pourtant éloignés
dans la classe, s’étaient copiés. Non seulement les thèmes étaient semblables
mais aussi les détails des dessins.
Dans
les rapports mère-fils, les témoignages sont nombreux: que penser de ces
intuitions soudaines qui étreignent nombre de mères dont le fils est à la
guerre: "Il est arrivé un malheur,
je le sens". Si la nouvelle de la mort se confirme et si l’heure
coïncide avec l’intuition, les gens n’hésitent pas à parler de coïncidence. Ils
commentent l’événement en disant "elle était si proche de lui, pas
étonnant qu’elle l’ait senti mourir. Il a du vouloir la prévenir".
Devant de tels récits, on ne peut qu’être
frappé. Il s’agit bien là d’un phénomène paranormal, tel que nous l’avons
défini: Comment l’expliquer? C’est à la science soviétique que nous devons les
recherches les plus intéressantes en ce domaine. L’expérience la plus frappante
et célèbre fut réalisée par eux à des fins militaires. Deux personnes étaient
particulièrement connues en URSS pour être douées dans le domaine des
perceptions extrasensorielles. Après divers tests surprenants faits en
laboratoire, on décida de pousser la recherche à bord de sous-marins. L’un des
médiums, fut donc embarqué tandis que l’autre restait à terre. Aucun des deux
ne connaissait ni le moment ni le contenu des messages qu’ils auraient à
transmettre. Quand le médium resté sur terre commença à émettre, l’autre
dormait à bord du sous-marin. Il se réveilla pourtant comme si un signal
l’avait mu et capta avec un certain succès une partie
du texte codé.
On constata un léger décalage de temps entre
l’émission et la réception et, l’expérience ayant été poussée plus loin, on
s’aperçut que ce décalage n'était pas
proportionnel à la distance entre les deux hommes. L’émetteur, comme le
récepteur avaient besoin de beaucoup de concentration et ils sortaient fatigués
des séances. L’électroencéphalogramme manifestait une intense activité
cérébrale.
Cette
expérience et bien d’autres à leur suite donne un statut scientifique au
phénomène de la télépathie. Bien que soumise aux
souplesses de l'affectivité humaine, bien
qu'elle se produise le plus souvent de manière spontanée et difficile à
reproduire en laboratoire, elle ouvre à
l’existence, dans le cerveau humain, d’une faculté mystérieuse d’émission et de
réception. Un problème cependant reste à régler, scientifiquement, c’est celui
de la nature de ce qui est émis. Diverses hypothèses ont été données mais la
plus valable me semble être celle qui l’attribue à un phénomène d’ondes
cérébrales. Le cerveau est en effet le siège d’une intense activité
électo-magnétique. Rien n’empêche qu’il se comporte à la manière d’une radio, à
la différence prés qu’il émet un type d’ondes absolument inconnu jusqu’ici.
Sur
la nature de ces ondes, diverses constatations semblent malgré tout pouvoir
être faites. La proximité génétique (jumeaux) ou affective (mère-fils) de deux
personnes semble aider considérablement le phénomène. Cette donnée semble suggérer qu’il existe pour chacun de nous une
"longueur d’onde" spécifique, déterminée à la fois par notre corps
(don génétiquement de nos parents) et par notre psychologie (aspect acquis plus
tard).
L’existence
de certains cas très rares (comme nos deux médiums soviétiques) semble indiquer
que nous touchons à une faculté parapsychologique très riche. Ces deux hommes
pouvaient adapter entre eux leur réception télépathique à volonté,
l’entraînement quotidien en rendant plus facile l’expérience.
Sur
la base de cette hypothèse, de nombreuses voies nouvelles semblent s’ouvrir à
la recherche scientifique. Mais si hypothèse se confirme, on peut pressentir,
sous la notion de télépathie, la possibilité d’un défi nouveau pour
l’humanité... et d’un danger nouveau. Que fera-t-on de ces nouvelles
techniques...?
La
philosophie quant à elle ne peut que se passionner pour de telles recherches de
la science. Non seulement elle s’y intéresse mais elle peut aider à aller plus
loin en décrivant toute une série de faits qui se rapproche de la télépathie.
Que penser par exemple de ce qu’on appelle l’intuition féminine? Certaines
femmes sentent, en un seul regard, s’il faut se méfier ou faire confiance à une
personne qu’elles n’ont jamais vues. Elles semblent traverser la façade d’un
visage pour lire directement dans le psychisme. On peut se demander si nous
n’avons pas ici le secret d’une certaine forme de voyance.
D’autres
personnes ont la faculté intuitive de percevoir l’ambiance qui règne dans une
assemblée. Elles rentrent dans une pièce et sont saisies, avant d’avoir rien vu
ni entendu, par le climat qui y règne: Colère ou mensonge, joie ou détente. De
tels phénomènes n’étonnent pas car ils sont fréquents. Le monde animal en est
lui même rempli. J’ai été frappé de voir comment certaines personnes, par leur
seule présence, avaient le don de pacifier les animaux les plus féroces.
D’autres, au contraire semblent les exciter sans avoir besoin de parler ou de
bouger. Il faut, me semble-t-il, voir ici encore un phénomène intuitif
extrasensoriel: L’animal se calme car il sent que telle personne ne peut lui
faire de mal.
Poussé
à ses extrêmes limites, ce rapport homme-animal peut aller très loin. Les
traditions chrétiennes et bouddhistes se rejoignent dans leur commun amour de
la vie érémitique. Bien qu’un ermite chrétien ne le soit pas pour la même
raison qu’un ermite tibétain, ils se ressemblent dans leur recherche de la paix
intérieure. Pourquoi s’étonner que les deux traditions, sans être consultées,
témoignent avoir vu des hommes vivre avec les bêtes[74].
Celles-ci étaient comme attirées subjuguées par la présence du rayonnement
particulier du solitaire. L’Evangile parlant de Jésus raconte: Il était avec
les bêtes sauvages dans le désert[75].
On croirait retrouver un vestige du jardin d’Adam et Eve.
Conclusion:
De
tout cela, il faut retenir que la télépathie, malgré son caractère mystérieux
est un phénomène absolument naturel. Il n’y a pas besoin de faire appel à Dieu
pour l’expliquer.
Avant
d’entrer dans un jugement théologique, il faut pousser plus loin notre
recherche. Il semble en effet que d’autres phénomènes s’apparentent à la
télépathie. Bien que la science les aient iusqu’ici peu étudiés, les
descriptions en sont assez précises pour démontrer leur existence. La
télépathie s’exerce entre deux cerveaux (animaux ou humains). Le phénomène
traité dans ce chapitre s’exerce entre un être vivant et le monde matériel.
Dans
nos campagnes, il n’est pas rare que l’on fasse appel à un homme connu de
chacun sous le nom de sourcier. Même
à l’ère du modernisme, certains entrepreneurs n’hésitent pas à faire appel à
leurs services quand il leur faut repérer la fuite souterraine d’une
canalisation. Les sourciers sont des trouveurs d’eau. Les méthodes de travail
qu’ils utilisent sont significatives. Bras tendus, ils se déplacent sur le
terrain à prospecter. Les sourciers utilisent un petit instrument comme un
pendule ou une baguette de coudrier qu’ils disposent de telle façon que le
moindre mouvement de leurs doigts, même minime, en soit rendu visible. Si on
interroge les sourciers, les réponses sont diverses. Certains affirment ne pas
savoir comment ils font: ils ne constatent qu’une chose: quand la baguette
bouge, c’est que l’eau est là. Ils semblent être les auteurs inconscients d’un
jeu qui les dépasse. D’autres, au contraire, prétendent sentir la présence de
l’eau. Le pendule est pour eux un gadget presque inutile. Certains peuvent même
donner à l’avance la quantité d’eau présente et sa profondeur dans le sol. Comment expliquer un tel phénomène?
La science constate le fait mais on est bien obligé d’admettre qu’elle ne fait
rien de plus. Malgré ce silence, hypothèse la plus valable me semble être
analogue à celle émise pour la télépathie. Il semble que nous soyons en face de
certains rayonnements géologiques. L’eau est un corps bien connu, ayant sa
propre signature chimique. Rien n’empêche pourtant qu’elle ait des propriétés
encore inconnues de la science, comme celle d’émettre autour d’elle une sorte
de rayonnement, une "radioactivité" propre. Une telle hypothèse n’est
pas nouvelle. Nos ancêtres connaissaient cette propriété des corps physiques et
leurs influences sur les corps humains. Ils n’avaient bien sûr aucune
explication à en fournir mais le réalisme de leurs observations suffisait. Ils
avaient constaté que certaines personnes sensibles ne pouvaient dormir
qu’orientées selon un azimut précis. Avant même que la boussole n’ait été
inventée, ils en avaient déduit l’existence de forces terrestres magnétiques.
Au Moyen Age, on ne construisait pas de village nouveau sans faire appel à un
magnétiseur. Celui-ci devait déterminer si le lieu était sain, c’est-à-dire
exempt de magnétisme terrestre nocif à la vie. Ils avaient en effet constaté
que certains sites précis nuisaient à la santé, faisaient perdre le sommeil,
rendaient les gens dépressifs ou agressifs. De nos jours, les spécialistes
constatent parfois la présence, sur de tels endroits désertés par nos ancêtres,
de failles dans les couches géologiques.
Les magnétiseurs modernes reviennent à la
mode. Tout le monde connaît le plus célèbre d’entre eux, immortalisé par Hergé
dans le professeur Tournesol. Hergé s’inspirait là encore de personnes réelles.
Certains magnétiseurs très doués prétendent en effet pouvoir étendre leurs
pouvoirs à bien d’autres domaines que la recherche de l’eau. Ils prétendent
pouvoir discerner la présence de n’importe quel corps physique dans le sol.
Selon eux, chaque molécule a une signature magnétique différente qui agit d’une
façon précise sur le corps humain. Le pendule agit à la manière d’un cadran
d’indication et est mu par la main d’une manière inconsciente, la main étant
elle-même influencée par le corps physique présent dans le sol. Il suffit donc,
disent-ils, de connaître la forme du balancement de pendule provoqué par chaque
masse de matière, pour pouvoir en indiquer la présence dans le sol.
D’autres
magnétiseurs vont encore plus loin: ils prétendent pouvoir travailler à
distance. La Police utilise parfois leurs services pour des cas de personnes
disparues. Ils demandent que leur soit fourni un objet ayant appartenu au
disparu et encore marqué de son empreinte physique. Ils se concentrent,
semblent chercher puis indiquent une direction, parfois même un endroit. L'un des exemples significatif est celui, en France de
Jean-Louis Crozier. Il trouve un certain nombre de personnes, sans bouger de
chez lui, sur des cartes d'Etat-Major. Je dois reconnaître que son cas est
troublant. S'il trouvait en passant en hélicoptère au dessus des lieux présumés
des disparitions, on pourrait parler de phénomène de télépathie naturelle. Mais
le fait qu'il trouve sur une carte, à des milliers de kilomètres de l'endroit,
suggère une autre cause surajoutée. En effet, la carte est un papier qui ne
parle du terrain que de façon symbolique et lointaine, une façon symbolique que seul une intelligence
peut comprendre. Puisqu'il faut à cet effet une cause adaptée, je ne vois pas
comment, en théologie, ne pas inférer, en plus de son talent naturel, l'aide
des intelligences angéliques… C'est ainsi et nous le verrons tout au long de
cet ouvrage: le domaine du psychisme humain n'est pas loin du domaine des
esprits…
Que
ce soit la télépathie, le sourcier, le magnétiseur, il semble que nous ayons à
faire à un phénomène de magnétisme cognitif. J’utilise le mot cognitif pour
l’opposer au magnétisme efficace décrit au chapitre suivant. Le magnétisme
cognitif, comme son non l’indique, ne permet que de connaître. Le télépathe
connaît le sentiment intime d’une personne, parfois même ses pensées. Le
sourcier connaît la présence de l’eau; Le magnétiseur connaît celle de
n’importe quel corps physique selon ses dons naturels ou son entraînement.
Devant
une telle description, le philosophe ne peut que s’interroger: comment
expliquer une telle connaissance? Elle se fait toujours par mode intuitif: Il
s’agit plus d’un sentiment intérieur que d'une véritable perception. Le
philosophe est en tout cas obligé de poser l’existence en chaque être humain,
d’une faculté de perception extrasensorielle. Cette faculté est plus ou moins
développée chez chaque individu en fonction de sa sensibilité naturelle. Le
philosophe se voit de poser une faculté analogue chez l’animal. Elle est
généralement plus développée que chez l’homme qui substitue habituellement sa
raison à ses intuitions. L’objet de cette faculté n’est pas la couleur, ni
l’odeur d’un corps, objets respectivement de la vue et de l’odorat. Son objet
est le rayonnement dû à la présence de ce corps. La brebis, quand elle voit un
loup, même si c’est la première fois, sent qu’il est dangereux pour elle et
fuit. Le loup, s’il aperçoit un homme, aura la même réaction. Nous avons là
l’exercice le plus habituel de cette faculté. Elle permet à l’animal de
pressentir s’il est en danger ou en sécurité. Plus rarement, il arrive que
certaines brebis particulièrement douées présentent la présence du loup avant
même de l’avoir vu ou entendu. Nous tombons ici à l’exercice parfait de cette
faculté: Elle est capable de fonctionner seule, indépendamment des 5 sens.
Saint Thomas d’Aquin n’a pas hésité à lui donner un nom: Il l’appelle l’estimative pour l’animal (car l’animal
estime par lui ce qui est bon ou mauvais pour lui) et cogitative chez l’homme (car l’homme, généralement soumet, ses
intuitions à sa raison, à sa cogitation).
Comment
expliquer l’existence de ce sixième sens? Le corps humain est plongé dans le
monde à la manière dont un enfant vit dans la matrice de sa mère. Non seulement
il se nourrit de ce que l’univers lui apporte mais il fait partie de cet
univers par chacune des molécules qui le composent. Il est donc évident qu’il
existe des influences de la nature entière sur notre vie physique. Certaines d’entres
elles sont grossières et facilement constatables (par exemple, la pollution).
D’autres sont plus fines, plus subtiles. Elles ne touchent donc que les
personnes les plus sensibles. La science s’en désintéresse car elle a tendance
à ne croire qu’à ce qui se produit toujours et partout. Mais elle à tort.
Arrêtons-nous
un instant pour poser le regard de la foi chrétienne. En effet, dans la
description de ces quelques phénomènes, le chrétien peut toucher du doigt un
vestige de l’ancienne harmonie qui fut donnée par Dieu à l’homme, mais que
celui ci perdit par sa faute. Adam et Eve possédaient ces dons en plénitude.
Ils étaient la fleur d’un monde fait pour eux. Leur âme en paix avec leur Dieu
pacifiait le monde entier. Saint Antoine de Padoue disait qu’ils parlaient aux
animaux. Il n’avait pas tort. Leur communication n’était pas faite de mots mais
de confiance. Ils parlaient à la manière dont un berger parle à ses brebis
quand il les aime.
Ils
connaissaient la nature entière par une science venant de l’intérieur. Nul
besoin pour eux de disséquer une plante pour la connaître. Nul besoin de
creuser le sol. Leur esprit sentait la moindre vibration venant de la matière.
L’eau qui coulait sous la terre n’avait pas de secret pour eux. Ils étaient
sourciers d’une manière innée.
Mais
que dire de leur amitié? Ils connaissaient dès le premier moment de leur amour
ce que nous découvrons rarement au terme d’une vie entière: Cette harmonie
parfaite qui fait pressentir le désir de l’autre avant qu’il ait parlé. Le
phénomène de la télépathie étant sans aucun doute l’un des dons préternaturels
d’Adam et Eve. L’Eglise enseigne que, malheureusement, le péché originel
détruisit cette harmonie.
Certains
proclament: "ne pleurez pas le paradis perdu et ses dons para psychologique
car il n’est pas entièrement perdu. Vous pouvez le retrouver. Regardez les
moines tibétains. Ils travaillent et ils le trouvent, par leur propre force. La
télépathie leur devient presque naturelle, à la manière d’Adam et Eve !".
Ceux
qui parlent ainsi n’ont pas entièrement tort, il faut le reconnaître: Les dons
préternaturels restent en germe cachés au fond de la nature humaine. Mais ils
oublient une chose: les moines Tibétains eux-mêmes finissent par mourir[76]:
leur vie d’ascèse et de Yoga ne les ramène pas dans le paradis perdu. Le
Nirvana n’est pas l’Eden. La Bible affirme ceci: "Dieu bannit l’homme et il posta devant le jardin d’Eden les
chérubins et la flamme du glaive fulgurant pour garder le chemin de l’arbre de
vie"[77].
La grâce originelle est donc bien perdue. Le moine bouddhiste parvient à une
harmonie physique et psychique qui n’est qu’un vestige lointain, une trace dans
la poussière où se sont couché Adam et Eve. Il manque à cette recherche la
source de vie qui jaillissait en vie éternelle dans le cœur de nos premiers
parents: Dieu.
Cette
redécouverte des facultés parapsychologiques de l’être humain ne permet donc
pas de fonder pour le chrétien de faux espoirs d’un retour à l’harmonie
originelle perdue. L’Eglise est très nette là dessus: La pratique des yogas
orientaux est légitime et peut même être très profitable puisqu’elle permet une
meilleure maîtrise des Facultés de son corps et de son esprit. Par contre,
aussi loin que permettent d’aller de telles méthodes, elles seront toujours
limitées car le paradis terrestre n’existe plus. Il faut donc éviter de
s’illusionner en faisant du Yoga plus qu’il n’est en réalité.
Les
moines chrétiens ont bien compris cela: S’il arrive que certains d’entre eux
pratiquent quelques formes du Yoga, ils ne le font que parce que l’ascèse et la
paix psychologique qui en résulte dispose à une meilleure concentration dans la
prière. Mais il ne s’agit là que d’une disposition. Jamais le Yoga ne pourra
donner au moine chrétien ce qui fait le but, la soif, de toute sa vie: Dieu.
Les moines chrétiens n’ont pas le temps de chercher dans le yoga les dons
préternaturels d’Adam et Eve. A la suite de Saint Augustin, ils ont compris
ceci: "Posséder les dons préternaturels sans toi, ô Dieu, c’est ne rien
posséder; Mais te posséder, toi, c’est être riche de toutes les richesses"[78].
Ils agissent à la manière d’un homme qui, ayant trouvé une perle de grande
valeur (Dieu), vend tout ce qu’il à jusqu’à sa vie elle-même pour l’acheter[79].
L’une des découvertes scientifiques les plus
importantes de notre siècle fut sans doute celle des ondes. Le phénomène
ondulatoire était connu depuis longtemps (cordes d’une guitare, caillou dans
l’eau) mais on n’imaginait pas l’extension qu’il prendrait dans les domaines
électromagnétiques lumineux etc. Les ondes sont partout et il en existe de
toutes espèces. Certaines se déplacent à la vitesse de la lumière, d’autres
non. On ne cesse de trouver une nouvelle application à ce phénomène
énergétique. Depuis un siècle, les ondes sont utilisées comme vecteurs de la
connaissance (T.S.F, télévision). Aujourd’hui, apparaissent de nouvelles
applications pour la transmission de l’énergie. Les ondes sont utilisées pour
leur efficacité (voir le four à micro-ondes et ses propriétés sur les
liquides).
C’est
donc une nouvelle page de la connaissance de notre monde qui s’ouvre avec ce
domaine.
Si
j’aborde ici ce sujet, c’est qu’il existe un domaine du paranormal qui pourrait
s’en trouver expliqué.
Qu’est
ce que la télékinésie? C’est le pouvoir qu’auraient certains hommes de déplacer
un objet à distance par la seul force de leur psychisme. La télévision nous a
montré en mai 1990 une des applications les plus spectaculaires de ce
phénomène: Il s’agissait d’un maître en arts martiaux japonais qui maîtrisait
si bien cette technique qu’il pouvait asséner à distance un coup capable de
renverser un adversaire. Le journaliste, intrigué et septique, voulut subir
l’expérience sur lui-même. Il eut la surprise de se sentir paralysé, incapable
de bouger, écrasé par une force qui pénétrait tous ses muscles. D’autres
expériences furent faites, toutes plus convaincantes. On aurait souhaité la
présence d’un scientifique.
Bien
qu’elle n’ait pas été sur place ce jour là, la science s’est néanmoins déjà
penchée sur ce genre de phénomènes. C'est encore aux soviétiques que nous
devons les études les plus sérieuses sur ce sujet. L’une des vérifications les
plus célèbres fut faite sur une femme dont le pouvoir en cette matière était
assez limité mais suffisant pour être vérifiable. A force de beaucoup de
concentration, elle pouvait déplacer à distance un petit objet de la taille
d’un crayon. On la fit travailler sur un dynamomètre.
On
s’aperçut que la force exercée diminuait quand elle éloignait ses mains. Ses
mains fonctionnaient d’une manière analogue à celle d’un aimant qui repousse ou
attire un autre aimant selon sa polarité. On mesura effectivement un intense
champ magnétique auprès d’elle.
Il convient cependant
de ne pas donner trop d'importance à ces phénomènes. Un exemple d'escroquerie
ou de prestidigitation mérite d'être raconté ici: En avril 1977, sur FR3, un
parapsychologue célèbre, Jean-Pierre Girard, fut invité à démontrer en direct
ses pouvoirs. Il réussit à tordre à distance des fourchettes puis des barres
d’acier. Une expertise scientifique fut demandée, à la suite de cette émission
qui eut un grand succès. En présence de scientifiques, on invita Jean Pierre
Girard à refaire l’expérience sur des barres d’acier faites d’un alliage
performant, de très haute résistance, ne pouvant plier qu’à une force moyenne
développée avec une clef dynamométrique de 45 newton-mètre (un homme de force
moyenne développe avec une clef dynamométrique appropriée 26 newton-mètre en y
mettant toute la force de ses deux bras). Monsieur Girard tenait la barre de 25
cm dans sa main droite et passait sa main gauche au-dessus à environs 3 à 4 cm.
Parfois, il l’effleurait. "C’est dans ces conditions, parfaitement contrôlées
que la barre référencée "A5B2" s’est pliée à deux reprises de façon
absolument indiscutable. Les pliages successifs se sont produits à 2 endroits
différents, espacés de 4 cm". "Le phénomène était parfaitement
visible de bout en bout, les déformations se produisant pendant 20 secondes à
chaque fois. Le diamètre de la barre était de 1,5 cm ce qui rendait
l’expérience impressionnante"[80]. En apparence,
une telle expérience ne peut s’expliquer par une torsion extérieure de la barre
mais seulement par une action directe et interne sur l’alliage lui-même, de
l’intérieur. Pourtant, devant un tel phénomène, des
scientifiques eurent l'idée de créer sur Internet le défi suivant: "Un million de dollars à celui qui
referait cette expérience avec une cuillère… enfermée hermétiquement dans une
sphère transparente en verre." La Somme est toujours en jeu, sur
Internet, depuis 1995.
Est-ce à dire que
tout cela relève de l'illusion? C'est à des scientifiques américains que nous
devons la preuve, tout à fait scientifique et reproductible cette fois, du
contraire, non pour tordre des cuillères cependant, mais pour de
micro-mouvements d'objets très petits. Afin d'étudier les hypothétiques effets
du psychisme humain sur les circuits informatiques, on eut l'idée de composer
l'expérience suivante: On construisit une "machine à télékinésie", à
savoir un grand réservoir de microbilles calibrées pour tomber, dans une
proportion de 50-50, dans deux réservoirs. Une personne devait donc s'installer
devant et essayer, par la pensée, de faire tomber davantage de microbilles à
droites. Les résultats furent surprenants: pour telle personne donnée, on
obtenait toujours le même chiffre (par exemple: 51, 08 % des billes à droites)
et ce quelque soit l'intensité de la concentration. Et ce chiffre "signant"
telle personne était le même quand la personne faisait l'expérience… à partir
de chez elle ou à l'autre bout du monde.
L'hypothèse
de la présence d’ondes suffisamment efficaces pour communiquer une part de leur
énergie est bien évidemment la meilleure. Ce phénomène parait être là encore
naturel et digne de devenir objet de recherche scientifique.
Appuyé
sur ces prémisses, il me semble qu’il doit être possible d’en pousser
l’application plus loin et de donner des pistes d’attente à des chapitres que
nous traiterons plus tard: s’il existe en l’homme une force, psychique capable
de déplacer des objets à distance rien n’empêche que certains utilisent,
consciemment ou non, dans des phénomènes que les croyances populaires
attribuent habituellement aux anges ou même à Dieu. Je veux parler des maisons
que l’on dit hantées[81]
car on y voit des objets se déplacer seuls. Je pense aussi au phénomène de la
lévitation[82]. Il est vrai qu’il est surprenant de voir
un homme suspendu dans les airs. Est-ce toujours un miracle? N’y a t-il pas
possibilité d’une lévitation naturelle?
Mais
la plus belle application me parait être celle du guérisseur-magnétiseur. Nos
campagnes sont remplies de guérisseurs et il n’est pas rare que l’on fasse
appel à eux quand la médecine habituelle ne peut plus rien.
Il
existe des charlatans en nombre incroyable d’où la nécessité d’être prudent. Si
un membre est tordu ou une vertèbre déplacée, on fait appel au rebouteux. Mais
si la maladie est plus grave, accompagnée d’une grande fatigue, c’est vers le magnétiseur que l’on se tourne. La tradition
campagnarde n’a pas oublié ces petits métiers paramédicaux.
Le magnétiseur dont nous parlons n’a
rien à voir avec le sorcier qui invoque les esprits à la rescousse.
Il s’agit d’un homme qui, en imposant
les mains sur ses patients, semble leur communiquer un renouveau d’énergie; Si
on les interroge, on les entend décrire des sensations de douce chaleur qui se
répandent en eux à partir de l’endroit où la main s’est posée. J’ai pu
constater moi-même le bien réalisé par un magnétiseur sur une personne
cancéreuse. On ne peut pas dire qu’il la guérissait. Il est plus juste de
décrire son action par l’apport d’un surcroît de force pour lutter contre la
maladie. D’après le témoignage de l’homme, l’action n’est pas seulement d’ordre
psychologique (le guérisseur ne fait pas que remonter le moral). Il y a
véritablement communication progressive d’énergie physique, de l’un à l’autre.
Le magnétiseur semble se vider proportionnellement de sa propre force et finit
ses journées épuisé. J’ai pu constater que beaucoup de vieillards, atteint
d’aucune autre maladie que la vieillesse, fréquentaient ce genre de médecins.
La chose me parait très bonne et c’est sans doute la seule médecine qui leur
convienne. Le magnétiseur apparaît en effet comme un chargeur de batteries. Il
remplace de l’extérieur la source d’énergie vitale qui fait défaut à
l’intérieur.
Qu’en
pense l’Eglise? Elle rappelle avec force la prudence extrême qu’il faut exercer
en ce domaine. Sous le mot de guérisseur se cache toute urne faune qui va du
pseudo-médecin qui n’y connaît rien au sorcier adepte de magie noire. Dans le
premier cas, on met en danger sa santé physique, dans le second sa santé
psychique et spirituelle. Si, après enquête, on est sûr d’avoir à faire à un
magnétiseur, on peut le consulter sans crainte. Quant à ce dernier, il doit
toujours rester en contact avec la médecine officielle.
L’horoscope
ne nécessite pas en soi un chapitre spécial. Il aurait très bien pu entrer dans
les chapitres précédents consacrés au magnétisme. Mais devant l’importance
qu’on lui donne dans nos sociétés, il me parait nécessaire de le traiter à
part: Outre les horoscopes hebdomadaires des revues, on voit apparaître
l’horoscope sur minitel. Certaines entreprises n’hésitent pas à choisir leur
personnel en fonction du thème astral.
Cet
engouement peut être dangereux. Il est indispensable de pousser très loin
l’étude scientifique et philosophique du phénomène: quelle valeur faut-il
attribuer à l’astrologie? Peut-on lire notre avenir dans les astres?
Qu’est
ce que l’astrologie? C’est l’étude de l’influence des planètes du système
solaire sur le comportement des hommes ou même des animaux.
Pour mieux résoudre ce problème, il nous faut
faire d’abord appel à la science psychologique officielle: a-t-on pu constater
une réelle influence des astres sur le comportement? La réponse est oui si l’on
parle du soleil et de la lune, non si l’on parle des planètes. L’influence du
soleil est claire et chacun de nous la constate. Les animaux comme les hommes
la subissent: Quand le soleil se montre, chacun éprouve de la joie et l’on
parle de beau temps. Quand le printemps arrive, une certaine euphorie saisit
tous les êtres vivants. Le soleil règle non seulement les jours et les saisons
mais influence aussi la joie et la peine, la bonne ou la mauvaise humeur.
Quant à la lune, son influence est plus
cachée, plus subtile. Les psychologues la constatent avec évidence chez les
animaux sauvages et les aliénés. Ces deux catégories ont en commun d’être
sensibles aux choses sans que le dressage pour les premiers et la volonté pour
les seconds troublent le moins du monde leurs réactions. Par nuit de pleine
lune on constate chez certains fous une grande nervosité (l’expérience montre
qu’ils n’agissent pas ainsi parce qu’ils ont vu la lune). Quant aux animaux,
leur comportement étrange faisait jadis si peur qu’on inventa la légende du
loup-garrou. Nous n’avons plus de loup en France. Si nous en avions, il est
certain que nous ressentirions les mêmes frayeurs et les mêmes folles
imaginations que nos ancêtres, face au hurlement qu’ils entendaient par nuit de
pleine lune.
Par
des études statistiques, on peut se rendre compte de l’influence de la lune sur
les rythmes sexuels aussi bien des animaux que des humains: les accouchements
sont toujours un peu plus nombreux les nuits de pleine lune; Le cycle féminin
est souvent réglé sur le mois lunaire.
Mais
quand il s’agit des planètes, les psychologues officiels sont bien obligée
d’avouer leur ignorance. S’il existe une influence, elle parait trop fine pour
être mesurée sous forme de statistiques. Là
science nous rend tout de même un grand service. Même si elle ne parle que du
soleil et de la lune, elle manifeste qu’ils ont une réelle efficacité sur le
comportement psychologique. Ces deux influences suffisent à fonder l’existence
d’une science astrologique.
Il
nous faut pourtant étudier, quoiqu’en dise notre science occidentale (qui est
nécessairement un peu grossière dans ses connaissances puisqu’elle doit pouvoir
mesurer ce qu’elle connaît), s’il n’existe pas une astrologie planétaire. S’il
me parait impossible d’en donner une preuve cartésienne, il me semble par
contre très probable que l’influence des planètes existe réellement. Si une
planète, aussi éloigné qu’elle soit par rapport à nous, arrive comme le
montrent les astronomes à dévier la trajectoire de notre terre par gravitation,
rien ne s’oppose à ce que son magnétisme naturel ne nous atteigne aussi. Ce
magnétisme, nous l’avons montré, existe en chaque corps physique. Il existe
donc a fortiori pour ces immenses masses de matière, même si leur éloignement
en diminue considérablement les effets.
L’existence
de l’astrologie étant fondée, il nous faut maintenant nous mettre à l’école des
peuples qui s’en sont fait une spécialité: les Chaldéens[83]
et les Chinois. Dans ces deux traditions, l’horoscope personnel d’un individu
se construit de la manière suivante: Il est impératif de connaître la date et
l’heure exacte, de même que le lieu de naissance de la personne intéressée.
A partir de ces données
premières, l’astrologie va établir ce qu’on appelle le thème astral. Il s’agit
d’une carte du ciel tel qu’il était au moment où l’enfant est né. Chaque
planète étant mise à sa place, l’astrologue va s’efforcer, en s’appuyant sur
une connaissance empirique du rôle de chacune d’elles, de déterminer
précisément les influences magnétiques subies par l’enfant à cet instant
premier de sa naissance. Le thème astral de chaque personne est donc
pratiquement unique, car il est rare que deux enfants naissent exactement au
même instant et au même endroit. Le thème astral ainsi déterminé est pour
l’astrologue la signature définitive des planètes dans le psychisme de chacun.
Tant que l’enfant est dans le sein de sa mère, il est, selon eux, protégé de
toute influence astrale par le corps de celle-ci. Par contre, à l’instant où il
en sort, son corps s’en trouve marqué, un peu à la manière d’une plaque de cire
molle sur laquelle on aurait fait un dessin juste avant qu’elle ne durcisse
définitivement.
En
comparant le thème astral d’une personne à l’état actuel ou futur du ciel,
l’astrologue prétend déduire quasi-scientifiquement certaines données du destin
individuel.
Les
deux traditions que nous évoquions parlent aussi de la possibilité d’un
horoscope général, applicable à une nation entière ou à une cité.
La
méthode est sensiblement la même, bien qu’on s’appuie davantage dans ce cas,
pour établir le thème astral, sur la situation locale de la communauté humaine
que sur sa date de fondation.
Deux
grandes écoles, aussi bien en Chine qu’en Chaldée, se combattaient pour
l’utilisation du thème astral. La première affirmait que les astres permettent
de prévoir tous les événements de notre vie, sans exception, même ceux dus au
hasard ou à la liberté (tels les rencontres, les accidents, les choix. L’autre,
au contraire, réduisait l’influence astrale à la connaissance de nos états
d’âmes, de nos mauvaises et de nos bonnes humeurs. Si l’on regarde attentivement
le monde contemporain, on voit que ces deux conceptions existent encore. Les
magazines à sensations publient chaque semaine des horoscopes où des millions
de capricornes ou de sagittaires se voient annoncer une rencontre, une peine de
cœur. Les astrologues qui en sont chargé, malgré le ridicule évident de leurs
publications, font partie de l’école divinatoire. On pourrait leur opposer une
forme d’astrologie utilisée par certains psychologues. Ceux là font partie de
l’école parapsychologique. Dans laquelle de ces deux écoles est la vérité?
C’est
encore à Saint Thomas d’Aquin que nous devons la plus brillante synthèse
philosophique et théologique à propos de cette question. Il a su en quelques
pages, résumer des traités entiers et fixer définitivement la position
catholique traditionnelle en ce domaine[84].
Selon
lui, l’astrologie existe réellement, bien que, faute d’être comprise, elle
tombe souvent dans la pire des superstitions. Il est en effet aberrant de
penser que le destin de chacun de nous est inscrit dans l’ordre des astres, au
point qu’on puisse y lire le déroulement de notre vie entière. Cela lui semble
même assez facile à démontrer. Si les planètes et les étoiles permettent de
connaître le futur, cela ne peut être que de deux manières:
La
première hypothèse consisterait à affirmer qu’elles sont la cause indiscutable
de nos actes humains et de tous les événements qui se produisent sur terre.
Nous serions un peu des pantins qui, croyant agir librement, sont en fait mu
d’une manière inconsciente par les fils du marionnettiste.
Or, dit saint Thomas d’Aquin, une telle action des astres est impossible. Pour s’en rendre compte, il suffit de comprendre la manière dont les planètes agissent sur nous. Elles agissent selon ce qu’elles sont c’est-à-dire à la manière des corps physiques. Outre leur force gravitationnelle, elles exercent aussi un rayonnement magnétique qui influence nos organes, et, par conséquent, nos penchants qui en sont les actes. Mais là s’arrête leur influence. Deux sortes d’événements échappent donc au pouvoir des astres: Ceux qui sont accidentels et ceux qui émanent de la liberté humaine[85].
Si
un homme sort dans la rue et qu’à cet instant précis, une bourrasque de vent
détache une tuile du toit qui vient s’écraser sur son pied, comment affirmer
que la cause de cet accident vient de l’interconnexion des influences de Mars
et de Jupiter sur le thème astral du pauvre homme? Si une telle interconnexion
a pu causer quelque chose dans sa vie, ce n’est certainement pas ce malheureux
effet du hasard.
De
même, si un soldat soumis à la torture refuse de livrer, à cause de son sens de
l’honneur, les noms de ceux avec qui il combat, il serait aberrant d’attribuer
un tel héroïsme à son horoscope. Un tel acte est le fruit d’une volonté dont la
liberté est suffisamment puissante pour résister à la douleur. Saint Thomas
d’Aquin n’hésite pas à affirmer que les planètes, en raison de leurs actions
corporelles, ne peuvent agir directement sur la liberté qui n’est pas
l’activité d’un organe physique. L’homme fort, par son esprit, règne sur les
astres.
Si
l’influence des astres n’atteint ni le hasard, ni la liberté humaine (quand
elle existe), on se rend compte du peu de valeur de cette première hypothèse
qui consisterait à les rendre maître, de nos destinés. Car le destin d’un homme
est lié à plusieurs influences dont les deux premières échappent aux astres: 1)
La liberté qui est le fruit d’une intelligence développée et d’une volonté
maîtresse de soi; 2) Le hasard qui est sans cause; 3) Nos penchants psychologiques;
4) L’influence du social. Une deuxième hypothèse fut donc émise par l’école
astrologique divinatoire: "Dieu affirme t-elle, a créé l’univers et
connaît de toute éternité le futur de chaque homme".
Jusqu’ici
un chrétien ne peut que souscrire.
"Dieu
s’est donc arrangé pour créer le ciel de telle manière qu’y soit inscrit à
l’avance, selon un code que les
astrologues seuls connaissent, ce que lui seul connaissait depuis
toujours".
D’après
cette hypothèse, les astres agissent moins comme une cause de nos actions que
comme un signe. Ils sont un peu comme un livre d’histoire qui se déroulerait en
même temps avec l’histoire qu’il raconte, grâce à l’heureuse astuce du
Créateur. Selon cette hypothèse, les astrologues deviennent les prophètes de
Dieu, seuls aptes par leur science à pénétrer dans ses secrets. Certains
n’hésitent pas à étayer leurs thèses sur des textes bibliques: "Dieu dit: qu’il y ait des luminaires
au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit. Qu’ils servent de signes,
tant pour les fêtes que pour les jours et les années"[86].
Cette hypothèse théologique, on le voit, est beaucoup plus séduisante que la
première mais elle ne résiste pas à l’analyse. Saint Thomas d’Aquin le montre
en une seule phrase: "Dieu soumet à d’autres lois les mouvements des corps
célestes et les événements contingents. Les premiers se produisent
uniformément, en vertu du déterminisme qui les dirige, tandis que les seconds,
soumis à la contingence, varient dans leur production". Il y a donc un
décalage infranchissable entre le mouvement régulier des astres et l’anarchie
des événements de notre vie. Le monde terrestre par sa complexité, par le
désordre laissé par le hasard et les libertés tranche avec l’ordre définitif et
stable du ciel. Pour décrire les événements du monde, 8 planètes ne peuvent
suffire. On ne peut trouver dans la Bible une preuve théologique:
Quand,
il y a 2000 ans, Dieu voulut faire partager à des astrologues Chaldéens le
grand mystère de son incarnation, il ne se contenta pas de les laisser avec
leurs cartes du ciel. L’enfant de Bethléem aurait pu attendre bien longtemps la
venue des rois mages. Mais pour annoncer la naissance de l’Enfant-Dieu, le
Créateur, s’adapta à leur langage du mettre devant leurs yeux, dans le ciel,
une étoile nouvelle faite exprès pour la circonstance et qui, par surcroît, se
déplaçait pour leur indiquer l’endroit. On voit mal pourquoi Dieu se serait
senti obligé de faire un tel miracle si la naissance de Jésus, qui allait
changer le monde, avait été déjà écrite par lui dans l’ordre des planètes. Un
événement d’une telle importance n’aurait pu leur échapper.
De
tout cela, on peut conclure avec saint Thomas d’Aquin que l’astrologie
divinatoire n’existe pas: notre destin n’est pas écrit dans les astres. Une
telle astrologie s’oppose non seulement à la foi catholique, mais elle
représente un danger pour ceux qui y croient. Le fatalisme qui consiste à
s’estimer prédestiné dans chacun des actes de sa vie peut conduire l’homme à
une pauvreté destructrice. Mais si la théologie catholique et les hommes de bon
sens rejettent l’existence de cette astrologie divinatoire, il serait par
contre excessif de nier toute valeur à l’autre forme d’astrologie.
Si on analyse le ciel tel
que le virent les rois-mages au début de notre ère chrétienne, on s’aperçoit
qu’il s’y passait des événements importants au plan planétaire: Le système
solaire entrait dans l’ère du poisson ce qui signifiait certainement pour les
mages Chaldéens d’importants changements dans les sociétés humaines[87].
Une telle coïncidence avec la naissance du Sauveur est frappante et certains
n’ont pas hésité à se demander si Dieu n’avait pas choisi exprès ce moment.
Saint Thomas d’Aquin, quant à lui, n’hésite pas à montrer la valeur réelle de
l’astrologie quand elle est au service de la psychologie et de la sociologie.
Selon lui, le cycle des planètes, par son influence sur nos organes, cause en
nous des états d’âmes que l’on peut prévoir à condition d’avoir un peu de
pratique. L’enfant et l’animal, marqués par les astres dans leur corps à
l’instant de leur naissance, subissent leur influence en fonction de ce premier
moment. Cette influence est bien sûr loin d’être la seule. Elle est à
considérer en parallèle avec tout un aspect génétique, reçu des parents et dont
le rôle est plus radical, et avec un aspect social.
Selon
Saint Thomas d’Aquin, l’ordre des planètes ne fait que conditionner le
comportement humain alors qu’il détermine en grande partie le comportement
animal. L’homme, dans la mesure où sa raison devient maîtresse de ses
puissances inférieures, apprend à s’opposer de plus en plus à cette impulsion
venue des corps célestes. L’animal ou le fou qui ne possèdent pas la raison en
sont incapables. Selon lui, l’astrologue qui met sa science au service d’une
personne afin de l’aider à mieux se connaître agit bien. Son action est
comparable à celle du graphologue bien qu’elle s’exerce différemment: le
graphologue se sert d’un effet pour remonter à sa cause: à partir de la qualité
de notre écriture, il induit le caractère de la personne qui a écrit;
l’astrologue part d’une cause pour en déduire l’effet: à partir de la
connaissance de l’efficacité des astres sur notre corps, il en déduit les
effets psychologiques.
De
même, Saint Thomas d’Aquin reconnaît la valeur de l’astrologie en matière
sociologique. Il considère même sa certitude comme plus grande qu’en matière
psychologique: l’exactitude fréquente des prédictions des astrologues quand ils
parlent des peuples tient à ceci: La plupart des hommes sont à la remorque de
leurs impressions corporelles. Leurs actes n’ont donc couramment d’autre règle
que le penchant que leur impriment les corps célestes. Un tout petit nombre,
les sages, gouvernent par la raison ces penchants. Aussi, dans bien des cas,
les prédictions des astrologues se vérifient, surtout lorsqu’il s’agit
d’événements généraux qui dépendent de la masse[88].
Un célèbre homme politique disait:
"Un sénateur, pris en particulier, est intelligent; Mais le sénat une fois
réunit est bête". Cet effet de masse ne peut manquer de nous frapper quand
on regarde l’histoire du monde à la lumière des planètes. La naissance de Jésus
qui devait bouleverser l’ordre du monde fut marquée par l’entrée dans une
nouvelle ère zodiacale, celle du poisson; La chute de l’Empire Romain
d’Occident, la naissance de l’Islam, la révolution française, les deux guerres
mondiales, ont eu, du témoignage même des astrologues, leur signe astral
particulier. Les années 1990, témoins de nouveau d’un changement d’ère
zodiacale, devraient si l’hypothèse est juste s’accompagner de changements
mondiaux aussi importants que ceux d’il y a 2000 ans. L’homme se laissera-t-il
entraîner par les pulsions nouvelles venues des planètes? C’est probable. Il
faut simplement espérer que ces pulsions seront positives.
Pour illustrer la valeur des horoscopes en
matière sociologique, on peut citer l’exemple des prédictions du Cardinal
Pierre d’Ailly qui fut un grand astrologue du Moyen
Age. Il pratiquait l'astrologie selon les règles de saint Thomas d'Aquin,
c'est-à-dire à partir des influences sur les états d'âmes humains. Or il crut
lire, comme dans une probabilité sociologique, à partir de l'alignement futur
des planètes: "1789, fin du monde."
Conclusion:
L’influence
des planètes, l’étude des lignes de la main[89]
me parait significative pour la connaissance de ce qu’il y a d’inné dans notre
caractère.
Limitée
à ce domaine, une telle étude n’a rien de dangereux et ne peut être au
contraire, qu’une aide pour mieux se connaître.
Quant
à ceux qui objectent parce qu’ils ont été frappés de la justesse de certaines
prophéties émissent par des diseuses de bonne aventure, je réponds que de
telles prophéties ne peuvent venir de la simple lecture des lignes de la main.
Nous verrons au chapitre consacré à la voyance où se trouve la véritable origine
de ce don étonnant. Les lignes de la main, les jeux de taro ou les boules de
cristal ne sont que de simples supports matériels pour une meilleure
concentration. Le don de voyance, quand il existe, vient bien d’ailleurs.
Quand
le docteur Moody, psychologue américain, publia son livre: La vie après la vie[90],
il eut un tel succès que des traductions furent faites un peu partout dans le
monde. Il devint un best-seller et ce n’est pas étonnant: La science semble y
rejoindre la religion pour proclamer l’existence d’une vie après la mort.
Il
s’agit d’une étude faite d’une manière très sérieuse auprès des américains
ayant connu, à un moment, un état d’arrêt cardiaque ou même de mort clinique.
Le résultat de l’enquête est bouleversant et d’un grand intérêt scientifique,
philosophique et théologique.
En
dépit des différences présentes pour chaque cas, écrit le docteur Moody, tant
par les circonstances qui entraînent les approches de la mort que les
différents types humains qui les subissent, il n’en reste pas moins que de
frappantes similitudes se manifestent entre les témoignages qui relatent
l'expérience elle-même. En fait, ces similitudes sont telles qu’il devient
possible d’en dégager des traits communs, sans cesses répétées dans la mesure
des documents que j’ai pu rassembler.
En
nous fondant sur ces ressemblances, je m’efforcerai maintenant de reconstituer
brièvement un modèle théorique idéal ou complet, de l’expérience en question en
y introduisant tous les éléments communs dans l’ordre où il est typique de les
voir apparaître.
Voici
donc un homme qui meurt et, tandis qu’il atteint le paroxysme de la détresse
physique, il entend le médecin constater son décès. Il commence alors à
percevoir un bruit désagréable, comme un fort timbre de sonnerie ou un
bourdonnement et, dans le même temps, il se sent emporté avec une grande
rapidité à travers un obscure et long tunnel. Après quoi il se retrouve hors de
son corps physique immédiat. Il aperçoit son propre corps physique à distance,
comme en spectateur. Il observe de ce point de vue privilégié les tentatives de
réanimation dont son corps fait l’objet. Il se trouve dans un état de forte
tension émotionnelle.
Au
bout de quelques instants, il se reprend et s’accoutume peu à peu à l’étrangeté
de sa nouvelle condition. Il s’aperçoit qu’il continue à posséder un
"corps" mais ce corps est d’une nature très particulière et jouit de
facultés très différentes de celles dont faisait preuve la dépouille qu’il
vient d’abandonner. Bientôt, d’autres événements se produisent, d’autres êtres
s’avancent à sa rencontre, paraissant vouloir lui venir en aide. Il entrevoit
les esprits de parents et d’amis décédés avant lui. Et soudain, une entité
spirituelle d’une espèce inconnue, un esprit de chaude tendresse, tout vibrant
d’amour (un être de lumière) se montre à lui. Cet être fait surgir en lui une
interrogation, qui n’est pas verbalement prononcée, et qui le porte à effectuer
le bilan de sa vie passée. L’entité le seconde dans cette tâche en lui donnant
une vision panoramique, instantanée, de tous les événements qui ont marqué son
destin.
Le
moment vient ensuite où le défunt semble rencontrer devant lui une sorte de
barrière ou de frontière, symbolisant apparemment l’ultime limite entre la vie
terrestre et la vie à venir. Mais il constate alors qu’il faut revenir en
arrière, que le temps de mourir n’est pas encore venu pour lui. A cet instant,
il résiste car il est désormais subjugué par le flux des événements de l’après
vie, et ne souhaite pas ce retour. Il est envahi d’intenses sentiments de joie,
d’amour et de paix. En dépit de quoi il se retrouve uni à son corps physique:
Il renaît à la vie.
Par
la suite, lorsqu’il tente d’expliquer à son entourage ce qu’il a éprouvé entre
temps, il se heurte à différents obstacles. En premier lieu, il ne parvient pas
à trouver des paroles humaines capables de décrire de façon adéquate cet
épisode supraterrestre. De plus, il voit bien que ceux qui l’écoutent ne le
prennent pas au sérieux, si bien qu’il renonce à se confier à d’autres.
Pourtant, cette expérience marque profondément sa vie et bouleverse notamment
toutes les idées qu’il s’était faites jusque-là propos de la mort et de ses
rapports avec la vie.
On peut résumer ce tableau idéal en cinq grandes étapes (voir docteur Kenneth King):
1) Décorporation: la
personne se trouve comme suspendue au-dessus de son corps;
2)
Tunnel noir;
3)
vision de l’être de lumière;
4)
vision de proches décédés précédemment;
5)
le retour et ses conséquences psychologiques.
L’ordre des étapes peut varier puisque
certaines personnes affirment avoir vu l’être de lumière avant le passage dans
le tunnel noir. D’autre part, certains témoignages s’arrêtent à la première ou
deuxième étape, la mort clinique n’ayant apparemment pas assez duré.
Intérêt
scientifique fut très vif aux USA et l’on s’efforça de vérifier la véracité des
récits. Seule la décorporation peut-être objet d’une telle enquête
scientifique. Pour les autres, le témoignage des patients ne peut être
confronté à aucun moyen de mesure.
Cette expérience de décorporation présente un
intérêt unique. On ne peut qu’être frappé par le récit des victimes qui semble
concorder en tout point avec la réalité. Or la victime, il ne faut pas
l’oublier, est en état de mort clinique. Elle est allongée sur une table et ne
peut, théoriquement, rien voir de ce qui l’entoure. Pourtant, on est obligé
d’admettre qu’elle voit ce qui se passe et qu’elle le voit d’un point situé en
dehors de son propre corps.
Dans
une salle de réanimation, un médecin eut l’idée de pousser les vérifications en
fixant sur la face supérieure des instruments de petits autocollants, de telle
façon qu’on ne puisse les voir que du plafond. On eut la surprise de
recueillir, dans le témoignage de ceux qui prétendaient avoir connu une
expérience proche de la mort, la mention de ces autocollants.
A
cause du perfectionnement des méthodes de réanimation, cette expérience se
multiplie et met la science devant un nouveau phénomène paranormal: On est
obligé d’affirmer, à moins de faire mentir les multiples vérifications
effectuées, qu’il existe une décorporation. Ce phénomène reste inexpliqué mais
on peut en décrire les conditions.
Les
propriétés du corps double ont pu être décrites d’une manière assez précise: Il
s’agit tout d’abord d’un corps matériel, même s’il n’est pas composé de matière
palpable. Il s’agit plutôt de matière sous forme d’énergie, de flux
ondulatoire. C’est une sorte de champ magnétique, organisé sur lui-même, un
corps psychique.
Il
s’agit malgré tout d’un véritable corps humain, double du corps physique, ayant
toute une vie psychologique et spirituelle: Il possède ses cinq sens, même si
le toucher et le goût s’exercent différemment. L’imagination est entièrement
présente, avec la mémoire et leur exercice cérébral. Des souvenirs disparus
peuvent réapparaître intacts. Les émotions passionnelles sont présentent mais
elles sont beaucoup plus paisibles. La joie, la paix, la peur et la tristesse
s’exercent sans excès, comme si l’absence du corps physique les rendait plus
contrôlables.
La
vie spirituelle est, quant à elle, intensément présente. L’intelligence
comprend ce qui leur arrive, la volonté se porte vers tel ou tel choix. Mais le
plus étonnant demeure sans doute l’apparition de propriétés parapsychologiques
très intéressantes. Ce corps est fluide: il peut passer à travers les murs les
plus épais, obéissant aux désirs de la volonté. Une femme raconte que, s’étant
aperçu qu’elle mourrait, elle eut une pensée pour son mari et son fils présents
dans la salle d’attente. Elle se retrouva aussitôt auprès d’eux, ayant traversé
plusieurs pièces de l’hôpital à travers les murs. Elle décrivit après son
réveil des détails sur cette salle d’attente qui ne laissent aucun doute de sa
bonne foi.
Ce
corps est agile: il peut se déplacer à volonté avec une vitesse incroyable. Un
homme se voyant quitter son corps physique pensa intensément à son épouse qu’il
avait laissée à l’étranger. Il se retrouva auprès d’elle, ayant franchi en
quelques instants des milliers de kilomètres.
Ce
corps est léger: il ne présente aucun des inconvénients du corps physique:
fatigue, poids, inertie; Etant entièrement soumis à la volonté, il peut être
appelé en ce sens "corps spirituel".
Ce
corps est parfait: il ne présente aucun des handicaps du corps physique. Une
jeune fille, aveugle de naissance, put décrire avec force de détails la couleur
de ce qu’elle avait vu dans la pièce lors de son expérience. Un ancien
combattant, amputé des deux jambes, eut la surprise de se voir tel qu’il était
avant son accident.
Enfin, ce corps est doué de perceptions
extrasensorielles nouvelles et qui lui apparaissent comme naturelle. Les
témoins prétendent non seulement entendre les paroles proférées autours d’eux
mais lire directement les sentiments et les pensées de chacun. C’est une sorte
de télépathie a sens unique puisqu’ils sont, quant à eux, incapables d’attirer
l’attention de qui que ce soit.
Chaque
personne, chaque objet, leur apparaît nimbé dans une auréole de lumière aux
couleurs vivantes ce qui rend leur perception de l’univers presque féerique.
Selon les pensées et les sentiments
de ceux qui sont dans la pièce ces couleurs
prennent des nuances différentes.
Devant
de telles propriétés, qui font davantage penser à un conte de fée qu’à la
réalité, on serait tenté de rejeter tout cela dans le domaine imaginatif.
L’hypothèse d’un effet psychique subjectif dû à la mort clinique à été émise
mais elle ne tient pas car les récits liés à la décorporation ont une
objectivité vérifiable. Le problème n’est donc pas d’affirmer que ce n’est pas
possible. Le problème est que cela est.
Certains
philosophes américains ont donc essayé de se pencher sur la question. Il leur
est apparu d’abord que le phénomène de la décorporation n’est pas nouveau. La
psychologie le décrit comme propriété de certains hallucinogènes puissants.
D’autre part, de longs traités pluriséculaires, écrits dans les traditions
philosophiques chinoises, hindoues et tibétaines en parlent. C’est d’ailleurs
là qu’on trouve les plus profondes explications philosophiques du phénomène.
Selon
ces traditions, on peut discerner dans l’être humain trois degrés de vie
auxquels correspondent trois corps parfaitement adaptés l’un à l’autre pour
former une seule personne: le corps physique, le corps astral et le corps
mental.
Le
corps physique est le siège des facultés végétatives comme la nutrition, la
reproduction, la croissance. Il est aussi le siège d’un autre corps, appelé le
corps astral. C’est le corps physique qui est source de l’existence du corps
astral, à tel point que, selon eux, la survie de ce dernier est assez éphémère
après la mort du premier. Une simple comparaison permet de comprendre leur
point de vue: le corps astral est comparable, dans son rapport avec le corps
physique, à un champ magnétique autour d’un électro-aimant. Si l’on coupe
l’électricité, le champ magnétique s’arrête à son tours. S’il subsiste, c’est
d’une manière éphémère, sous la forme par exemple d’électricité statique.
De
même, après la mort du corps physique, le corps astral s’en sépare et subsiste
un certain temps en se nourrissant de sa propre énergie, avant de disparaître à
son tour d’où l'expérience de la décorporation. Le corps astral est, avec le
corps physique, siège des facultés psychiques comme les sensations, les
passions, l’imagination et la mémoire.
Le
corps mental n’est autre que ce que nous appelons l’esprit, siège de
l’intelligence et de la volonté. Ils ne lui donnent le nom de "corps"
que par métaphore car selon eux, il dépasse cette notion pour être entièrement
spirituel.
Le
corps mental est immortel et indestructible. C’est lui qui, dans la sagesse
hindouiste, se réincarne à travers les âges.
Cette
explication occidentale traditionnelle, loin de s’opposer à la philosophie
occidentale et traditionnelle, semble au contraire prendre la réalité selon un
regard complémentaire. Aristote, père de notre philosophie, distingue de la
même façon trois degrés de vie mais son analyse s’attache moins à la cause
matérielle de la vie. Le mérite de la philosophie orientale semble être ici de
rendre intelligible un phénomène que l’occident ne fait que découvrir.
Cela ne reste bien sûr encore qu’une explication hypothétique, une piste de recherche qui devrait pourtant encourager la science à s’intéresser au phénomène. En effet, si le corps astral existe et est matériel, il doit y avoir moyen d’en mesurer la présence.
Les
phases 3 et 4 (vision de l’être de lumière et de proches décédés) est
invérifiable par la Science. En effet, si on analyse avec précision le
témoignage de ceux qui ont frôlé la mort, ils n’affirment pas avoir vu avec
leur oeil matériel, de la même manière qu’ils voyaient les infirmières s’agiter
dans la pièce. Ils parlent plutôt de vision intérieure d’intuition
intellectuelle d’une présence. Cette intuition leur semble tellement puissante
qu’ils n’arrivent pas à la décrire. Nous semblons être au-delà du monde
sensible pour toucher à une dimension spirituelle, a priori inaccessible à la science qui ne mesure que le monde
matériel.
La
philosophie et la psychologie ont par contre leur mot à dire. Le docteur Moody
sans se prononcer définitivement, affirme son sentiment d’être en présence d’un
phénomène réel. Selon lui, les maladies psychiques de type hallucinatoire ou
hystérique, si elles produisent l’audition de voix et la vision de fantômes
imaginaires, ont après coup un effet destructeur sur la personnalité: Les
personnes s’enfoncent dans leurs névroses (angoisses, obsession, désespoir) et
parfois sombrent définitivement dans leurs psychoses (paranoïa, schizophrénie).
Bien
au contraire, la N.D.E (NEAR DEATH EXPERIENCE) donne comme un souffle puissant
de renouveau à leur vie. Pour nombre d’entre eux, la valeur première devient
l’amour, selon deux formes significatives: l’amour de l’Etre de lumière, qu’ils
savent devoir rejoindre un jour (certains l’appellent Dieu, d’autres Jésus ou
Bouddha ou Mahomet, selon leur culture), et l’amour de leurs frères: En vue de
ces deux amours, ils s’efforcent de progresser, d’éliminer leurs défauts, de
développer leur intelligence.
Selon
le docteur Moody, de tels effets ne peuvent venir d’un état malade
d’hallucination mais d’une véritable expérience mystique. Je suis pour ma part
assez d’accord avec lui, tout en maintenant que ce raisonnement ne prouve pas
mais suggère. Il m’apparaît comme un simple signe de la vérité du phénomène car
"d’un mauvais arbre ne sortent pas
de bons fruits".
L’Eglise,
par la voix de son Magistère, ne s’est jamais prononcée à propos de
l'expérience proche de la mort. En général, les théologiens reçoivent de sa
part deux critères de jugements:
1)
Une vision peut-être considérée comme valide si lorsque, entre autres choses,
les effets qu’elle produit sur le comportement humain sont d’un certain genre:
par exemple, si elle les porte à se rapprocher de Dieu ou encore à approfondir
la connaissance de la religion.
2)
Il est indispensable qu’en vision soit cohérente avec le message de la Bible,
selon l’interprétation authentique du Magistère Romain.
Ces
deux critères ne suffisent pas à prouver aux yeux de l’Eglise qu’il y a bien eu
vision. N’importe quel faussaire pourrait singer une apparente conversion et
une grande orthodoxie. L’Eglise demande en outre, avant de reconnaître une
apparition, quelques miracles dont l’origine divine est manifeste[91].
Elle ne se prononce donc pas sur la N.D.E.
C’est
donc aux théologiens qu’il revient de rechercher si les critères 1 et 2 sont
valables pour la N.D.E. Le premier critère est manifestement vérifié. C’est
justement dans le sens d’un retour au religieux que se sont senties poussées
les personnes marquées par cette expérience. On peut même affiner que la
plupart d’entre elles, même si elles ne deviennent pas chrétiennes, se font
sans le savoir disciple de Jésus Christ quand il disait: "Je vous donne deux commandements: tu aimeras ton Dieu de tout ton
cœur, de toute ton âme, de toute ta force et tu aimeras ton prochain comme toi
même".
Quant
au deuxième critère, il nous faut maintenant le vérifier: la théologie
catholique parle en effet de la vie après la mort: appuyé sur la Bible et la
Tradition, ces deux sources par lesquelles l’Esprit de Dieu se donne à l’homme,
sont mis à disposition de ceux qui ont suffisamment de foi, l’annonce de ce
qu’ils vivent après la mort. Son regard profond va bien plus loin que
l’approche de la mort, telle que pensent l’avoir vécue les rescapés. Il va
jusqu’à l’au-delà de cette barrière qu’aucun d’eux n’a franchie. Le Magistère
solennel de l’Eglise, aide précieuse pour le théologien, nous a déjà donné en
ce domaine quelques appuis solides que nous pouvons tenir comme certains:
1)
Nous croyons en la vie éternelle.
2)
Au moment de sa mort, l’âme se retrouve en présence de l’humanité Sainte de
Jésus
3)
Cette vision d’amour est le commencement de ce qu’on appelle son jugement
particulier.
4)
Les âmes mortes en état de péché mortel sont immédiatement conduites en enfer.
Les autres, soit qu’elles aient encore à être purifiées au purgatoire, soit que
dès l’instant où elles quittent leur corps Jésus les prenne au paradis comme il
a fait pour le bon larron, deviennent le peuple de Dieu dans l’au-delà de la
mort.
5)
Le paradis consiste en la vision de Dieu, face à face.
Ces quelques jalons étant posés, c’est à l’école des plus grands théologiens comme saint Thomas d’Aquin ou des plus grands saints (comme Sainte Catherine de Gênes) que nous devons nous mettre.
"Nous croyons en la vie
éternelle". Cette certitude absolue fonde la foi chrétienne tout
entière "si les morts ne
ressuscitent pas, vaine est notre foi" .
Tout
homme, au moment même de sa mort, qu’il soit baptisé, Juif, païen ou athée, se
retrouve face à l’humanité Sainte de Jésus. La Bible l’affirme avec force
"toute chair se prosternera devant ta face et devant la face de
l’agneau". Saint Thomas d’Aquin précise que cette vision première qui suit
la mort ne peut être aussitôt celle de Dieu tel qu’il est. Dieu, par son
irruption brutale dans l’âme, empêcherait tout jugement car la liberté
n’existerait plus. Il est si grand, si infini par sa bonté qu’il happerait à
jamais l’âme en son sein. Or Dieu ne veut forcer la liberté de personne.
Cette
vision ne peut être que celle de Dieu sous les voiles de son humanité: Jésus.
Nul ne peut imaginer le bouleversement que réalise dans les âmes une telle
rencontre. Pour l’âme la plus contemplative, pour le plus spirituel des moines,
c’est la découverte qu’il n’avait presque rien compris à cet amour. Saint
Thomas d’Aquin, à la fin de sa vie, eut la chance ce voir Jésus lui apparaître.
A partir de ce jour, il cessa d’écrire, laissant sa Somme Théologique
inachevée. Devant l’insistance de son secrétaire, frère Réginald qui
l’encourageait à reprendre ses travaux, il finit par avouer sa vision. Tout en larmes,
il lui confia: "je n’avais rien compris; je n’avais rien compris". Il
n’écrivit plus jamais un seul mot.
La
première révélation faite par Jésus à celui qu’il rencontre, tient en une
parole "voici le cœur qui t’a tant aimé"[92].
Elle ne se fait pas avec des mots mais avec du feu, c’est-à-dire un amour et
une tendresse presque palpables. C’est comme une vision de jaspe vert et de
cornaline, commente l’Apocalypse[93],
manifestant ainsi la pureté bouleversante du regard de Jésus. Tout ce que
l’Eglise appelle le jugement dernier est contenu dans cette parole unique; Le
reste n’est qu’un effet, une conséquence logique.
L’âme,
plongée dans la tendresse de Jésus découvre en pleine lumière la vanité de tout
ce qui n’est pas l’amour aux yeux de Dieu. Sa vie entière s’en trouve comme
éclairée et le moindre péché, la moindre note d’égoïsme qui lui revient à la
mémoire, prend à ses yeux toute l’horreur qu’elle aurait du avoir depuis
toujours: le curé d’Ars, saint Jean Marie Vianney, trembla toute sa vie de
terreur à l’idée de rencontrer un jour le regard d’amour de Jésus. Il avait
tellement conscience de ses péchés, pourtant si petits à nos yeux, qu’il était
persuadé qu’il mourrait de douleur en voyant la douleur qu’il avait fait subir
à son sauveur.
A
cette étape du jugement dernier, les âmes quelles qu’elles soient, ont la foi[94].
Elles savent que Dieu existe et qu’il est amour. L’athéisme n’existe plus dans
l’au-delà. Jésus peut alors, dans son extrême délicatesse, leur adresser une
deuxième parole, la même qui fut donnée aux anges au jour de leur création, la
même qu’Adam et Eve reçurent, la même qui est au cœur de l’évangile "tu me
verras face à face, si tu redeviens comme un enfant". Dieu, dans son amour
pour l’âme, sait la prendre avec toute la délicatesse nécessaire. Il sait en
effet, la rude épreuve que représente pour chaque être spirituel le fait de
redevenir comme un enfant. L’humilité est dure pour celui qui a toujours vécu
d’orgueil !; L’amour de Dieu est une chose nouvelle pour celui qui n’à fait que
s’aimer lui-même. Il fait alors appel à tout ce qui peut aider l’âme à entrer
dans le bonheur éternel: Ses proches déjà décédés sont présents. Si c’est un
catholique qui aimait la Vierge Marie, la Vierge Marie est présente. Si c’est
un protestant, méfiant par rapport à la mère de Jésus, la Vierge Marie
s’efface. Les vivants eux-mêmes, c’est-à-dire ceux qui sont encore sur la terre
sont rendus présents invisiblement si nécessaire. Marthe Robin, la grande
sainte de Châteauneuf de Galaure disait souvent: "Il faut prier pour ceux
qui viennent de mourir. Ils sont en train de jouer leur avenir éternel".
Mais le démon, lui aussi, a le droit d’intervenir en ce dernier combat. Il
rappelle à nos frères leurs péchés et sa séduction ultime se fait présente.
L’ange des ténèbres se déguise en ange de lumière: "Rappelles toi cette
fois là où tu fus si égoïste. Tu avais pourtant compris, à l’époque, qu’il n’y
a pas de plus grand amour que l’amour de soi. Reste fidèle avec toi-même !
Reste un homme debout. Ne vas pas t’abaisser à aimer".
Toutes
ces révélations, toutes ces découvertes ne sont pour l’âme que des prémisses au
choix définitif qui la fixera dans l’amour d’elle-même jusqu’à la haine de Dieu
ou, au contraire, dans l’amour de Dieu jusqu’à la haine de soi[95].
La
foi de l’Eglise semble nette pour affirmer que tout cela se passe "au
moment de la mort". Mais elle n’a jamais précisé ce qu’elle entendait par
le moment de la mort. Certaines écoles théologiques pensent qu’il s’agit de
l’instant précis où l’âme se sépare du corps. D’autres enseignent que ce moment
peut durer plusieurs jours. La liturgie chrétienne penche plutôt pour cette
deuxième opinion, d’où la coutume de veiller trois jours le corps des défunts.
Marthe Robin pensait qu’il fallait prier pour les morts longtemps et que le
jugement pouvait durer plusieurs jours. Si l’on compare, maintenant, la
théologie traditionnelle décrite ici avec le récit de ceux qui ont approché la
mort, on est obligé d’admettre qu’il n’existe aucune opposition entre les deux.
Bien au contraire, la foi semble trouver dans ces récits une éclatante
confirmation. Les critères 1 et 2 me paraissent donc parfaitement vérifiés.
En
conclusion, je voudrais donner mon opinion personnelle, en précisant qu’elle
n’engage que moi.
Je
suis intimement persuadé que la N.D.E, telle que le docteur Moody l’a fait
découvrir au monde, est une grâce d’origine divine.
En
ces temps où la foi est rejetée comme une attitude indigne d’un adulte doué
d’esprit critique, Dieu, encore une fois, me semble avoir accepté de se mettre
à notre niveau. Pour se révéler à nous, il parle pour la première fois un
langage nouveau de sa part: aux astrologues chaldéens, qui ne comprenaient que
l’astrologie, il révéla sa naissance en faisant apparaître une étoile; Aux
bergers, prêts à croire le moindre miracle, il envoya un ange !
Une
telle condescendance de la part de Dieu me bouleverse et je souhaite qu’elle
sera pour beaucoup le chemin qui conduit à Jésus. Ce fut le cas pour saint
Paul, apôtre des païens, qui vécut lui-même une expérience proche de celle-ci:
"Je connais quelqu’un, confie-t-il à
propos de lui-même, qui, voici 14 ans (étais ce avec son corps? Je ne sais;
Etais-ce hors de son corps? Je ne sais; Dieu le sait), cet homme là fut ravis
jusqu’au troisième ciel. Et cet homme là (était ce en son corps? Je ne sais;
Dieu le sait). Je sais qu’il fut ravis jusqu’au paradis et qu’il entendit des
paroles ineffables, qu’il n’est pas permis à un homme de redire"[96].
Le
monde est complexe. Aux yeux de Dieu pourtant, il est simple car chaque réalité
trouve sa source en lui. Nous sommes de pauvres humains perdus dans la
multiplicité toujours renouvelée de la création. Nous voudrions avoir une
connaissance claire de tout, une connaissance à tiroir. Comme il serait facile,
si nous pouvions affirmer avec certitude "la lévitation d’un homme de Dieu
prouve que Dieu est en lui". Malheureusement, la réalité est plus complexe
et il faut à l’Eglise une extrême prudence pour se prononcer. Par ce chapitre,
je voudrais donner quelques exemples de la difficulté du discernement. Dans ce
monde du paranormal, les puissances humaines, angéliques, sataniques, divines
se mélangent parfois, laissant les théologiens muets.
J’ai
voulu situer ce chapitre après avoir vu la N.D.E car le premier thème, le
voyage dans l’astral, y a déjà été abordé dans celui de la décorporation.
Les
bouddhistes tibétains, Hindous, Chinois, écoles incontestées du paranormal,
nous surprennent quand ils affirment, calmement, la possibilité pour l’homme de
se dédoubler et de voyager à volonté sans son corps, dans le monde matériel.
Pour un chrétien, le dédoublement n’est certes pas inconnu, même si on
l’appelle plutôt bilocation ou ubiquité. Mais, à ses yeux, il s’agit de l’un de
ces charismes étonnants que Dieu seul peut donner à ses serviteurs.
Les
vies des saints sont remplies de ce genre de phénomènes. Saint Martin de
Porrès, pauvre religieux dominicain, simple frère convers au fond de son
couvent d’Amérique du Sud, se fit voir puis fut reconnu jusqu’en Inde où il
venait, orné de son éternelle boite à pharmacie, soigner les malades. Plus
récemment, le Padré Pio, célèbre stigmatisé[97]
Italien, se montra présent en même temps à deux réunions à la fois. Il s’agit
bien d’un charisme, dirait Saint Thomas d’Aquin, car seul Dieu peut faire qu’on
soit en deux lieux à la fois. Saint Thomas d’Aquin aurait parfaitement raison.
C’est bien Dieu qui agissait en ses saints. Pourtant, si on regarde ce que nous
enseignent ces écoles bouddhiques, on se demande s’il n’a pas mis dans notre
nature humaine, le fondement de bien des charismes qu’il n’a plus qu’à susciter
d’une chiquenaude...
Voyager
dans l’astral, voici une doctrine qui n’a jamais eu un impact bien fort en
Occident, jusqu’à ce que viennent le docteur Moody et sa vie après la vie...
Depuis la publication de son livre, les scientifiques américains sont
soudainement intéressés au phénomène, qui n’attirait jusqu’ici que quelques
jeunes assoiffés d’ésotérisme.
Qu’enseignent
ces écoles bouddhiques? Il s’agit d’une méthode appelée "Kundalini
Yoga" et qui permet, selon eux, de provoquer à volonté une décorporation
semblable à celle décrite au chapitre précédent... mais sans mourir.
La
technique demande un long entraînement et une sévère préparation. Les Yogis
déconseillent l’audace qui ferait s’y essayer sans aide.
Après
s’être longtemps entraîné à divers Yogas plus spécialisés sur la respiration,
la maîtrise des instincts ou de la peur, après qu’une certaine paix des
passions ait été acquise, le maître engage son élève à apprendre la
concentration. Il doit arriver à concentrer à volonté, en un seul endroit de
son corps, toutes ses énergies vitales.
Après
ces préalables, l’élève doit tenter de concentrer hors de lui-même ces
énergies. Il peut arriver parfois, après bien des années d’exercice (sauf don
exceptionnel), qu’il éprouve une impression étrange, désagréable, comme un
bourdonnement qui saisit sa tête. Il ne doit alors absolument pas avoir peur
mais prolonger au contraire sa concentration: Les Yogis affirment qu’on ressent
la même impression que lorsqu’on meurt. Selon eux, l’élève se retrouve alors
pour la première fois hors de son corps qu’il peut même observer, au-dessous de
lui, dans la position où il l’a laissé, pâle comme un mort.
Pourtant,
expliquent les Yogis, le corps n’est pas mort mais fonctionne simplement au
ralenti. Le corps astral, quant à lui, après s’être péniblement extrait de son
enveloppe charnelle, demeure intimement relié à lui par une sorte de bien
énergétique appelé couramment le "cordon d’argent". Le corps astral
peut ainsi continuer à être nourri.
L’élève
peut alors, à volonté, se déplacer dans la pièce. Le cordon d’argent s’allonge
en fonction de la distance au corps physique. Les Yogis affirment qu’avec un
peu d’entraînement et de confiance en soi, l’élève peut arriver à se promener
dans le monde entier. Les propriétés qu’ils décrivent à propos du corps astral
sont les mêmes que celles dont parle le docteur Moody au sujet de l’expérience
de mort imminente.
Le retour dans le corps physique se fait à
volonté et est aussi désagréable, selon eux, que si l’on rentrait dans une
combinaison de plongée humide et étroite.
Un
tel phénomène est-il possible sans l’intervention de la toute puissance de
Divine? N’est-ce pas opposé à l’unité substantielle de la personne humaine? Si
on pose à un philosophe aristotélicien une telle question, il reste
nécessairement un peu hésitant. Comment l’âme, principe de la vie humaine, peut
elle jouer son rôle alors qu’un morceau de l’homme se trouve à Paris et l’autre
en voyage sur la lune?
Pourtant,
à y bien réfléchir, il n’y a pas a priori
d’impossibilité totale à cela. L’âme, selon Aristote, n’est pas une
réalité, soumise à la notion de lieu, une sorte de pieuvre qui arriverait à
maintenir la vie humaine parce qu’une de ses pattes est présente sur chaque
partie. L’âme est une cause et non une réalité palpable. Elle est une force
unitive et n’a donc pas de lieu. Rien n’empêche qu’elle joue son rôle
unificateur tant qu’un bien physique subsiste entre le corps physique et le
corps astral en voyage. Le cordon d’argent pourrait bien jouer ce rôle.
Le
philosophe ne peut, en tout cas, s’il est honnête avec lui-même, rejeter un tel
phénomène comme a priori impossible. Il doit par contre reconnaître qu’une
telle chose demande réflexion et écoute.
Si
l’on compare maintenant la décorporation bouddhique avec le charisme de
bilocation des saints, on est obligé de reconnaître qu’au-delà des rapports, il
existe des différences notables: le moine bouddhiste, quand il voyage, ne
prétend pas être dans deux lieux à la fois: son corps physique repose comme
mort et est incapable d’esquisser le moindre mouvement. Le corps astral, quant
à lui est invisible aux yeux des vivants. Si certains Yogis prétendent pouvoir
rendre visible leur présence astrale c’est plutôt sous la forme d’une sorte de
spectre que d’un réel corps charnel.
Les
saints, au contraire, étaient palpables et agissants en deux lieux à la fois.
Là est le doigt de Dieu, le don charismatique de sa Toute Puissance Créatrice.
Si
le voyage dans l’astral existe comme l’affirment les traditions orientales,
confirmées par les récents récits d’approche de la mort, on peut légitimement
se demander ce qu’est le monde astral où le corps double se déplace. S’agit-il
du monde physique où nous vivons habituellement ou du ciel où vivent les
esprits? Est-il possible, en se décorporant de voir les anges?
La
réponse à cette dernière question ne peut-être que non. Le monde des anges,
rappelons-le, est strictement séparée de la matière. Le monde des anges est un
pur esprit. Il ne possède aucun corps, pas même un corps aérien. Or d’après le
témoignage de ceux qui décrivent le voyage dans l’astral, l’esprit reste lié à
un corps, même si ce corps n’est pas fait de matière palpable. Quel que soit la
nature de la matière de ce corps double, elle reste de la matière, d’où ses
propriétés sensibles (existence de sensations, d’imagination, de mémoire etc.).
Il ne faut donc pas espérer, en voyageant dans l’astral, rencontrer les anges
ou Dieu (sauf bien sûr si ceux ci se rendent visibles en se façonnant un corps
provisoire[98]
de même qu’ils peuvent le faire à volonté pour chacun de nous).
Le monde astral n’est autre
que notre monde physique, tel qu’il est, avec ses limites, ses couleurs et ses
senteurs. Mais il est vu avec des facultés sensibles plus parfaites. Certains
aspects habituellement invisibles à nos yeux sont rendus visibles d’où l’impression
ressentie par les témoins de découvrir des choses inédites, des couleurs
inhabituelles (voir, pour illustrer cela, le chapitre 3 consacrée à l’aura).
Il
ne me revient pas de me prononcer sur l’existence du voyage dans l’astral, même
s’il me parait difficile de récuser la somme des témoignages qui l’attestent[99].
Je reste cependant critique et, quand une personne me
dit en être capable, je lui lance toujours le défi suivant: "J'ai posé un objet sur mon téléviseur.
Venez chez moi cette nuit et dites moi demain ce que c'est." Jusqu'ici,
personne n'a réussi.
Ce phénomène, s’il existe,
me semble être une magnifique propriété de la nature humaine, sans doute la
plus impressionnante. Mais que les chrétiens ne s’y trompent pas. Dieu n’est
pas dans la décorporation. On aurait beau en maîtriser la technique et devenir,
de cette façon, le plus puissant maître du kundalini
Yoga, on ne rencontrerait jamais le Tout Autre. "Il habite les demeures inaccessibles" affirme la Bible.
Nul ne peut conquérir cette demeure. Lui seul y introduit qui il veut, quand il
veut. Encore faut-il qu’il trouve un coeur humble et assoiffé de sa présence.
Remarque: Avant de conclure
ce chapitre, il faut faire remarquer à ceux qui s’intéressent un peu à la
théologie catholique, qu’il serait dangereux et mal venu d’identifier le corps
astral tel que je l’ai décrit au chapitre précédent, avec le corps glorieux,
ressuscité du Christ. Même si les propriétés en sont analogues (subtilité,
agilité, légèreté, clarté), l’Eglise affirme avec netteté que le corps du
Christ était bien son corps physique
ressuscité du tombeau et non un simple fantôme[100]. Le Christ
pouvait donc, selon sa volonté, se faire palper de ses disciples, manger du
poisson etc., propriétés qui sont exclues du corps astral. Ainsi, de même pour
nous, quand nous ressusciterons aux derniers jours, nous retrouverons notre
nature humaine complète, physique, psychique et spirituelle. Mais ce corps
glorifié sera entièrement soumis à notre esprit, comme le corps de Jésus, d’où
ses propriétés étonnantes.
Etant
plus jeune, j’ai eu la chance de vivre pendant deux mois auprès d’un ermite
chrétien dont je retiendrai toujours la simplicité et la tendresse. Le Père
Emmanuel de Solis, moine Bénédictin, s’était retiré au cœur des Alpes. Nous
étions plusieurs jeunes, désireux de Dieu, que le Père réunissait tous les
soirs pour parler de ses expériences: car il était passionné du paranormal.
Il
nous raconta qu’il eut un jour à l'Abbaye d'Ancalcat la visite d’un étrange
bonhomme, de type indien. Cet homme lui affirma bien haut que les lévitations
qu’avait connu Sainte Thérèse d’Avila ou Sainte Mariam Baouardi n’avaient rien
de divin. Il prétendit être capable d’en faire autant.
Le
Père Emmanuel, curieux par nature de ce genre de phénomènes, invita l’homme à
s’exécuter. Ce dernier se prépara longuement, se concentra, son visage se
durcit sous la tension. Effectivement, peu après, le Père put constater qu’il
flottait à plusieurs dizaines de centimètres du sol. Le prodige était manifeste
et aucun trucage n’était décelable: De quoi ébranler la foi de tout autre que
lui. Il demanda à l’homme de rester en l’air, fila à travers le couvent jusqu’à
l’atelier et y prit un aimant, un simple aimant d’écolier. Il le plaça sur le
sol, à la verticale du fakir qui tomba aussitôt. Sainte Thérèse ne serait pas
tombée. C’est ainsi qu’il conclut leur rencontre.
Il
fallait le bon sens de ce moine, pourtant peu adepte du Yoga oriental, pour
déduire à la simple mine de l’homme, à ses traits tendus par l’effort, que
cette lévitation là était naturelle, simple phénomène de télékinésie.
Sainte
Mariam Baouardi, quant à elle, vivait tout autre chose. Les charismes dont Dieu
l’avait comblé la rendaient légère comme l’oiseau. Ses sœurs, au couvent de
Bethléem où elle vivait, la voyaient s’élever dans les arbres, appuyée sur les
feuilles tandis que sa bouche improvisait des psaumes. Inutile d’attribuer à
Dieu cette merveille[101]:
aucun acte créateur n’y est nécessaire. Le ministère des anges y suffit, comme
le dit la Bible: "Il donnera pour
toi des ordres à ses anges afin qu’ils te gardent. Ils te porteront dans leurs
mains de peur que tu ne heurtes du pied quelque pierre"[102].
Les anges, comme nous l’avons montré, ont pouvoir pour soulever la matière.
Faut-il
donc en conclure à l’existence de deux sortes de lévitations l’une naturelle
qu’on arrive à réaliser après des années d’entraînement, l’autre angélique
signe d’une, bénédiction de Dieu?
Les choses seraient trop simples: Il existe
une troisième forme de lévitation dont l’origine est démoniaque. L’ange
rebelle, malgré sa révolte, reste un ange et n’hésite pas à remettre son
pouvoir à qui le sert. Que dire des possessions démoniaques où ce genre de
phénomène paranormal est monnaie courante? Devant une telle complexité,
l’Eglise met en garde: Ne croyez pas tous les prophètes sous prétexte qu’ils
font des miracles. Saint Paul écrit "à
la fin des temps, l’Impie viendra, marqué par l’influence de Satan de toutes
espèces d’œuvres de puissance, de signes et de prodiges mensongers"[103].
Si
le dédoublement semble pouvoir s’expliquer par la nature dans certains cas et
dans d’autres par Dieu, si la lévitation est un phénomène naturel ou parfois
angélique, que doit-on penser de l’auréole?
Le
phénomène de l’aura (ou auréole) est une sorte de halo de lumière dont seraient
entourés les visages de certains hommes. La tradition nous en vient de deux
sources très éloignées: du Tibet, confluant de la Chine et de l’Inde et de
l’Eglise, confluant de la pensée juive et grecque.
Chacun
sait que Bouddha, comme Jésus Christ, sont rarement représenté, sans un disque
doré autour de la tête. L’aura et l’auréole dorée sont considérés comme un
signe de la sainteté. Voici un beau symbole riche de signification. Mais la
question se complique quand on écoute ce qu’enseignent d’un côté les
bouddhistes et de l’autre la Bible. Ils parlent de cette couronne non seulement
comme d’un symbole mais comme d’une réalité.
Il
serait étonnant que la science occidentale confirme de telles affirmations.
Pourtant, aussi surprenant que cela paraisse, elle les confirme en un certain
sens: "Tout corps chaud émet par rayonnement, dit la science, une lumière
dont la longueur d’onde s’affine au fur et à mesure que la chaleur augmente, passant
de l’infrarouge, au rouge puis à la lumière blanche". Le corps humain,
avec ses trente-sept degrés, émet donc bien une lumière qui, malheureusement,
est invisible car elle est infrarouge. Sa longueur d’onde n’entre pas dans
l’étroite capacité de l’œil humain. L’armée et la photographie, quant à eux,
ont depuis longtemps appris à utiliser ce rayonnement qui permet, si l’on
dispose d’une lunette spéciale, de voir la nuit.
Mais si on écoute les
Bouddhistes, l’aura leur parait être bien autre chose que cette grossière
luminescence de la peau. Selon eux, l’aura est un faisceau lumineux qui entoure
la totalité du corps humain et qui représente, tout en étant invisible à un
oeil normal, des nuances de couleurs quasi infinies. Or ces couleurs ont un
ordre, une harmonie car elles trouvent leur origine dans l’ordre même du corps
humain qui les produit. Elles en sont comme le rayonnement physique. Etant un
effet du corps, leur connaissance permet, selon eux, de connaître l’état de la
cause, donc de la santé du corps. Toujours selon eux, certains organes sont
liés à la vie végétale (organes digestifs, cœur, organes reproducteurs)
d’autres sont liés au psychisme (cerveau). Ainsi, le médecin qui aura appris à
visualiser l’aura sera capable, en fonction des couleurs qu’il constate, de
diagnostiquer une maladie. Chaque maladie a sa couleur. Une cirrhose du foie
par exemple se distingue par l’émission d’une lumière de couleur jaune d’une
nuance spéciale. Quant à l’habile psychologue doté de la même faculté, il sera
apte à visualiser à travers l’aura qui entoure la tête, toutes les passions
ressenties par son interlocuteur: traits rouges vifs pour la colère, jaunes
sales pour le mensonge, dorés pour la paix intérieure et la spiritualité. Cette
tradition orientale nous décrit donc un phénomène bien étonnant. L’Occident
connaît bien certaines propriétés du cerveau humain: il est clair que les
courbes qu’on obtient avec un électro-encéphalogramme, présentent des
caractéristiques en fonction des sentiments du patient: colère, mensonge, paix.
C’est d’ailleurs sur ce principe qu’ont été inventés les détecteurs de
mensonges utiles à la justice américaine. Mais de là à imaginer que ces ondes
cervicales s’accompagnent de luminescence? Les savants orientaux répondent que
ce sont ces ondes elles-mêmes qui apparaissent lumineuses à qui sait les voir.
Le troisième oeil[104] ou faculté de voir l’aura, peut être
acquis selon eux par diverses méthodes: certains hallucinogènes comme l’alcool
ou la drogue, un entraînement laborieux fondé sur la concentration, un choc
cervical, le jeûne poussé à un stade limite. L’acuponcture ne leur parait être
qu’une des multiples applications de cette vision paranormale. Quand on peut
librement visualiser les points d’où partent les ondes électro- magnétiques corporelles,
il est facile, si on est médecin, de se rendre compte de ce qui s’y trouve
d’anormal. Des aiguilles en fer ou d’argent (donc conductrices de courant
électriques), si elles sont plantées judicieusement, peuvent rétablir
l’équilibre là où il n’existait plus.
Ces
traditions vénérables de la Chine, de l’Inde et du Tibet ne peuvent que nous
remplir d’admiration. Elles semblent là encore nous révéler l’existence d’un
phénomène d’origine naturel, humain.
La
Bible, quant à elle, parle explicitement du phénomène de l’auréole pour des
personnes précises: Moïse et Jésus. "Lorsque
Moïse et Jésus descendirent de la montage, ils ne savaient pas que leurs
visages rayonnaient à la suite de son entretien avec Dieu. Aaron et tous les
enfants d’Israël virent Moïse, et voici que la peau de son visage rayonnait.
Ils n’osèrent pas l’approcher"[105].
"Jésus gravit la montagne pour y
prier. Or tandis qu’il priait, l’aspect de son visage changea et ses vêtements
devinrent d’une blancheur fulgurante. Pierre et ses compagnons virent sa
gloire"[106].
Si
l’on compare les auréoles de Moïse et de Jésus à l’aura telle que la décrit la
médecine orientale, on est certes frappé par les ressemblances, mais aussi par
les différences. Leur auréole à eux ne semble pas naturelle car elle ne reste
pas au stade de l’infrarouge. Elle devient visible et témoigne de la gloire
même de Dieu. Un théologien chrétien ne peut que conclure à l’existence d’un
phénomène nouveau dont la source ne peut être purement naturelle, même si, dans
ce cas, elle semble fondée sur la nature. Une influence autre est nécessaire.
Faut-il parler ici nécessairement de charisme d’origine divine? Le ministère
des anges suffit-il à rendre un visage lumineux d’une manière visible? Je pense
que cette dernière solution suffit, l’ange me semble capable de réaliser par
ses propres forces, sans l’aide de Dieu, un tel phénomène. En effet, là comme
pour la lévitation, aucun acte créateur, ni même aucun acte nécessitant une
énergie infinie n’est nécessaire mais seulement la simple et judicieuse
utilisation des lois naturelles.
Si
mon opinion est bonne, il faut en conclure que tout homme lumineux n’est pas
par voie de conséquence, homme de Dieu: Ce que
l’ange bon peut réaliser, le démon peut imiter.
Conclusion: On comprend mieux maintenant l’extrême prudence de
l’Eglise quand il s’agit de reconnaître telle ou telle apparition, tel ou tel
miracle. Tous les sujets dont je traiterai dans la section suivante se
prétendent à de telles distinctions subtiles.
En
effet, le psychisme humain et la nature angélique sont deux domaines que Dieu a
rendu extrêmement proche, à cause du rôle de serviteur de l’homme qu’il avait
prévu pour les anges. Deux extrêmes sont ici à éviter: celui des psychanalystes
qui nient toute action angélique ou démoniaque et celui des illuminés qui
attribuent toute maladie psychologique, tout phénomène paranormal aux forces
occultes.
Nous
aimerions tant connaître ou maîtriser notre avenir. Doués d’un tel pouvoir,
nous aurions l’impression d’échapper à l’insécurité de notre existence toujours
fragile. Etre maître de son destin, voici un rêve que le monde moderne et sa
technique ne pourra jamais entièrement réaliser: tout serait simple et il
n’existerait que des lois pour régler l’univers. Malheureusement, le hasard et
la liberté humaine sont insaisissables.
L’engouement
de plus en plus prononcé des masses pour toute forme de voyance, pour toute
forme de magie manifeste la limite de notre connaissance et de notre pouvoir.
Mais que penser des voyants et des prophètes qui prétendent connaître l’avenir?
Que penser des magiciens qui pensent tenir entre leur main les destins?
Inutile, dans ce domaine, de faire appel aux lumières de la science ou de la
philosophie moderne. De tels phénomènes ont été officiellement classés comme
impossible a priori[107].
Il
existe bien sûr de nombreux ouvrages de sciences occultes. A mon avis, de tels
ouvrages ne peuvent en aucun cas faire autorité pour un chrétien dans leur
prétendues explications. Leurs auteurs, dans les cas rares où leurs motivations
sont autres que pécuniaires, trouvent leurs sources d’information dans la
fréquentation des cercles d’occultisme ou l’on parle sans relâche des
"esprits".
Or
le monde des esprits est complexe et bien au-dessus de la connaissance humaine.
Outre les esprits des morts, il existe, nous l’avons vu, des purs esprits comme
les anges. Mais il existe aussi, et les auteurs de ces livres en témoignent
eux-mêmes, des démons trompeurs dont l’unique obsession est de détruire
l’homme.
Comment
donc les auteurs d’ouvrages occultes réussissent-ils à discerner l’esprit bon
de l’esprit mauvais? Au nom de quel critère? Est-ce parce que l’esprit qu’ils
contactent leur parait sincère? C’est oublier que le plus sincère des anges
s’appelle Lucifer [du moins il se présente ainsi[108]].
Nous avons affaire à un monde fait d’esprits qui nous dépassent tant par la
puissance que par l’intelligence. Jésus nous apprend à nous en méfier.
La
seule voie valable d’information ma parait être l’Eglise, qui a reçu, en ce
domaine, des enseignements Bibliques très intéressants. Dieu connaît le monde
des esprits puisqu’il l’a créé. Je crois que Dieu ne peut se tromper ni nous
tromper en ce domaine comme dans les autres. Il me parait donc inutile et
dangereux de faire appel dans les sections qui vont suivre, à une autre source
que la parole de dieu et la tradition catholique. Les ouvrages d’occultisme me
serviront, bien sur, mais uniquement pour mieux décrire certains phénomènes, jamais
pour les expliquer.
Avant
d’aborder de front des sujets comme la voyance ou la magie, il reste un certain
nombre de points préliminaires que nous avons laissé en suspend dans nos
précédentes descriptions du monde des esprits. Il est en effet indispensable de
connaître jusqu’où la connaissance et le pouvoir des anges et des esprits des
morts peut aller dans son rapport avec nous.
Nous
nous demanderons donc d’abord si les anges connaissent l’avenir; Nous
essayerons en second lieu d’étudier jusqu’où va leur pouvoir sur la matière
(question importante pour l’étude des miracles, de la sorcellerie etc.); Enfin
nous nous poserons les mêmes questions à propos des esprits de ceux qui sont
morts avant nous. C’est à Saint Thomas d’Aquin que nous devons le traité le
plus complet et le plus profond sur les anges. Cela lui a valu, de la part de
l’Eglise, le titre de docteur Angélique.
C’est donc à son école qu’il faut nous mettre pour répondre à la première
question.
La
deuxième partie de cet ouvrage nous a permis de montrer ce qu’est un ange:
c’est une créature purement spirituelle dont la substance s’épanouit en
intelligence et en volonté.
L’ange étant incapable
d’apprendre en se servant, à notre manière, des sensations (puisqu’il n’en a
pas), il reçoit de la part de Dieu, à l’instant même de sa création, toutes les
connaissances qui lui sont indispensables. Or deux domaines le concernent
particulièrement: sa propre vie (sa destiné personnelle) et, d’autre part, sa
future mission auprès des hommes, Dieu communique à l’ange tout ce qu’il faut
dans ces deux domaines. Il se connaît donc d’abord lui-même. C’est même là sa
première connaissance, dit Saint Thomas d’Aquin. Son intelligence est capable
de comprendre cette perfection et cette beauté naturelle qui lui furent données
par Dieu. Rien que par cela, il nous dépasse largement: nous sommes incapables
de comprendre ce qu’est un ange car la nature angélique est plus grande que la
capacité de notre pauvre intelligence. En contemplant sa beauté, l’ange est
capable d’en déduire une certaine connaissance naturelle de la beauté de sa
source, Dieu. Il est, par nature, un être contemplatif.
En
ce qui concerne sa mission auprès des hommes, il reçoit de la part de Dieu une
connaissance de tous les autres anges qui coopèrent avec lui. Mais il reçoit
surtout une connaissance parfaite de la nature humaine. Il est en conséquence,
et cela par nature, le plus grand des physiciens (aucune loi de la matière n’a
de secret pour lui), des biologistes (toutes les lois de la vie), des
psychologues (toutes les lois du comportement animal et humain), des
sociologues (les lois des groupes humains), des astrologues, des philosophes...
On pourrait énumérer encore bien des titres. L’ange, par exemple, est le plus
fin des artistes. Il connaît la musique non parce qu’il la goûte (il ne peut
l’entendre !) mais parce qu’il sait d’une manière théorique, quelles harmonies
trouvent leurs résonances dans la nature humaine.
Cette
science, étonnante par sa richesse, est indispensable à l’ange pour exercer le
ministère que Dieu avait prévu pour lui. Il la reçoit en plénitude c’est-à-dire
selon la capacité plénière de son intelligence.
Cette
science théorique est complétée par une connaissance pratique de chacun de
nous, dans le concret de notre existence. Sans nous voir (puisqu’il n’a pas
d’œil), il nous connaît directement. Son intelligence perce chacune de nos
actions. Seul le sanctuaire secret de notre esprit lui échappe[109].
L’ange
connaît notre avenir?
Rappelons
que les choses futures n’existent pas encore. Nul ne peut donc les connaître en
elles-mêmes, hormis Dieu qui, dans son éternité voit tout car, grâce à sa
simplicité, il est présent au temps tout entier et le contient. Le regard de
Dieu se porte sur tout ce qui se fait à travers le temps comme si c’était
présent. Mais ni l’intelligence angélique, ni aucune intelligence créée,
n’égale l’éternité divine[110].
En
résumé on peut dire que, sauf révélation de la part de Dieu, l’ange connaît le
futur de la même manière que nous: S’il s’agit de futurs purement contingents
comme ce qui est fruit du hasard, l’ange est aveugle comme nous. Il ne peut que
conjecturer. Par contre certains événements futurs sont connaissables même pour
nous, dans la mesure où nous saisissons la
cause qui les produira: un médecin qui s’aperçoit, en auscultant son
malade, de la présence d’une tumeur cancéreuse, pourra facilement lui annoncer
son futur. Certains très bons médecins savent à l’avance si le patient guérira
ou au contraire, la date approximative de son décès. L’ange peut, de cette
manière là, prévoir l’avenir. Il le fait même d’une manière beaucoup plus
précise que les hommes car il connaît beaucoup plus parfaitement que nous les
multiples lois de la nature. En ce sens, et en ce sens seulement, on peut dire
que l’ange connaît l’avenir. Cette connaissance, quand il la communique à un
homme, constitue, on le verra, un véritable phénomène de voyance.
En
effet, l’ange connaît de cette manière étonnante des événements qui
échapperaient au plus perspicace des hommes: on en sera convaincu par cet
exemple: dans une guerre, le rêve de tout état major est de posséder les plans
de l’ennemi. Ce qui est difficile au plus doués des espions est un jeu d’enfant
pour l’ange, non seulement parce qu’il peut les lire dans les papiers mais
parce qu’il peut les connaître dans l’imagination même de celui qui les
produit. N’y a t-il pas là un pouvoir redoutable et la perspective d’un long
chapitre consacré à la voyance?
En
conclusion, on peut dire qu’il existe deux domaines qui échappent aux anges: Le
domaine des futurs purement contingents (tout ce qui est dû au hasard) et le
domaine des pensées des cœurs (donc tout ce qui est dû à la liberté humaine). Pourtant, s'il ne connaît pas les futurs contingents, notre
étude du spiritisme montrera que, parfois, il peut provoquer lui-même
l'accident qu'il annonce, se faisant passer ainsi pour plus puissant qu'il
n'est…
Jusqu’où
va ce pouvoir angélique sur la matière, pouvoir que toutes les religions ne
cessent de décrire?
Les
anges peuvent ils tout faire?
Quand
on regarde la Bible, on constate de multiples effets qui leur sont
attribuables. Les apparitions d’anges sont multiples et se réalisent parfois en
songe (à saint Joseph par exemple) parfois avec un corps réel, façonné pour
l’occasion [Raphaël explique cela lui même à Tobie: "vous avez cru me voir manger, ce n’était qu’une apparence"[111]];
L’ange arrivera même à s’exprimer à travers la bouche d’un animal ! (L’ânesse
de Balaam[112],
le serpent de la genèse par exemple).
D’une
manière négative, les démons sont rendus responsables de multiples obsessions
(cauchemars décrits dans le livre de la sagesse), possessions (les évangiles en
sont remplies) et même de meurtres commis sur les hommes [les sept époux de
Sara tués par Asmodée[113]].
Mais
le texte de référence en ce qui concerne ces pouvoirs reste sans doute le récit
des dix plaies d’Egypte où l’on voit Moïse faire successivement des miracles
que les magiciens, par leurs sortilèges, imitent. L’histoire et la tradition de
l’Eglise rapportent des phénomènes encore plus nombreux: lévitation, paroles en
langues étrangères, guérisons ou maladies. Saint Thomas d’Aquin parle même des
incubes, ces démons qui provoqueraient des grossesses sans l’intervention d’un
homme[114].
Quant
aux religions autres que chrétiennes, leurs témoignages sont semblables.
L’animisme africain par exemple, dont le culte a justement pour objet les
esprits, leur attribue une puissance quasi illimitée.
On
ne peut qu’être impressionné devant l’arsenal des phénomènes attribués aux
anges. Pourtant, l’Eglise affirme, et saint Thomas à sa suite, que leurs
pouvoirs ne sont pas infinis, loin de là. Ils ne sont que des créatures,
c’est-à-dire presque rien devant Dieu: Essayons de déterminer d’une manière
précise jusqu’où va le pouvoir des anges sur la matière. En premier lieu, on
peut affirmer avec certitude que les anges sont incapables de faire des
miracles. Au sens propre, un miracle est un phénomène qui sort de l’ordre
de la nature. Mais il ne suffit pas pour qu’il y ait miracle que quelque chose
soit accompli en dehors de l’ordre de la nature de telle créature particulière:
car alors, lorsque quelqu’un lance une pierre en haut, on devrait dire qu’il
fait un miracle puisque cela est en dehors de l’ordre de la nature de la
pierre. Donc une chose est un miracle lorsque qu’elle se réalise en dehors de
l’ordre de toute nature créée. Cela, seul Dieu peut le faire"[115].
Ainsi tout ce que fait l’ange, il le fait en appliquant sa propre énergie aux lois physiques. Jamais il ne détruit ces lois. Il en serait incapable. Si un ange décide d’enlever dans les airs un objet, il ne le fait pas en supprimant la gravitation: il le fait en opposant une force à la gravitation d’une manière analogue à nous quand nous portons cet objet.
Pour
reprendre l’exemple de saint Thomas d’Aquin quand il parle des incubes, une
telle fécondation sans l’intervention du sexe masculin n’est pas fait par
création mais par un simple apport de semence recueillie ailleurs, à la manière
de nos modernes inséminateurs. Saint Thomas d’Aquin essaie d’aller plus loin.
Il ne se contente pas de décrire les actions angéliques et d’établir leurs
limites. Il cherche à établir la manière dont les anges appliquent leur énergie
au monde physique. Selon la science de son époque, tous les phénomènes de la
nature étaient expliqués par des jeux du mouvement local. Le monde matériel
était conçu comme l’organisation de particules (eau, air, feu, terre) qui, en
s’agençant de diverses manières donnaient le bois, la pierre, la chair humaine.
Tous les mouvements vitaux du corps humain étaient expliqués par des mouvements
locaux de particules. Saint Thomas explique par exemple dans ses écrits que les
rêves sont l’effet de la modification locale des humeurs du corps. Avec une
telle conception, il était prévisible de voir ce grand théologien définir ainsi
le mode d’action des anges: "en réalisant des mouvements locaux, ils
peuvent à travers eux provoquer d’autres mouvements, de la même manière que le
forgeron se sert du feu pour ramollir le fer"[116].
Le
progrès des sciences physiques et biologiques nous oblige à parler un peu
différemment tout en gardant le même esprit.
Pour
expliquer les multiples phénomènes décrit plus haut, nous sommes obligés
d’admettre chez les anges non seulement un pouvoir sur la matière quand elle se
présente sous forme de corpuscules ou de particules mais aussi sur la matière
quand elle se présente sous forme d’énergie. Le domaine des ondes, du
magnétisme, de l’électricité, découvert récemment par la science, est aussi
celui des anges. Il connaît la matière quand elle se présente sous cette forme
et peut la modifier, d’où son extraordinaire pénétration sur le cerveau humain
qui fonctionne de cette façon. L’ange est capable de produire à partir de
lui-même des flux d’énergie matérielle dont les effets sont multiples. Le
mouvement local n’en est qu’un parmi de beaucoup plus subtils. Mais il reste
aux yeux de la plupart des hommes le plus frappant. Finalement, il n’est pas
exagéré de dire que le monde physique est entièrement soumis au pouvoir des
anges, dans la mesure tout de même de ses lois générales.
Nous
avons déjà esquissé quelques traits de ce qui attend notre esprit après la mort[117].
Il nous faut maintenant prolonger cette explication. Où sont nos morts?
Peuvent-ils intervenir auprès de nous?
Rappelons que, d’après l’Eglise, la terre n'est que le
premier degré d'un purgatoire, caractérisé par le silence de Dieu et un
apparent abandon de sa part. Le presque total silence du Ciel est donc une
volonté expresse du Ciel, en vue de notre éducation, et ce principe sera
extrêmement important pour deviner qui répond dans les séances de spiritisme.
Les raisons de notre solitude et fragilité tiennent en un seul mot: humilité. Tout homme, chrétien ou païen,
athée ou croyant apprend une chose dans ce corps fragile: sa petitesse. Cette
humilité n'est que la disposition au vrai trésor que Dieu veut un jour nous
proposer (et qu'il propose dès cette vie au disciples de Jésus): la charité,
c'est-à-dire un véritable amour d'amitié avec lui.
Au moment de la
mort, avant même la séparation de l’âme et du corps physique, la personne est
confrontée à une nouvelle étape, bouleversante: le Christ lui apparaît dans sa
gloire, accompagné des saints et des anges. Cette apparition brûlante et douce
la conduit
à choisir d’une manière définitive entre deux voies: celle de l’orgueil ou
celle de l’amour. Tout ce qu’elle a fait dans sa vie passée pèse lourdement
comme un conditionnement qui l’élève vers l’amour ou qui l’élève vers la
révolte. Mais ce n’est qu’un conditionnement; L’acte définitif, le jugement
dernier ne peut être posé qu’à cet instant car la liberté est totale:
L’intelligence, en effet, est parfaitement éclairée sur le sens de ce choix, la
volonté est forte, à l’image de celle des anges, car le corps et ses passions
ont disparu. A cause de cette liberté totale, le choix ultime, fruit de toute
une vie, est définitif: Celui qui choisit l’enfer sait, tout comme l’ange, ce
qu’il fait. L’amour égoïste de lui même dont il a vécu toute sa vie, lui parait
un bien suffisamment grand pour devenir son bien ultime. Jamais un tel être ne
sortira de l’enfer, car jamais il ne le voudra. C’est le mystère de l’orgueil
et cet orgueil doit être bien grand, chez les damnés, pour les avoir rendus
capables de rejeter face à face le cri, l’appel de Jésus entendu à l’instant de
la mort "j’ai soif de toi".
Saint
Thomas d’Aquin précise que ce péché ultime, ce péché contre l’Esprit Saint qui
est amour peut prendre plusieurs grandes formes: Refus de croire malgré
l’évidence; Refus d’espérer le bonheur éternel proposé ou, au contraire,
présomption qui prétend atteindre la vision de Dieu par ses propres forces,
sans devenir petit; envie face au bonheur de ceux à qui nous avons fait du mal
pendant notre vie; Impénitence par rapport à ses péchés passés.
Mais
l’unique racine de tout cela, c’est l’amour de soi établi en absolu, autrement
dit l’égoïsme.
Dieu
ne damne donc personne, Dieu ne juge personne. Ce sont nos propres actes qui
nous jugeront. Nous ne savons pas s’il y a un seul être humain en enfer. Nous
ne savons pas si Hitler y est. Un acte de repentir, à l’instant de sa mort suffit
pour que Dieu pardonne à son bien-aimé. Mais l’existence de cet acte est peu
probable chez celui qui ne l’a jamais fait au cours de sa vie terrestre.
Ce
que nous savons, c’est que l’homme qui fait de lui-même son Dieu se damne, se
retrouve seul. Il n’y a pas d’amour en enfer, sauf l’amour égoïste de soi-même.
C’est aussi un lieu brûlant, affirmé par la Bible, un lieu ou le vers rongeur
du remords ne s’arrête jamais, Le mystère de ce vers rongeur, c’est le souvenir
lancinant de la rencontre avec Jésus à l’heure de la mort, le souvenir de ce
regard d’amour que le damné a méprisé, et continue de mépriser, mais qu’il
n’oubliera jamais. Les âmes qui sont en enfer sont incapables de lier le
moindre contact avec nous. Les évangiles en témoignent avec force: "Entre nous et vous a été fixé un grand
abîme, pour que ceux qui voudraient passer d’ici chez vous ne le puissent pas
et qu’on ne traverse pas non plus de là bas chez nous"[118].
Saint
Thomas d’Aquin en explique la raison: L’âme humaine, quand elle est rentrée dans l'autre monde[119], n’a plus aucun
moyen naturel de communiquer avec le monde des vivants. Elle ne
dispose pas, comme les esprits angéliques, d’une puissance spirituelle par
rapport au monde matériel. Le corps qui jouait ce rôle durant la vie a disparu.
Elle se retrouve donc dans un autre monde et ne sait pas ce qui se passe dans
le nôtre. Si un contact se réalise, ce ne peut être que par l’aide d’un
intermédiaire, Dieu ou ange. Une telle remarque, on le verra, aura
d’importantes conséquences pour la question de la nécromancie (contact avec les
morts).
Mais
que deviennent ceux qui, lors du jugement dernier, choisissent Dieu? Leur choix
est doté de la même qualité de liberté et de lucidité que celui des damnés. Il
est donc, de la même façon, définitif. Mais, à la différence des anges lors de
leur propre jugement, certaines âmes sont incapables d’être introduites
immédiatement dans le bonheur de Dieu: Il reste en elles quelques taches
d’égoïsme, quelque attachement à elles-mêmes qui les retient de se livrer à l'action
de Dieu.
Or
Dieu est comme un cristal très pur. Personne ne peut contempler un cristal si
son oeil est souillé d’impureté. L’âme, consciente de ce poids qui l’éloigne de
Dieu, accepte avec joie d’être purifiée. Le purgatoire, selon sainte Catherine
de Gène, connaît plusieurs étapes. Mais ce qui caractérise toutes les âmes qui
le subissent, c’est leur sainteté: Toutes sont amoureuses de Dieu et désirent
le contempler face à face. Le purgatoire n’est autre chose que la souffrance
terrible, pour celui qui aime, d’être séparé pour un temps de son bien-aimé. "J’ai cherché, celui que mon cœur aime,
je ne l’ai pas trouvé. Je l’ai appelé mais il n’a pas répondu"[120].
Nous ne pouvons imaginer la souffrance des âmes du purgatoire. Elle dépasse
tout ce qui existe sur terre car elle est à la mesure de leur désir de Dieu.
Certaines
âmes, plus grossières, peu habituées à l’amour, mais tout de même désireuse de
Dieu, sont dans la première étape du purgatoire: Elles apprennent à découvrir,
petit à petit, la vanité des biens créés. Une
certaine tradition n’hésite pas à affirmer que cet apprentissage peut se faire
sur le lieu même ou elles ont péché. Nous étudierons cette théorie dans le
chapitre consacré aux revenants.
Une
deuxième étape du purgatoire est réservée aux progressants dans l’amour: S’ils
ont encore â lutter contre un certain égoïsme en eux, leur cœur aspire de plus
en plus après l’amour de Dieu, qui leur apparaît comme l’unique bien.
Une
troisième étape que Sainte Catherine de gènes appelle le "parvis du
ciel", n’est autre que le purgatoire des parfaits: le péché n’a plus aucun
attrait pour eux et ils gémissent tant leur cœur désire leur Bien-Aimé. Comme
une flamme, cette souffrance achève de les purifier. Elles peuvent alors se
fondre dans la vision de Dieu, Pére-Fils et Saint Esprit, leur unique bonheur.
Quelque
soit leur degré de progression, les âmes du purgatoire sont par rapport à nous
dans le même état que celles de l’enfer. Elles n’ont pas la possibilité de nous
voir, de la même façon que nous ne pouvons pas les voir. Elles ne peuvent a
fortiori nous contacter. Là encore, un intermédiaire leur est nécessaire, qu’il
soit Dieu lui-même ou un ange. Quand nous prions pour les âmes du purgatoire,
les bienfaits de nos demandes sont portés par les anges jusqu’à elles mais ne
les atteignent pas directement.
Une
exception toutefois semble devoir être faite pour les âmes de la première
demeure. Cette tradition qui affirme qu’elles se purifient sur le lieu même de
leur péché pose problème[121].
Quant aux âmes du paradis, leur état est très
différent: elles sont plongées en Dieu et elles contemplent sa substance face à
face, sans aucun intermédiaire. Leur bonheur est parfait.
Saint
Thomas d’Aquin précise qu’elles voient, dans la substance même de Dieu, tout ce
que nous faisons sur la terre: Elles nous voient avec le regard même de Dieu.
Elles savent donc ce que nous faisons à chaque instant. Peuvent-elles nous
contacter ou nous apparaître? Oui mais elles ne le font que si Dieu le désire
car elles ne désirent rien en dehors de sa volonté. Leurs apparitions sont donc
parfaitement possibles mais elles sont rares car ces âmes ont compris la raison
qui pousse Dieu à être discret à notre égard: Le mystère de la foi. "Bienheureux celui qui croit sans avoir
vu". Celui qui croit est grand aux yeux de Dieu car son attitude est
celle d’un enfant. Il fait confiance et cette confiance le mènera droit au ciel
à l’heure de sa mort.
Le
monde des esprits est donc complexe. Ces trois chapitres nous ont permis de
mieux le connaître et surtout de cerner son rapport avec notre monde à nous. Il
nous faut maintenant entrer dans la partie la plus difficile de cette étude,
celle où nous aurons à discerner les effets de cet univers parallèle.
La
nécromancie (ou divination avec les morts) sera le premier phénomène que nous
étudierons, accompagné de sa forme moderne qu’on appelle spiritisme. Depuis
toujours l’homme cherche à prendre contact avec ceux qui sont morts. Il
n’existe pas une seule civilisation qui n’ait ses formes de nécromancie. Le
monde occidental moderne a curieusement consacré le renouveau du phénomène, au
moment même où la révolution scientifique et industrielle battait son plein.
Victor Hugo est connu comme l’un des plus fervents adeptes du spiritisme alors
en plein essor.
Il
est très difficile de recenser les méthodes qui furent jadis employées pour
établir le contact avec les esprits. On connaît beaucoup mieux celles qui
furent utilisées successivement dans le spiritisme moderne. Il est né au siècle
dernier aux USA: Deux jeunes filles entendaient des coups sourds dans leur
maison. Elles eurent l’idée d’y répondre. Elles décidèrent d’établir un code
permettant à l’esprit de répondre par oui et par non. La nouvelle de leur expérience
fit sensation et elles furent bientôt imitées dans tout le pays. Les méthodes
pour communiquer avec l’esprit frappeur se perfectionnèrent. On inventa les
plaquettes du oui-ja, puis le guéridon à trois pieds que l’esprit peut basculer
pour en frapper le sol.
Les
cercles spirites se rendirent vite compte des limites de ces méthodes de
communication. Ils inventèrent d’autres systèmes. Sur une table ronde, on
disposait en cercle de morceaux de papier sur lesquels on inscrivait les
lettres de l’alphabet, les chiffres de 0 à 9 et les mots oui et non. Un verre
était placé au centre. Les participants devaient se concentrer et invoquer
l’esprit pour qu’il se manifeste, d’où la célèbre parole "esprit, es tu
là?". Quand la manifestation se produisait, le verre se mettait à glisser
seul sur la table, indiquant tour à tour des lettres qui constituaient ses
réponses.
Les
spirites ayant constaté la facilité avec laquelle les esprits déplaçaient les
objets, ils eurent l’idée de les invoquer sur eux même pour qu’ils prennent
possession de leur main. L’écriture automatique était née; Par elle, on obtint
des écrits étonnants: Des partitions furent couvertes en quelques instants de
notes de musique après qu’on ait invoqué l’esprit de Jean-Sébastien Bach.
L’écriture était celle du célèbre musicien et la musique était non seulement de
son style mais de la plus haute qualité.
Avec
l’invention du magnétophone, le spiritisme est entré dans une nouvelle phase.
On s’aperçut vite de la possibilité de communiquer. par l’intermédiaire de
cette bande magnétique. Le spirite invoque l’esprit. Quand il est sûr d’avoir
établi le contact, il pose une question et laisse le magnétophone fonctionner
pendant un temps. En réécoutant la bande, il entend dans les vides laissés les
réponses de l’esprit. Avec le magnétoscope, le phénomène va plus loin puisque
ce n’est pas seulement la voix qui s’inscrit mais aussi le visage de celui qui
parle. Du témoignage même des familles, des gens morts depuis des années ont pu
être reconnus sur ces films vidéo d’un nouveau genre. Quand on a affaire à des
esprits suffisamment puissants, l’enregistrement semble pouvoir se faire alors
que le magnétoscope est débranché. Le père Brune n’hésite pas à s’enthousiasmer
devant un tel miracle qui rend le monde des morts a porté de celui des vivants[122].
Ces
méthodes, malgré leur extrême diversité, ont toutes quelques points en commun:
Elles ne peuvent être habituellement utilisées sans être précédées d’une forme
de prières, d’évocation [extérieure]
des esprits[123].
L’initiative vient donc de l’homme. Fondée sur cette prière, l’esprit se
manifeste même aux débutants. On a tous entendu parlé de ces soirées de jeunes
se terminant dans une séance de spiritisme "pour s’amuser". Il n’est
pas rare que, malgré l’ambiance peu sérieuse, une manifestation ait lieu à
partir du moment où une invocation a été lancée.
L’évocation
semble même être condition nécessaire au phénomène. Sans elle, on aura beau se
concentrer, le verre placé au centre de la table ne bougera pas d’un millimètre[124].
Une telle constatation nous permet d’exclure l’hypothèse d’un phénomène de
télékinésie collective. Nous sommes bien en présence de quelque chose qui
dépasse l’homme.
D’après
le témoignage des spirites, les esprits sont de plusieurs espèces. Certains se
présentent comme de bons esprits (celui d’un homme ayant vécu sur la terre ou
celui d’un ange n’ayant jamais été incarné). D’autres se présentent comme de
mauvais esprits et les spirites se transmettent des rites pour s’en débarrasser
(casser le verre, le retourner etc.). D’autres enfin sont "farceurs":
Ils semblent prendre un malin plaisir à raconter n’importe quoi quand on les
interroge. Les spirites ne font habituellement confiance qu’aux bons esprits.
Ils en reçoivent des prédictions sur le futur et des récits sur le monde de
l’au-delà.
Les
esprits n’ont pas tous la même puissance d’action. Certains d’entre eux peuvent
se manifester à n’importe qui le désire, sans qu’aucune disposition magnétique
soit nécessaire. D’autres au contraire ne peuvent s’adresser aux hommes que par
un intermédiaire ou médium dont le magnétisme naturel favorise le contact.
Certains témoignages rapportent des apparitions directes d’esprits,
particulièrement puissants, sous la forme humaine. Le corps qu’ils se façonnent
est parfois une simple image (un hologramme), parfois il est au contraire
palpable par les assistants.
Que
pense l’Eglise de tout cela? Beaucoup pensent qu’elle ne peut qu’encourager un
tel phénomène qui apporte de l’eau à son enseignement sur la survie après la
mort. Il n’en est rien. La condamnation est totale, aussi ancienne qu’elle, et
est déjà formulée par les premiers pères apostoliques. Elle fut renouvelée
solennellement en 1917, avec une sévérité qui en manifeste la gravité:
"Est-il permis de prendre part, soit par médium soit sans médium, en usant
au non de l’hypnotisme, à des entretiens ou à des manifestations spirites,
présentant même une apparence honnête ou pieuse, soit qu’on interroge les âmes
ou les esprits, soit qu’on écoute les réponses faites, soit qu’on se contente
d’observer, alors même qu’on protesterait tacitement ou expressément que l’on
ne veut aucune relation avec les esprits mauvais? La réponse est non, sur tous
les points[125].
Cette condamnation était accompagnée d’une menace d’excommunication.
En
1962, la commission préconciliaire rappelle la sévérité de l’Eglise en ce
domaine: "Le spiritisme qui sous sa forme actuelle de prétendue
communication avec les morts, n’a guère plus de 100 ans d’existence, a été
condamné à plusieurs reprises par l’Eglise, à cause des risques qu’il comporte
pour la foi et la morale. Dès 1856, avant même que fut publié un des textes
fondamentaux de la doctrine de spiritisme (1869, Kardec), le saint office avait
déclaré gravement illicite l’invocation des morts. Cette condamnation fut
renouvelée sous des formes diverses en 1882, 1898, 1917 pour ne citer que les
plus connues".
L’Eglise
motivait sa condamnation non seulement sur les alertes lancées de toutes les
nations chrétiennes à propos des conséquences graves du spiritisme mais aussi
sur la Bible elle même. Moise n’hésite pas à écrire dans le livre du
Deutéronome: "Qu’on ne trouve parmi
vous personne qui s’adonne à la divination ou à la magie et qui interroge les
morts. Toutes ces choses sont en abomination à Yahvé"[126].
Les
premiers rois d’Israël reçurent de Dieu la mission de faire disparaître toute
forme de nécromancie du pays. L’un deux, le roi Saül, désobéit à ce
commandement en consultant pour lui même les morts. Il y perdit la vie, dès le
lendemain, comme Dieu le lui avait annoncé par l’intermédiaire d’une apparition[127].
Pourquoi
l’Eglise est-elle si sévère? Elle n’a jusqu’ici jamais justifié sa condamnation
par un document dogmatique solennel. Elle laisse donc aux théologiens le soin
de s’exprimer pour elle. Sa décision est lié à la
pastorale (constatation des effets pervers du spiritisme sur les chrétiens et
sur les hommes en général, mais surtout à la foi (contenu de la Révélation sur
la raison du silence du Ciel tant que nous sommes ici-bas).
Ces
effets sont effectivement terribles. Les premiers d’entre eux sont
psychologiques. Un rapport des hôpitaux psychiatriques de Paris, datant de la
fin du siècle dernier, tire la sonnette d’alarme en affirmant que plus d’un
psychotique sur deux fut adepte du spiritisme avant de sombrer dans la maladie
mentale. Il semble donc y avoir un lien étroit entre ces pratiques et la folie.
D’autre part, des témoignages rapportent un nombre incroyable de suicides dus à
des névroses obsessionnelles graves. Victor Hugo s’étant efforcé une partie de
sa vie d’entrer en contact avec sa fille décédée, termina ses jours obsédé par
des cauchemars nocturnes. Une de ses filles se suicida et beaucoup pensent que
les séances de spiritisme n’y sont pas étrangères.
Les
psychiatres expliquent les conséquences psychologiques ainsi: Pratiqué avec
assiduité (et le besoin comme la passion naissent vite), le spiritisme se
tourne en obsession, en idée fixe, en désordres mentaux. Il est vrai de dire
des pratiques spirites ce que saint Augustin dit des pratiques magiques,
qu’elles ont pour cause et qu’en même temps elle excite le désir immodéré
d’expérimenter et de connaître, et ce désir, cette curiosité sans fin,
provoquent dans l’âme l’attente fiévreuse, hallucinante, du merveilleux. Trop
nombreux sont ceux dont ce breuvage empoisonné a égaré la raison. De plus, lorsqu'un démon vient marqué d'une sensation de
présence obsédante un psychisme déjà déséquilibré, les dégâts sont importants.
Le
Père Charles écrit en 1921: "Il y a
des caractères bien assis et bien fermes pour lesquels la suggestion n’agira
guère; Mais la masse est beaucoup plus perméable, plus sensible à l’égard de
tous les dissolvants, et une seule séance de spiritisme, surtout si elle a des
résultats, peut être l’origine de troubles psychiques très graves. Il est
d’ailleurs difficile, quand on pense de bonne foi recevoir chaque jour des
nouvelles de l’autre monde, de poser sur la réalité ambiante et sensible ce
regard clair et normal qui est celui de l’homme sain. L’ivresse des voyants est
souvent plus pernicieuse que celle des alcooliques".
Les
effets du spiritisme concernent aussi la foi, domaine que l’Eglise a le droit
et le devoir de protéger. Allan Kardec fut le premier à réunir les dogmes
principaux de la foi spirite. Dans ce livre, les enseignements de l’Eglise sont
niés. Les brochures spirites fourmillent d’erreurs théologiques. Elles
constituent une sorte de syncrétisme entre des aspects chrétien, et des aspects
bouddhistes. Dieu n’est plus une personne mais un élément intelligent et universel
duquel émanent tous les esprits. Le péché originel, jugé choquant, est remplacé
par le dogme de la préexistence des âmes ou du péché personnel antérieur à
l’incarnation (voir Platon). La réincarnation est une des doctrines
fondamentales de ce mouvement. L’Eglise ne peut que constater l’entraînement
presque fatal que subissent ses fidèles vers de telles doctrines. Chez la
plupart, même si les expériences ne sont que des tentatives curieuses, presque
des jeux, il apparaît une grande avidité pour les livres qui expliquent ces
choses. Et la doctrine, qui parait si bien prouvée par le fait que la table a
répondu, que la planchette a frappé des coups, est admise comme incontestable.
Les
effets du spiritisme concernent aussi la vie concrète des personnes: beaucoup
d’entre elles se mettent à l’écoute avec une confiance aveugle de l’esprit qui
finit par diriger leur existence. C’est à lui que l’on demande des mots d’ordre
et que l’on soumet ses doutes. Les pires aberrations deviennent possibles dans
de pareilles conditions et en l’absence voulue de tout contrôle.
Devant
les désastres du spiritisme sur la santé mentale, sur la foi et sur les mœurs,
l’Eglise se devrait de réagir. Mais il nous faut aller plus loin. Est-il
possible de déterminer avec certitude l’origine de ce phénomène? Le théologien
peut-il admettre l’existence d’un réel contact avec les morts? Pour répondre à
cette question nous nous mettons de nouveau a l’école du grand théologien Saint
Thomas d’Aquin.
Comme
nous l’avons montré au chapitre précédent, les apparitions des esprits des
morts sont possibles dans certains cas. Deux catégories d’âmes en sont
capables: Celles qui sont auprès de Dieu et qui reçoivent de lui la possibilité
de nous voir et de nous aider et celles qui d’après une tradition, restent en
lien avec notre monde où elles subissent une première étape du purgatoire.
Or
il est facile de montrer que les âmes qui sont auprès de Dieu au paradis ne se
laissent jamais aller à répondre aux appels des spirites: Dieu interdit de
telles pratiques aussi on les voit mal lui désobéir aussi ouvertement alors
qu’elles me désirent que sa volonté. La seule exception connue à cette règle
est rapportée par la Bible. Le roi Saül était en guerre avec les philistins. Il
se demandant s’il devait attaquer. Il essaye de consulter les prophètes de Dieu
mais ceux ci ne purent rien reprendre. Il décida alors d’aller voir secrètement
une nécromancienne. Mal lui en pris: "Saül se déguisa et endossa d’autres
vêtements puis il partit avec deux hommes et ils arrivèrent de nuit chez la
femme. Il lui dit: "Je t’en prie, fais moi dire l’avenir par revenant et
invoque pour moi celui que je te dirai". Mais la femme lui répondit:
“Voyons, tu sais toi-même ce qui a fait Saül et comment il a supprimé du pays les
divins. Pourquoi tends-tu un piège à ma vie pour me faire mourir?". Alors
Saül lui fit ce serment par Yahvé: "Aussi vrai que Yahvé est vivant,
dit-il, tu n’encourras aucun blâme pour cette affaire". La femme demanda:
Qui faut-il invoquer pour toi?". Et il répondit "invoque-moi Samuel
le prophète".
Alors
la femme vit Samuel et, poussant un grand cri, elle dit à Saül: "Pourquoi
m’as tu trompé. Tu es Saül". Le roi lui dit: "N’aie pas peur! Mais
que vois-tu, et la femme répondit "c’est un vieillard qui monte, il est
drapé dans un manteau". Alors Saül sut que c’était Samuel et, s’inclinant
face contre terre, il se prosterna. Samuel dit à Saül: "pourquoi as-tu
troublé mon repos en m’évoquant?". C’est répondit Saül que je suis dans
une grande angoisse: Les Philistins me font la guerre et Dieu s’est détourné de
moi, il ne répond plus, ni par les prophètes, ni en songe. Alors je t’ai appelé
pour que tu m’indiques ce que je dois faire". Samuel dit: "Pourquoi
me consulter, quand Yahvé s’est détourné de toi et est devenu ton adversaire !
Parce que tu n’as pas obéi à Yahvé, c’est pour cela que Yahvé s’est détourné de
toi aujourd’hui. Demain, toi et tes fils mourrez. Vous serez avec moi: Le camp
d’Israël aussi, Yahvé le livrera aux mains des Philistins". Aussitôt Saül
tomba à terre de tout son long. Il était terrifié. Il mourut effectivement le
lendemain.
Les
théologiens et les Pères de l’Eglise n’ont cessé de discuter pour savoir si
c’était Samuel lui-même qui était apparu. Saint Thomas d’Aquin montre qu’il se
peut que ce soit Samuel, à condition qu’il ait été rendu apparent par la
puissance des anges qui seuls sont capables de façonner des spectres de cette
manière. Ce cas est exceptionnel. Si Dieu a voulu que Samuel réponde ainsi aux
appels de la nécromancienne, c’est pour montrer à Saül la gravité de sa faute.
Hormis
ce cas, jamais les Saints de Dieu ne se montrent aux appels des spirites. Ils
respectent trop la volonté de Dieu qui veut que nous connaissions les choses de
l’au-delà à travers l’humilité qui est juste le contraire de l’avide curiosité
des adeptes du spiritisme. A cause du mystère de la foi, les âmes saintes du
paradis n’apparaissent que brièvement, d’une manière toute spontanée, sans
jamais être provoquées[128],
encore moins contraintes. Et l’on doit ajouter qu’elles apportent toujours avec
elles des enseignements salutaires. En ce qui concerne les bons anges, nous
pouvons faire exactement le même raisonnement. L’âme sainte et l’ange bon se
comportent exactement de la même manière par rapport à nous.
Nous
avons montré que les âmes de l’enfer et celles du purgatoire n’ont pas par
elles-mêmes la possibilité de nous apparaître. Elles ne disposent pas de la
puissance de Dieu qui donne ce pouvoir aux âmes du ciel. La nature humaine
dépouillée de son corps n’a pas la possibilité de nous contacter car, à la
différence de la nature angélique, elle ne peut mouvoir la matière.
Il
reste donc uniquement deux catégories d’esprits qui peuvent répondre aux
invocations spirites: tout d’abord ces quelques âmes humaines du purgatoire
inférieur que Dieu maintient liées à ce monde à travers
un corps invisible et qui sont cause du phénomène des revenants[129].
Rappelons que, pour en être là, ces esprits sont nécessairement les plus
grossiers, incapables d’apporter un véritable enseignement sur l’au-delà qu’ils
ont à peine commencé à comprendre. Ils forment donc une maigre autorité
doctrinale !
Mais
il existe surtout l’immense catégorie des anges rebelle, à Dieu. Ceux là ne
peuvent avoir bien évidemment aucun scrupule à se rendre présents à l’invocation
des spirites. Leur nature étant adaptée à cela, ils peuvent, à volonté,
communiquer avec les hommes et l’aide d’un intermédiaire médiumnique leur est
d’autant moins nécessaire qu’ils font partie d’une hiérarchie supérieure. Tous
les grands théologiens catholiques du paranormal sont d’accord pour attribuer
aux démons la paternité de la majorité des manifestations spirites. En
comprenant cela, on saisit mieux la gravité et le danger de la pratique de la
nécromancie. Le démon, rappelons le, est l’ennemi du genre humain. Son
intelligence est extrêmement puissante, bien plus forte que la nôtre et il ne
désire qu’une chose: nous éloigner de ce qui s’appelle l’amour (amour de Dieu
et amour du prochain). Toute jeune fille sensée, apprenant qu’elle à devant elle
un violeur notoire, n’irait jamais s’isoler avec lui dans une pièce ! Ce serait
de la folie. De la même façon, tout chrétien sachant qu’il a devant lui celui
qui peut non seulement détruire son corps mais aussi son âme[130],
ne peut sans être inconscient évoquer sa présence.
Beaucoup
de personnes adeptes du spiritisme objectent à tout cela leur certitude d’avoir
été un jour en contact avec l’un de leurs proches décédés. Un élève me
racontait un jour a propos de sa mère: “Elle m’a même rappelé une scène que
nous deux, et nous deux seulement avions vécus.
Un
tel argument a de quoi impressionner et l’on comprend le désir de ces jeunes de
prolonger leurs expériences spirites qui leur permet de retrouver leurs chers
disparus. Il faut pourtant être lucide: le démon, s’il veut entraîner les gens
dans la dangereuse pratique du spiritisme, ne va pas se présenter a eux sous
son aspect réel. On n’attire pas les abeilles avec du vinaigre mais avec du
miel. Rien de plus facile pour lui que de se déguiser avec le visage d’une mère
disparue. Saint Pierre affirme que l’esprit du mal voit tous nos actes: "Soyez vigilants, votre adversaire le
diable, comme un lion rugissant va et vient à la recherche de sa proie"[131]. L’essentiel pour lui, au point de
départ d’une aventure spirite, c’est de séduire ceux qui la pratiquent pour les
inciter à recommencer. Il espère ainsi conquérir un pouvoir direct sur leur
intelligence et sur leur vie, pour les perdre plus vite. Il espère dépasser le
simple et habituel pouvoir de tentations’, qu’il exerce habituellement et qui
ne touche directement que l’imagination des hommes.
En
conséquence, il n’y a plus à s’étonner de voir l’esprit se présenter à ceux qui
sont sincèrement chrétiens comme encore plus chrétien qu’eux, à ceux qui sont
musulmans comme des adeptes fervents du prophète; A ceux qui viennent de perdre
un proche, il apparaît comme ce proche en personne; Ceux que dévore la
curiosité, il manifeste sa présence par des phénomènes fascinants, des tables
qui s’envolent, (on raconte que dans ma famille des ancêtres ont voulu faire
appel aux esprits par simple curiosité. La table ronde qui était devant eux
s’est mise à tourner à une hauteur de 10 cm du sol. Tout le monde fut effrayé.
Une de mes ancêtres qui avait un chapelet bénit dans sa poche le lança sur la
table qui aussitôt s’immobilisa en se cassant en deux), des objets qui
lévitent, des annonces du futur; A ceux qui sont ambitieux, il n’hésite pas à
révéler son pouvoir; A ceux qui veulent réussir un examen, il donnera
gratuitement les sujets (du moins s’ils sont déjà écrits), étant certain d’être
consulté de nouveau par celui qui a triché une fois. Quand il aura affaire à
des personnes fragiles psychologiquement, il agira plus directement par la
terreur, se présentant comme l’ange des ténèbres et s’amusant à les effrayer ou
à les poursuivre (d’où certaines folies)[132].
Dans
chacun de ces cas, s’il réussit à s’attirer une proie, il s’efforcera de
l’entraîner petit à petit à sa perte (perte de la foi, de la moralité ou même
de la raison).
Voici
brièvement rapportés, trois témoignages significatifs:
*)
Une jeune femme, profondément chrétienne, avait eu l’imprudence de s’essayer au
spiritisme avec son mari. Le phénomène fonctionnait très bien au point qu’il
arrivait que l’esprit se manifeste à elle à travers son mari durant son
sommeil. Il l’instruisait des choses du ciel et elle était chaque jour
bouleversée d’être si chanceuse. Les premiers temps, i1 lui conseillait
d’éduquer ses enfants dans la foi. Au bout d’un an, après ce qui me semble une
longue approche de mise en confiance, la jeune femme considérait cet esprit
comme son ange gardien. Il commença à la mettre en garde contre certains
enseignements de l’Eglise, insensiblement au début puis ouvertement. A la fin,
il lui révéla les secrets de la réincarnation. La femme finit par quitter
l’Eglise, elle ne croyait plus. Elle avait perdu la foi qui jusqu’ici la
faisait vivre.
*)
Un jeune homme, passionné de musique, se demandait comment devenir chanteur.
Or, durant une séance de spiritisme, l’esprit lui affirma être capable de
réaliser son rêve, sous certaines conditions: Les chansons devraient être
composées dans les séances de spiritisme. Ce jeune homme s’appelait Bob Dylan.
Il devint effectivement célèbre. Mais au fur et à mesure que sa carrière avançait
l’esprit se faisait de plus en plus exigent, au point de réclamer la
composition des chansons sous état de narcotiques ou de drogue. Pris par la
drogue, conscient de sa décadence physique et morale, Bob Dylan finit par se
convertir au christianisme, rejetant toute forme de spiritisme. Son témoignage
est éloquent: "Il faut croire, écrit-il, au diable. Ce n’est pas une
image, un symbole, mais une présence réelle, vivante. Il est là partout dans le
monde. Il peut même prendre le masque d’un homme de paix"[133].
Avec la musique issue du spiritisme, nous sortons du domaine de la magie
blanche (celle qui cherche à obtenir quelque chose par l’évocation des seuls
esprits bons) pour celui de la magie noire (celle qui évoque les esprits
mauvais). Le spiritisme est comme la porte ouverte au phénomène de la
sorcellerie[134].
Il suffit d’utiliser un peu plus le pouvoir du démon.
*)
Un troisième exemple me vient d’un de mes élèves. Il voulait avoir son bac. Il
eut l’idée d’en demander les sujets en séance de spiritisme. L’esprit les lui
communiqua sans problème et il s’avéra qu’il n’avait pas menti. Un an plus
tard, l’élève décida de recommencer pour sa première année de DEUG. L’esprit
accepta, en y mettant toutefois une condition: il devrait pratiquer au moins
une fois par semaine une invocation spirite. Ayant été élevé en école
catholique, il hésita puis il prit peur. Il décida d’arrêter là ses activités
spirites. Or, en rentrant chez lui le soir, il eut l’impression d’être suivi et
épié. Etait-ce un effet de son imagination? Peut-être. Etait-ce un phénomène
démoniaque? Peut-être. Toujours est-il qu’il ne trouva la paix qu’après avoir
tout raconté à un prêtre qui lui conseilla de se confier à Dieu, de se
confesser et de faire un signe de croix s’il était repris par de telles
angoisses.
De
ce dernier témoignage il résulte que les prophéties du spiritisme sont très
souvent vraies. Le démon a tout intérêt à agir ainsi s’il veut séduire. En
saint Luc, on voit un démon proclamer que Jésus est le Messie et lui dit:
"tais toi"[135].
Saint Athanase commente ainsi: "Bien que le démon confessa la vérité, le
Christ réprimait ses paroles pour qu’il ne répondit point sa malice en publiant
la vérité. Il voulait nous accoutumer aussi à ne pas jeter attention aux
révélations de ce genre, même si elles paraissent vraies. Il est criminel en
effet, alors que nous possédons la Sainte Ecriture, de nous faire instruire par
le démon[136].
Le dernier témoignage m’à
été rapporté par une femme, à la sortie d’une conférence sur le spiritisme:
"un couple ami, monsieur et madame D. avaient l’habitude de pratiquer
ensemble chaque semaine une séance de spiritisme. L’esprit leur disait beaucoup
de choses sur leur avenir ou sur l’avenir de leurs amis. Or, il leur annonça un
jour la mort prochaine par accident de la route d’un couple de leurs proches.
L’esprit leur conseilla de ne pas en parler pour ne pas les effrayer
inutilement devant leur destin[137].
Effectivement, 15 jours plus tard, ils apprirent que leurs amis s’étaient
encastrés avec leur voiture sous un camion et que les pompiers avaient mis deux
heures à les en sortir. Ils étaient morts avant d’arriver à l’hôpital. Choqués
mais émerveillés par la puissance de l’esprit qui pouvait même leur annoncer
l’avenir, Le couple D. continua ses séances de spiritisme. Moins de six mois
plus tard, l’esprit leur annonça de nouveau la mort future d’un de leurs amis.
Cette fois ils prirent peur et décidèrent d’aller en parler à un prêtre. Celui
ci, peu au courant de ces questions, les orienta vers l’exorciste diocésain. L’exorciste
se mit, parait-il, fort en colère et leur reprocha leur imprudence. Il exigea
d’eux qu’ils reviennent le voir le lendemain avec l’ami dont l’esprit avait
annoncé la mort.
Le
lendemain, après avoir raconté au jeune homme toute l’histoire, le prêtre le
rassure et lui promit qu’il ne pourrait rien lui arriver, à condition qu’il se
confie par la prière à la protection de Dieu. Il lui donna une médaille de la
Vierge qu’il bénit. Jusqu’à ce jour, il n’est effectivement rien arrivé au
garçon. Quant au couple D., il a bien sûr arrêté de pratiquer le
spiritisme".
J’ai
tenu à raconter cette dernière histoire car elle pose un problème: Comment
l’esprit a t-il pu connaître la mort prochaine par accident de la route? Il
s’agit d’un fait que, théoriquement, seul
Dieu peut prévoir. Nous avons vu plus haut
comment les anges eux-mêmes étaient ignorants devant le hasard. Faut-il
admettre une révélation de la part de Dieu? Certainement pas. Nous touchons
encore une fois l’orgueil de Lucifer qui espère se faire adorer comme Dieu. En
annonçant un événement accidentel qui effectivement se produit, il fait croire
aux spirites qu’il peut tout connaître, qu’il est Dieu. En réalité, le démon
est incapable de prévoir cet accident. S’il l’annonce, c’est qu’il sait pouvoir
le provoquer. La colère de l’exorciste s’explique sans doute pour cela. En
pratiquant le spiritisme, le couple D. ne mettait pas seulement leurs propres
personnes en danger mais aussi la personne de leurs proches. Ils sont, en
quelque sorte, responsable de la mort de leurs amis, puisque l’esprit l’a
provoqué dans un but de propagande sur sa puissance.
Aux
yeux de la foi, le spiritisme est donc condamnable d’une façon absolue.
Chrétiens, Juifs et Musulmans se rejoignent dans cette unique théologie. Il
n’existe à mes yeux qu’un seul aspect positif dans cette méthode: Certains de
mes élèves, après avoir essayé malgré les mises en garde de l’Eglise, sont
ressortis convaincus de l’existence du monde des esprits. Il est
malheureusement bien rare que celui qui l’a pratiqué une fois ne recommence
pas.
Aux
yeux de la foi, le démon est beaucoup plus dangereux lorsqu’il se présente
comme un bon ange que lorsqu’il s’amuse à effrayer par la puissance de ses
actions. Il est en effet beaucoup plus grave au regard de la vie éternelle de
perdre la foi (ce fondement de tout l’édifice spirituel) que de perdre la
raison. Or la pratique du spiritisme sous ses formes modernes (magnétoscope) a
séduit ces dernières années des fidèles et des hommes d’Eglise. Le Père Brune
est pour moi l’exemple type de la sincérité abusée. Il se décrit dans son livre
comme un homme de foi plutôt que comme un théologien. C’est donc par la
crédibilité qu’il s’est laissé abuser incapable de discerner les contradictions
de certains de leurs enseignements avec la foi de l’Eglise[138].
Un ami connaissait un prêtre
qui me confiait son inquiétude: en regardant les U.S.A qui ont 10 ans d’avance
sur la vieille Europe dans ces domaines là, en constatant l’existence de cultes
spirites dans les collèges et les lycées, il se demandait si nous n’allons pas
passer en France par une telle crise. La voie est à ses yeux toute tracée: la
religion officielle étant en grande partie ruinée et remplacée par le culte du
matérialisme, le besoin de religiosité de nos contemporains n’est plus comblé.
Or la nature a horreur du vide. Il est fort possible qu’on assiste à un violent
retour de bâton, un puissant attrait vers le spirituel que l’Eglise ne sera pas
forcément capable de combler, faute d’ouvriers. Voici la voie ouverte au spiritisme
et aux sectes.
Une
voyante est une femme qui prétend pouvoir connaître ce qui habituellement nous
est inconnaissable. En les fréquentant, on s’aperçoit qu’il existe plusieurs
niveaux que toutes n’atteignent pas. Certaines se contentent de raconter à
leurs clients leur passé et leur état présent. Elles ne découvrent sans doute
rien de franchement nouveau mais cette faculté n’en est pas moins étonnante. Si
une telle voyante est par surcroît douée d’un bon sens psychologique, elle ne
manquera pas d’avoir des clients qu’elle arrache à la psychiatrie habituelle ou
même au confessionnal. D’autres voyantes vont plus loin et se disent capables
d’annoncer des événements à venir, parfois d’une manière générale (exemple:
vous risquez de briser votre mariage si vous continuez ainsi), parfois d’une
manière extrêmement précise (exemple: le 6 juillet vous perdrez un être qui
vous est cher).
D’autre,
enfin, n’hésitent pas à donner des nouvelles de personnes déjà décédées, comme
si elles entraient en contact avec le monde des morts: voici le témoignage d’un
homme, âgé de 53 ans, à la suite de son passage chez une voyante: "En arrivant chez elle, j’avais enlevé
mon alliance et j’avais passé des vêtements inhabituels chez moi pour ne lui
laisser aucun moyen de déduire ses affirmations de ma tenue extérieure. Elle
pratiquait la voyance sans s’aider d’aucune boule de cristal ni jeu de taro.
Elle commença à me dire des choses sur mon passé et sur ma situation actuelle
avec une justesse qui me laissa interloqué.
Elle se mit ensuite à me parler d’un
procès qui effectivement me causait beaucoup de soucis en m’annonçant que les
choses s’arrangeraient d’ici deux mois (ce qui fut en partie le cas). Mais ce
qui me frappe le plus, ce fut quand elle se mit à me parler de mon père. Il
faut dire que mon père est mort il y a 5 ans, après avoir fait beaucoup de mal
à moi et à ma femme. Elle me dit qu’elle voyait mon père, que là où il était,
il souffrait beaucoup et qu’il me demandait pardon.
Elle conclut notre entretien en
m’exhortant à beaucoup prier pour lui car il en avait besoin et même à faire
dire des messes. Elle me demanda 100 francs pour la consultation, en 1980) ce
qui me parut très honnête de sa part. Je suis resté marqué par sa
rencontre".
Un
tel témoignage est positif mais c’est loin d’être le cas pour tous. Une jeune
femme raconte: "J’étais depuis
quelque temps angoissée pour mon avenir professionnel. Je m’inquiétais aussi
pour mon mariage qui avait des hauts et des bas. A peu prés à la même période,
on me donna dans le métro une carte où un homme se présentait comme "grand
voyant, extralucide, diplômé d’une école de parapsychologie". J’y allais
en me disant que cela ne pourrait pas me faire du mal. J’entrais dans une pièce
décorée de draperies et de sculptures africaines. Il y avait de l’encens qui
brûlait sur e coté ce qui donnait à la pièce l’aspect d’un temple. L’homme
était un africain, habillé d’une robe de son pays. Je commençais par lui
raconter mes soucis en lui demandant s’il pensait que l’avenir arrangerait tout
pour moi. L’homme fit alors des gestes et prononça des paroles qui
ressemblaient à un rite religieux. Il m’affirma que quelqu’un me voulait du mal
et avait lancé contre moi un envoûtement. Il donna une date qui me parût
correspondre avec le début de mes soucis. J’étais impressionnée. Il me promit
de me tirer d’affaire grâce à l’aide des esprits. Il me demanda de revenir
trois jours plus tard et qu’il me donnerait alors un talisman. Je revins, il me
le donna en me réclamant 2100 Euros. J’étais tout émue par le climat qui
régnait dans la pièce et je n’osais refuser. Je lui donnai 3 chèques de 700
francs en lui disant de les tirer à intervalle d’un mois. Quinze jours plus
tard, l’homme avait tiré les 3 chèques et quand je voulu le retrouver, il avait
changé d’adresse. Je fis analyser le talisman. C’était une fiole remplie de
sucre en poudre".
Nous
avons là le récit d’une escroquerie de la pire espèce. Beaucoup de pauvres gens
se font prendre a l’hameçon de ces milliers de faussaires qui courent les
grandes villes. Leur habilité est grande: ils savent à l’avance qu’il existe
deux types d’hommes qui viendront les voir: les curieux et les angoissés. Les
premiers représentent une faible promesse de gains car ils ne sont pas prés à
pousser leur vice jusqu’à dépenser des sommes folles. Les seconds font un
gibier de choix: il suffit de les préparer psychologiquement et d’appuyer un
peu sur le levier de leurs angoisses en l’attribuant à des forces occultes. Une
telle technique est connue depuis toujours par les sorciers africains qui
maintenaient de cette manière des tribus entières sous leur dépendance. On ne
peut donc que conseiller la prudence.
Mais
à coté de cette majorité d’escrocs qui profitent du marché de l’occulte,
l’Eglise et la Bible affirment l’existence d’un véritable don de voyance.
Certains voyants racontent à leurs clients leur passé et leur présent
uniquement. Un tel phénomène ne nécessite pas toujours l’aide d’autre chose
qu’un simple don naturel. Au début de cet ouvrage, nous avons parlé de la
télépathie. Habituellement, elle ne va pas plus loin que la simple intuition
féminine capable de ressentir les états d’âme. Certaines personnes savent
discerner immédiatement un cœur angoissé ou une intention malsaine. Beaucoup
plus rarement, la télépathie permet de pénétrer dans l’imagination de
l’interlocuteur et d’y extraire ses pensées. Rien n’empêche donc qu’elles
puissent aussi pénétrer dans la mémoire sensible, organe du cerveau où sont
entreposés les souvenirs.
Si,
ajouté à un tel don, la voyante possède un sens aiguë de la déduction, elle
pourra conseiller ses clients pour leur vie future et exercer son talent pour
leur plus grand bien: exemple: "si vous continuez ainsi, vous vous
risquez de briser votre mariage". Il n’y a aucune objection à aller voir
une telle personne, de même qu’il n’y en a pas à aller se faire conseiller par
un psychologue.
Malheureusement, les voyantes de cette sorte,
pour mieux attirer le client, ont souvent l’habitude d’entourer leur charisme
naturel de tout un environnement mystérieux. Il s’agit d’un défaut bien
regrettable car il peut conduire vers des formes de superstitions. La
superstition est un mal car elle rend dépendant de causes qui n’existent pas.
Certaines
voyantes annoncent à leurs clients leur futur, d’une manière si précise qu’on a
du mal à croire qu’elles le font par simple déduction psychologique. Exemple:
"Le 6 juillet, vous perdrez un être qui vous est cher". J’ai eu la
chance de rencontrer un moine membre d’une communauté bénédictine, qui avait
pratiqué la voyance dans sa jeunesse. Son témoignage me parait important pour
éclairer le problème.
"Je devais avoir 16 ans. J’entrais dans
un magasin pour y faire des courses quand je fus abordé par une femme qui
m’affirma sentir en moi la présence d’un fluide particulièrement fort. Elle me
dit qu’un tel don était rare et que, si je voulais, je pourrais l’utiliser pour
faire le bien. Intrigué, je décidais de la revoir. Elle m’enseigna chez elle le
maniement du jeu de tarot et de ses symboles. Mais elle finit par m’avouer que
les cartes ne constituaient pas la voyance, qu’elles n’étaient qu’un support
pour la concentration. Elle m’apprit que le vrai don de voyance venait d’un
contact avec les esprits qu’il fallait que j’essaie d’établir, ce qui me serait
facile grâce à mon fluide.
Je m’aperçu très vite en effet de la
présence de quelque chose de nouveau en moi. Quand je me préparais à tirer les
cartes, tout en invoquant les esprits, il passait dans ma tête des images
claires, des sortes de flashs très net. Très souvent, je voyais une petite
fille, habillée à la mode 1900. Parfois, elle me semblait nimbée de lumière,
d’autrefois couverte de sang. Comme une obsession, une scène revenait sans
cesse. Je voyais cette petite fille marchant sur le trottoir au bras de sa
mère. Un fiacre passait et la renversait. J’entendais alors un cri horrible:
"Olga, Olga". Je n’ai jamais cherché à me renseigner sur cette Olga
mais j’ai constaté plusieurs fois les conséquences de sa présence. Quand je
tirais les cartes à des gens, il me venait des images les concernant qu’il me
fallait interpréter. Parfois c’était facile. Un jour, un couple vint me Voir.
Je vis nettement l’image de l’homme avec une autre femme au lit. J’en déduisis
qu’il la trompait et c’était juste. Une autre fois, je vis l’image d’un grand
vase en terre, une sorte de vasque de jardin. La vasque tombait et écrasait un
enfant. J’étais alors en consultation avec une femme. Je lui racontais ma
vision, incapable de l’interpréter. Elle me dit avoir effectivement deux
grandes vasques dans son entrée. Quinze jours plus tard, je reçus un appel
téléphonique de sa part. Elle me remerciait chaudement. Intriguée par ma
vision, elle avait aussitôt fait sceller les vases de son entrée. Or elle
venait ce matin de retrouver son jeune fils à l’intérieur de l’une d’elle. Si
les vasques n’avaient pas été attachées, l’enfant les aurait renversées en
grimpant et Dieu seul serait ce qui serait arrivé.
Au fur à mesure que les années
passaient, mes visions se faisaient plus obsédante. Je rêvais d’Olga même la
nuit. Un ami religieux, à qui j’avais demandé conseil, me demanda d’arrêter. Il
me mit en garde contre les dangers de telles pratiques. Il m’assura de sa
prière. Je cessais donc de pratiquer la voyance et ses obsessions disparurent".
Comment
expliquer ce phénomène? Faut-il admettre l’intervention de l’esprit de cette
jeune morte, Olga? Nous avons répondu à cette question dans le chapitre
consacré à l’état des hommes après la mort.
Une
chose parait nette: nous avons affaire à un véritable don de voyance puisque
des événements futurs ont été annoncés. Un esprit semble se manifester au
médium, c’est-à-dire à un homme doué de dispositions physiques favorables.
Le
phénomène est à rapprocher de celui du spiritisme par plusieurs points: son
point de départ est le même. Des rites doivent être pratiqués (ici se sont des
cartes) accompagnés de l’invocation d’un esprit. Les conséquences en sont
analogues: Il existe de véritables prédictions mais elles s’accompagnent
d’effets secondaires négatifs comme des obsessions ou des cauchemars. De tout
cela, nous sommes obligés de conclure que cette forme de voyance n’est autre
qu’un spiritisme déguisé. L’ange trompeur, là encore, met son pouvoir
intellectuel au service de celui qui le désire. La plupart du temps, le médium
l’évoquer en toute innocence[139],
sincèrement persuadé d’avoir affaire aux esprits des morts. Pourtant, avec
toute la tradition catholique, nous devons admettre l’existence d’un phénomène
de voyance d’origine démoniaque, qu’il faut juger exactement comme nous l’avons
fait tout à l’heure pour le spiritisme. Ses dangers sont les mêmes et la Bible
en interdit strictement la pratique: Moise écrit "qu’on ne trouve personne
parmi vous qui s’adonne à la divination, par la magie, qui consulte les
évocateurs et les devins. Toutes ces choses sont en abomination à Yahvé"[140]. Comment
reconnaître un voyant de cette espèce? En général, il est obligé d’accompagner
ses séances par des rites très particuliers: Boule de cristal, cartes de e
tarots, observation du café, des lignes de la main[141],
bref des pratiques rituelles bien étrangères aux grandes religions révélées. Le
démon aime s’entourer de tels sacrements pour deux raisons: D’une part il imite
en cela l’Eglise quand elle honore Dieu. Le démon n’hésite pas à se faire
adorer comme Dieu, si cela lui permet d’éloigner les hommes du vrai Dieu.
D’autre part, il arrive à faire croire aux hommes que ce sont ces pratiques
magiques qui leur permettent de connaître l’avenir, les plongeant ainsi dans la
superstition.
Comme
dans le spiritisme, le démon donne parfois de vraies prophéties de deux
manières: Quand il s’agit d’un événement prévisible, il se contente de se
servir de son intelligence, quand il s’agit d’un accident imprévisible (lié au
hasard) il s’efforce d’en provoquer la réalisation par sa puissance naturelle.
Il nous reste maintenant à parler d’une
troisième forme de voyance, celle qui trouve son origine dans les bons anges ou
même en Dieu. De la même manière que les démons, les anges bons peuvent
connaître l’avenir (dans une certaine mesure quand ils cherchent à le découvrir
par eux même et parfaitement quand Dieu le leur révèle). Mais à la différence
des démons, ils ne se servent pas de ce pouvoir pour séduire les hommes et
mieux les détruire. Ils ne l’utilisent que pour leur bien, dans une entière
soumission à la volonté de Dieu.
La Bible témoigne de
l’existence d’un tel don de voyance[142]. Dans le peuple Juif, le rôle des voyants
était officiel et reconnu. Les rois les consultaient souvent, surtout avant une
bataille et leur intention était pure puisqu’ils cherchaient ainsi à prendre
leurs ordres de la bouche même de Dieu. Chacun savait différencier un voyant de
Dieu d’un voyant du démon: Tout d’abord, les méthodes n’étaient pas les mêmes.
Le voyant ou prophète de Dieu ne cherchait jamais par des pratiques magiques
mais attendaient humblement la venue de l’ange. Bien au contraire, les
nécromants appelaient les esprits par des prières rituelles et des sacrifices.
Cette attitude de foi humble est caractéristique du véritable homme de Dieu.
D’autre
part, toute prophétie venue de la part de Dieu était signée par cette
expression, mille fois reprise dans la Bible: "Parole de Yahvé". Aucun voyant n’aurait osé faire le
blasphème d’attribuer à Dieu ce qu’il savait venir d’ailleurs[143].
Sur ce dernier point, le livre des nombres[144]
nous donne un témoignage de la plus haute importance. Il existait à cette
époque un grand prophète du démon appelé Balaam. Il était connu et craint car
il était aussi un sorcier: ses malédictions s’accomplissaient toujours pour
ceux qu’il maudissait. Sachant cela, le roi Balaq le fit venir afin qu’il
maudisse le peuple d’Israël mais Dieu intervint et ne le lui permit pas. Le
sorcier Balaam fut donc intérieurement contraint de bénir au lieu de maudire:
"Oracle
de Balaam, fils de Béor,
Oracle
de celui qui écoute les paroles de Dieu.
Il
obtient la parole de Dieu et ses yeux s’ouvrent.
Que
tes tentes sont belles, Jacob
et tes
demeures Israël[145]".
Cette prophétie, sortie pourtant de la bouche
d’un sorcier, est signée par Dieu.
Le
Nouveau Testament témoigne lui aussi de l’existence de la voyance d’origine
positive. Saint Paul parle du charisme de prophétie[146].
Dans l’Eglise des premiers siècles, c’était un véritable ministère qui
s’exerçait à la messe, en présence de toute la communauté.
De
nos jours, le charisme de prophétie revient en force. Il se manifeste dans les
nouvelles communautés dites charismatiques. Ces communautés s’efforcent de
vivre à la manière des premiers chrétiens et elles redécouvrent, aussi bien
dans le monde catholique que protestant, la puissance prodigieuse des bons
anges et surtout de l’esprit de Dieu. Mais le charisme de prophétie se
manifeste encore davantage dans les apparitions de la Vierge. En ce qui
concerne les prophéties du futur, l’apparition la plus connue est sans doute
celle de Fatima. Si on analyse le message, donné par la Vierge en Juillet 1917,
on s’aperçoit qu’il s’est entièrement réalisé. "La guerre prendra fin bientôt (un an plus tard). Mais si on ne cesse pas d’offenser Dieu, une
autre bien pire, se déclenchera sous le règne de Pie XI (ce pape fut élu en
1922 soit 5 ans plus tard. Son règne s’acheva en 1939). Lorsque vous verrez une nuit éclairée d’une lumière inconnue, sachez
que c’est le signe suprême que Dieu vous donnera pour vous faire savoir qu’il
va punir le monde pour les crimes qu’il a commis ( au sujet de cette
lumière étrange, voir les journaux du 26 Janvier 1938). Cette punition sera la guerre, la faim et la persécution
(1939-1945).
Pour l’empêcher, je viendrai demander la
consécration de la Russie à mon coeur Immaculée et la communion réparatrice des
premiers samedis. Si on écoute mes demandes, la Russie se convertira et l’on
aura la paix. Sinon, elle répandra ses erreurs par le monde provoquant des
guerres et des persécutions contre l’Eglise (l’URSS fut la première nation
officiellement athée, depuis octobre 1917. Elle n’a cessé de répandre son
athéisme matérialiste, jusqu’à l’élection de Gorbatchev).
Beaucoup de bons seront martyrisés. Le Saint Père
aura beaucoup à souffrir; Plusieurs nations seront anéanties (holocauste Juif,
Tzigane et Polonais; Ici se situe le troisième secret de Fatima, non encore
divulgué par le Saint-Siège). Mais enfin
mon cœur Immaculé triomphera. Le Saint Père me consacrera la Russie qui se
convertira et il sera concédé au monde un temps de paix".
(consécration réalisée solennellement par Jean Paul II, en union avec tous les
évêques du monde le 13 mai 1982 à Fatima)[147].
Devant la grande précision de cette
prophétie qui dévoile en quelques mots les principaux problèmes
politico-religieux du vingtième siècle, on comprend le désir de beaucoup de
connaître le troisième secret de Fatima. Lorsque le
pape Jean-Paul II le révéla en 2000, beaucoup n'ont pas compris sont sens
extrêmement profond et théologique: l'annonce du martyre de la papauté, annonce
déjà explicitement faites par Jésus dans le muystérieux texte qui termine
l'évangile de saint Jean: "Nous
vîmes divers autres évêques, prêtres, religieux et religieuses monter sur une
montagne escarpée, au sommet de laquelle il y avait une grande croix en troncs
bruts, comme s’ils étaient en chêne liège avec leur écorce. Avant d’y arriver,
le Saint-Père traversa une grande ville à moitié en ruine et, à moitié
tremblant, d’un pas vacillant, affligé de souffrance et de peine, il priait
pour les âmes des cadavres qu’il trouvait sur son chemin. Parvenu au sommet de
la montagne, prosterné à genoux au pied de la grande croix, il fut tué par un
groupe de soldats qui tirèrent plusieurs coups avec une arme à feu et des
flèches. Et de la même manière moururent les uns après les autres les évêques,
les prêtres, les religieux et religieuses et divers laïcs, hommes et femmes de
classe et de catégories sociales différentes. Sous les deux bras de la croix,
il y avait deux anges, chacun avec un arrosoir de cristal à la main, dans
lequel ils recueillaient le sang des martyrs et avec lequel ils irriguaient les
âmes qui s’approchaient de Dieu."
Une
telle prophétie ne peut venir simplement de la Vierge ou des anges en tant que créatures. Elle donne trop de détails sur
des événements futurs et contingents pour ne pas venir de Dieu[148].
Le
charisme de prophétie existe encore dans l’Eglise, reçu par des hommes et des
femmes de la part des anges et de Dieu. Comment reconnaître de tels voyants et
voyantes? L’Eglise nous donne quelques signes qui, s’ils ne permettent pas de
conclure entièrement, ne sont pas moins nécessaire au discernement. Le charisme
de prophétie, étant donné par Dieu ou par les anges au moment où ils le
veulent, ne peut être provoqué â volonté par le voyant. Celui-ci peut s’y
disposer [méditation, prière, encens ou comme le faisait le prophète Elisée[149],
écoute de musique] mais il ne peut le provoquer. Ainsi, chez un voyant de Dieu,
il n’y a ni boule de cristal, ni invocation des esprits. Jamais un tel homme ne
forcera le ciel â dévoiler ses secrets.
Nous
pouvons discerner un deuxième signe de l’origine positive du charisme par ses
effets: tout don charismatique donné par Dieu conduit à Dieu. Si une séance de
voyance provoque cet effet (désir de prier, de mieux aimer son prochain), c’est
que Dieu est certainement là. Toutefois, rappelons encore que l’ange des
ténèbres se déguise parfois en ange de lumière[150].
Un
troisième signe peut-être significatif: Les voyants de Dieu ne se font très peu
payer, parfois pas du tout. Ils savent en effet que les biens venus du Seigneur
ne se vendent pas. S’ils demandent de l’argent c’est ce qui leur faut pour
vivre (car tout ouvrier mérite son salaire). Ils ne spéculent pas sur leur
charisme sous peine de voir Dieu et ses anges se retirer immédiatement et à
jamais.
La
Bible nous donne enfin un quatrième signe d’une valeur bien plus importante.
Dans le Deutéronome, on peut lire la phrase suivante: "Comment saurons nous qu’une parole prononcée par un prophète, n’a
pas été dite par Dieu?
Si un prophète a parlé au nom de
Dieu et que sa parole s’accomplit pas, alors Dieu n’a pas dit cette parole là.
Le prophète a parlé avec présomption"[151].
Ce
signe, malheureusement, ne permet pas de discerner la valeur d’une prophétie
concernant un événement futur qu’après sa réalisation. Il a par contre
l’avantage de manifester avec clarté la vanité de certains mouvements religieux
qui appuyant leur autorité sur de prétendus prophètes. Les témoins de Jéhovah
hésitent à parler de leurs origines historiques et pour cause: Les prophètes
qui fondèrent ce mouvement religieux (Charles Russel (1873), Joseph Rutherford
(1919) ) ont prévu la fin du monde pour 1874 puis 1914. Ils ont annoncé ensuite
le retour d’Abraham pour 1925. De si cuisants échecs ont fini par calmer en
partie de tels prophètes sans pourtant les faire s’interroger sur la valeur de
leurs contacts avec Dieu.
A
l’inverse, il nous faut citer ici la valeur exceptionnelle de certaines
prophéties faites par les saints. Sainte Odile écrit aux VII° siècles à propos
de la seconde guerre mondiale:
Ecoute,
écoute, ô frère. J’ai vu la terreur des forêts et des montagnes. L’épouvante a
glacé les peuples. Il est venu le temps où la Germanie sera appelée la nation
la plus belliqueuse de la terre. Elle est arrivée l’époque où surgira de son
sein le guerrier qui entreprendra la guerre du monde et que les peuples en
armes appelleront l’Antéchrist, celui qui sera maudit par les mères pleurant,
comme Rachel, leurs enfants et ne voulant ne pas être consolées.
Le conquérant partira des rives du
Danube. La guerre qu’il entreprendra sera la plus effroyable que les humains
auront jamais subi. Ses armées seront flamboyantes et les casques de ses
soldats seront hérissés de pointes qui lanceront des éclairs pendant que leurs
mains brandiront des torches enflammées.
Il remportera des victoires sur
terre, sur mer et jusque dans les airs, car on verra ses guerriers ailés, dans
des chevauchées inimaginables, s’élever jusque dans le firmament pour y saisir
les étoiles afin de les projeter sur les villes et y allumer des grands
incendies.
Les nations seront dans l’étonnement
et s’écrieront: "D’où vient sa force?".
La terre sera bouleversée par le
choc des combats: les fleuves seront rougis de sang, et les monstres marins
eux-mêmes s’enfuiront épouvantés jusqu’au plus profond des océans.
Les générations futures s’étonneront que ses
adversaires n’aient pu entraver la marche de ses victoires.
Des torrents de sang humain
couleront autour de la montagne, ce sera la dernière bataille (ultima pugna).
Cependant, le conquérant aura
atteint l’apogée de ses triomphes vers le milieu du sixième mois de la deuxième
année des hostilités, ce sera la fin de la première période, dite de victoire
sanglante. Il croira alors pouvoir dicter ses conditions.
La seconde partie de la guerre
égalera en longueur la moitié de la première: Elle sera appelée tempus
diuitionis, la période de la diminution. Elle sera féconde en surprises qui
feront frémir les peuples.
Dans la troisième période, tous les
peuples spoliés recouvreront ce qu’ils ont perdu et quelque chose de plus: La
région Lutèce sera sauvée elle-même à cause de ses montagnes bénies et de ses
femmes dévotes. Pourtant, tous auront cru à sa perte, mais les peuples se
rendront sur la montagne et rendront grâce au Seigneur.
Car les hommes auront vu de telles
abominations dans cette guerre que leurs générations n’en voudront plus jamais.
Malheur pourtant encore à ceux qui
ne craignent pas l’Antéchrist, car il suscitera de nouveaux meurtres. Mais
l’ère de la paix sous le feu sera arrivée et l’on verra les deux cornes de la
lune se réunir à la croix, car en ces jours, les hommes effrayés adoreront Dieu
en vérité, et le soleil brillera d’un éclat inaccoutumé.
Les grands prophètes de Dieu manifestent leur
origine divine par le témoignage d’une vie sainte et par des miracles. Les
voyantes modernes peuvent être discernées selon les mêmes critères. Mais la
meilleure façon, la façon la plus prudente, permettant d’être certain qu’on a
affaire à un voyant qui ne fera pour nous que la volonté de Dieu, c’est
certainement de demander conseil à l’Eglise. Chaque diocèse possède un prêtre
spécialisé dans ces questions. L’exorciste du diocèse est normalement au
courant. Il est alors tout à fait permis, avec son accord, d’aller consulter
Dieu par ses voyants. Aucun mal ne peut en résulter, bien au contraire. Dieu et
ses anges nous connaissent parfaitement et sauront dire les paroles qu’il nous
faut.
La
curiosité est souvent déçue lors de telles séances. Mais les fruits spirituels
ne déçoivent jamais du témoignage donné au début de ce chapitre.
Le
domaine des rêves a de tout temps intrigué l’homme. Des textes très anciens
issus de nombreuses civilisations témoignent de la croyance persistante en
l’existence d’un pouvoir divinatoire durant le sommeil. Sans cesse la Bible
raconte des révélations divines venues par des songes au point qu’elle n’hésite
pas à faire dire à Dieu: "S’il y a
parmi vous un prophète, c’est en vision que je me révèle à lui, c’est dans un
songe ou je lui parle"[152].
Le
phénomène des songes et des rêves prémonitoires n’a pas disparu avec les grands
prophètes de l’Ancien Testament. De nombreux récits contemporains manifestent
au contraire son actualité. Quand le paquebot Titanic partit en 1912 pour son
premier et dernier voyage, plusieurs femmes embarquées avec leur famille firent
dans la première nuit un rêve qui les marquèrent au point qu’elles décidèrent
de descendre à la première escale, avant la grande traversée vers l’Amérique.
Elles virent le naufrage d’une manière si nette que leur intuition féminine y
discerna une prémonition divine. Plusieurs familles furent ainsi sauvées. Les
psychologues expliquèrent après coup le phénomène par l’angoisse superstitieuse
de ces femmes devant la publicité faite au navire qu’on avait proclamé
incoulable. Est-ce bien sûr...?
Les
récits de rêves prémonitoires sont très fréquents. Il n’est pas rare que des
gens affirment, voyant un événement grave à la télévision, en avoir rêvé la
veille. Ce songe ne leur apparaît dans sa qualité de prémonition qu’après coup,
dans sa confrontation avec événement.
Est-il
possible de discerner avant l’évènement ce qui est un simple rêve d’un songe
prémonitoire? Pour répondre à cette question il faut comprendre qu’il existe de
nombreuses espèces de rêves, selon leur origine. Les songes peuvent en effet
dépendre de deux sortes de causes, internes et externes[153].
Quand
il s’agit de causes internes à nous-mêmes, elles peuvent être soit d’ordre
psychique soit d’ordre physique. Freud a beaucoup étudié les rêves d’origine
psychique: l’imagination nous représente durant le sommeil ce sur quoi
nous avons, à l’état de veille, arrêté notre pensée ou notre affection. Cet
effet est d’autant plus grand que notre attention a été davantage prise durant
la veille: celui par exemple qui commet un vol et qui est travaillé par la
honte ou par la peur de se faire prendre risque fort de passer une mauvaise
nuit. Le livre de la Sagesse se plaît à décrire les cauchemars des pécheurs: "Alors qu’ils pensaient demeurer cachés
avec leurs péchés secrets sous le sombre voile de l’oubli, ils furent
dispersés, en proie à de terribles frayeurs, épouvanté par des fantômes, des
spectres lugubres au visage morne qui leur apparaissaient"[154].
Freud appellerait cela un effet du sur-moi. Je préférerais parler ici d’un
effet de la conscience morale.
L’homme
qui durant la veille a été en proie à un désir violent (qu’il soit physique ou
spirituel) risque fort de rêver de l’objet de son désir. Quand il s’agit d’un
violent désir sexuel, il n’est pas rare que l’imagination provoque durant la
nuit des réactions physiques incontrôlées.
De
tels rêves, on le voit, n’ont rien de prémonitoire. Ils n’annoncent pas un
événement futur mais témoignent au contraire de l’existence d’une passion
passée suffisamment forte pour en être la cause.
Le
rêve peut avoir aussi une cause intense physique. Les dispositions du corps
produisent des mouvements de l’imagination en rapport avec elle. L’homme en
voie d’être atteint par le scorbut rêve souvent la nuit d’un repas fait de
fruits et de crudités. Les médecins devraient parfois prêter attention aux
rêves d’un malade pour diagnostiquer son état intérieur.
Mais
les rêves peuvent aussi trouver leur origine à l’extérieur de la personne, que
ce soit par une cause physique ou par une cause spirituelle (démon ou Dieu, par
ses anges).
Les causes physiques sont
nombreuses. Chacun de nous expérimente comment l’imagination intègre tout
naturellement à ses rêves les bruits qui règnent dans la maison: qu’une porte
s’ouvre et nous verrons dans notre rêve une porte. Mais les causes physiques
peuvent être plus mystérieuses, l’influence des planètes ou du magnétisme
terrestre peut provoquer des effets curieux qui, si on sait les interpréter,
donnent des indications analogues à celles que nous avons décrit en parlant de
l’horoscope[155].
Celui qui, par exemple, a un sommeil agité les nuits de pleine lune doit
apprendre à faire particulièrement attention à sa nervosité du lendemain.
Malheureusement, une telle technique psychologique, malgré sa valeur théorique,
est concrètement inutilisable tant les influences planétaires sont fines et peu
discernables.
Quant à l’influence
psychique de nos proches, elle a déjà été étudiée dans le chapitre consacré à la
télépathie. Les cas de rêves liés à ce phénomène sont plus fréquents qu’on ne
le pense surtout quand deux personnes sont proches par l’affection
(épouse-époux) ou par le corps (jumeaux). Si un fils blessé à la guerre, pense
intensément à sa mère, si celle-ci au même moment le voit en rêve, il n’y a pas
vraiment à parler de rêve prémonitoire (car les événements sont simultanés)
mais de télépathie provoquée par un intense état de détresse.
Les rêves prémonitoires,
ceux qui annoncent à l’avance un événement futur, ne peuvent trouver leur
origine que dans une puissance spirituelle supérieure à l’homme. C’est parfois
Dieu qui, par le ministère des anges, fait aux hommes certaines révélations dans
leurs songes. Le doigt de Dieu se reconnaît par l’aspect spontané de la
révélation (les songes issus du démon sont toujours provoqués par un pacte
établi dans le passé avec lui, qu’il soit implicite comme dans la pratique du
spiritisme ou explicite comme dans la sorcellerie).
Le doigt de Dieu se reconnaît aussi quand le
phénomène annoncé est inconnaissable sinon par lui. Le naufrage du Titanic en
est l’exemple parfait: il n’a pas d’autre cause que le hasard de la présence
d’un iceberg sur sa route. Dieu seul le savait.
Ce
sont malheureusement les deux seuls critères dans la plupart des songes
prémonitoires. Ils ne permettent que très rarement une parfaite conscience de
l’intervention de Dieu par ses anges, du moins avant que l’événement annoncé
par le rêve ne se soit produit.
Un troisième critère est malgré tout donné par moments, surtout quand la révélation exige d’être connue avant événement: les anges sont capables de transmettre le songe de telle manière que l’imagination en reste troublé. Le pharaon, lorsqu’il reçut de Dieu l’annonce symbolisant la future famine de son peuple se réveilla en sursaut et s’écria: "voilà que c’était un songe"[156]. St Joseph, époux de la Vierge Marie, ne douta pas un instant d’avoir vu un ange en rêve tant l’image était nette et différente des rêves habituels. Le plus beau des songes prophétiques modernes donné par Dieu à un homme, par l’intermédiaire de ses anges est sans conteste celui que fit saint Jeun Bosco à la fin du XIX° siècle. Sa portée spirituelle ne cesse d’éclairer les Chrétiens du vingtième siècle, dans leur lutte pour conserver la foi, la charité et l’espérance.
Don
Bosco s’était couché après une longue journée de travail dans ses fondations.
Voici qu’il vit en rêve un immense navire, magnifique par la blancheur de ses
voiles. Une tempête terrible se leva et le navire commença à en être malmené.
Il prenait l’eau de toute part et des vagues monstrueuses balayaient à tout
instant ses ponts. Alors apparurent trois colonnes d’une blancheur immaculée.
Le navire s’en approcha et se plaça au milieu du triangle qu’elles formaient.
Dans cet espace, la tempête n’eut plus aucun effet et le navire retrouva la
paix totale.
A
ce moment une voix se fit entendre qui lui donna la signification de sa vision.
Le lendemain, émerveillé, il raconta tout à ses élèves:
Le
navire représente l’Eglise entière ou encore notre âme. La tempête qui se lève
n’est autre que le mal qui nous assaille de toute part pour nous faire sombrer
loin de Dieu. Les vagues déferlantes sont notre propre convoitise, notre
orgueil et notre égoïsme ou encore le monde et ses plaisirs ou encore le démon
et ses tentations.
Les
trois colonnes blanches sont les trois blancheurs que Dieu nous a données, pour
vaincre tous les dangers. La première est le pape, blanc par son vêtement et la
pureté de sa foi. Il est le rocher qui soutient la foi. La seconde est
l’Eucharistie, blanche hostie donnée en nourriture et qui soutient notre
charité, notre amour de Jésus. La troisième est la Vierge Marie, immaculée dans
sa conception, mère toujours présente qui est le soutien de notre espérance.
Celui
qui vit dans son cœur des trois blancheurs ne craindra aucun mal.
Ce
songe de Don Jean Bosco n’a pas besoin d’être reconnu officiellement par
l’Eglise tant sa vérité est évidente. Il fait partie des plus grands messages:
il ne fait pas qu’annoncer des luttes futures pour l’Eglise (la tempête), il en
donne aussi les remèdes.
La puissance du démon peut
aussi provoquer des songes prémonitoires. Mais cette catégorie de rêves n’est
jamais spontanée. Ils sont toujours précédés par une pratique antérieure de
spiritisme ou de sorcellerie.
Une
de mes élèves, passionnée pendant des années par le spiritisme pour lequel elle
avait abandonné sa foi Musulmane, finit par être convaincu du danger de telles
pratiques. Elle décida d’arrêter complètement ses invocations et commença à se
tourner vers Jésus par la prière.
Or
des rêves étonnants commencèrent à l’envahir la nuit, des rêves si nets qu’ils
ne semblaient pas naturels; Elle se voyait par exemple dans un long couloir: à
sa droite, une pièce sombre, à sa gauche une pièce éclairée de brillantes
lumières. Dans chaque pièce, des voix l’appelaient. Comme elle tournait ses pas
vers la pièce éclairée, une voix terrible criait depuis l’autre pièce: "Tu
me trahis mais je t’aurais de nouveau".
Devant
la valeur symbolique évidente d’un tel songe, devant le clair message qui y
était délivré et sa parfaite concordance avec la situation spirituelle actuelle
de cette jeune fille, je n’ai pu que confirmer la grande probabilité de son
originalité supra-naturelle.
S’il
arrive qu’une personne, obsédée dans son sommeil par des songes ou des
prémonitions, se souvient d’avoir contracté un voyant ou un guérisseur douteux,
il se peut effectivement qu’elle soit victime d’un effet satanique. Un tel cas
n’est pas rare et l’Eglise met à la disposition de ceux qui croient des
sacrements et des sacramentaux comme l’eau bénite, par exemple[157], très efficace pour détruire ce genre de
phénomènes. Dieu se plaît à chasser le démon par des moyens aussi humbles, du
moins s‘il rencontre la foi dans le cœur qui l’appelle à l’aide. Il est très
rare que les songes se poursuivent après un tel acte de foi. S’ils se
poursuivent, il peut être bon de consulter un prêtre qui saura, selon les cas,
orienter la personne vers un exorciste ou vers un psychologue.
Saint
Thomas conclut ainsi: "User des songes pour connaître l’avenir est chose
légitime s’il s’agit:
1) des songes provenant d’une révélation
divine;
2) des songes qui dépendent d’une cause
naturelle interne ou externe, pourvu qu’on n'aille pas au-delà des limites où
s’étend son influence. Mais si le songe divinatoire a pour origine une
révélation diabolique, par suite d’un pacte exprès avec les démons invoqués
(sorcellerie) ou d’un pacte tacite (spiritisme), la divination s’étendant
au-delà des limites auxquelles elle peut prétendre, il y a superstition et
péché"[158].
Quand
il s’agit de songes ayant une origine supra-naturelle (ange, démon ou Dieu), la
question de leur interprétation se pose d’une manière beaucoup plus radicale
que pour tout songe d’origine naturelle[159].
Certains s’expliquent d’eux-mêmes car ils sont accompagnés d’une révélation
intellectuelle tel le songe de Saint Jean Bosco. D’autres, au contraire se
présentent comme une suite d’images symbolique apparemment décousues et dénuées
de sens. C’est le cas du livre de l’Apocalypse dans son ensemble.
La
plupart des songes suscités par Dieu et ses anges ou au contraire par les
démons, se réfèrent dans leur structure à la Bible. Les symboles habituels à ce
grand livre y reviennent constamment.
Voici,
par exemple, un songe fait par Sainte Hildegarde en 1148: "Je vis alors,
proche de l’ouest, tourné vers l’est, une figure dont le visage et les pieds
rayonnaient d’un tel éclat que mes yeux étaient éblouis. Sur sa robe de soie
blanche, elle portait un manteau vert, richement orné de gemmes les plus
diverses. A ses oreilles un pendentif, un collier sur sa poitrine, aux bras des
anneaux des bijoux d’or fin sertis de gemmes[160]".
Sainte
Hildelgarde est une religieuse bénédictine. Elle écrivit quatre ouvrages de
révélations venues de Dieu: Connais
les Voies, le Livre des Mérites, le Livre des Oeuvres Divines et l’Opération de
Dieu. Ce texte, comme beaucoup d’autres, paraît au moins aussi
hermétique que ceux de l’Apocalypse qui lui ressemblent.
Voici
l’interprétation qu’elle en reçu des anges: "La figure que tu aperçois ici
près de l’ouest, là où s’achève la sottise et où se lève la justice, c’est la
Sagesse de la vraie béatitude. Son commencement et son terme dépassent
l’intelligence de l’homme, car sa même lumineuse prescience en prévoit le début
et la fin. Sa robe de soie blanche, c’est le fils de Dieu qui s’incarne dans la
virginale beauté et qui étreint l’homme de la blancheur et de la suavité de son
amour: les modalités inconnues à l’homme, seul Dieu les connaît. Si le manteau
est vert, orné de pierres précieuses, c’est que la sagesse ne rejette pas ces
créatures extérieures dont l’esprit meurt avec la chair: animaux et plantes.
Elle les fait croître, elle les préserve, car elles protègent l’homme de
l’esclavage, en assurant sa nourriture. Elles portent aussi les ornements de la
sagesse: C’est qu’elle n’outrepasse pas leur nature à la différence de l’homme
qui transgresse souvent le droit chemin qui lui est réservé".
Quel
homme aurait pu trouver par lui-même une telle interprétation à ces symboles?
On comprend en lisant ce texte et son interprétation, qu’il faut non seulement
posséder une très riche théologie des symboles (et une telle théologie demande
des années de travail tant elle est variée); Mais qu’il faut aussi, du moins
dans ce cas, être instruit indirectement par Dieu de ce qu’il a voulu dire. La
Bible confirme cette nécessité d’une aide de Dieu dans l’interprétation des
songes prophétiques: "Nul ne peut
interpréter une parole inspirée s’il n’est pas lui-même inspiré." Un
tel charisme est-il appelé par Saint-Paul "L’interprétation"[161].
Beaucoup
plus facile est l’interprétation des songes prophétiques qui annoncent des
événements futurs. Il ne s’agit plus alors de pénétrer, comme chez Sainte
Hildegarde, dans les mystères divins; le songe reste au niveau de la
compréhension de l’homme. Dans ce cas, une simple théologie symbolique doit, la
plupart du temps, suffire. Pharaon vit sept beaux épis, bien gras et bien dorés
sortir du Nil. Ils furent suivis par sept épis maigres et brûlés qui les
dévorèrent[162].
Joseph en donna une interprétation qui nous paraît simple après coup mais
qu’aucun des magiciens du roi n’avait réussi à donner: sept années d’abondantes
récoltes suivies par sept années de sécheresse. S’il sauva ainsi la vie au
peuple Egyptien, on peut se demander en regardant la Bible si son intelligence
des songes lui vint de Dieu ou de sa propre connaissance des symboles.
Une
révélation divine peut être mal interprétée. Par exemple, Jeanne d’Arc ayant
demandé à ses voix si elle serait brûlé, elles lui répondirent de s’en remettre
à Notre Seigneur, qu’il l’aiderait et qu’elle serait délivrée par grande
victoire; Or elle croyait que cette victoire serait sa délivrance de prison. Ce
fut en réalité son martyr et son entrée au ciel.
Une
révélation peut être inconsciemment altérée par le voyant lui-même au moment où
il cherche à l’expliquer ou, plus encore par ses secrétaires. Sainte Brigitte
reconnaît elle-même que parfois elle retouchait ses révélations pour mieux les
expliquer; Or ces explications ne sont pas toujours exemptes d’erreurs.
Bien souvent, les
révélations concernant la foi, ne s’expliquent qu’à la lumière de la théologie
de l’Eglise ou de l’écriture sainte. Quant à celles qui portent sur le futur on
ne les comprend bien qu’après l’événement passé. La célèbre prophétie des papes,
attribuée à Saint Malachie et qui a souvent impressionné les souverains
pontifes, est de cet ordre. Il s’agit d’une liste de devises que chaque pape se
voit attribuer selon la succession de leur règne. Chaque devise est obscure
mais s’éclaire au moment de l’élection ou après la mort du pape. Voici quelques
exemples significatifs.
Peregrinus Apostolicus: Pie VI
(1115-1199), ce pape fut déporté par la révolution française et transféré
d’exil en exil: il devint bien le "pèlerin apostolique" de sa devise.
Aquila Ropax (l’Aigle Ravisseur): Pie
VII (1800-1823). Napoléon se leva durant son règne et pris pour emblème
l’aigle. Arrivé au faite de sa gloire, ayant soumis les rois, il restait à
Napoléon de contraindre le pape. Le pape résista. L’aigle l’enleva et le
contraint à la prison de Fontainebleau.
Ignis Ardens (le feu ardent): Saint-Pie
X (1903-1914). Sa canonisation parle assez pour expliquer sa devise.
Religio Depopulata (la religion
dépeuplée): Benoît XV (1914-1922), pape de la guerre 14, la grande guerre qui
dépeupla l’Europe chrétienne.
Fides Intrepida (la foi intrépide): Pie
XI (1922-1939). Pape de la montée du nazisme qu’il n’hésita pas à condamner,
dès sa naissance, par l’encyclique en Allemand "Mit brennenden
Sorge". Il condamna aussi le Stalinisme.
Pastor et Nauta (le Pasteur et le pilote
du Navire): Jean XXIII (1958-1965): pape du Concile Vatican II qui mena
l’Eglise tel un berger et un guide dans le renouveau du XXe siècle.
De Mediatate Lunae (la moitié de la
lune): Jean-Paul Ier qui ne dura effectivement qu’un demi-règne, une demi-lune
(33 jours).
De Labore Solis (le Travail du Soleil):
Jean-Paul II qui tel le soleil levant évangélisa le monde par ses voyages
apostoliques.
La
prophétie se termine ainsi: De Gloria
Olivae (la Gloire de l’Olivier): 111iéme pape de la prophétie. Sa devise ne
s’explique pas encore puisqu’il n’est pas élu bien qu’on puisse penser à un
rapport avec le peuple d’Israël, que l’on appelle l’olivier de Dieu. Il pourrait être le pape de la réalition d'une des prophéties
de l'Evangile sur Israël. Ce pape est le dernier de la liste. La
prophétie dit enfin: "Dans les
dernières persécutions, la Sainte Eglise Romaine sera gouvernée par Pierre le
Romain qui fera paître les brebis dans de nombreuses tribulations. Ces
tribulations passées, la cité aux sept collines (Rome) sera détruite et le juge
terrible jugera le peuple". Est-ce la fin du monde, est-ce la fin d’un
monde (la fin visible de l'Eglise?)? Est-ce le
retour de Jésus dans sa gloire? Est-ce la venue de l’Antéchrist?
Mieux
vaut ne pas trancher, mais espérer et prier.
Comme
pour tous les phénomènes prodigieux, il est plus fréquent d’avoir affaire à des
illusions qu'à des réalités. Les psychologues et
les psychiatres ont de nombreux exemples dans leurs dossiers.
Une
simple frayeur par exemple, peut transformer une inoffensive créature en un
monstre effrayant. Bien des légendes superstitieuses sont nées par ce
truchement. Au plan psychiatrique, on connaît de mieux en mieux ces formes de
maladie qui suscitent de véritables hallucinations visuelles et auditives.
Certains
psychiatres, poussant jusqu’au bout ce qu’ils ont observé dans leur métier,
n’hésitent pas à faire de Jeanne d’Arc avec ses voies, une illuminée. Il est
bien évident qu’ils vont trop loin. L’Eglise de son côté, reconnaît la réalité
de certaines apparitions. Leurs origines peuvent être encore une fois
multiples. Avec le domaine des apparitions nous avons donc un nouveau chapitre
de la merveilleuse complexité du monde, dans un nouveau domaine où le
discernement des esprits est indispensable.
Quand
l’Eglise se trouve obligé d’enquêter sur une nouvelle apparition, sa première
attitude est la méfiance. Elle doit s’efforcer de rejeter tout ce qui est
supercherie; C’est pourquoi elle ne reconnaît jamais une apparition sans que
Dieu l’ait confirmée par un miracle indiscutable, un miracle dont l’origine est
nécessairement divine[163].
On peut en effet singer une extase, mais pas un véritable miracle. L’Eglise
doit aussi s’efforcer de rejeter ce qui n’est qu’un effet d’une psychologie
déséquilibrée. Elle n’hésite pas pour cela à faire appel aux spécialistes de ce
domaine de qui elle attend des certificats de santé mentale. Presque tous les
voyants des apparitions jusqu’ici reconnus sont passés par là, quelquefois par le fait des autorités civiles (Lourdes,
Fatima) et c’est une bonne chose.
Mais
elle sait qu’il peut exister des apparitions réelles dont l’origine n’a
pourtant rien de divine. Elles peuvent être soit naturelles, soit d’origine
démoniaque. Certains parapsychologues pensent que des hommes particulièrement
doués sont capables, par la seule puissance de leur imagination, de
matérialiser les images qu’ils ont dans la tête. Les ectoplasmes font parties
de ces apparitions fantomatiques.
En
1920, des expériences furent tentées avec le concours du médium polonais Franck
Kluski. Homme d’une grande intelligence, instruit et polyglotte, écrivain et
poète, il se prêta avec le plus grand dévouement aux vérifications
scientifiques. Kluski avait besoin d’être dans un état de demi-transe. Il
restait donc moitié conscient mais le moindre effort d’attention active faisait
aussitôt cesser les phénomènes. Dans la demi-obscurité de la pièce, on voyait
alors apparaître des formes fantomatiques, parfois des corps entiers parfois
des membres (main, visages etc.). Le but de l’expérience était d’obtenir des
moulages des membres matérialisés, suivant un procédé inventé en 1875; On
dispose, à proximité du médium, un baquet rempli d’eau très chaude sur laquelle
surnage une couche de paraffine liquéfiée. Si une main ectoplasmique plonge
dans le baquet, elle ressort couverte d’une mince couche de paraffine qui se
solidifie rapidement au contact de l’air, puis, se dématérialisant, elle
abandonne sur la table le gant de paraffine ainsi formé. Ils ont une très fine
épaisseur, inférieure à un millimètre. Ils sont d’une fragilité extrême et les
expérimentateurs devaient le manier avec de grandes précautions pour les
remplir de plâtre et obtenir un moulage.
L’ensemble
des conditions de contrôle excluaient toute possibilité de fraude. On obtint de
cette manière plusieurs "mains" de plâtre, comportant tous les
détails anatomiques (plis de la peau, sillons, lignes et ongles). Toutes les tentatives faites par les moyens les plus divers
pour reproduire ces gants de paraffine échouèrent.
L’ectoplasme
est une forme matérielle faite par la condensation de l’air ou à partir d’une
écume sortant de la bouche du médium. Elle ne survit pas à la fin de la transe
et se désintègre immédiatement.
L’origine
naturelle des ectoplasmes a été mise en doute par certains. Leurs arguments ont
du poids parce qu’ils ont remarqué que de tels phénomènes ne se produisaient
pas sans une évocation préalable des esprits (spiritisme). Il n’en demeure pas
moins qu’ils ne subsistent qu’en se nourrissant de l’énergie du médium, ce qui
semble témoigner de leur lien avec l’homme.
L’ange
peut, quant à lui, apparaître sans qu’il soit nécessaire de faire appel à un
médium. Saint Thomas s’est efforcé d’étudier les multiples façons dont le démon
pouvait apparaître. Ses conclusions sont étonnantes et elles sont confirmées
par des exemples tirés de toute l’histoire de l’Eglise. Nous avons déjà montré
la facilité avec laquelle le démon pouvait se manifester dans le spiritisme: En
frappant des coups (langage codé), en déplaçant un verre vers des lettres pour
former des mots, en inscrivant une voix sur un magnétophone, une image sur une
cassette vidéo, en apparaissant dans des songes. Le Moyen Age connaissait la
possibilité de manifestations encore plus directes. Les cas d’apparitions
physiques du démon, sous forme humaine ou animale, sont fréquemment attestés.
La Bible elle-même décrit l’apparition de l’ange Raphaël (qui n’est pas un
démon) sous forme humaine à Tobie.
Saint
Thomas d’Aquin montre que les anges, par leur puissance naturelle, sont non
seulement capables d’agir sur l’imagination de l’homme et apparaître dans sa
tête, mais aussi d’assumer un corps visible de l’extérieur. Il peut donc y
avoir de véritables visions corporelles des anges. Il ne s’agit bien sûr pas
d’un corps vivant (hormis cas de possession) mais d’un corps apparent, parfois
fait de lumière (donc impalpable) parfois fait par la synthèse de matières qui
le rend palpable et lui donne l’apparence d’un corps vivant. Il ne s’agit que
d’une apparence, comme le confirme l’ange du livre de Tobie: "Tu as cru me voir manger, mais ce
n’était qu’une apparence". L’ange comme le démon ont le pouvoir
d’apparaître sous la forme qu’ils désirent. Sainte Bernadette, à Lourdes,
savait que le démon se déguise parfois en un ange de lumière. C’est la raison
pour laquelle dans sa foi toute simple, elle s’efforça de vérifier la sainteté
de l’apparition en lui lançant de l’eau bénite, en faisant son signe de croix.
Elle savait que le démon fuit d'humbles gestes où Dieu est présent.
La
théologie traditionnelle attribue la plupart des apparitions réelles au
ministère des anges bons ou mauvais. Quand, dans la Bible, Dieu se rend
visible, il laisse aux anges habituellement le soin de façonner une image qui
symbolise son invisibilité. Quant aux apparitions de saints ou de morts, elles
sont, avec la permission de Dieu, soutenues par les bons anges qui sont là pour
pallier à l’incapacité naturelle de tout homme mort à se rendre visible.
Dans
ma famille, qui n’a pourtant rien de chrétienne, on raconte plusieurs cas
d’apparitions de ce genre et il me parait bien difficile de mettre en doute la
parole des intéressés.
Une
grand-mère fut témoin de l’une d’elle. Elle avait eu la douleur de perdre son
premier mari en 1914 après 6 mois d’un mariage d’amour brisé par la guerre.
Cinq ans après ce drame, un homme la demanda de nouveau en mariage. Elle
hésitait dans son désir de rester fidèle à ses souvenirs. Un soir, alors
qu’elle s’occupait de soins domestiques, elle eut l’impression d’une étrange
présence derrière elle, une présence douce et réconfortante. Se retournant,
elle vit la main de son premier mari ou plutôt elle la reconnut à l’alliance
caractéristique qu’elle portait. Elle perçut en elle sa voix qui lui disait:
"Ne t’inquiète pas. Vis ! Je te protégerai toujours". Ce genre
d’expérience n’est pas exceptionnel même s’il semble que Dieu les réserve avant
tout aux humbles.
Seule
la Sainte Vierge et Jésus peuvent apparaître par leur propre puissance,
puisque, selon la foi catholique, ils sont actuellement au Ciel avec leur corps
physique[164].
Cependant leurs corps ne se trouve pas dans le même état que le notre. Il est
glorifié, c’est-à-dire puissamment élevé par Dieu au-dessus de tout ce que nous
pouvons imaginer. Il est entièrement soumis à leur volonté. Ceci explique que
la vierge n’apparaisse pas toujours avec le même visage, la même couleur de
cheveux. Elle adapte sa beauté à ce qu’elle veut dire et au goût de ceux à qui
elle apparaît. Elle apparaîtra noire en Afrique et blanche en Europe.
Parmi
les multiples apparitions de la Vierge Marie ou de Jésus, l’Eglise ne reconnaît
donc que celles qui offrent les trois critères de certitudes déjà décrits
(conformité avec l’évangile, fruits spirituels positifs, miracle divin pour
confirmer).
La
toute dernière apparition de la Vierge reconnue
date de 1973: Elle eut lieu au Japon à Akita. Une statue de la vierge, faite
dans un tronc de bois, se mit à pleurer devant le regard ébahi d’un couvent de
religieuses. L’évêque fut vite appelé et il constata le prodige. Lui-même fit
appel à des autorités scientifiques qui vinrent avec leurs instruments. Ils
passèrent la statue aux rayons X sans y détecter le moindre trucage. Ils
analysèrent les larmes "qui apparaissaient sur les yeux sans qu’aucun pore
n’ait pu être descellé et montrèrent qu’ils s’agissaient bien de larmes
humaines; elles contenaient même des cellules lacrymales mortes. Les
scientifiques conclurent à l’existence d’un phénomène inexplicable. Aux yeux de
l’évêque, ce miracle notoire ne venait que confirmer la vérité des déclarations
d’une soeur, qui prétendait depuis deux ans recevoir des messages de la Vierge
Marie. Voici l’un des messages reçus par Soeur Agnès (13/10/l973): "Ma fille bien-aimée, écoute bien ce
que je vais te dire maintenant et transmets-le à ton supérieur. Comme je l’ai
annoncé précédemment, si les hommes ne se convertissent pas, le Père laissera
tomber sur toute l’espèce humaine un grand châtiment. Sans aucun doute, ce sera
une punition terrible, plus grave que le déluge, telle qu’on n'en a encore
jamais vu. Le feu tombera du ciel. Par ce châtiment, une grande partie de
l’humanité sera anéantie. Les prêtres mourront comme les fidèles. Les hommes
qui seront épargnés connaîtront de telles souffrances qu’ils envieront ceux qui
sont morts."
"Alors la seule arme oui restera sera
le rosaire et le signe laissé par le Fils (le signe de la croix).
Chaque jour, récitez la prière du
rosaire. Avec la prière du rosaire, priez pour les évêques et pour les prêtres.
L’action du démon a pénétré jusque dans l’Eglise. Les cardinaux se dresseront
contre les cardinaux, les évêques contre les évêques. Les prêtres qui
m’honoreront seront méprisés, vilipendés, combattus par leurs confrères.
L’autel, l’Eglise seront saccagés. L’Eglise sera remplie de gens à
compromission. Par l’action du démon, beaucoup de prêtres et de religieux
abandonneront leur vocation. Le démon s’acharnera tout spécialement contre ceux
qui seront offerts au Père. La perte de beaucoup d’âmes est la cause de ma
douleur. Si les péchés continuent à se commettre et dépassent la mesure
actuelle, même le pardon du péché finira par disparaître.
Avec courage, transmets ce message à
ton supérieur. Récitez beaucoup de rosaires. Moi seule, je puis vous sauver
encore des malheurs qui s’annoncent. Quiconque mettra sa confiance en moi sera
sauvé".
Cette
dernière phrase du message a passablement indisposé quelques théologiens du
Japon. Comment peut-on appuyer sa confiance sur Marie? Va-t-elle prendre la
place de Jésus et de Dieu? C’est pourtant bien simple, il ne s’agit pas du tout
de prendre la place du christ, il s’agit seulement de reconnaître la médiation
toute-puissante de Marie, voulue par le Ciel[165].
Le
message est donc parfaitement catholique, sa portée est hautement spirituelle
puisqu’il ne fait qu’inventer à la prière et à l’humble obéissance à l’Eglise.
Confirmé
par le miracle des larmes, l’Eglise par la voix de Monseigneur Jean Ito
Shojiro, évêque de Niigata, ne pouvait que confirmer l’authenticité de cette
apparition mariale. Il mit dix ans pour se prononcer, dix ans d’une enquête
précise et sérieuse. Toutes les hypothèses furent passées en revue, depuis
celle d’une faculté exto-plasmique[166]
de sœur Agnès, en passant par un prodige démoniaque. Aucune de ces hypothèses
ne put résister à l’analyse théologique.
Sainte
Bernadette, quand elle vit la Vierge Marie, fut saisie par une extase d’une
telle intensité qu’elle semblait hors du monde. Elle tenait un cierge dont la
flamme vint lécher, pendant un long moment, la paume d’une de ses mains. A la
fin de l’apparition, les médecins eurent beau chercher, ils ne virent aucune
trace de brûlure. L’extase est un phénomène, que beaucoup considèrent comme le
signe de la présence de Dieu. Ils ont tort, et l’Eglise se montre bien plus
prudente qu’eux. Les extases accompagnent pourtant la plupart des apparitions
authentiques. La cause en est simple: pour rencontrer les habitants de l’autre
Monde, l’esprit doit en quelque sorte quitter ce monde ci, s’en abstraire.
L’esprit et la sensibilité doivent donc être ravis au-dessus de leur niveau
habituel de perception. Les Prophètes de la Bible décrivent ce phénomène: "L’Esprit m’enleva entre Ciel et
Terre, et m’amena à Jérusalem dans les visions de Dieu"[167].
Certaines extases sont absolues, en ce sens que la personne ne voit plus rien
et n’entend plus rien de ce monde. Saint Paul connut le jour de sa conversion
un tel ravissement: "Il faisait
route et approchait de Damas, quand soudain une lumière venue du ciel
l’enveloppa de sa clarté. Tombant à terre, il entendit une voix qui disait:
"Saül, Saül, pourquoi me
persécutes-tu?"
"Qui
est tu Seigneur? demanda t-il".
"Je
suis Jésus, que tu persécutes"
La vision de cette lumière bouleversa Saint
Paul au point de faire de lui le plus grand apôtre de l’Eglise. Quatorze ans
plus tard, en en parlant, il dira avoir été élevé dans le troisième Ciel. Le
troisième Ciel est, selon Saint Thomas, le domaine des visions purement
intellectuelles, c’est-à-dire celui des visions les plus élevées que puisse
connaître un homme sur cette terre. Pour voir cette Lumière, l’homme doit être
à un tel point abstrait de son corps qu’il ne sent même plus qu’il en a un: "Etait-ce avec mon corps, était-ce sans
mon corps? Je ne sais" dira Saint Paul. Autre interprétation: Lorsque l'on reconstitue les étapes des
divers purgatoires qui conduisent à la vision de Dieu (le septième Ciel), on en
trouve six: 1° La vie terrestre; 2° le shéol des âmes errantes; 3° L'apparition
du Christ dans sa gloire; 4° 5 et 6° Les trois purgatoires mystiques de sainte
Catherine de Gênes. Selon cette Vision, en montant au troisième Ciel, on peut
dire que saint Paul a u le Christ dans sa gloire sensible et, par cette gloire
sensible, il a compris son âme[168].
Saint Jean, lui aussi, connut une extase
totale: "Moi, Jean, votre frère et
votre compagnon dans l’épreuve la royauté et la constance de Jésus. Je me
trouvais dans l’île de Patmos, à cause de la parole de Dieu et du témoignage de
Jésus. Je tombais en extase, le jour du Seigneur, et j’entendis une voix clamer
derrière moi, comme une trompette. Ce que tu vois, écris-le dans un livre, pour
l’envoyer aux sept Eglises." C’est ainsi que débute le livre de
l’Apocalypse[169].
Les visions de saint Jean sont toutes d’ordre symbolique. Il les reçut dans son
imagination (et non dans son intelligence comme saint Paul) à la manière d’un
film qui défilait devant lui. Saint Thomas d’Aquin appelle une telle élévation
le deuxième ciel. L’extase y est nécessaire pour que les visions envoyées par
Dieu ne soient pas confondues avec la réalité habituelle.
La
plupart des apparitions de la Vierge se situent à ce niveau. Dieu, par ses
anges, élève les facultés sensibles des voyants, pour les rendre capables de
voir, d’entendre à des degrés supérieurs à la normale. Ils voient donc la
Vierge, alors quelle est invisible aux autres. Mais cette extase sensible a
pour effet de rendre le monde habituel invisible aux voyants. Ils sont alors
plongés dans une autre dimension du sensible. Bernadette connut de telles extases
à Lourdes.
Certaines
apparitions ne nécessitent pas une extase, car Dieu s’abaisse à les produire
dans notre mode habituel de connaissance. C’est ainsi que Daniel, l’un des
prophètes de la Bible, vit, avec de nombreux témoins une main apparaître et
écrire sur un mur la condamnation d’un roi[170]. C’est ainsi que les foules de Fatima
virent le soleil danser sur lui même, émettant dans toutes les directions des
éclats multicolores. La célèbre apparition de Pontmain, en Mayenne, est de ce
type[171].
Deux enfants, Eugène et Joseph Barbedette, étaient en train de préparer du
fourrage pour la jument. Il était 17 heures le 7 Janvier 1871. La guerre
battait alors son plein, et les Prussiens assiégeaient Paris. Eugène sortait de
la grange, quand il remarqua, de l’autre côté de la route, au-dessus de la
maison de la famille Guidecoq, à six mètres environ du toit, une Dame
souriante, qui semblait flotter dans le ciel. Ses bras étaient ouverts, et elle
était vêtue à l’orientale: elle portait une robe bleue, avec de grandes manches,
parsemée d’étoiles d’or, et un large manteau. Elle avait sur la tête un voile
noir sur lequel était posée une haute couronne en or. Après avoir contemplé
l’apparition pendant quelques minutes, le garçon appela Jeannette, une femme du
pays, qui passait par là. Il lui dit de regarder en haut, pour admirer la Dame.
Mais la femme ne vit rien. Seul Joseph, que son frère avait également appelé,
eut la même vision qu’Eugène. Leur père tenta à son tour de se rendre compte de
ce qui se passait et ne vit rien. Seuls les enfants du village verront la fin
de l’apparition. Seuls, ils liront le message laissé par la Vierge: "Mais,
priez, mes enfants, Dieu vous exaucera en peu de temps: mon fils se laisse
toucher"[172].
L’apparition
dura trois heures un quart, sans qu’aucun état extatique ait été constaté chez
les enfants. Ils voyaient à la fois la Vierge et les adultes qui l’entouraient,
comme si ces deux mondes n’en faisaient qu’un. Au jugement de l’évêque en 1872,
puis de l’Eglise en 1920, leur vision fut reconnue comme authentique. Saint
Thomas aurait dit qu’ils avaient atteint le premier ciel, c’est-à-dire un état
de vision prophétique n’atteignant que leurs sens externes.
L’extase,
quand elle se produit, s’accompagne généralement de phénomènes secondaires
vérifiables: le corps devient impassible. Les voyants de Garabandal (apparition
non encore reconnue par l’Eglise) pouvaient tomber à genoux. Sur des rochers
tranchants sans qu’aucune trace de coupure ne marque leurs genoux. Le corps
devient pesant, à cause de son lien indissociable avec l’apparition: plusieurs
hommes forts n’arrivent pas à déplacer un enfant témoin d’une apparition. Le
corps peut devenir au contraire agile (lévitation): les enfants de Garabandal
montaient en courant vers le lieu de l’apparition, sans éprouver le moindre
essoufflement, la moindre fatigue, la moindre transpiration. Ils épuisaient les
plus robustes, qui s’efforçaient de les suivre. Le corps devient parfois
lumineux. Il dégage une beauté surnaturelle, qui semble venir en droite ligne de
la beauté de la vision contemplée. Les enfants de Medjugorje (Yougoslavie) ont
des expressions dans leurs extases, que la photographie elle-même n’arrive pas
à rendre.
En
résumé, une extase religieuse rend la personne entièrement et viscéralement
liée à la vision dont elle est témoin. Elle est comme saisie par elle.
L’histoire de l’Eglise et les témoignages des
philosophes manifestent malheureusement l’existence d’extases dont l’origine
est bien différente. On sait de nos jours qu’il est possible de bien des
manières de provoquer à volonté des états où la personne semble sortie d’elle
même, pour un monde autre. Ces extases naturelles plongent dans un monde
imaginaire, et leurs conséquences sont toujours négatives[173].
Des
mouvements comme le New Age ont su, par contrôle scientifique, éliminer ce
qu’elles ont d’excessif, retrouvant de cette manière les anciennes sagesses
bouddhiques de la paix psychique.
Malheureusement,
le New Age, en se proclamant religion de l’avenir, en s’exaltant au-dessus de
toutes les religions au non de cette découverte, en séduisant les masses par
des arguments pseudo-théologiques, ne fait que supprimer un peu plus la
présence de Dieu dans les coeurs. Il la remplace par un Nirvana où Dieu n’est
pas.
Certaines
drogues provoquent uniquement le plaisir. D’autres, au contraire, sont capables
de faire voyager dans un monde nouveau où tout est beau. Le toxicomane est
alors plongé dans des jardins magnifiques, des paysages grandioses, où il
voudrait toujours rester. Une fois sorti de son voyage, le souvenir du bonheur
éprouvé l’encourage à recommencer, l’entraînant dans un cycle de fuite du réel
de plus en plus indispensable. Il s’agit d’une véritable extase, et d’un
ravissement hallucinatoire. D’autres méthodes permettent un résultat quasi-analogue:
L’Afrique traditionnelle maîtrise les rythmes du tamtam. Elle sait qu’un rythme
judicieux, accompagné de tout le corps par la danse, peut conduire à un état de
transe extatique. La personne est hors d’elle-même. Les traditions populaires
prétendent qu’un tel état favorise la manifestation des esprits des morts. Ajoutons que certaines drogues semblent pouvoir provoquer un
état de décorporation analogue à celui que nous avons décrit dans les Near
Death Experiences. Mais, à cause de leur origine artificielle, ces
décorporation n'ont de ressemblance que matériellement. Loin de mener à une
expérience mystique, elles plongent le témoin dans ses propres nœuds
psychiques. Nous sommes ici en présence non du passage vers l'autre monde, mais
d'une expérience fugace de l'errance entre les deux mondes.
Des
extases naturelles peuvent être provoquées par une pratique mal orientée de la
prière. Les mouvements charismatiques modernes ont parfois été confrontés de
telles aberrations: tout jeune converti, en découvrant la présence du Seigneur,
reçoit de lui des effusions sensibles. La prière des débutants est pratiquement
toujours accompagnée de ce plaisir sublime, qui rend l’oraison facile et
légère. Dieu, par ce moyen, ne vise qu’à ancrer à jamais son enfant dans le
désir de s’approcher de lui. Malheureusement, certaines personnes mal
conseillées finissent par s’attacher davantage à ce plaisir qu’a Dieu Lui-même.
A leurs yeux, une oraison non accompagnée de cette exaltation sensible leur
parait une mauvaise oraison. Ils en finissent par oublier que le seul Bien est
Dieu, que le seul but est de l’aimer, dans la douleur ou dans la joie.
A
force de chercher fiévreusement le plaisir ressenti aux moments les plus
marquants de leur rencontre avec Dieu ils finissent par découvrir qu’il est
possible d’exalter à volonté sa sensibilité. Ils le font inconsciemment,
confondant leur propre action sur leur corps avec la présence de Dieu. Or, il
ne s’agit que d’une technique, en rapport avec la respiration, et conduisant à
une certaine tension sur la poitrine et sur le cerveau. Dans les cas les plus
fréquents, il en résulte un état quasi permanent de bouillonnement sensible.
Dans certains cas rares, on assiste à des transes, à des comportements exaltés,
parfois à des convulsions ou même des hallucinations. Il s’agit d’une véritable
maladie, dont les conséquences touchent aussi l’esprit. L’Eglise n’a cessé de
mettre en garde contre l’illuminisme qui guette les spirituels. Il s’agit de
cette fausse certitude, appuyée sur l'expérience sensible de ce qu’on croit
être Dieu, d’être immédiatement en contact avec l’Au-delà. Aux yeux des
illuminés, l’Eglise et sa prudence sont inutiles et gênantes puisqu’on est
persuadé d’être immédiatement instruit par Dieu.
Ces
extases psychologiques ouvrent très souvent la voie à l’action du démon.
L’Abbaye de Port-Royal fut jadis confrontée, à ce problème: certains illuminés,
après avoir exalté leur sensibilité, furent victimes de convulsions. On
s’aperçut vite de la présence du démon à cause de l’efficacité des exorcismes
pratiqués. Comme dans presque tous les cas de phénomènes psychologiques
aberrants, le démon trouve un terrain tout préparé à son action. C’est la
raison pour laquelle les sorciers africains ou vaudous aiment à provoquer des
états de transe, pour faciliter la venue de l’esprit qu’ils invoquent. Le Père
Régimbald a dénoncé dans les années 1980, des pratiques modernes analogues dans
des concerts de Hard Rock. On a pu constater que certains rythmes de batteries
étaient capables, aidés par l’ambiance d’une salle échauffée, de conduire dans
de tels états. Chez des sujets fragiles, particulièrement sensibles aux
influences musicales, la transe peut s’orienter vers des aberrations d’ordre
sexuel, antisocial ou encore vers une exaltation de la violence, du désir de
prendre de la drogue ou de se suicider. Le Père Régimbald montre que certains
concerts, après cette préparation psychologique, entrent dans une phase
autrement dangereuse. Les chanteurs se livrent ouvertement à des rites
d’invocation des esprits: messes noires, parodies de sacrifices d’animaux. Ceux
qui, dans le public, sont déjà saisis par la transe, semblent entièrement
dépendants de la volonté des chanteurs. Ils obéissent parfois à leurs ordres
les plus cachés, que le Père Régimbald appelle "des messages
subliminaux". Il s’agit d’ordres codés sous de vers de chansons
apparemment anodines. Une des chansons du groupe Led Zeppelin, "Stairway to Heaven", contient
le vers suivant: "Lorsque je regarde vers l’Ouest, mon esprit crie pour
s’en aller". En passant le disque à l’envers, le message est distinct:
"Parce que je sais qu’ils doivent se suicider pour Satan".
Selon le Père Régimbald, les suicides qu’on a
pu constater chez des jeunes durant des concerts de Led Zeppelin, s’expliquent
par une influence psychologique inconsciente sur l’esprit de celui qui est en
transe (les messages subliminaux). L’esprit
aurait le pouvoir de retourner par lui même la phrase prononcée par le
chanteur. Une telle hypothèse, si elle est valable pour ceux qui connaissent un
peu d’anglais, n’explique pas les suicides de personnes étrangères à la langue.
L’inconscient n’a pas la puissance de comprendre une langue totalement inconnue[174],
surtout quand le message est mis à l’envers.
Nous sommes apparemment
devant une tout autre cause d’ordre satanique, une nouvelle forme de
sorcellerie[175] moderne dont il est indispensable de se
méfier, surtout si l’on est fragile de tempérament, et impressionnable.
Le
Père Emmanuel, dans son ermitage alpin, fut le premier homme d’Eglise dont je
reçus un enseignement théologique sur le phénomène des revenants. J’avoue
qu’avant d’écouter son témoignage, je rangeais cette question parmi les mythes
superstitieux dont regorgent nos campagnes. Je fus extrêmement surpris
d’apprendre ce jour là que l’Eglise prenait cela très au sérieux.
Nous
étions donc réunis autour de lui, et nous écoutions. Il nous raconta alors
qu’au début de sa vie érémitique, il avait reçu de la part des villageois une
vieille ferme abandonnée, appelée l’Adoux d’Oule. Il l’aménagea un peu, et s’y
installa. Dès la première nuit, il perçut, venant du sol, une sorte de
gémissement. Le lendemain, les gémissements se firent plus forts, prenant, dans
le silence de la nuit une intensité encore plus poignante. Cela ne ressemblait,
ni au cri d’un animal, ni au hululement du vent. Le gémissement semblait
humain.
Extrêmement
intrigué, le Père Emmanuel décida donc de mener son enquête. Selon lui,
l’Eglise demande d’agir ainsi avant de se prononcer sur le caractère paranormal
d’un phénomène. Il descendit donc au village, pour y interroger les gens. Il
apprit d’eux que l’Adoux d’Oule était une ancienne ferme. Pendant la seconde
guerre mondiale, elle avait été le théâtre d’événements tragiques, puisque les
miliciens y avaient torturé, puis exécuté des résistants (avant d’être à leur
tour supprimés à la libération ou dans des combats contre l'Armée rouge). Tout
cela bouleversa le Père Emmanuel, étant convaincu de l’origine paranormale des
gémissements, il décida d’offrir trois messes à l’attention des âmes du
Purgatoire. Dès lors, il n’entendit plus jamais de bruits anormaux dans son
ermitage.
Les
paysans du secteur eurent vent de cette histoire. L’un d’eux vint donc trouver
le Père Emmanuel, pour lui raconter une histoire autrement plus mystérieuse. Il
possédait une grange en pleine montagne. Depuis des siècles, une tradition
affirmait qu’on y voyait, par certaines nuits, des défilés d’ombres ressemblant
une procession de moines en habit religieux. Or, le paysan affirmait avoir été
lui-même témoin du phénomène, certains soirs où il s’occupait de ses bêtes. Le
Père Emmanuel prit au sérieux cette histoire, à partir du jour où il apprit que
cette grange se situait non loin du cite d’un ancien prieuré bénédictin. Le
prieuré avait été fermé au XIIe siècle, par son Abbaye mère, à cause de la
décadence notoire de sa vie monastique. Le Père Emmanuel se rendit donc trois
fois sur le lieu, pour y célébrer la messe. Fallait-il admettre que, depuis
huit siècles, les âmes de ces moines erraient en ce lieu?
Dans l’Eglise catholique, il est possible de constituer une
procédure spécifique face aux phénomènes de revenants. L’enquête précède
la prière, qui délivre les âmes de leur errance. Selon certains théologiens, un
revenant n’est autre qu’une âme soumise au Purgatoire, sur le lieu même où elle
a péché. Que ce soit un milicien criminel ou un moine infidèle, Dieu peut, par
la puissance de ses anges, le maintenir un certain temps dans notre monde. On
devrait dire plutôt que c’est l’âme elle-même, à cause d’un attachement
excessif à la terre, qui reste comme « accrochée » au lieu ou elle a
vécu, d’où elle a été arrachée trop vite, et qu’elle ne s’habitue pas à devoir
quitter. Il s’agit donc d’une âme pathologiquement attachée à la terre
puisqu’elle s’est détournée volontairement de la Lumière venue la chercher,
malgré sa beauté. Ces cas sont donc assez rares car assez spécifiques de
personnes mal dégrossies. Dieu les laisse donc, le temps qu’il faut, jusqu’à ce
qu’elles se lassent. Il n’agit pas ainsi pour punir, mais dans un but
pédagogique. Ne pouvant être vues par les hommes vivants (sauf cas
exceptionnel), étant séparées du monde des morts, leur solitude est totale. Si
cette solitude dure plusieurs années, plusieurs siècles, elle finit par
produire un retournement. La vanité des choses auxquelles elles sont attachées
finit par s’imposer à elles. Dans sa solitude terrible, les esprits des
pêcheurs apprennent petit à petit la vanité des biens de la Terre. Ils
comprennent que l’unique bien est l’Amour.
Mais ces âmes peuvent être
aidées dans la découverte de ce chemin par les vivants qui, s’ils se rendent
compte de leur présence peuvent prier pour elles et leur expliquer leur erreur
et le chemin qui leur est ouvert vers l’autre monde. Pour cela, Dieu permet que
les âmes de ce purgatoire apparaissent ou se fassent entendre des vivants.
Elles ont du mal à le faire par elles-mêmes tant le corps psychique qui leur
est resté est peu adapté à ce genre de contact. La plupart du temps, il s’agit
plutôt d’une aide de Dieu et de ses anges. Le phénomène des revenants, quand il
se produit, ne devrait jamais effrayer. Comment avoir peur de ces âmes, qui
crient leurs détresses? Notre réponse immédiate doit être, au contraire, la
miséricorde. Il faut prier pour les âmes du Purgatoire. Certains saints,
canonisés par l’Eglise, passèrent leur vie entière à s’offrir les âmes de tous
les purgatoires. De telles prières ou sacrifices offerts pour elles ont une
efficacité étonnante: L’âme en peine est bouleversée, comme le serait le plus
solitaire des prisonniers, qui, pour la première fois, recevrait une lettre. Ce
geste est efficace, tant l’âme a soif: elle peut, devant la beauté de ce geste
comprendre en un instant la grandeur de l’Amour, et se trouver délivrée de sa
solitude. Elle passe alors dans un autre Purgatoire où la souffrance n’est plus
causée par l’absence des plaisirs, mais par l’absence de Dieu.
Afin
d’illustrer ce phénomène, voici quelques récits rapportés par des saints :
parmi toutes les révélations que cite saint Grégoire le Grand dans ses
dialogues, nous choisirons celles dont l’authenticité est à l’abri de toute
contradiction.
« Un pèlerin du territoire de Rodez,
revenant de Jérusalem, est-il dit dans les annales de Cîteaux, fut obligé par la tempête de relâcher sur
une île voisine de la Sicile. Il y visita un saint ermite qui s’informa de ce
qui touchait à la religion dans son pays de France, et lui demanda en outre
s’il connaissait le monastère de Cluny et l’abbé Odilon. Le pèlerin répondit
qu’il les connaissait, et ajouta qu’il lui saurait gré de lui dire quel intérêt
le portait à lui adresser cette question. L’ermite reprit: il y a ici tout près
un cratère dont nous apercevons les cimes; A certaines époques il vomit avec
fracas des tourbillons de fumée et de feu. J’ai vu des démons emporter les âmes
des pécheurs, et les précipiter dans ce gouffre affreux, afin de les tourmenter
pour un temps. Or, il m’arrive, à certains jours, d’entendre les mauvais
esprits s’entretenir mutuellement et se plaindre de ce que quelques-unes de ces
âmes leur échappent; ils murmurent contre les personnes de piété qui par leurs
prières et leurs sacrifices, hâtent la délivrance de ces âmes. Odilon et ses
religieux sont les hommes qui paraissent leur inspirer plus d’effroi. C’est
pourquoi, quand vous serez de retour dans votre pays, je vous prie, au nom de
Dieu, d’exhorter les moines et l’abbé de Cluny à redoubler leurs prières et
leurs aumônes pour le soulagement de ces pauvres âmes. Le pèlerin à son retour
s’acquitta de la commission. Le saint abbé Odilon considéra et pesa mûrement
toutes choses; Il eut recours aux lumières de Dieu et ordonna que dans tous les
monastères de son ordre, on fit chaque année, le deuxième jour de novembre, la
commémoration de tous les fidèles trépassés. Telle fut l’origine de la fête des
morts. »
Saint
Bernard, dans la vie de saint Malachie, cite un autre trait. Ce saint raconte
qu’il vit un jour sa sœur trépassée depuis quelque temps. Elle faisait son
Purgatoire au cimetière. A cause de ses vanités, des soins qu’elle avait eus de
sa chevelure et de son corps, elle avait été condamnée à habiter la propre
fosse où elle avait été ensevelie et à assister à la dissolution de son
cadavre. Le saint offrit pour elle le sacrifice de la messe pendant trente
jours. Ce terme expiré, il revit de nouveau sa sœur. Cette fois, elle avait été
condamnée à achever son Purgatoire à la porte de l’Eglise, sans doute à cause
de ses irrévérences dans le lieu saint, peut-être parce qu’elle avait détourné
les fidèles de l’attention des mystères sacrés, pour attirer sur elle la
considération et les regards. Elle était profondément triste, voilée de deuil,
dans une angoisse extrême. Le saint célébra de nouveau le sacrifice pour elle
durant trente jours, et une dernière fois elle lui apparut dans le sanctuaire,
le front serein, rayonnante, vêtue d’une robe blanche. L’évêque connut à ce
signe que sa sœur avait obtenu sa délivrance.
Ce
récit constate la coutume universellement en vigueur dès les premiers ages de
l’Eglise, de prier pour les morts durant l’espace de trente jours. En ce point,
le christianisme n’avait fait que suivre la tradition mosaïque. "Mes enfants, disait à ses fils le
patriarche Jacob à son lit de mort, ensevelissez-moi
dans la caverne de Mambré, qui est dans la terre de Chanaan; et les petits-fils
d’Isaac pleurèrent leur père durant trente jours." A la mort du grand
prêtre Aaron et de son frère Moïse, le peuple renouvela ce deuil de trente
jours. Et la pieuse coutume de prier pour les défunts tout un mois devint
bientôt une loi de la nation choisie. Saint Pierre, prince des Apôtres, au dire
de saint Clément, aimait à faire prier pour le soulagement des morts, et saint
Denys l’Aréopagite nous décrit en termes magnifiques avec quelle majesté les
fidèles célébraient les funérailles. Dès les premiers siècles, l’Eglise, en
mémoire des trente jours de deuil observés dans la loi mosaïque, encouragea les
prières pendant un mois, après la mort des fidèles.
Sans
faire d’amalgame, il est important de constater que certaines théologies
orientales expliquent de la même façon le phénomène des revenants. Le Livre des
Morts tibétain indique comment il est possible aux vivants de conduire les âmes
errantes vers le bon port. Dans cette tradition, on explique leur lien avec
notre monde par une présence exceptionnelle sur terre, au-delà de la mort du
corps physique, de ce qu’ils appellent le corps astral[176].
De cette manière, il leur est facile d’expliquer les manifestations des
revenants. Une telle vision est parfaitement admissible par la théologie
catholique.
Le
phénomène des revenants est, malheureusement, pour beaucoup cause de terreur
plutôt que d’amour. Qu’on se rappelle la réaction des disciples de Jésus, quand
ils le virent s’approcher d’eux en marchant sur les eaux: "Ils crurent que c’était un fantôme, et poussèrent des cris"[177].
Toutes
les histoires de fantômes ne doivent pas être prises à la lettre, sans une
enquête approfondie de la part des autorités religieuses. Une imagination
débridée peut inventer bien des fantasmes. Il suffit de mettre un enfant dans
le noir, pour s’en rendre compte. Il y verra sincèrement toutes sortes de
monstres dangereux dans les plis d’un rideau, toute espèce de criminel dans le
craquement d’un parquet. Nos ancêtres superstitieux inventaient dans leur
frayeur des monstres comme l’Ancou avec son char (la Mort en Bretagne), le
vampire assoiffé de sang (Roumanie), les Trolls et les lutins (Scandinavie).
Chaque peuple a ses croyances d’enfant.
Autre cause
possible: Satan
Le phénomène des revenants (âme humaine malheureuse) ne doit pas être confondu avec celui des maisons qu’on dit hantées (Satan). Le Saint Curé d’Ars alors qu’il était déjà connu dans la France entière, entendit une nuit d’hiver d’étranges bruits dans sa maison: des coups étaient frappés dans les plafonds et sur les meubles. Il chercha en vain, mais ne trouva personne. Persuadé d’avoir affaire à quelqu’un qui cherchait à l’effrayer, il fit appel à un solide paysan du village, qui vint veiller avec lui dans sa maison la nuit suivante. Dehors, il faisait froid, et la neige tombait à gros flocons. Vers minuit, les bruits se firent entendre de nouveau. Ils cherchèrent dans la maison, dans le grenier, mais ne virent personne. Etant sorti, le curé d’Ars se rendit compte qu’il n’y avait aucune trace de pas dans la neige. Il appela donc le paysan, et il le lui fit constater: “Rentre chez toi, lui dit-il, ce n’est que le grappin (le démon)". La réaction du Saint Curé a de quoi surprendre: effrayé par l’éventualité d’un voleur, il se tranquillise quand il se rend compte que sa maison est hantée par le démon.
Le
phénomène des maisons hantées ne s’explique pas par une âme défunte, mais par
le démon. Or le démon ne vient jamais de sa propre initiative troubler la paix
extérieure des hommes. Comme pour les cas de possession démoniaques[178]
(prise de contrôle par le démon, du corps d’une personne), deux causes en sont
possibles:
1) L’appel de l’homme par
une pratique d’invocation d’esprits. Il n’est pas rare que des séances de spiritisme,
où, le démon est appelé sans qu’on s’en doute, prolongent leurs effets pendant
des années auprès des personnes qui les ont pratiquées: obsession démoniaque
(conscience vive d’une présence malsaine), possession ou phénomène de maisons
hantées. On me rapporta le fait suivant: un groupe de jeunes pratiquait le
spiritisme. L’un d’eux eut l’idée de mettre sur la table un petit miroir de
toilette, et de dire à l’esprit: "Si tu es là, casse ce miroir". Rien
ne se produisit. Or, en revenant chez eux, les jeunes découvrirent avec horreur
que tous les miroirs de leurs maisons respectives avaient été brisés. On
imagine les effets d’un tel choc sur la paix de leur imagination.
A
la différence du spiritisme, la sorcellerie[179]
appelle expressément le démon. Des pactes d’alliance peuvent être conclus entre
le sorcier et le démon, dont le pouvoir devient à partir de ce jour soumis aux
désirs de l’homme. Rien n’empêche donc que le sorcier puisse nuire à ses
ennemis de cette manière, les plongeant dans la peur.
2) Permission de Dieu: dans
des cas beaucoup plus rares, le phénomène de maisons hantées (comme celui de la
possession) peut se produire sans aucune intervention humaine, à la simple
initiative du démon, auquel Dieu laisse exceptionnellement la permission d’agir.
La Bible témoigne de ces phénomènes: "Il
y avait jadis au pays d’Ur, un homme intègre et droit appelé Job. Or, le jour
où les Fils de Dieu venaient se présenter devant Yahvé, le Satan aussi se
présentait parmi eux. Dieu dit alors a Satan: "As-tu remarqué mon serviteur Job? Il n’a point son pareil sur la
Terre". Et le Satan de répliquer: "Est ce pour rien que Job crains
Dieu? n’as-tu pas béni toutes ses entreprises? Ses troupeaux pullulent dans le
pays". "Soit, dit Yahvé au Satan, tous ses biens sont en ton pouvoir.
Evite seulement de porter la main sur lui.[180].
Le lendemain, Job se trouva réduit à la
misère, mais il ne pêcha pas contre Dieu."
Cette
permission de Dieu est exceptionnelle. La plupart du temps, le démon se
contente de nous tenter pour nous faire tomber, nous maintenant dans une
médiocrité habituelle. Le Curé d’Ars fut un véritable saint, et eut donc à
subir des attaques de plus en plu directes du démon: après ces premiers bruits
dans sa maison (obsession antérieure venant du démon), il connut la délation et
la mise en doute de son honnêteté (on l’accusa d’être maigre non par ascèse,
mais excès de débauche avec les femmes). Il connut enfin la tentation du
désespoir (obsession intérieure venant du démon). Sainte Mariam, carmélite
arabe, fut, pour sa part, soumise à une véritable possession démoniaque par l'autorisation de Dieu et en vue de son éducation à
l'humilité. Marthe Robin semble avoir été frappée par le démon jusqu’à
en mourir (témoignage du Père Finet).
Autre cause
possible: La télékinésie inconsciente
De simples coups donnés dans
une maison ou même la constatation d’objets qui se déplacent seuls, ne
suffisent pas à conclure à un cas de hantise démoniaque. Un infirmier
psychiatrique me raconta un jour le fait suivant: A New York, un café fut
victime de phénomènes inexplicables: Les bouteilles tombaient seules des
étagères, les verres se cassaient sans que personne les ait touchés. Le patron
était au bord de la faillite. Il décida de renvoyer son garçon de café. A peine
était-il parti que les phénomènes cessèrent. Ce garçon était travailleur, mais
complètement renfermé sur lui-même. Il ne parlait pratiquement jamais, et
semblait proie à la solitude. Il se fit embaucher dans un autre café de la
ville. Les verres et bouteilles se remirent à tomber. S’étant renseigné, le
patron le renvoya aussitôt. Sa réputation était faite, et personne ne voulait
plus le prendre à son service, partit dans un autre état américain, où il
trouva sans peine du travail. Les phénomènes se reproduisirent. Mais son nouveau
patron, curieux de nature, se passionnait pour les phénomènes paranormaux. Il
se mit donc à l’observer dans son travail. Un jour, alors qu’il servait, le
garçon se retourna devant une rangée de verres, qui tombèrent un par un, au fur
et à mesure qu’il passait. Aucun doute n’était plus permis: il s’agissait d’un
extraordinaire phénomène de télékinésie[181]
inconsciente. Ce garçon, malade de sa solitude, accumulait en lui une énergie
qu’il vidait, sans s’en rendre compte, de cette manière. Il ne s’agissait pas
d’une hantise démoniaque, mais d’une télékinésie inconsciente.
La
télékinésie inconsciente peut aussi se produire dans le sommeil. La personne
déplace des objets de sa maison sans s’en rendre compte, sans aucune
intervention démoniaque.
Il
est donc nécessaire que le psychiatre et l’exorciste s’unissent avant de
conclure à un phénomène de maisons hanté. Le diagnostic conduira à un exorcisme
ou à une action de cure psychiatrique, selon le cas.
Habituellement,
on distingue la magie blanche, qui ne cherche qu’une connaissance, de la magie
noire, qui s’étend à de réels pouvoirs efficaces sur le monde. Dans ces deux
catégories, la sorcellerie est définie comme une méthode où les démons sont
explicitement invoqués. Le sorcier est donc un homme lucide de l’existence d’un
pouvoir satanique, et il s’efforce de le contrôler en vue de ses intérêts.
La
sorcellerie est un phénomène qui reste d’actualité. On a tort de la réduire à
une croyance moyenâgeuse. Des peuples entiers restent soumis à ces croyances.
Les missionnaires chrétiens du XXe siècle rencontrèrent la sorcellerie depuis
les confins du pôle Nord jusqu’à la pointe de l’Afrique, en passant par
l’Amérique du Sud ou la Chine. Les marchands d’esclaves du XVIIIe siècle surent
utiliser ce phénomène de société africaine. Il leur suffisait de séduire les
sorciers, par quelques verroteries. Ceux-ci, appâtés par le gain, usaient de la
peur qu’ils suscitaient par leur soi-disant maîtrise du monde des esprits. De
cette manière, ils pouvaient livrer non seulement leurs ennemis, mais aussi
leur propre peuple, entièrement soumis par la peur. J’ai pu constater comment,
de nos jours, les élèves issus d’Afrique croient à la sorcellerie.
L’Eglise
catholique reconnaît la possibilité d’une pratique de la sorcellerie, de la
même façon qu’elle croit à l’existence du démon. Elle condamne bien évidement
cette pratique.
L’initiation
d’une personne à la sorcellerie peut se faire de plusieurs manières: Parfois la
découverte est fortuite, à la suite d’une innocente pratique du spiritisme.
D’autres fois la découverte se fait par des livres ou par un autre sorcier. Il
est en tous cas étonnant de constater combien il est facile d'établir d’un
contact avec le démon. Un aumônier d’école catholique me rapporta cette parole
frappante venue d’une élève: "Dieu je n’y crois pas, mais je crois à
Satan, parce que lui, au moins, il répond !".
Il
est clair, en effet, que la plupart des manifestations divines se font dans le
silence du coeur. "Dieu n’était pas
dans la tempête, Dieu n’était pas dans le tonnerre, mais Dieu était dans la
brise légère"[182].
Le démon, au contraire, n’espère pas qu’on croit en lui dans le silence. Il
s’adapte à l’homme, et se montre sensiblement[183].
Il montre sa puissance, pour qu’à cette vue, l’homme croit en lui, et se lie à
lui.
La
théologie de la sorcellerie a été amplement développée par les démonologues de
l’Eglise. Mais, aussi curieux que cela paraisse, j’en ai trouvé toute la
substance dans trois chansons du groupe de hard rock TRUST[184],
qu’il nous suffit de commenter. La lucidité de ces chansons est surprenante, et
on se demande d’où leur vient une telle théologie.
La
première chanson s’intitule "Le Pacte": elle décrit d’une
manière très prenante la façon dont s’établit le contact:
"Tu m’as imploré, et me voici,
Genoux à terre devant ton roi.
J’ai daigné venir à toi,
Car tu as fait le premier pas".
Ces
premiers vers nous indiquent que l’initiative ne peut venir que de l’homme. Le
démon ne répond que si on l’appelle (implicitement dans le spiritisme ou
explicitement):
"Ton âme dépendra de moi.
Renonce à ton Dieu, à ta foi, à ses lois.
Verse ton sang et signe en bas.
Je te donne ma marque, si tu signes mon pacte".
Quand
un homme désire obtenir du démon des biens terrestre comme les plaisirs, la
richesse, le pouvoir ou la gloire, certaines conditions sont préalablement
imposées.
Quand
l’ange des ténèbres donne, il n’agit jamais gratuitement. Son intention
première est toujours sous jacente: séparer l’homme de Dieu, détruire ce lien,
pour manifester au créateur son erreur première[185].
Les théologiens du Moyen Age n’hésitaient pas à appeler un tel pacte une vente
de son âme: vendre son âme au démon, c’est accepter de soumettre sa vie morale
à ses commandements en échange de certains biens matériels.
Le
pacte dont il est fait mention, signé avec le sang, n’est pas qu’un symbole. Le
démon aime de tels engagements signés, non par ce qu’il en a besoin, mais parce
qu’il sait l’importance d’un acte palpable aux yeux des hommes. En agissant
ainsi, il ne fait qu’imiter Dieu, quand il a instauré les sept sacrements
(Baptême, confirmation, Pénitence, eucharistie, mariage, ordre, extrême
onction). Son intention était de rendre les liens spirituels vraiment
palpables, donc adaptés à notre mode habituel de connaissance.
"Je te suivais pas à pas,
Plus rien ne te résistera.
De ma main je vais te guider,
De ta vie tu ne vas plus te
soucier".
Ces
vers décrivent la contrepartie promise par Satan. Ces promesses ne sont pas
vaines, loin de là. Rappelons le réel pouvoir de l’ange sur notre monde
matériel. La proposition du démon résonne comme l’extrême inverse de cette
parole de Jésus: "Que sert à l’Homme
de gagner l’univers s’il vient à perdre son âme"[186].
Le démon n’a t-il pas fait une promesse semblable à Jésus lors de la tentation
dans le désert: "Je te donnerai tout
ce Pouvoir, et la gloire de ces royaumes, car elle m’a été livrée, et je la
donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, elle
t’appartient tout entière"[187].
"Chaque mot sonnait comme un ordre.
Il s’était déplacé avec sa horde.
Serments, propagande diabolique,
Visages aux traits changeants
sataniques.
Mes yeux fiévreux luisant de
cupidité,
Son masque anéantit toute ma
volonté.
La foudre allait s’abattre sur la
terre,
Pour sceller le pacte et saluer
Lucifer".
La
séduction du démon est très forte. Non seulement il se sert des désirs de celui
à qui il s’adresse, et qu’il prétend pouvoir combler, mais il se rend lui~même
beau, pour mieux attirer sa victime. Le sorcier, quand il signe le pacte qui le
fait tel, est victime de sa cupidité et de la ruse du démon.
"Sans remords je vais signer,
Respectueux de tes volontés,
La plus sordide des alliances.
Son savoir sera ma conscience;
Je te donne marque, si tu signes mon pacte".
En
exigeant en retour de la part de l’homme qu’il règle sa conscience sur son
savoir, le démon obtient un pouvoir direct sur la vie de sa victime, qu’il va
pouvoir diriger à sa guise.
Il
peut ainsi obtenir la perte de l’homme d'une manière beaucoup plus puissante
que par la simple pratique de la tentation.
"Le Sabbat fut pour moi célébré.
En l’honneur de mon acte et du sang
versé.
Je serai protégé sur 10 années,
Je serai riche, célèbre, adulé.
Mon maître dans toute sa bonté,
De son souffle me l’a assuré,
Sans au revoir ni adieux,
Possesseur de mon âme de damné.
J’ai signé, j’ai signé".
Les démonologues confirment le
caractère temporel du pacte. Les promesses du démon sont limitées (ici à 10 ans
de bonheur terrestre).
Faut-il
admettre qu’une fois le pacte signé, le sorcier est damné? La Théologie
catholique s’oppose à cela[188]:
tant qu’un homme est sur la terre, il peut toujours revenir en arrière, et se
repentir. Aux yeux de Dieu, un pacte de sorcellerie signé avec le sang n’a
aucune valeur. Le démon le sait, et il va profiter des années de pouvoir dont
il dispose sur l’âme pour l’entraîner dans une destruction totale.
La
deuxième chanson, intitulée "La Luxure", décrit cela:
"Ton orgueil t’a aveuglé,
Et t’a conduit vers ta destinée.
Ton Dieu t’avait si pieusement
édifié,
Mais désormais tu te retrouvera
damné.
Tout ce que tu as, c’est à moi que
tu le dois:
Je t’offre la jouissance ici-bas.
Moi, ton maître, je te démontre
toute l’étendue de mon pouvoir, de mon savoir,
Car tu as succombé aux mêmes
tentations,
Car humain tu es, la luxure est
devenue ta passion".
Le
démon s’efforce de faire croire à son adepte qu’il est damné, qu’il n’y a plus
d’espoir de retour en arrière après avoir signé. Dans le cas décrit par cette
chanson, le message vise à conduire au désespoir spirituel, l’un des six péchés
contre l’Esprit Saint[189].
Le désespoir spirituel n’est pas un véritable désespoir spirituel mais plutôt
un refus du pardon de Dieu, de sa miséricorde. C’est donc un choix volontaire
et lucide, motivé par un trop grand amour de soi.
"Mon fanatisme et ma vigueur ont fait
de toi un dépravé.
Je me permets de te juger homme
dépourvu de dignité.
La luxure te provoque.
La luxure t’a subjugué.
Comme une diablesse aux traits de
princesse,
La luxure t’a subjugué.
Et tu désirais des femmes, et pour
toi.
Et pour toi, je les ai courtisées.
Puis, tu as voulu les posséder.
Et tes fantasmes, je les ai
réalisés.
Ton désir de richesse chez toi a
engendré
Une sorte d’orgie, sans te soucier
du prix.
Puis, tu as obtenu la célébrité,
En laissant au rancart tous tes
préjugés".
Le
démon ne se contente pas de la simple tentation au désespoir spirituel. II sait
qu’une telle tentation d’ordre intellectuel ne résisterait pas à la parole du
moindre homme de Dieu s’exprimant sur l’Amour infini de Dieu. Il va donc
s’efforcer de lier sa victime à des vices terrestres. Saint Jean montre qu’il
existe trois convoitises principales, qui expliquent le péché dans le monde: "Tout ce qui est dans le monde, s’appelle
convoitise de la chair, convoitise des yeux, et orgueil de la vie"[190].
Saint
Thomas explique qu’il s’agit respectivement du plaisir (qu’il soit sexuel dans
la luxure ou autre), de la richesse, et de la gloire. Il n’y a plus à s’étonner
que ce soient les trois biens offerts par le démon.
Tout
homme désire le plaisir, la richesse ou la gloire. Normalement, ils constituent
des moyens pour mieux vivre sa vie de famille ou ses activités politiques. Ces
biens peuvent cependant être élevés au rang d’absolu. Celui qui recherche le
plaisir sensuel pour lui-même, sans se servir de l’Amour qu’il devrait
signifier, risque fort de voir cette recherche prendre une place monstrueuse
dans sa vie. L’Eglise explique ce phénomène psychologique par la notion de
péché capital. Le péché capital est comme une tête ("caput" en latin) d’où naît un corps fait d’autres péchés
multiples. La luxure, par exemple, dans sa recherche du plaisir sexuel, peut
conduire à des exactions allant de la séduction trompeuse d’une femme au viol
ou même au meurtre. Le péché capital tisse autour de la personne des liens
qu’elle aura bien du mal à couper: celui qui aime l’argent n’estimera jamais en
avoir assez; celui qui aime les plaisirs ne sera jamais satisfait. Poussés
jusqu’au bout de leur logique, ces péchés peuvent mener une personne à une
destruction totale. Un philosophe écrivait: "L’homme
a ceci de supérieur à l’animal, qu’il peut le dépasser en bestialité".
Le démon, par sa conduite sur la vie du sorcier, et par sa facilité pour lui
accorder ce qu’il désire, plonge sa victime dans les liens du vice de telle
façon qu’il lui devient quasiment impossible de se libérer. Quand je dis
quasiment impossible, c’est parce que la porte est toujours ouverte à la
conversion. Le cas de Bob Dylan manifeste que rien n’est gagné par le démon
tant que la mort et le jugement dernier n'ont pas consacré son oeuvre. La
tentation principale reste donc celle du péché contre l’Esprit Saint, ce péché
intellectuel, qui n’est pas pardonné car il refuse le pardon, d’où la fin de la
chanson: "Désormais, tu te retrouves damné".
La
troisième chanson a justement pour titre: "Le jugement dernier":
"Je suis venu te chercher,
Car notre pacte est enterré.
Je me suis fait accompagner
De la mort, pour t’emmener.
Voici venu le jugement dernier.
Humain rempli de vanité".
Le
démon peut-il décider lui même de la date de la mort d’un homme? Les
théologiens sont divisés sur ce problème, car il est difficile d’admettre que
Dieu laisse une aussi grande liberté au monde des Ténèbres.
La
Bible nous donne pourtant plusieurs exemples où le démon tue: Job perdit tous
ses enfants dans un feu envoyé par le démon. Sarah perdit sept fois son mari, à
cause de l'action d’Asmodée, "Le
pire des démons"[191].
La
démonologie n’hésite pas à parler de la possibilité d’envoûtements conduisant à
la mort. En théorie, le démon a le
pouvoir de tuer, puisqu’il a pouvoir sur le corps de l’homme. Mais, il ne peut
exercer son pouvoir que si Dieu le lui permet. Cette permission est donnée dans
deux cas: Quand la sainteté d’une personne est si grande que l’action du démon
ne peut plus rien contre elle. La mort physique imposée par le démon ne peut
que manifester un peu plus cette sainteté: Marthe Robin en est l’exemple le
plus connu, elle qui resta 40 ans fidèle à Dieu sur un lit de grabataire, pour
enfin terminer dans les violences de Satan.
"A toi de me témoigner
Ton sens de la fidélité:
Ton maître t’ordonne de le suivre.
Tu t’étais damné pour survivre.
Inutile de faire marche arrière.
Satan n’attend pas les
prières".
"Je t’ai fait vivre comme un
roi,
Et tu trônais sans foi ni loi.
Tu t’es vautré dans la luxure,
Toi qui moisissais dans l’ordure
Ton âme de damné va brûler
Dans
le brasier de l’éternité.
Rien n’est comparable à l’Enfer.
Tu étais heureux dans la
misère".
Ces
derniers vers manifestent l’aboutissement final de tout le processus de la
sorcellerie, pour celui qui la pratique. Lors du Jugement dernier, la séduction
du démon prend d’autant plus de force qu’il ne fait que rappeler aux souvenirs
du sorcier un pacte explicitement conclu. Le cas des sorciers est exceptionnel:
Il est très rare, en effet, qu’un pécheur sache qu’il sert le démon quand il
fait le mal. Il trouve donc habituellement des circonstances atténuantes, lors
de son jugement final. Rien de tel pour le sorcier, qui est l’un des rares à
faire le mal en sachant ce qu’il fait.
Il
nous reste à nous demander de quelle manière le démon donne son pouvoir au
sorcier, et jusqu’où va ce pouvoir.
On
considère habituellement deux grands domaines où la sorcellerie produit ses
effets: Le domaine du sorcier lui même, et celui des hommes qui l’approchent.
En
ce qui concerne son propre intérêt, le sorcier ne cherche évidemment qu’à se
faire du bien. Il peut théoriquement obtenir de l’esprit avec qui il s’est lié
tout ce qui est du domaine des biens matériels (plaisir, argent et gloire).
Seuls les biens d’ordre spirituel sont inaccessibles à sa puissance: l’amitié
dans ce qu’elle a de plus pur, et la connaissance intime de Dieu. La Bible affirme:
"Qui offrirait toutes les richesses
de sa maison pour acheter l’amour ne recueillerait que mépris" (fin du
Cantique des cantiques). L’amour d’amitié ne doit pas, en effet, être confondu
avec ces formes inférieures d’amour, qui sont fondées sur la séduction, sur le
plaisir ou sur l’intérêt matériel. De telles amitiés sont au pouvoir du démon,
mais elles ne sont que des apparences d’amitié.
Par contre, le démon peut
transformer celui qui l’implore, en un artiste extraordinaire, soit en lui
communiquant l’exaltation sensible, qui fonde l’inspiration, soit en lui
dictant des oeuvres d’art. Le Père Regimbal n’hésite pas à attribuer au démon
la paternité de certaines oeuvres musicales modernes de premier ordre[192].
Le
démon peut aussi communiquer la science, qu’il maîtrise parfaitement,
concernant le monde matériel, faisant de celui qu’il sert une sommité
scientifique.
Mais
l’action du sorcier peut s’exercer sur des domaines bien plus vastes que ceux
de son intérêt personnel, aussi bien pour faire le bien (un bien matériel) que
le mal. Dans le métro parisien, il n’est pas rare de trouver des cartes ainsi
formulées: "Grand sorcier, marabout africain, diplômé en parapsychologie,
pouvoirs illimités: retours d’affection, santé, argent, recherche de personnes
disparues, examens, soucis professionnels. Paiement après résultat".
Au-delà
du charlatanisme visible là-dessous, il faut affirmer la possibilité théorique
de tels pouvoirs chez un véritable sorcier.
Le
retour d’affection est un des phénomènes possibles. Un homme me racontait
l’expérience faite par lui 10 ans plus tôt: sa femme le délectait, et il en
souffrait beaucoup. Il décida donc de s’adresser à un de ces sorciers, qui lui
donna (moyennant paiement) une amulette à glisser sous le lit conjugal. Il eut
la surprise de voir sa femme changer radicalement, du jour au lendemain. Il en
fût même effrayé, au point qu’il décida de détruire l’amulette. "Elle
n’était plus elle-même", me confia-t-il.
Un
tel phénomène s’explique non par l’amulette, mais par l’action du démon.
L’amulette n’est, à ses yeux, qu’un signe de la volonté du sorcier, avec qui il
s’est lié (rappelons que le démon aime singer les sacrements chrétiens).
Toujours est-il que son pouvoir sur le corps humain lui permet d’y développer
artificiellement un phénomène qui ressemble à l’amour. Dans le cas présent,
deux manières sont possibles: celle qui consiste à rendre l’homme à ce point
séduisant qu’il paraît être différent aux yeux de sa femme; Celle qui consiste
à exacerber dans la femme une passion inhabituelle. Dans les deux cas, il n’y a
qu’apparence de retour d’affection, du moins si on considère l’affection comme
une propriété de l’amitié.
En
ce qui concerne la santé, le démon possède aussi un pouvoir, mais celui ci
n’est pas illimité: il ne peut agir qu’en se servant des lois du corps humain,
qu’il active par l’apport de son énergie. Il peut donc détruire une infection
microbienne, toutes choses que l’homme lui même peut réaliser par la médecine.
Mais, il ne peut faire repousser un bras, ressusciter un mort, rendre la vue à
un oeil aveugle, faire marcher un paraplégique, toutes choses qui dépassent les
lois naturelles du corps humain[193].
En
ce qui concerne la richesse, le démon peut théoriquement l’apporter en prenant
l’argent là où il se trouve. Habituellement pourtant, cela ne se passe pas
ainsi. Il est trop sensé pour ne pas se servir de la cupidité des gens à ses
fins. Il est tellement facile d’amener l’homme à pécher quand il s’agit de la
recherche de la richesse. Il prodigue donc des conseils, et son action s’arrête
là, tant que l’intéressé ne désire pas s’engager plus loin à son service.
Peut-on
arriver à connaître les numéros gagnants du loto par la sorcellerie? Non, car
il s’agit d’un jeu de hasard qui échappe à toute prédiction. Il est d’autre
part très difficile pour un sorcier de provoquer le démon à faire sortir les
numéros désirés, tant le nombre de sorciers qui s’essayent à ce jeu est
important: leurs efforts se contrarient !
La
recherche des personnes disparues entre aussi dans le domaine du possible. Il
est bien évident que le démon connaît le lieu et l’état de chacun des êtres
humains qu’il pénètre de son regard aigu.
Les
sujets d’examens peuvent être donnés à partir de l’instant ou ils ont été
décidés par les autorités. L’ange rebelle se contente de les lire !
On
pourrait décrire encore bien des phénomènes que la sorcellerie rend possible.
On comprend la séduction que peuvent exercer de telles merveilles chez ceux qui
ne s’intéressent pas à la vie éternelle, à l’amour de Dieu, à la mort de Jésus
sur la croix. Il faut se rappeler pourtant que la fréquentation d’un tel
pouvoir a toujours des conséquences sur la vie surnaturelle, qu’elle finit
toujours par détruire.
Le
sorcier peut aussi se servir de son pouvoir pour faire le mal, que ce soit sur
la demande d’un client ou par vindicte personnelle. De telles pratiques sont
fréquentes. Le démon exige souvent, en échange de ces services certains rite
qu’on croirait sortis de liturgies religieuses, à la différentes près qu’ils
lui sont adressés au lieu de l’être à Dieu. Les messes noires singent le
sacrement de l’Eucharistie et peuvent être accompagnées de fausses
consécrations d’hosties ou de profanation de vraies hosties. Les sacrifices
d’animaux singent les rites juifs du sabbat ou de la Pâque, où l’on offrait des
brebis ou des taureaux à Yahvé. Les pratiques du vaudou ou de certaines sectes
sataniques sud-américaines vont parfois jusqu’au sacrifice humain. De nombreux
cas concernant de telles horreurs ont défrayé
les journaux ces dernières années. En se faisant offrir un culte comme à un
Dieu, le démon plonge ses adeptes un peu plus dans le blasphème et dans les
pires aberrations morales.
Le
pouvoir du démon pour faire le mal peut aller jusqu’an meurtre (envoûtement de
mort vaudou) s’il n’est pas arrêté par la puissance de Dieu et de ses anges.
Certaines maladies, au témoignage de l’Evangile, tout en paraissant naturelles,
ont une origine satanique. Les exorcistes constatent des cas d’obsession ou de
possession, dont l’origine est la même[194].
De
tout ce qui précède, il ressort qu’il est aberrant et dangereux non seulement
pour sa santé, mais pour sa foi, de fréquenter un sorcier, pour obtenir un
résultat, même positif. Toute personne qui invoque les esprits doit susciter la
méfiance, et être fuie par les chrétiens. Participer, même par simple curiosité
à une telle pratique, c’est devenir en quelque sort complice du sorcier, et
cela revient à se livrer à la puissance des esprits invoqués.
Fallait-il
brûler les sorcières? L’Histoire de l’Eglise regorge de ces faits. La plus
connue des sorcières brûlées fut, il faut s’en souvenir, sainte Jeanne-d’Arc
elle-même. Si l’on exclut ces cas dramatiques, où la politique passait avant la
Théologie, il reste qu’il y a eu de véritables cas de sorcellerie, qui ont
abouti à la condamnation à mort du coupable. Fallait-il agir ainsi? L’Eglise se
devait elle de livrer au bras séculier ceux dont on pouvait prouver qu’ils
avaient fait un pacte avec le démon?
S’il
s’agissait de punir une personne coupable par ses sortilèges du malheur ou de
la mort, la question reste ouverte, et elle revient à se demander la légitimité
de la peine de mort.
Mais,
s’il s’agissait d’arrêter par ce moyen l’influence du démon, c’était une erreur
grave de la part des inquisiteurs. Dieu a donné à son Eglise, pour lutter
coutre le démon, un glaive spirituel autrement redoutable que le glaive
matériel: "Je vous donne le pouvoir
sur les esprits du malin," disait Jésus à ses disciples.
Les
missionnaires ont expérimenté partout la vérité de cette parole. Quand ils
arrivaient dans un village pour y planter la croix, le sorcier perdait
immédiatement son pouvoir. Quand Saint Paul, dans une de ses missions, fut
poursuivi par une possédée, qui criait sans cesse: "Ces gens-là sont les serviteurs du Dieu Très-Haut", il
n’eut qu’à prononcer une parole, pour chasser le démon à jamais de son corps.
L’ange du mal ne peut rien devant Dieu et ses anges. Rappelons que le Chérubin
Lucifer fut battu par la parole d’un simple archange[195].
Mais cet archange était avec Dieu.
L’Eglise
dispose contre la puissance formidable du démon à travers les sorciers, d’armes
telles que la prière, les sacrements et les sacramentaux. La prière, quand elle
est humble et confiante, met de notre côté Dieu et ses anges. Si Dieu est avec nous, qui sera contre nous?
Qui donc, en effet, peut être comparé à Dieu?
Cette
prière doit être humble, car il n’est rien qui mette davantage en fuite l’Ange
rebelle qui, s’étant révolté par orgueil, n’a jamais pu s’humilier devant Dieu.
Celui qui reconnaît son impuissance à triompher sans son secours, déconcerte
les plans de l’Ange. Cette prière doit être confiante, car Dieu ne peut manquer
d’y répondre. Il est bon aussi d’invoquer Saint Michel qui, ayant infligé au
démon une éclatante défaite, sera heureux de compléter sa victoire en nous et
par nous. De même, notre ange gardien a pour mission particulière de nous
protéger contre toutes ces attaques.
Le
second moyen, c’est l’usage confiant des sacrements. La confession étant un
acte d’humilité, elle met en fuite le démon. L’absolution qui la suit nous
donne le pardon de Dieu, et nous communique une grâce capable de nous rendre
invulnérables. Quant à la Communion, en mettant dans notre coeur Dieu lui-même,
elle fait de nous une forteresse imprenable. Le rituel catholique conseille
aussi le jeûne, les aumônes. Plus on est pur et donné à l’amour, moins le démon
a de prise sur nous.
L’église
dispose aussi d’armes terribles telles que le signe de la croix, l’eau bénite,
le Notre Père... Elle appelle ces choses ou ces gestes des sacramentaux. Ils se
distinguent des sacrements parce que ces derniers agissent indépendamment de la
foi de celui qui les célèbre: que le prêtre soit croyant ou non, quand il
prononce les paroles de la consécration à la messe, il réalise le grand miracle
de l’eucharistie: Le pain devient le corps de Jésus.
Les
sacramentaux sont incroyablement nombreux, puisque chaque objet religieux,
chaque pensée religieuse en fait partie. Les plus connus des fidèles sont
actuellement ceux que la Vierge a donnés dans ses diverses apparitions
modernes: Les médailles de la rue du Bac, l’eau de Lourdes, le chapelet...
Les
petits sacramentaux suffisent pour chasser le démon. Leur redoutable efficacité
vient en effet de Dieu. Ces objets ont en commun de symboliser Sa présence. Il
est évident qu’ils ne peuvent agir par eux-mêmes. Une médaille miraculeuse,
aussi belle ou bénie soit elle, est incapable, par sa propre puissance
d’éloigner l’ange des ténèbres. En aucun cas, les sacramentaux de l’Eglise ne
doivent être utilisés à la manière des gris-gris animistes. Ce serait de la
superstition. C’est Dieu qui agit à travers eux ou plutôt à travers la foi de
celui qui s’en sert. Dieu ne résiste jamais à la foi, quand il la trouve dans
un cœur. Connaissant notre tendance à exprimer nos sentiments dans de petits
signes, il s’est adapté à nous en instituant ou en laissant instituer par
l’Eglise les sacramentaux. Celui qui exprime sa foi par un signe de croix est
comparable, aux yeux de Dieu, à celui qui exprime son amour en offrant des
fleurs à sa bien aimée.
Il est étonnant de voir combien la simple présence d’un sacramental dans une maison rend la puissance des sorciers impossible sur les habitants de ce lieu. Les pays africains regorgent de récit de ce genre. Que la puissance de l’ange Lucifer soit arrêtée par une simple aspersion d’eau bénite accompagnée de la foi, c’est la réalisation de cette prophétie de Dieu au début de la Genèse: "Il t’écrasera la tête"[196]. L’orgueil Luciférien est vaincu par un bien petit signe de l’Eglise.
L’Eglise
dispose donc des sacramentaux et des sacrements pour prévenir toute action liée
au spiritisme ou à la sorcellerie. Il est clair que celui qui porte sur lui
avec foi une médaille de la Vierge bloque à l’avance toute action liée à ces
phénomènes (sauf si c'est Dieu lui-même qui, pour faire
grandir une personne, envoie le démon). Les adeptes du spiritisme
connaissent si bien ces propriétés des sacramentaux qu’ils prennent toujours la
précaution de s’assurer de leur absence avant de commence leurs invocations.
Les adeptes de la sorcellerie savent qu’il leur est impossible de faire du mal
à un croyant. Malgré cela, les cas de phénomènes démoniaques restent nombreux.
Ils se multiplient même dans les pays occidentaux, dans la mesure même où la
pratique religieuse diminue. Chaque diocèse de France dispose, depuis quelques
années, de son exorciste officiel.
Parmi
les phénomènes sataniques, l’Eglise distingue la tentation, l’obsession et la
possession.
Tentation:
Habituellement, le démon se contente d’attaquer l’homme en le tentant,
c’est-à-dire en agissant sur ses passions et pour le pousser à commettre des
actes mauvais. Il est bien sûr excessif de dire que toutes les tentations qui
nous assaillent viennent du démon, mais il est aussi faux de dire qu’aucune
d’entre elles ne l’on pour origine. Cette petite histoire, rapportée par les
premiers Pères du désert, peut nous éclairer théologiquement sur l’action
occulte du démon par la tentation: un moine vit en songe un de ses frères.
Celui ci était connu pour sa sainteté, et représentait un modèle pour chacun.
Or, sa cellule était entourée par une armée de démons de toutes formes qui
glapissaient, criaient, frappaient, pour le tirer de sa prière. Le moine
restait pourtant impassible, plongé en Dieu. Il vit ensuite une grande ville.
Les gens s’y agitaient en tous sens, vendant et achetant, mangeant et buvant,
riant ou pleurant. A la porte de la ville, un démon gras était assis, et
faisait la sieste. Il semblait beaucoup s’ennuyer. Le moine, très étonné, vint
donc le voir, et lui demanda: "Comment se fait il que tu sois le seul
démon pour cette ville immense, alors que des milliers de tes semblables sont
avec le moine, là-bas?".
Le démon lui répondit: "Nous n’avons pas
besoin de travailler dans cette ville. Les hommes ont suffisamment d’occasions
d’être tentés !".
Face
à la tentation du démon, l’Eglise propose avant tout la prière (qu’elle soit
silencieuse ou sacramentelle), comme la messe et le jeûne.
L’obsession
représente une forme plus grande de tentation. Deux types de personnes en sont
victimes: Elle peut atteindre les hommes de Dieu, dont la sainteté particulière
a su résister aux attaques de la tentation. Elle peut atteindre aussi les
imprudents qui ont flirté avec le spiritisme ou avec la sorcellerie.
L’obsession est parfois externe, lorsqu’elle agit sur les sens extérieurs par
des apparitions, des voies, des coups frappés ou encore des objets déplacés.
Par ces moyens, le démon tente d’effrayer ses victimes pour les détourner de la
pratique de la Charité ou, au contraire, il essaie de les séduire, pour les
attirer au mal. On raconte que Saint Antoine du désert fut obsédé par le démon,
qui lui apparaissait sous la forme de courtisanes. Il sut résister là où tout
homme serait tombé. L’obsession est le plus souvent interne. On peut même dire
qu’il n’existe pratiquement pas d’obsession externe qui ne soit accompagnée de
ce genre de tentations puissantes. Dans ce cas, le démon agit sur les sens
intérieurs, l’imagination et la mémoire, et sur les passions, pour les exciter.
Comme malgré soi, on est envahi pur des images importunes, obsédantes, qui
persistent malgré les efforts énergiques. On se sent en proie aux
bouillonnements de la colère, aux angoisses du désespoir, à des mouvements
instinctifs d’antipathie ou au contraire, à des tendresses dangereuses, et que
rien ne semble justifier. Sans doute, il est difficile d’être sûr de la
présence d’une véritable obsession, mais quand les tentations sont à la fois
soudaines, violentes, persistantes, et difficiles à expliquer par une cause
naturelle, on peut y voir une action spéciale du démon. En cas de doute, il est
bon de consulter un psychologue chrétien, qui puisse examiner si ces phénomènes
ne sont pas dus à un état morbide relevant de la médecine.
Si
l’obsession diabolique est moralement certaine ou très probable, la personne
qui en est victime doit être entourée et soutenue par la prière et l’affection
de tous. L’Eglise dispose en outre de prières et de petits exorcismes, qu’elle
préfère appliquer à l’insu de la personne, pour ne pas la troubler.
La
possession démoniaque va plus loin, puisqu’elle est une prise de
contrôle par le démon du corps de la personne. Le démon ne s’unit pas au corps
comme l’âme l’est au corps, mais comme un moteur externe, qui agit sur les
membres et leur fait exécuter toutes sortes de mouvements.
Hormis les cas extrêmement rares des
possessions sataniques permises par Dieu pour la plus grande gloire d’un saint,
une possession ne vient jamais par hasard. Elle est toujours précédée par une
imprudence ou une malveillance des hommes qui font appel au service des anges
révoltés.
Ce
soir là, un groupe de jeunes avait décidé de fêter l’approche de leur
baccalauréat par une réunion dansante dans la maison de l’un d’entre eux. Ils
étaient une quinzaine, et la soirée tirait à sa fin, quand l’un d’eux eu l’idée
d’organiser une séance de spiritisme. On mit donc un verre au centre d’une
table, on disposa des lettres, et on se tint prêts, chacun ayant disposé son
doigt au-dessus du verre. Après avoir appelé un esprit, on s’aperçut de sa
venue, car le verre se mit à bouger. Diverses questions furent posées: L’âge de
la petite soeur, les futurs résultats du bac, le nombre d’enfant qu’on aurait.
A chaque fois la réponse tombait, et chacun était forcé de s’émerveiller du
phénomène. A ce moment, l’un des jeunes demanda: "Esprit, si tu es là,
essaie de parler à travers l’un d’entre nous".
Aussitôt
cette parole prononcée, l’une des jeunes filles du groupe sembla se figer, et
devint toute pâle. Son visage prit une expression qui jeta l’effroi sur toute
l’assemblée. Très vite devant ce visage de mort, le groupe se débanda. La
maison fut laissée vide, avec la seule présence de la jeune fille, qui n’avait pas
bougé de l’étage. L’un des garçons, témoin de cette scène, m’a rapporté la
frayeur qu’il éprouva en sortant de la maison et en jetant un regard vers la
fenêtre du premier étage. Il vit le visage blême de sa camarade qui le
regardait fixement. Le lendemain matin, la jeune fille ne se souvenait de rien.
Fort heureusement pour elle, la possession dont elle fut victime ce soir là ne
fut que ponctuelle.
C’est
encore à l’imprudence que l’on doit ce cas de possession fort célèbre dans
l’Eglise, mais cette imprudence fut accompagnée de la malveillance d’un sorcier
de village. Une jeune femme, touchée par des ennuis de santé, avait fait tout
son possible auprès de divers corps de médecine pour être soulagée. Rien
n’avait pu la guérir et en désespoir de cause, son mari eut l’idée de l’emmener
chez un guérisseur. La première fois, il l’y accompagna. Le guérisseur pratiqua
pour sa femme diverses passes magnétiques. Revenu chez elle, elle éprouva un
certain soulagement dans ses douleurs. Elle décida donc de retourner chez cet
homme, qui était le seul, jusqu’ici, a avoir eu une réelle efficacité sur sa
maladie. Chaque séance apportait un mieux, au point que le couple ne regardait
pas aux dépenses. Cependant, elle se rendit compte que le guérisseur profitait
de l’absence du mari pour se faire de plus en plus entreprenant envers elle. Il
finit par dévoiler son jeu, et lui demanda de devenir sa maîtresse. Elle partit
avec fracas, et le guérisseur lui annonça qu’elle aurait à se repentir de son
refus. Effectivement, quelques jours plus tard, ses douleurs revinrent, aussi
fortes qu’avant. Bientôt s’y ajoutèrent de violents maux de tête. Le couple dut
partir de nouveau à la recherche de médecins et de spécialistes. Quelques mois
plus tard, la maladie avait non seulement empiré, mais s’y étaient ajouté des
troubles psychologiques. La femme restait par moments prostrée, à d’autres
moments, elle était surexcitée. Extérieurement, cela ressemblait à une névrose
maniaco-dépressive. La vie commune en devenait de plus en plus difficile, et le
pauvre homme se demandait souvent comment cela finirait.
Un
jour, il entendit dans la maison un chant mélodieux. Cela ressemblait à une
mélodie d’opéra. Il chercha, et trouva sa femme, les yeux hagards, en train de
chanter avec une voix qui n’était pas la sienne. D’autres phénomènes de ce
genre apparurent: par moments, elle récitait un long discours dans des langues
qui lui étaient absolument inconnues; elle bondissait dans les pièces, au point
qu’on aurait dit qu’elle volait. Entre deux crises, elle apparaissait épuisée
et désemparée, ne se souvenant de rien.
Sur
les conseils d’un chrétien, l’homme se décida à demander conseil à un exorciste
officiel de l’Eglise catholique. Il lui décrivit les symptômes, et le prêtre
lui confirma qu’il s’agissait d’un cas de possession démoniaque. Il ne voulut
pas se prononcer définitivement avant de l’avoir vue, et d’avoir tenté sur elle
le grand exorcisme.
Le Jour venu, il fallut quatre hommes
pour maîtriser la femme, qui était entrée dans une crise terrible. On dut
l’attacher sur une chaise, dans la sacristie de l’église. A peine le prêtre
avait-il commencé ses prières que la crise se fit plus violente. Le corps était
pris de convulsions, tandis que la voix proférait des insultes, avec un ton qui
ne lui était pas naturel.
La
litanie des saints[197]
se termina dans ce climat. Le rituel du grand exorcisme prévoit alors un
interrogatoire, à la manière dont Jésus lui-même le pratiquait dans l’Evangile[198].
A l’interrogation insistante de l’exorciste, une voix grave, une voix d’homme
se fit entendre, confirmant la réalité d’une véritable possession satanique.
Au
cours des séances suivantes, on apprit que plusieurs démons habitaient le corps
de la pauvre femme. Ils avaient été mandatés par le guérisseur, qui était en
fait adepte de la sorcellerie. Celui-ci désirait se venger d’un outrage, qu’il
n’avait jamais pu pardonner (sans doute, du refus opposé par la femme à ses
avances). Le Grand exorciste de l’Eglise commence donc par la prière, se
prolonge dans un interrogatoire et se termine par l’expulsion du démon. Pour
atteindre ce but, l’Eglise met à la disposition du prêtre mandaté la puissance
des sacramentaux. Il s’agit bien sûr de l’eau bénite, mais aussi de paroles
comme celles-ci:
"Au
nom de Jésus Christ, vrai Dieu et vrai homme, sors de cette femme !".
"Au
nom de la Vierge Marie, sors de cette femme !".
Dans
le cas qui nous occupe, toute cette puissance déployée arrachait aux démons de
cris de douleur, mais ils refusaient de partir. Il fallut pratiquer l’exorcisme
pendant plus de deux ans. Après chaque séance, la femme se sentait mieux,
jusqu’au jour où il fallait recommencer. Le démon, dans les derniers temps se
montrait de plus en plus faible. Il finit par avouer qu’il voulait bien sortir,
mais qu’il ne le pouvait pas, car il s’était engagé avec le sorcier par un
pacte écrit. La justice de Dieu le maintenait fidèle à ce pacte, jusqu’à ce
qu’il soit détruit par la main du sorcier. Il fallut donc attendre que le
sorcier se décide à brûler ce papier, ce qu’il fit. Sans doute y fut il poussé
par le démon lui même qui, lassé d’affronter l’Eglise, se retourna contre celui
qui l’avait envoyé.
Ce
cas de possession, extrêmement grave dans ses conséquences, confirme encore une
fois la prudence qu’il faut avoir avant de consulter un guérisseur.
Le
ministère d’exorciste est actuellement réservé dans l’Eglise à un prêtre dont
la foi, la prudence et la science théologique sont reconnues de tous. Il reçoit
sa juridiction (c’est-à-dire la faculté d’exercer son pouvoir d’exorcisme sur
quelqu’un) des mains de l’évêque. Il est interdit à tout autre que lui, qu’il
soit prêtre ou laïc, de prendre l’initiait de pratiquer le grand exorcisme.
Depuis quelques dizaines d’années, l’Eglise a même interdit la pratique des
petits exorcismes[199]
à tout homme qui n’en avait pas reçu mandat. En agissant ainsi, l’Eglise ne
cherche qu’à protéger les imprudents qui ne savent pas à quelle puissance ils
s’attaquent. Le métier d’exorciste est dangereux, comme en témoigne le texte
des Actes des Apôtres: "Dieu opérait par les mains de Paul des miracles
peu banals à tel point qu’il suffisait d’appliquer sur les malades des
mouchoirs ou des linges, qui avaient touché son corps: alors, les maladies les
quittaient, et les esprits mauvais s’en allaient. Or les quelques exorcistes
juifs ambulants s’essayèrent à prononcer aussi le nom du Seigneur Jésus sur
ceux qui avaient des esprits mauvais. Ils disaient: "Je vous adjure par ce Jésus que Paul proclame". Il y
avait sept fils de Sécha, un grand prêtre juif, qui agissaient de la sorte.
Mais l’esprit mauvais leur répliqua: "Jésus, je le connais, et Paul, je
sais qui c’est. Mais, vous autres, qui êtes-vous?". Et se jetant sur eux,
l’homme possédé de l’esprit mauvais les maîtrisa les uns et les autres, et les
malmena si bien que c’est nus et couverts de blessures qu’ils s’échappèrent de
cette maison. Tous les habitants d’Ephèse, Juif et grecs, surent la chose. La
crainte, alors, s’empara de tous, et le nom du Seigneur Jésus fut
glorifié"[200].
L’exorciste
officiel de l’Eglise, revêtu de l’autorité de Dieu lui-même, ressemble à Saint
Paul, et n’a rien à craindre pour sa vie. L’exorciste amateur ne dispose
d’aucune garantie autre que lui même, ce qui est bien peu face au monde des
Ténèbres.
La
science théologique de l’exorciste doit être suffisamment précise pour lui
permettre de discerne les obsessions et les possessions des multiples maladies
psychologiques, qui leur ressemblent et peuvent être
confondues: passions/tentation,
névroses/obsession; psychose/possession. L’action du démon ne se
manifeste pas toujours par des signes aussi évidents que ceux qui apparurent
dans le cas de la jeune femme. Il est bien évident que des faits, comme parler
une langue étrangère, s’exprimer avec urne voix autre que la sienne, voler dans
les airs suggèrent la présence d’une puissance supra-naturelle. Mais, avant
d’en arriver là, la jeune femme souffrit pendant près de deux ans de simples
maux de tête, puis d’une névrose maniaco-dépressive. L’Evangile confirme que
certaines maladies bien connues des médecins ont parfois une cause qui n’est
pas naturelle. Il parle de démoniaques sourds et muets[201]
que Jésus guérit par exorcisme, mais aussi de maladies analogues, que Jésus
guérit sans qu’il soit fait mention du démon (l’aveugle de naissance, par
exemple). Le monde des maladies psychologiques est situé dans le cerveau de
l’homme, domaine où les esprits excellent. S’il est excessif et donc faux
d’attribuer toute maladie psychologique au règne des démons, il n’est cependant
pas exclu que certaines d’entre elles, semblables aux autres relèvent de
l’exorciste surtout si l’on peut prouver qu’elles ont été précédées par des
pratiques liées au spiritisme ou par la fréquentation d’un magicien.
Certains
tests permettent de se former une opinion déterminante: Connaissant la
répulsion des démons pour tout ce qui relève de Dieu, les exorcistes guettent
chez les malades venus les consulter certains signe comme la répulsion à entrer
dans urne église, à toucher une bible ou un crucifix.
Un
homme, se prétendant possédé, vint consulter un exorciste de l’Eglise. Pour
vérifier ses dires, le prêtre l’aspergea alors d’eau du robinet. L’homme dut
penser qu’il s’agissait d’eau bénite, puisqu’il se mit à se tordre comme s’il
était en proie à de grandes douleurs. La ficelle était trop grosse pour que le
prêtre s’y laisse prendre. Le cas relevait davantage du psychologue que de son
ministère. Lors d’une véritable possession, il est évident que le démon
reconnaît un sacramental d’un objet profane.
Qu’un
malade réagisse en face des objets saints de l’Eglise ne prouve rien, mais
invite à la prudence. Bien des gens sont allergiques à l’Eglise sans pour
autant être possédés !
Le
grand Exorcisme se pratique toujours dans un climat de prière et de pénitence,
sans cette parole de Jésus: "Certains
démons ne partent que par la prière et le jeûne"[202].
Des
témoins sont admis, pour assister le prêtre de leur prière et de leur aide
matérielle (Il faut parfois tenir le possédé). Bien qu’il ne fasse qu’utiliser
la puissance de l’Eglise, l’exorciste doit être aussi homme de foi, pour ne pas
mériter ce reproche de Jésus: Les disciples, s’approchant de Jésus, lui
demandèrent: "Pourquoi n’avons-nous
pu expulser le démon? Parce que vous avez peu de foi. Car, je vous le dis, en
vérité, si vous aviez de la foi gros comme un grain de sénevé, vous diriez à
cette montagne: Déplace toi d’ici à là, et elle se déplacera, et rien ne vous
sera impossible"[203].
S’il
arrive parfois que le démon résiste au plus saint des exorcistes, ce ne peut
être que par une permission de Dieu, qui en tirera un bien préférable. Dans le
cas rapporté au début de ce chapitre, ce fut pour la femme victime du démon et
pour son mari un retour définitif à la prière et à la pratique religieuse; Pour
le sorcier, une occasion d’expérimenter le danger de la vengeance (puisqu’il
subit à son tour les attaques du démon).
Devant
la multiplication des cas de possession, un commerce de pseudo-exorcistes s’est
multiplié en France ces dernières années. Certains reportages télévisés nous
ont même montré un homme, qui se donne le titre de "Pape des
Lucifériens", exorciser une femme. Est-il possible que le démon chasse le
démon?
L’Evangile
répond nettement à cette question: on accusait Jésus, chasser les démons par la
puissance de Beelzeboul, le prince des démons. Celui-ci répondit à ses
détracteurs: "Tout royaume divisé
contre lui-même est dévasté, et maison sur maison s’écroule. Si donc Satan
s’est lui aussi, divisé contre lui-même, comment son royaume se
maintiendrait-il, puisque vous dites que c’est par Beelzeboul que j’expulse les
démons"[204].
Le démon ne peut donc chasser un autre démon,
ce serait illogique. Pourtant, certains affirment avoir été soulagés du mal de
possession dû à un sorcier par la puissance d’un autre sorcier plus fort que le
premier. Ce cas est même si fréquent que certains préfèrent l’efficacité de
tels hommes à celle des prêtres de l’Eglise.
Il
faut répondre que le départ du démon n’est alors qu’apparent. En acceptant de
libérer le corps d’une personne, l’esprit du mal manifeste sa puissance et
suscite l’admiration de celui qui en a bénéficié. Il ne perd donc rien au
change: son influence, au lieu de rester limité au corps, peut alors s’étendre
directement à l’intelligence subjuguée. Il obtient ainsi des facilites beaucoup
plus grandes pour conduire la personne loin de Dieu et de son amour.
Le
démon agit de la même manière que certains hommes habiles, quand il veut
séduire. Il n’hésite pas à faire croire qu’il libère d’un danger, alors que
c’est eux-mêmes qui, en secret, ont suscité ce danger.
Avant
de conclure ce chapitre, une dernière remarque est nécessaire: comme l’ange
mauvais, l’ange bon est capable de prendre possession d’un corps humain. La vie
de certains saints est remplie ces faits. Saint Vincent Ferrier, par exemple,
n’était qu’un petit homme terne et voûté. Mais, quand il devait prendre la
parole, il était saisi par une force, qui le rendait puissant au point
d’enthousiasmer les foules. Nous verrons dans le chapitre consacré aux
charismes jusqu’où peut aller ce phénomène. Sainte Mariam Bonard après avoir dû
subir l’épreuve d’une possession démoniaque, fut possédée par un ange de
lumière, qui rendit son visage lumineux, et proféra par sa bouche des psaumes
dignes du roi David. De telles possessions, comme tout ce qui relève de Dieu,
ne se provoquent pas à volonté. Elles sont des dons gratuits, accordés pour le
bien de toute l’Eglise à ceux qui, parfois, s’y attendent le moins.
Conclusion:
Par cette section, nous n’avons fait qu’approcher le monde des esprits. Bien
d’autres phénomènes ont été décrits par les théologiens, et les récits dignes
de foi ne manquent pas. L’histoire de l’Eglise n’est pas finie, et les
prophéties bibliques ne manquent pas de nous mettre en garde contre une
multiplication des phénomènes et des prodiges, qui précédèrent la fin du monde.
Le
phénomène des OVNI (objets volants non identifiés) se manifeste pour la
première fois au cours de la seconde guerre mondiale, le 25 février 1942 entre
3 h 12 et 4 h 15: De mystérieux avions, capables de faire dû sur place, avant
d’accélérer brusquement, ont été observés, et pris sous le feu de la 37e
brigade antiaérienne, sur le territoire américain. Mille quatre cent trente
obus furent tirés.
Depuis
ces débuts retentissants, le phénomène OVNI n’a plus cessé de défrayer la
chronique. Le nombre des témoignages contenus dans des rapports de police ou
d’armée est impressionnant. Une part non négligeable d’entre eux a été
expliquée par le passage d’un satellite, la chute d’une météorite, d’un avion.
Mais il demeure un grand nombre de cas à ce jour non identifiés. Les données
des radars confirment parfois la vision de témoins oculaires.
Ces
OVNI sont des objets matériels (donc photographiables) capables de se déplacer
avec des vitesses incroyables et des accélérations qui dépassent toute capacité
du corps humain. L’hypothèse d’un engin piloté par un homme est donc exclue.
Les mouvements des OVNI s’opposent à l’attraction terrestre, et obligent à
conclure à l’existence d’une source d’énergie interne. Les OVNI apparaissent
brutalement sur les écrans radars, et peuvent disparaître tout aussi vite,
comme s’ils se dématérialisaient.
Tous
ces faits, confirmés par les témoignages, ne laissent aucun doute de
l’existence d’un nouveau phénomène paranormal, inconnu des anciens, un
phénomène moderne, qu’il est difficile de ranger a priori dans les oubliettes de la science. C’est pourquoi nombre
de pays ont créé des organismes chargés de recueillir, les témoignages, les
photos, les traces d’atterrissage.
L’hypothèse
la plus séduisante consiste à supposer qu’il s’agit d’un spatial habité. La
question de l’existence d’un monde extra-terrestre est donc posée.
Là
s’arrête la connaissance officielle sur le phénomène.
Que
peut dire la Théologie catholique là dessus?
Est-il
révélé quelque part dans la Bible l’existence d’autres mondes habités? Non, une
telle révélation n’existe pas explicitement. Par contre, il n’est pas non plus
révélé la non existence de ces mondes. La question reste donc ouverte et, si
l’on découvrait un jour une telle planète, les chrétiens auraient le devoir d’y
annoncer la Bonne Nouvelle de ce que Dieu a fait pour eux !
Les
seuls extra-terrestres dont la Bible fait mention sont les anges. Mais ces
créatures sont très différentes de nous, puisqu’elles n’ont pas de corps (donc
pas de vaisseaux spatiaux). Au-delà de la science moderne, on constate qu’un
certain nombre de mouvements religieux modernes approchent le phénomène OVNI.
Le plus connu d’entre eux est le mouvement RAELIEN, du nom de son fondateur.
Raël
prétend avoir été enlevé dans sa jeunesse par un vaisseau extra-terrestre. Ses
occupants, appelés les Elohim, lui auraient confié une mission pour l’humanité.
Le
message est simple: "Nous, les Elohim, avons façonné sur la Terre les
animaux qui la peuple, avant d’y installer les hommes, génétiquement créés en
laboratoire. Nous avons décidé d’apparaître en cette deuxième moitié du XXe
siècle, à cause de l’invention de la bombe atomique. Cessez de produire des
armes, aimez-vous les uns les autres ou vous courrez à votre destruction".
On aurait bien tort de se
moquer trop vite de cette révélation, même si le
caractère parfaitement vénal et lubrique de Raël apparaît sans équivoque, à
travers les écuries de course automobiles qu'il s'offre avec l'argent de sa
religion, à travers ses concubines de luxe. La
simplicité du message, accompagnée de toute une élaboration théologique
et scientifique, séduit aussi bien les petits que les savants. Les adeptes du
mouvement raëlien sont issus de tous les peuples, et de toutes les religions,
car il paraît les assurer toutes en une synthèse oecuménique parfaite.
Le
mot Elohim vient de la Bible. Il est même dans la première phrase de ce livre: "Au commencement les Elohim créèrent le
ciel et la Terre". Pour les chrétiens, ce mot pluriel annonce le
mystère de la Trinité, pas pour Raël.
Ce
sont encore les Elohim qui apparurent à Abraham au chêne de Mambré, à Moïse au
Mont Sinaï, lui laissant les tables de la loi. L’histoire sainte tout entière
est ainsi interprétée à la lumière des OVNI. Quant à Jésus, il est le fruit de
l’union sexuelle entre une femme (Marie) et un extra-terrestre. Il est un
demi-Dieu, à l’image de ceux de la Mythologie grecque, et ses pouvoirs miraculeux
s’expliquent de cette manière. Avant lui, Bouddha fut illuminé par un
enseignement venu de l’espace. Après lui, Mahomet reçut le Coran sous la dictée
d’un extra-terrestre. Quant aux saints de tous les temps, ils ont simplement la
chance de pouvoir entrer en contact télépathique avec les Elohim. Raël est le
dernier d’entre eux. La révélation qu’il a reçue est la plus haute, puisqu’elle
explique, pour la première fois, l’origine de toutes les religions, au-delà de
leurs divisions.
Est-il réellement en contact télépathique avec
une entité intelligente? Raël est-il un habile fondateur de secte, qui a su
utiliser le phénomène scientifico-religieux des OVNI. L’hypothèse est possible,
du moins si l’on regarde la richesse de son train de vie.
Ce
qui est certain, c’est qu’un chrétien ne doit pas adhérer à son mouvement (ni
même, d’ailleurs un juif, un musulman ou tout homme qui croit en Dieu). Le
message de Raël est un faux Evangile. Il y manque Dieu, le Dieu unique et Tout
Puissant, créateur des anges et des hommes. Si des extra-terrestres s’affirment
créateurs[205],
ils s’élèvent au rang de Dieu, et la religion qu’ils fondent n’est autre que le
polythéisme des Grecs ou des Romains, une sorte de paganisme moderne.
Que
les chrétiens ne se laissent pas séduire par la puissance du message, et par le
fait qu’on y parle d’amour. Saint Paul nous met en garde: "Eh bien ! Si nous mêmes, si un ange venu du ciel vous annonçait
un Evangile différent de celui que nous avons prêché, qu’il soit anathème !
Nous vous l’avons déjà dit, et aujourd’hui je le répète: si quelqu’un vous
annonce un Evangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème"[206].
Lorsque
j’étais auprès du père Emmanuel, dans son ermitage des Alpes, je vins le voir
pour lui demander ce qu’il pensait du phénomène d’OVNI. Il prit sa Bible, et me
montra le texte que voici: "L’Esprit
dit expressément que, dans les derniers temps, certains renieront la foi pour
s’attacher à des esprits trompeurs et à des doctrines diaboliques, séduits par
menteurs"[207].
Puis,
il me dit: "J’espère que c’est la fin des temps, et que je verrai le
Christ revenir dans sa gloire".
Cette
parole est restée gravée dans ma mémoire. La multiplication des phénomènes
paranormaux accompagnés de messages pseudo-religieux serait-elle la réalisation
de ces prophéties de l’Ecriture? A-t-on affaire à des ultimes tentatives de
l’ange rebelle, qui, sentant son temps compté, multiplie les démarches pour
éloigner les hommes de leur Dieu, pour les replonger dans le paganisme ancien?
Un
chrétien sur deux croit en la Réincarnation. Cette doctrine, nouvelle en
Occident, fut importée dans les milieux populaires par plusieurs voies
convergentes: la pratique du spiritisme au XIXe siècle, la découverte des
religions de l’Inde et de la Chine au XXe. Avant de regarder l’enseignement de
Jésus sur ce problème, il nous faut rechercher s’il n’en existe pas des preuves
paranormales. Le premier témoignage me vient de la bouche d’un religieux du
Prieuré Notre-Dame de Rimont en Bourgogne. Son frère marié et père de deux
enfants âgés respectivement de 3 et 5 ans, avait décidé d’emmener toute la
famille aux U.S.A. Ils se promenaient dans les rues de New York, quand son fils
cadet se précipita vers un passant en criant: "Papa, papa".
L’homme
parut bouleversé et invita toute la famille à venir dans son appartement. Ils
apprirent alors qu’il était veuf depuis 3 ans, depuis que sa femme et son fils
de 8 ans s’étaient tués dans un accident de la route. Quant à l’enfant de 3
ans, il restait accroché à l’homme qu’il continuait d’appeler papa. On décida
donc de pousser plu loin. Parmi des photos de femmes, on mélangea une photo de
l’épouse décédée. On présenta le tout à l’enfant, qui se jeta sur la photo en
criant: "Maman, maman !".
Le
deuxième témoignage est tiré de la religion du Tibet, le bouddhisme tantrique.
Quand le dalaï-lama se fait vieux, il réunit son conseil pour annoncer la
proximité de sa mort. Il donne alors le nom du village où ils devront le
rechercher, car c’est là qu’il a décidé de se réincarner.
Deux
ans après la mort de leur chef spirituel, les moines se rendent au village
indiqué, et cherchent parmi les garçonnets âgés de deux ans celui qu’ils
considéreront comme sa réincarnation.
Pour
le reconnaître, ils amènent avec eux différents objets ayant appartenu au
défunt: son chapelet et son bol, sa tunique et ses sandales, et bien d’autres
choses. Ces différents objets doivent être reconnus par l’enfant alors qu’ils
sont mêlés à des dizaines d’autres. Une seule erreur est éliminatoire.
C’est
ainsi que fut désigné, à l’âge de deux ans l’actuel successeur des dalaï-lamas,
prix Nobel de la Paix en 1989. A propos de sa nomination, il se souvient:
"Si je ne peux pas affirmer avec certitude être la réincarnation de mon
prédécesseur, je me souviens par contre qu’il n’est apparu plusieurs fois en
rêve durant mon enfance".
Ces
deux témoignages sont saisissants. Certains n’hésitent pas à fonder sur de
telles histoires leur foi en la réincarnation "Comment expliquer
autrement, demandent-ils, l’existence de souvenir chez de tout jeunes
enfants?".
Plusieurs
théories sont donc enseignées, selon qu’elles sont prises à l’Hindouisme ou au
Bouddhisme. Aux yeux de l’Hindouisme, celui qui fait le mal dans sa vie
réincarne dans quelque chose d’inférieur à ce qu’il était. C’est une loi
inexorable du Karma. Selon cette conception, l’enfant handicapé n’est pas à
plaindre, puisqu’il subit les conséquences de ce qu’il fait dans son existence
antérieure. Aux yeux du Bouddhisme, chaque réincarnation ne peut aller que dans
le sens du progrès, jusqu’à la perfection totale, qui vient faire cesser le
cycle des renaissances.
Mais
dans les deux cas, elle est considérée comme un mal, qu’il faut s’efforcer de
fuir, pour rejoindre la paix définitive.
Certains
chrétiens, sensibles à l’injustice de ce monde, où les méchants sont comblés de
biens, adhèrent à la première solution, qui leur paraît rétablir la justice.
D’autres,
refusant l’existence de l’enfer éternel, pensent que Dieu laisse une chance à
chacun de recommencer ce qu’il a raté. La deuxième solution leur paraît
correspondre à la bonté de Dieu. Avant de rappeler l’enseignement de l’Eglise
en ce domaine, il n’est pas vain de se demander si Dieu est capable, par sa
puissance, de réaliser une réincarnation. La réponse est bien évidemment
"oui": la Toute Puissance de Dieu ne saurait être mise en échec par
n’importe quel miracle, du moment qu’il ne s’y présente pas une contradiction
interne (par exemple, faire qu’un cercle soit en même temps un carré). La
réincarnation ne présente pas de contradiction interne: Elle est simplement
contre nature, ce qui signifie qu’elle ne pourrait se produire spontanément. Si
elle se produisait, ce serait donc par miracle, et par un miracle plus grand
que celui d’une résurrection. Il est, en effet, plus facile d’unir une âme à
son propre corps (résurrection) que de l’unir à un autre corps (réincarnation).
La réincarnation suppose de la part de Dieu l’octroi à l’âme d’un surcroît de
vitalité, car elle n’est pas faite pour assumer un corps étranger.
Malgré
cela, malgré les semblants de preuves que nous avons décrits au début de ce
chapitre, l’Eglise affirme, avec toute la force de son autorité, que la
réincarnation n’existe pas. Son enseignement est clair: Il n’a jamais existé,
et il n’existera jamais un seul cas de réincarnation, car Dieu a prévu quelque
chose de bien plus grand pour ses enfants: la résurrection. Cet enseignement de
l’Eglise présente même toutes les caractéristiques de l’infaillibilité. Un
chrétien peut donc affirmer, appuyé sur la confiance en Jésus: "Je crois en la résurrection de la
chair", "Je ne crois pas en réincarnation dans la chair".
Note:
La
réincarnation est une croyance nouvelle de l’occident. Elle ne s’est réellement
introduite dans nos mentalités que depuis un siècle et demi. Certains
soutiennent pourtant que l’Eglise des premiers siècles croyait en ce phénomène.
Il faut remettre les choses au point: Le théologien Origéne est pratiquement le
seul à avoir enseigné la métempsycose[208].
Il fut d’ailleurs très vite condamné pour cette doctrine par divers Conciles.
D’autres personnes pensent qu’on peut
trouver dans l’Evangile des traces d’une foi en la réincarnation. Le texte
suivant est souvent cité: "Jean-Baptiste,
c’est lui l’Elie qui doit venir"[209].
Jésus lui même prononce cette parole mystérieuse pour répondre à la question de
ces disciples sur la nature de Jean Baptiste.
On
a déduit de ce passage que, si Jean-Baptiste est vraiment Elie revenu sur
terre, c’est qu’Elie s’est réincarné. L’Eglise n’a jamais accepté une telle
interprétation. Selon sa tradition la plus profonde, quand la Bible affirme que
Jean-Baptiste est Elie revenu sur terre, elle veut signifier qu’il s’agit du
retour de la "spiritualité" d’Elie. On appelle spiritualité la
manière dont un homme ou une communauté vit sa foi. Jean-Baptiste a vraiment
vécu de la spiritualité d’Elie puisque, comme lui, il a manifesté au monde avec
puissance la présence de Dieu. En ce sens, on peut dire, qu’il est vraiment
Elie revenu sur terre.
La
loi du Karma, issue de la théorie hindouiste (voir plus haut) a été
explicitement rejetée par Jésus. Cela se passait à Jérusalem: "En passant, il vit un homme aveugle de
naissance. Ses disciples lui demandèrent: "maître, qui a péché, lui ou ses
parents pour qu’il soit aveugle?". Jésus répondit: "Ni lui, ni
ses parents, mais c’est afin que soient manifestées en lui les oeuvres de
Dieu".
En
Israël, à cette époque, deux théories tentaient d’expliquer la souffrance. Dans
les deux cas, on essayait d’en excuser Dieu en montrant qu’il s’agissait
toujours de l’effet d’un péché précédent. Certains pensaient que les péchés
retombaient sur les enfants, selon le proverbe: "Les parents ont mangé des fruits verts, et les dents des enfants
en ont été agacées". D’autres affirmaient, s’inspirant des théories
grecques de Platon, que l’enfant s’était lui même mal conduit dans une autre
vie, Jésus rejette ces deux théories. Selon lui, la souffrance qui atteint cet
aveugle n’a pas d’autre cause que la fragilité de la matière. Mais toute
souffrance de ce type peut servir à la gloire de Dieu en
provoquant de l'humilité et, si elle est vécue par amour pour lui, de la
communion des saints.
Quant
à la deuxième théorie, celle qui s’inspire du bouddhisme, elle semble être
contredite par l’expérience. Comment affirmer qu’il existe un réel progrès
moral de l’Humanité en ce XXe siècle, qui a fait, à lui seul, plus de morts par
la guerre que toute l’histoire de l’humanité? Comment affirmer que nous sommes
plus sages que nos ancêtres. L’argent, le plaisir et les honneurs demeurent
plus que jamais les valeurs suprêmes du monde. La réincarnation ne semble avoir
en rien fait progresser les choses. Ce n’est d’ailleurs pas étonnant: comment
Dieu pourrait il espérer un réel progrès en réincarnant les hommes, si ceux-ci
ne gardent aucun souvenir de leurs erreurs passées? Il ne peut y avoir de
progrès moral sans expérience. Ainsi, si Dieu, dans sa sagesse, avait voulu
passer par cette méthode pour purifier ses créatures, il aurait maintenu
intacte leur mémoire.
Certains
objectent à cela qu’il est possible de remonter le cours de ses existences
antérieures, par des méthodes relevant de l’hypnose ou du spiritisme. Il faut
être clair: Ces deux méthodes n’ont aucune valeur scientifique et théologique:
Celle qui utilise l’hypnose a donné trop de réincarnations de Napoléon Ier ou
d’Alexandre le Grand pour être prise au sérieux. Elle ne fait que rendre
conscients les vieux rêves qui sommeillent en nous. Quant à celle qui utilise
le spiritisme (l’invocation des esprits supérieurs), si elle donne des
résultats extraordinaires des récits de vies dont on peut vérifier
l’authenticité, elle s’appuie pour cela sur des autorités douteuses et
menteuses[210].
La réincarnation pose davantage de problèmes qu’elle n’en résout. Celui qui y
croit se condamne à ne plus jamais revoir ceux qu’il a aimé dans une existence
présente. Il devient une étincelle de vie neutre, dont la personnalité change
de vie en vie.
Comment
expliquer, malgré cela, l’engouement des chrétiens pour cette doctrine? J’y
vois malheureusement deux causes. La première me paraît la plus grave: C’est la
perte générale du goût de Dieu. L’espérance des chrétiens n’est plus pour le
ciel, mais pour la terre. Ils ont oublié la valeur sublime de la promesse de
Jésus qui faisait vibrer d’espérance les premiers martyrs: "Dans la maison de mon père, il y a de nombreuses demeures. Je
vais vous préparer une place, et je vous prendrai près de moi[211]".
Les chrétiens n’aiment plus assez Dieu. Voir son visage ne suscite plus l’enthousiasme.
Ils préfèrent donc revenir sur terre où la vie ne leur semble pas si mal.
La
deuxième cause est à mettre au compte des théologiens des universités de
formation. A force d’affirmer qu’on ne sait pas exactement ce qui se passe
après la mort, à force de réduire l’enseignement de l’Eglise et des saints à de
simples opinions, ils ont laissé un vide que chaque fidèle essaie de combler
par ses propres moyens. A forces d’affirmer qu’un chrétien est fait pour
changer ce monde avant de penser au monde de l’au-delà, ils ont fait de la
sagesse chrétienne une forme religieuse du combat social.
Or,
la sagesse chrétienne est plus que cela: Elle est la porte ouverte par Dieu sur
le coeur même de son amour. Elle est un torrent qui jaillit en vie éternelle.
Mère Térésa n’est-elle pas le modèle de l’action sociale? Ses soeurs sont
débordées de travail, et malgré cela, elle a imposé dans leur règle une heure
de prière silencieuse en plus. Elle a compris que la source de tout amour est
en Dieu. Il est donc urgent que les prêtres parlent de nouveau de la mort et de
ce qui la suit, qu’ils proclament la vraie nature du Jugement dernier, qu’ils
annoncent partout que les disciples du Christ n’ont pas à craindre la
réincarnation, parce que le Seigneur a inventé une forme beaucoup plus belle,
beaucoup plus respectueuse du salut: "Nous serons jugés sur l’amour".
Cette forme de salut rend inutile la réincarnation. Dieu est capable de
réaliser un jugement parfaitement juste, au-delà des aléas du destin terrestre
de chacun: "Bienheureux les assoiffés de justice, ils seront
rassasiés".
Qu’il
s’agisse d’un nourrisson mort avant d’avoir grandi, d’une prostituée soumise à
la honte à cause de la misère, d’un handicapé, d’un pauvre ou d’un riche,
l’essentiel est cet acte d’amour au moment de la mort. Il suffit d’aimer[212].
Il suffit d’aimer pour recevoir de la part de Dieu une mesure bien pleine, bien
tassée de bonheur, et d’un bonheur qui est inimaginable pour celui qui ne l’a
pas vécu. Ce bonheur ne fera pas de jaloux, car il sera parfait pour chacun.
Tout
cela se terminera par la résurrection de la chair. Nous retrouverons notre
propre corps, débarrassé de ses imperfections. Quant à ceux qui auront choisi
la damnation, ils l’auront fait avec entière liberté. Nous nous réjouirons de
la bonté de Dieu, de sa grandeur, qui laisse à sa créature le droit de le
rejeter.
Autant donner ici en une fois
l'explication du mal en théologie catholique, dans sa version la plus
officielle. Seulement, permettez que je
la présente à la façon d'un "conte", car il s'agit bien de cela: une
Histoire (sainte).
Après tout, puisqu'il s'agit d'une
foi, indémontrable mais cohérente, il sera possible à chacun de s'en faire une
idée.
D'abord il y a un commencement
(L'ALPHA) qui explique une fin (L'OMEGA): L'alpha s'appelle: Trinité et l'OMEGA
s'appelle, … Trinité…
Tout s'explique par un ALPHA, c'est à dire un principe de
connaissance dont tout procède, c'est Dieu.
Il existe donc, depuis toujours, un
Etre infini, parfait, qui en lui même se suffit. Il est si grandiose (= le
Père) que, éternellement, la seule contemplation de son immensité (= le Verbe)
et l'amour de lui même (= le Saint Esprit) le comble.
Or, cette vie intérieure, (c'est ce
que révèle Jésus, le Verbe fait chair), PRESENTE DEUX QUALITES QU'IL NE PEUT
PAS CHANGER. LA EST LA CLEF DE TOUT, y compris de la souffrance, vous le
verrez:
Ces deux qualités sont:
1° "KÉNOSE" (anéantissent
intérieur de soi): Le Père n'est qu'extase "VERS" le Fils et
réciproquement: Ils se disent éternellement "C'est toi qui compte"
2° "AMOUR" (ça vous
connaissez)
Cette théologie de la Trinité peut
vous avoir parue complexe. Mais on peut dire la même chose en langage enfantin:
le Dieu infini et tout puissant pourrait être comparé à "la plus pure, la
plus virginale, la plus humble, et la plus désireuse de l'amour parmi les
jeunes filles", à un point tel que Marie elle-même (une simple créature)
ne peut que l'esquisser.
Or ce Dieu décide un jour de faire
partager son bonheur. Il décide de créer de vraies personnes LIBRES qui, si elles
le veulent, pourront l'épouser. Cela ne lui apportera rien, il est heureux.
C'est de la pure gratuité.
Et c'est là que se trouve
l'"OS", je veux dire "le problème".
Ils sont au nombre de trois, tous
en rapport avec ce que je vous ai dit de la Trinité:
1° Dieu étant COMME "la plus pure, la plus virginale, la
plus humble des jeunes filles", nul ne peut partager son bonheur sans
"l'épouser par amour". C'est ce que veut dire saint Paul: "Le
mariage est un grand sacrement, je veux dire l'union de notre âme avec
Dieu". Ainsi, si une créature, quelle qu'elle soit, ne devient pas comme
Dieu "TOUT HUMBLE ET TOUT AMOUR", elle ne peut épouser Dieu. C'est un
fait. Nul ne pourra le changer. Lucifer, un ange, a eu beau contester en
disant: "c'est idiot. On doit pouvoir voir Dieu qui est d'abord esprit
PARCE QU'ON EST INTELLIGENT, et non à la mesure d'un stupide motif d'humilité
et d'amour", Dieu ne peut se changer. Toute proportion gardée, épouser
Dieu sans ces qualités (cœur humble et amour), c'est comme épouser "la
plus pure, la plus virginale, la plus humble des jeunes filles" pour le
seul motif du plaisir sexuel ou de son argent. Cela s'appelle un viol.
2° Dieu ayant créé l'homme et les
anges pour ce bonheur et ce bonheur étant … LUI, il est évident qu'il a mis
dans le coeur de l'homme en le créant, un "creux" une capacité
essentielle pour Lui, donc pour "l'infini". Ainsi, puisqu'il faut
avant de voir Dieu face à face, le choisir en toute humilité et amour, il y
aura nécessairement un temps où une première SOUFFRANCE est créée par Dieu, en
même temps que l'homme et les anges: Il s'agit d'un "feu" de l'âme,
que la psychologie appelle "ANGOISSE" et qui est ce manque de Dieu
tant que nous ne voyons pas Dieu. Vous l'expérimentez tous, cette espèce de
"PEUR SANS OBJET" qui vous prend… alors que tout va bien… C'est elle.
3° Puisque ce choix doit se faire
librement, il est évident que certains pourront dire, au moment où ce choix
leur sera présenté EN TOUTE LUCIDITE ET LIBERTE: "Ridicule". Ainsi,
en créant des personnes libres de choisir un jour, Dieu a créé la possibilité
de refuser ce mariage. Or, en créant des créatures faites pour lui et capables
de mépriser ce mariage, Dieu a créé… l'enfer. L'enfer, ce n'est pas un lieu de
tortures préparées par un sadique. C'est le même lieu physique que le paradis
éternel, (le même jardin nouveau, les même merveilles) données à des personnes
qui, faites pour épouser Dieu, le refusent librement et se trouvent avec une
nature coupée de ce pour quoi elle fut créée (l'angoisse devient leur vie et
leur vie librement choisie).
Lorsque Dieu créa le premier homme
et la première femme, Adam et Eve, ceux qui devaient enfanter tous les autres,
il les mit sur terre en leur expliquant TOUT CELA. Il fit donc d'Adam et Eve
des SAGES (mais ils ne connaissaient rien aux SCIENCES ET TECHNIQUES). Il leur
dit: "Mettez en premier dans vos
vies HUMILITE ET AMOUR. Faites des enfants, élevez les. Je ne vous quitte pas.
Je marche à côté de vous. Mais bientôt, je viendrai vous épouser pour
l'éternité."
Vous connaissez la suite de
l'histoire: Adam et Eve dirent NON, en toute lucidité et malgré cet
avertissement de Dieu: "Mais
attention, si vous mettez une autre valeur dans vos vies que celles que je vous
indique, alors je me cacherai et toutes les souffrances tomberont sur
vous."
Alors Dieu commença par se cacher.
C'est bien Dieu qui donna ordre aux anges de retirer leur protection visible.
C'est bien Dieu qui nous laissa dans le froid, comme ABANDONNES. En réalité,
les anges étaient bien là, EFFICACES PLUS QUE JAMAIS, distribuant joies et
souffrances, laissant agir les lois de ce monde, à un point qu'on ne soupçonne
même pas. En fait, le raz de marée qui tue des centaines de milliers de
personnes est l'image de notre destin à tous: TOUS SANS EXCEPTION, NOUS SOMMES
COMME ABANDONNES, LIVRES A NOS PULSIONS, A L'IGNORANCE, puis NOUS ALLONS ÊTRE
ÔTÉS DE CE MONDE, SANS MERCI, AU MOMENT QUE NOUS N'ATTENDONS PAS.
Pour mieux comprendre ce fait, cette souffrance, il faut expliquer
maintenant L'OMEGA, c'est-à-dire ce qui se passe A L'HEURE DE LA MORT.
Lisons maintenant la toile par son
endroit. Lorsque au terme de leur errance, le corps usé, l'âme angoissée, Adam
et Eve (et nous-mêmes à leur suite) moururent, ils avaient probablement tout
oublié du Dieu tendre qui jadis marchait dans le jardin. Ils se croyaient
maudits pour toujours, à cause de leur péché.
Tant de souffrances, de fait, les
avaient RENDUES HUMBLES et ils ne s'en rendaient même pas compte. Finies les
histoires du style: "Nous serons
comme des Dieux". Ils moururent donc et parurent de l'autre côté
"A GENOUX". Et l'ange de Dieu leur apparut (aujourd'hui, c'est le
Christ qui vient à l'heure de la mort). Il les releva et leur dit: "Parce que vous avez péché, vous avez
SOUFFERT. Parce que vous avez SOUFFFERT, vous avez découvert votre faiblesse.
Parce que vous étiez FAIBLES, vous avez découvert votre INDIGNITE. Et ainsi,
vous êtes arrivés DISPOSES AU REPENTIR. Maintenant, regardez ce que Dieu vous
propose."
Et l'ange leur montra par sa
lumière une image de la Trinité, "la
plus pure, la plus virginale, la plus humble, et la plus désireuse de l'amour
parmi les jeunes filles"… et du mariage d'amour qu'elle souhaitait.
Il est possible maintenant de
comprendre le sens de la souffrance et l'impossibilité de l'effacement de ses
fruuts conscient par une hypothétique réincarnation. Jésus disait: "Je vous le dis, oui ils ont beaucoup
péché. Et parce qu'ils ont beaucoup été pardonnés, ils ont beaucoup aimé."
Reprenez l'ALPHA raconté tout à l'heure, la fameuse histoire de "Nul ne peut voir et épouser Dieu s'il
ne devient pas comme Dieu TOUT HUMBLE ET TOUT AMOUR". Il est possible
de comparer le degré d'humilité et d'amour atteints par Adam et Eve après le
péché originel et ce passage par la souffrance à celui qu'ils auraient atteint
sans. C'est évident et l'Eglise s'est mise à dire: "Bienheureuse faute qui nous a valu un tel salut".
Il est évident, à la lumière de ce
récit, que si un homme décédé n'est pas tout-à-fait humble et amour pour entrer
au paradis, Dieu ne va pas le faire progresser en lui effaçant ses souvenir et
en le replongeant sur la terre, lui faisant perdre du même coup tout ce qui est
au cœur de son projet sur nous: ses relations personnelles (parents, enfants,
conjoints, communion des saints). Il est évident que, s'il doit y avoir
purification, cela se fera pour une personne maîtresse de ses souvenir,
repentante de ses péchés passés. C'est ce que l'Eglise appelle le PURGATOIRE.
Conclusion: La réincarnation est
contradictoire avec le cœur de la théologie catholique puisqu'elle croit à LA
PERSONNE HUMAINE. Mais, l'Eglise croit en une nécessaire purification qu'elle
sait se réaliser, après le premier purgatoire de la terre, à travers d'autres
étapes qui accompagnent ou suivent la mort, jusqu'à ce que, devenue totalement
pauvre (humble) et aimante, elle voit Dieu face à face en compagnie des saints
et des anges.
Que penser maintenant des
deux témoignages rapportés au début de ce chapitre. Comment expliquer
l’existence de souvenirs chez les enfants, chez le Dalaï-Lama lui même? Au plan
purement philosophique, la réincarnation demeure une hypothèse possible, mais
elle n’est pas la seule. La philosophie chinoise permet d’établir d’autres tout
aussi valables. Quand elle parle de l’existence d’un corps astral, sorte de
charge énergétique où sont condensés les souvenirs d’une personne, quand elle
affirme la possibilité d’une survie momentanée de ce corps astral[213]
après la mort, elle ouvre la porte à la possibilité d’une contamination avec le
psychisme d’un nouveau né. Rien n’empêche qu’à sa naissance, un enfant reçoive
inconsciemment, et par contamination les souvenirs d’un être qui meurt au même
moment. Il n’y aurait pas lors à parler de réincarnation, mais de récupération
par l’enfant d’un moi psychique qui n’est pas le
sien (et qu’il oublie d’ailleurs assez vite).
Quant
au Dalaï-Lama, la religion dont il est le chef semble trop belle pour ne pas
recevoir l’aide de Dieu et de ses anges. Dieu ne réserve pas ses interventions
à l’Eglise, mais à tout mouvement religieux, qui peut réaliser du bien dans le
coeur des hommes.
Pour
étayer la croyance en la réincarnation, certaines personnes mettent en avant
l’expérience commune à beaucoup, d’avoir connu un lieu où l’on passe pour la
première fois, d’avoir déjà vécu une scène. Une telle expérience peut trouver
des explications naturelles. Certains psychologues ont montré qu’il peut
arriver, lorsqu’on passe dans un lieu, que l’on perçoive les choses extérieures
à que la conscience ne les ait saisies. Le court décollage entre ces deux
perceptions, dont la première est inconsciente, peut expliquer un phénomène de
"déjà vu".
Dans d’autres cas, on peut avoir affaire à un
véritable rêve prémonitoire[214],
dont le souvenir demeure au fond de la mémoire, et qui resurgit avec toute sa
netteté au moment où la scène se déroule devant les yeux. Ce phénomène
manifeste alors encore l'action et la présence des anges.
"Dieu dit à Moïse: Dis à Aaron: Etends
ton bâton frappe la poussière du sol, et elle se changera en moustiques dans
tout le pays d’Egypte. Aaron étendit la main avec son bâton, et frappa la
poussière du sol, et il y eut des moustiques dans tout le pays d’Egypte".
Les magiciens d’Egypte avec leurs sortilèges firent la même chose, pour faire
sortir les moustiques, mais ils ne le purent. Les magiciens dirent à Pharaon:
"C’est le doigt de Dieu" (Exode).
Ce
chapitre n’ajoute sans doute rien de nouveau à ce qui a été dit jusqu’ici. Il
est cependant important de rappeler à tous ceux qui croient en Dieu les domaines
où ils peuvent être certains de la présence de son action. Devant la
multiplication des pseudo-prophètes et faiseurs de miracles, qui fondent ici et
là leurs Eglises personnelles, un discernement est indispensable. L’Eglise
catholique, à chaque fois qu’on lui demande de reconnaître une apparition,
demande à Dieu de lui donner un de ces signes dont il a l’habitude de marquer
ses messages. La signature de Dieu peut être singée par la technique humaine ou
par le démon, mais elle ne peut jamais être imitée.
Saint
Augustin, contemplant la multitude des oeuvres de Dieu, cria: "C’est un plus grand ouvrage de faire
d’un impie un juste que créer le ciel et la terre"[215].
La
conversion d’un coeur est la première de ces oeuvres qu’aucune autre que Dieu
ne peut accomplir, de même que personne d’autre que ne peut créer à partir de
rien. Il ne s’agit pas ici de n’importe quelle conversion, celle, par exemple,
qui ramène un ami infidèle à son ami. Il s’agit d’une conversion très
particulière, d’un niveau qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer sur terre. Il
s’agit de cette conversion mystérieuse, surnaturelle, qui fait que, soudain,
Dieu est là.
Dieu
présent, Dieu visible, Dieu aimé, voici le fruit extraordinaire de cette
conversion là.
Il
s’agit d’une expérience mystique (c’est-à-dire mystérieuse): Elle ne peut-être
comprise que par celui qui l’a vécue. Une fois vécue, elle ne peut être décrite
que par des mots qui la trahissent. Bien des hommes s’y sont pourtant essayés.
Saint Jean de la Croix s’est écrié: "C’est une vive flamme d’amour".
Sainte Thérèse lui répondit: "C’est comme un torrent d’eaux vives, qui
jaillit en éternité". Un pauvre paysan confiait au Curé d’Ars: "Je
l’avise, et il me parle". C’est sans doute ce petit paysan, mort et oublié
depuis longtemps, que nous devons la plus belle description de cette mer
veille. En effet, au-delà du feu qui remplit le cœur de celui qui la vit, tant
l’amour est intense, au-delà de l’eau qui jaillit, tant la joie et la paix qui
l’accompagnent sont uniques.
Le
feu, l’eau, l’amour, la paix, ne sont que des effets, quelques uns de ces
nombreux effets de l’unique cause: la présence de Dieu.
Celui
qui, une seule fois, a eu le privilège de goûter cette Présence, ne l’oublie
jamais. Le temps aura beau passer avec son usure, les péchés auront beau
s’accumuler, et en rendre lointain le souvenir, il restera toujours, quelque
part au fond de l’âme, une nostalgie du Bonheur unique touché un jour.
Celui
qui, ayant compris du premier coup la valeur de ce don s’efforce de lui rester
fidèle, a la surprise de voir sa soif de Dieu augmenter, s’enfler au fur et à
mesure qu’il s’approche de lui, au point de mettre son coeur en flammes, de lui
donner envie du Ciel. Cet amour est irrésistible: il rend ivre, comme un vin
nouveau et intarissable, et dont on ne se lasse jamais. C’est lui qui donne aux
convertis l’envie de prier sans cesse, de faire de leur vie une messe, tant ils
ont soif de recevoir le Seigneur; C’est lui qui précipite vers les monastères,
comme par un appel, une vocation irrésistible; C’est lui qui anime les apôtres,
les prosélytes, qui voudraient tant lui faire partager: "Je suis venu
allumer un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il brûle déjà"[216];
C’est lui qui fait aimer ses amis et même ses ennemis comme des frères, au
point de susciter des Mère Térésa, des Vincent de Paul.
Cette
expérience est à la base de toute vie surnaturelle. Elle est parfois violente,
à la manière de saint Paul, parfois douce et paisible, à la manière de la plupart.
Mais elle est toujours là. Sans elle, on peut être chrétien par tradition
familiale ou politique, par peur de la mort ou par raisonnement intellectuel (à
la manière de Blaise Pascal dans son pari), mais on n’est pas chrétien par la
foi.
Or,
une telle conversion est nécessairement un don de Dieu. Nul ne peut la
provoquer à volonté, tant Dieu est inaccessible. Elle constitue le plus grand
des phénomènes paranormaux, tant par sa hauteur que par ses effets sur la vie
entière. Il est aussi impensable pour un homme d’imaginer la simple possibilité
de cette présence de Dieu, qu’à un aveugle de naissance de représenter un lever
de soleil.
Ce
qui est à la fois merveilleux et terrible, c’est que dieu la donne à qui la
désire, dès qu’il trouve un cœur de bonne volonté qui appelle. C’est
merveilleux, car la porte de la vie surnaturelle est ainsi ouverte à tout le
monde. Nul n’est exclu des trésors innombrables dont elle n’est que les
prémices. Cela peut aussi être terrible, quand l’âme, ainsi touchée par Dieu,
ne trouve pas un "bon berger" pour l’aider à aller plus loin sur le
chemin ainsi ouvert, si elle ne trouve pas un prêtre ou un chrétien expérimenté
pour la guider.
Bien
des hommes se sont pour cette raison perdus dans l’illuminisme, ont été happés
par des sectes.
L’expérience
religieuse, qui est à la base de la conversion peut donc être donnée à tout le
monde. Elle ne nécessite aucun entraînement, aucun exercice spirituel. Elle est
un pur don de Dieu, comme la foi, qui est son premier effet: Celui qui a touché
la présence de Dieu est prêt, dans la mesure de l’intensité de cette
expérience, à croire tout ce que Dieu lui enseigne. Il croit non seulement
parce qu’il sait, dès ce premier moment que Dieu existe réellement, mais aussi
parce qu’il sent que Dieu est bon et ne peut le tromper.
Il
ne tient qu’à lui de marcher sur la voie ainsi ouverte, la voie d’un amour
unique qui a conduit bien des hommes et des femmes là où ils n’auraient jamais
pensé aller: la sainteté[217].
Laissons parler un instant l’un
des plus grands saints, des plus grands apôtres de la vie surnaturelle. Saint
Séraphim de Sarov disait: "Tu cherches quel est le but de la vie
chrétienne. Tu as demandé et on t’a répondu d’aller à l’Eglise, de prier, de
vivre selon les commandements de Dieu, de faire le bien. Tel, disait-on était
le but de la vie chrétienne. Et bien, moi, je te dis: la prière, le jeûne, les
veilles, et autres activités chrétiennes, ne sont que des moyens. Le vrai but
de la vie chrétienne consiste en l’ACQUISITION DU SAINT-ESPRIT DE DIEU"[218].
Saint
Paul, dans la première épître aux Corinthiens, signale l’existence de dons
d’origine divine: "L’un reçoit de
l’Esprit le don de parler avec sagesse, l’autre don de parler avec science
selon le même Esprit; Celui-ci reçoit dans le même Esprit la foi, celui là la
grâce de guérir les malades; Un autre don d’opérer des miracles; Un autre
encore la prophétie; Un autre le discernement des esprits; Un autre les
langues; Un autre enfin l’interprétation des discours en langues"[219].
Nous
avons vu tout au long de cet ouvrage combien il était difficile d’attribuer à
Dieu tous les miracles, toutes les guérisons des malades, toutes les
prophéties. Quant au don de parler avec sagesse ou avec science, chacun sait
que cela peut être un simple effet des études accomplies, accompagnées en un
sens de l’allocution qu’on peut entraîner en pratiquant la rhétorique. Il
existe donc des charismes humains qui ne sont pas reçus de l’Esprit, mais de la
nature ou des anges bons et mauvais. Les charismes naturels peuvent être
développés par entraînement. Les charismes sataniques peuvent être obtenus par
invocation d’esprits.
Mais
ce qui caractérise les charismes donnés par Dieu, ce qui permet de les
distinguer avec certitude de tout autre, c’est leur effet: eux seuls
convertissent les cœurs. J’ai montré au chapitre précédent qu’une conversion du
cœur, au sens chrétien du terme, se fonde sur une expérience mystérieuse de la
présence de Dieu. Nul autre que Dieu ne peut donc provoquer un tel miracle.
Ainsi,
si l’on peut constater qu’après un discours prononcé en chaire, une partie de
l’Assemblée s’est retrouvée élevée vers Dieu au point de vivre cette
expérience, on pourra sans hésiter parler d’un véritable charisme du
prédicateur. Un tel charisme ne se possède pas, Dieu le donne quand il le veut.
Les prêtres le savent bien: Le plus génial des orateurs aura beau mettre tout
son talent pour enthousiasmer les foules en parlant de Dieu, si l’Esprit Saint
ne vient pas, ses paroles n’auront pas plus d’effet qu’une splendide pièce de
théâtre. L’Esprit Saint peut au contraire venir, alors que l’orateur ne
prononce que des mots ternes et sans consistance. Un tel charisme des discours
fut expérimenté par un prêtre qui me le rapporta: il venait de terminer un long
sermon. Le public semblait dormir. Il fit son signe de croix, et dit dans le
micro, à l’adresse de l’organiste qui se trompait: "Il faut tourner la
page". A la fin de la messe, une personne en larmes vint le voir, lui
disant qu’il avait converti son coeur. Flatté, il lui demanda quelle partie de
son sermon avait eu un tel effet. Elle lui répondit: "Quand vous avez dit
qu’il fallait tourner la page, j’ai compris la vanité de ma vie".
Certains
prétendent qu’on peut entretenir les charismes. S’ils avaient vraiment compris
ce qu’ils sont, ils ne parleraient pas ainsi. Il est malheureusement facile de
confondre ses dons naturels avec dons gratuits de Dieu.
Un
magnétiseur de campagne, par exemple, dans la mesure où il fait qu’utiliser son
énergie naturelle pour aider à la guérison d’un malade n’exerce pas un
charisme, mais une simple propriété de la nature humaine.
Son
action est bien différente de celle de ces paysans tout simples, pleins de foi
en Dieu, qui se transmettent de génération en génération une prière qui guérit
telle ou telle maladie. Je me souviens avoir rencontré un de ces braves hommes.
On venait le voir des alentours pour se faire guérir de toutes les brûlures,
quel que soit leur degré. Il se contentait de tracer sur la plaie une croix en
prononçant le nom de Jésus. L’effet était immédiat. Il s’agit bien là d’un
charisme dans ce qu’il a de plus pur, l’un de ces charismes chrétiens donnés
par Jésus en récompense de la foi. De la même manière, les rois de France
recevaient de Dieu le pouvoir de guérir certaines maladies par le signe de la
croix.
Le
saint le plus charismatique est sans aucun doute Saint Vincent Ferrier[220].
Les faits qui illustrent sa vie sont si extraordinaires qu’ils sont à peine
croyables, même pour un chrétien habitué aux phénomènes paranormaux. Pourtant,
les témoignages de l’époque sont absolument crédibles. Ce petit dominicain,
d’abord professeur de Théologie, fut appelé pour évangéliser l’Europe. Il
demanda au pape la permission de prêcher partout, et partit, simplement
accompagné d’un âne, qui portait sa Somme théologique, sa Bible, et une cloche
pour attirer les foules. Son unique désir était de convertir les cœurs:
l’Eglise l’avait confirmé dans cette vocation. Il reçut donc de Dieu les
charismes. Mais il les reçut au point de pouvoir éclairer toute Théologie: pour
instruire les autres des vérités divines, qui dépassent toute démonstration,
mais requièrent la foi, trois conditions sont requises, affirme Saint Thomas[221].
L’apôtre doit posséder une connaissance complète de ces vérités divines, afin
d’être capable de les enseigner. Il doit donc être un chrétien et un
théologien. Etre chrétien c’est aimer Dieu et ses frères plus que soi-même.
Saint Vincent Ferrier était brûlé de ce feu divin.
Etre
théologien n’est pas non plus un charisme divin, mais le fruit de longues
études. Saint Vincent commença sa vie de prêtre par enseigner cette discipline.
On le décrit comme un
scolastique doué, mais peu différant des autres professeurs de son époque. Il
ne brillait donc pas particulièrement en tant qu’homme, ce qui ne fait que
confirmer l’origine supra-naturelle des dons qui éclatèrent en lui dès qu’il devint
apôtre. Nous trouvons en lui, à partir de cette seconde époque de sa vie, une
des plus belles illustrations de la théologie chrétienne des charismes. Pour
convertir les cœurs, il reçut en premier lieu le charisme de la foi. Il ne
s’agit pas de cette foi intérieure, qui fixe l’intelligence dans une confiance
totale en Dieu. Cette vertu théologale est commune à tous les croyants, qu’ils
soient juifs, chrétiens ou musulmans. Il s’agit là d’une foi qui transparaît à
l’extérieur au point de provoquer l’étonnement des auditeurs. Quand Saint
Vincent passait dans la campagne, la plus profonde impression qu’il laissait
était celle de sa totale foi en Dieu, sa confiance absolue, au point qu’il
donnait envie de croire avec lui en tout ce qu’il croyait. Ce charisme aurait
presque suffit à convertir les foules, tant il saisissait les coeurs.
Mais
Dieu ne s’arrêta pas là, il lui donna aussi le charisme des discours dont parle
Saint Paul. Cet homme terne et voûté
semblait saisi par une force venue d’ailleurs, à l’instant même où il montait
en chaire pou parler. Sa parole s’élevait, claire comme une eau vive. Son
élocution demeurait surhumaine, incomparable avec tout ce que peu donner l’art
oratoire humain. Les gens tombaient à genoux dès les premiers mots, touchés au
cœur par les flèches de Dieu. En théologie chrétienne, la meilleure explication
de ce charisme semble être la coopération entre cet homme étonnant, les anges
et Dieu. L’homme s’abandonnait à Dieu dans une confiance totale, pour qu’Il
parle à travers lui; l’ange venait alors prendre possession de ses facultés,
inspirant le discours de ce qu’il prononçait, parlant quasiment à travers sa
bouche; Dieu, enfin, couronnait tout cela de sa puissance rédemptrice,
retournant les cœurs vers lui, par la manifestation intime, brûlante ou douce,
de sa présence.
En
Saint Vincent Ferrier, le charisme des discours se disait en plusieurs espèces:
Il pouvait prononcer des paroles de sagesse, c’est-à-dire des paroles capables
d’exprimer les plus grands mystères de Dieu; ceux qui entendaient étaient
saisis du désir de contempler la Sainte Trinité, l’éternel mystère du Père qui
engendre le Fils par le Saint-Esprit. La contemplation paraissait simple sur
ses lèvres. La mystique ne semblait plus réservée à quelques religieuses
isolées de leurs couvents.
Il
pouvait aussi prononcer des discours de science: aucun des problèmes de la
Théologie ne lui échappait, et il savait les illustrer par des exemples pris
dans l’univers entier. Dans sa bouche, les abeilles parlaient de Dieu, les
oiseaux devenaient témoins de la vie chrétienne. La science chrétienne n’avait
plus de secrets pour ses auditeurs.
Ces
trois charismes (la foi, les discours de sagesse et les discours de science)
suffisaient à ramener vers Dieu et l’Eglise la masse des foules chrétiennes des
campagnes européennes. La tiédeur ne pouvait résister à ce feu de Dieu. Mais,
quand il s’agissait de toucher le coeur des hommes sincèrement croyants
d’autres religions, en particulier des musulmans d’Espagne ou des juifs, il
fallait bien d’autres armes. Il fallait, en effet, confirmer pour eux l’origine
divine de ses paroles. Saint Thomas montre que les données de la foi ne peuvent
être confirmées par des preuves rationnelles. Nul ne peut prouver
philosophiquement que Jésus est réellement présent dans l’eucharistie. Seul
Dieu peut le faire en donnant un signe que lui seul peut accomplir[222].
C’est le charisme des miracles. Ils se divisent en quatre espèces: soit que les
causes aboutissent au soulagement du corps, et l’on parlera du charisme de
guérisons; Soit qu’elles tendent uniquement à montrer la puissance divine
lorsque, par exemple le soleil s’arrête ou s’obscurcit, que la mer se divise,
et on a le pouvoir d’opérer des prodiges. Ou bien, ce docteur est en mesure de
révéler ce qu’il n’appartient de connaître, comme les futurs contingents et
l’on a la prophétie ou encore les secrets des consciences et l’on a le discernement
des esprits[223].
Saint
Vincent Ferrier, assoiffé de révéler Jésus-Christ aux juifs et aux musulmans de
toute la terre, accomplissait des miracles inimaginables. Il ne se contentait
pas de guérir, il ressuscitait. Il refit, par exemple, le grand miracle de
Saint Nicolas. Il était depuis quelque temps en Bretagne, quand un homme vint
le voir, pour lui parler de sa femme qu’il trouvait de plus en plus violente et
inquiétante: le saint lui conseilla de l’aimer et de multiplier les
délicatesses envers elle. Quelques jours plus tard, l’homme revint, et lui
demanda de venir avec lui à la maison: Depuis deux jours sa femme était encore
plus bizarre que d’habitude, depuis que leur enfant avait disparu. Le saint le
suivit donc, entra dans la maison, vit la femme, et s’écria: "Malheureuse,
qu’as-tu fait?". Puis, il se dirigea vers le saloir, où il trouva le corps
de l’enfant, découpé par la main criminelle de sa mère. Devant la douleur du
pauvre homme, qui était resté stupéfié d’horreur, il fit sortir tout le monde
et resta seul avec le corps de l’enfant. Des gens s’étaient réunis devant la
maison. Quelques minutes plus tard, Vincent Ferrier sortit. Il tenait par la
main l’enfant, qu’il avait tout simplement ressuscité. Une autre fois, il avait
réuni dans une église une foule qui l’écoutait prêcher. Une femme juive ne
cessait de lancer des remarques ironiques à propos de ses paroles. Elle finit
par se lever, et se dirigea vers la sortie. Le saint la vit, traça un signe de
croix vers elle. Aussitôt, le porche de l’église s’écroula sur elle, la tuant
sur le coup, à la grande stupeur de la foule. Les gens le vit alors descendre
de chaire. Aidés par des hommes, ils dégagèrent le corps de la femme. Le saint
fit un nouveau signe de croix, et elle se releva aussitôt.
"Crois
tu, maintenant? lui demanda-t il.
Oui,
je crois".
Tous
les juifs présents, et bien d’autres, se convertirent aussitôt, et demandèrent
le baptême. Les prophéties de Saint
Vincent Ferrier sont nombreuses et précises. Il vit et annonça le retour du
Christ pour "bientôt", à manière de Saint Jean. Il annonça la venue
d’un autre grand prophète Louis-Marie Grignon, semblable à lui, que certains
croient être convertisseur de la Vendée et de la Bretagne.
Saint
Thomas montre enfin la nécessité pour l’apôtre de céder un dernier charisme qui
lui permette de s’exprimer dans langue de ceux à qui il parle. C’est le don des
langues, dont parle Saint Paul. Il est d’autre part nécessaire de saisir le
sens de paroles qui sont dites, et c’est l’interprétation des discours. Saint
Vincent Ferrier outre le latin, ne connaissait qu’une langue, un vieux patois
de son pays, et il s’exprimait toujours dans ce dialecte. Or, de l’Allemagne à
l’Espagne, chacun le comprenait. Ses paroles étaient miraculeusement traduites
dans la langue de ses auditeurs, de la même manière qu’au jour de la Pentecôte
pour Saint Pierre[224].
Les témoignages confirment ces derniers prodiges sont innombrables, autant que
les foules qu’il évangélisa. Depuis Saint Vincent, aucun homme dans l’Eglise ne
posséda avec autant de plénitude les charismes donnés par Dieu pour convertir
les cœurs. De nos jours, certains chrétiens s’efforcent de redécouvrir ces
multiples dons de Dieu. Les communautés charismatiques les reçoivent en
profusion, de la même manière que les premiers chrétiens. Elles sont devenues
de ce fait, aujourd’hui dans l’Eglise les porte-drapeaux de la nouvelle
évangélisation.
Faut-il demander les charismes?
Cette
question est de la plus haute importance pour celui qui veut vivre en disciple
de Jésus. Un vrai chrétien est un homme qui aime. Il aime d’abord Dieu, de tout
son cœur, de toute son âme, et de toute sa force. Il l’aime plus que sa propre
vie, et ne désire qu’une chose: être auprès de lui. Mais pour que l’Esprit
Saint de Dieu vienne, il doit trouver un cœur doux et humble. Dieu ne vient
jamais dans un cœur orgueilleux. Comment un chrétien pourrait-il avoir
l’imprudence des demander pour lui des charismes? Ces dons merveilleux,
rappelons le, transforment un homme en un apôtre de Dieu, ils l’exaltent et le
rendent célèbre. La célébrité, la gloire ne coexistent que très rarement avec
l’humilité. Il serait bien présomptueux de la part de celui qui aime dieu de se
croire suffisamment humble au point de demander les charismes et de mettre en
danger de cette manière son lien avec Dieu.
Mais
un chrétien est aussi un homme qui aime son prochain comme lui-même. Il désire
pour ses frères non seulement les liens du corps, mais avant tout ceux de l’âme
et en particulier le plus grand d’entre eux: Jésus. Il voudrait que tout homme
connaisse la bonne nouvelle du salut. Or, pour convertir les cœurs, il faut des
apôtres, et pour faire des apôtres, il faut les charismes donnés par Dieu.
S’il
est donc imprudent et présomptueux de demander pour soi les charismes, il est
indispensable de les demander pour l’Eglise, de les demander pour les prêtres,
pour les diacres qui ont le devoir de prêcher, de les demander pour les
catéchistes et pour chaque chrétien que Jésus appelle à devenir apôtre. Si Dieu
suscitait dans le monde d’aujourd’hui un seul de ces grands apôtres, comme
Saint Paul, Saint Vincent Ferrier, Saint François Xavier, le monde entier
convertirait son cœur à l’amour.
Les
charismes étant donnés pour le bien de l’Eglise, et non pour manifester la
sainteté d’une personne, ils peuvent très bien être octroyés à des hommes qui
ne sont pas saints. Ils peuvent être donnés à n’importe qui s’efforce de parler
de Jésus. L’Evangile rapporte le scandale des disciples de Jésus devant cette
magnanimité de Dieu: "Maître, nous avons vu quelqu’un expulser les démons
en ton nom, quelqu’un qui ne nous suit pas, et nous voulions l’empêcher, parce
qu’il ne nous suivait pas. Mais Jésus dit: "Ne l’en empêchez pas, il n’est
personne qui puisse faire un miracle en invoquant mon nom et sitôt après parler
mal de moi. Qui n’est pas contre nous est pour nous[225]".
Il
peut arriver que des hommes parlent de Jésus, non par amour mais pour leur
propre gloire, et pour d’autres motifs encore moins nobles. Certains prêchèrent
ainsi, pour se venger de Saint Paul, espérant lui attirer des ennuis en parlant
en son nom. Même à ces hommes là, Dieu peut donner des charismes pour le bien
de son Eglise. Le charisme n’a donc rien à voir avec la sainteté, et c’est si
vrai que Jésus l’exprime lui même dans ce célèbre passage de l’Evangile: "Ce n’est pas en disant: Seigneur,
Seigneur, qu’on entrera dans le royaume de Dieu mais c’est en faisant la
volonté de mon Père qui est dans les cieux. Beaucoup diront en ces jours là:
Seigneur, Seigneur n’est-ce pas en ton nom que nous avons prophétisé? En ton
nom que nous avons chassé les démons? En ton nom que nous avons fait bien des
miracles? Alors, je leur dirai en face: Jamais je ne vous ai connus. Ecartez
vous de moi, vous qui commettez l’iniquité[226]".
O
Marie, conçue sans péché, envoie ces apôtres des derniers temps que tu as
promis[227].
Qu’ils enflamment le monde grâce aux charismes divins. Mais qu’ils soient aussi
des saints, amoureux de Jésus, jusqu’à donner leur vie.
A
la différence du prodige, le miracle est un acte qui nécessite une puissance
supérieure à tout ce qui est créé. Nous avons vu que les anges, qui sont des
créatures, peuvent par leur propre puissance réaliser de nombreux prodiges:
faire élever une personne dans les airs, la faire parler une langue étrangère,
qu’elle n’a jamais apprise, guérir certaines fièvres, cicatriser avec rapidité
des plaies, rendre lumineuse un visage etc.
Tous
ces prodiges, et bien d’autres, nécessitent une réelle puissance, mais une
puissance limitée: Quand on observe bien chaque phénomène, on s’aperçoit qu’il
ne sort pas des lois de la nature. Il se contente de les activer. L’ange
possède une telle capacité. Or, il existe des anges bons et des anges mauvais.
L’Eglise, qui connaît l’extrême intelligence du démon, hésite bien souvent à
reconnaître une apparition sur la foi d’un tel prodige. Dieu marque son oeuvre
par la puissance infinie de son action. Lui peut réaliser un véritable miracle,
c’est-à-dire un phénomène qui contredit toutes les lois de la nature, y compris
celle de la nature angélique. Les bons anges ont réalisé pour Dieu bien des
prodiges qui, malgré tout, ne constituent pas des miracles.
Quand
ils firent s’enflammer devant Moïse un buisson qui ne se consumait pas, quand
ils frappèrent d’Egypte de plaies, jusqu’à la mort des premiers nés, quand ils
firent traverser la Mer Rouge au peuple juif à pied sec, quand ils lui
donnèrent des cailles ou de la Manne à manger au désert, ils ne firent
qu’utiliser à bon escient les forces la nature ou leur propre force. Nul besoin
dans tous ces cas d’une puissance infinie. De même, plus récemment, ce sont les
anges qui donnèrent aux foules de Fatima l’impression que le soleil dansait sur
lui-même. Ce n’était qu’une impression, puisque le phénomène ne fut observé
qu’autour de ce lieu d’apparition de la Vierge. On peut parler de la même
manière de certains saints canonisés.
1)
Quand on peut prouver, en analysant un miracle, qu’il y a eu création,
c’est-à-dire formation à partir de rien d’une matière nouvelle, c’est que le
doigt de Dieu est là. Dieu seul, en effet, a pouvoir de créer ou d’anéantir.
2)
Quand on peut d’autre part, prouver qu’un miracle a nécessité l’appel d’une
énergie quasi-illimitée, c’est encore que le doigt de Dieu est là, directement,
sans que le ministère des bons anges puisse expliquer quoi que ce soit. Dieu
seul a un pouvoir infini.
Il
existe de nombreux miracles de cette sorte, répertoriés par la science et
reconnus par l’Eglise. Sur plusieurs milliers de guérisons obtenues à Lourdes,
moins d’une centaine furent reconnue officiellement par l’Eglise, parce
qu’elles sont les seules à satisfaire l’un des deux critères précités. Le cas
de Jeanne Frétel est l’un des plus célèbre car il réunit les deux critères.
Cette
jeune fille est arrivée inconsciente à Lourdes, sans même connaître
l’initiative de sa famille. Cela exclut à l’avance toute influence
psychologique sur sa guérison. Elle n’avait presque plus d’intestin. On avait
dû installer au-dessus de son nombril un anus artificiel.
Au
moment où on l’a plongée dans la piscine, elle s’est réveillée, puis elle a eu
faim. Sa guérison a été aussi soudaine qu’un éclair. Un mouvement instantané ne
peut être produit que par une puissance infinie. Le critère N°2 est donc
vérifié.
On s’est aperçu qu’elle avait retrouvé en cet
instant l’intégralité de ses organes. Son intestin était miraculeusement
réapparu. D’où vient cette matière ajoutée à son corps? Le critère N°l est,
selon toute évidence, vérifié[228].
Un certain nombre de guérisons de cette sorte ne peuvent être le fait que de
Dieu: les théologies juives, musulmanes et chrétiennes se rejoignent sur ce
point: Les prophètes avaient annoncé que le Messie manifestera l’origine divine
de son message par les miracles que Dieu ferait en son nom. Quand Jean-Baptiste,
enfermé dans sa prison, fit demander à Jésus s’il était le Messie, celui ci
répondit: "Allez rapporter à Jean ce
que vous avez vu et entendu: les aveugles voient, les boiteux marchent, les
lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent, la bonne
nouvelle est annoncée aux pauvres"[229].
Un
aveugle né, que Jésus avait guéri, proclamait: "Nous savons bien que
jamais on n’a ouï dire que quelqu’un ait ouvert les yeux d’un aveugle de
naissance"[230].
Un
infirmier psychiatrique m’opposait un jour une scène dont il avait été témoin:
un de ses malades, atteint d’une grave schizophrénie, en était devenu paralysé.
Son corps s’était déformé, il ne bougeait plus ses pieds. Etant un jour avec un
de ses collègues, ils parlaient de Jésus. Pour s’amuser, ils crièrent au
malade: "Je te l’ordonne, lève-toi
et marche"[231].
Ils eurent alors la surprise de voir le malade se lever et faire pour la
première fois deux pas, avant de retomber dans sa prostration. S’agit-il d’un miracle? Non, bien
rien sûr. Le malade en question n’était pas un handicapé moteur, mais un
handicapé mental, que maladie avait petit à petit rendu grabataire. Rien ne
s’opposa donc organiquement à ce qu’il marche. Son problème était d’ordre
psychique, et les infirmiers, en lui donnant un ordre, n’ont fait que stimuler
son psychisme. Il n’y a donc pas là de véritables miracles selon les critères 1
et 2. Si le malade avait été paraplégique (moelle épinière sectionnée), et s’il
avait marché sur leur ordre il y aurait eu un véritable miracle. On n’a jamais
entendu par d’un tel fait, hormis dans les lieux où Dieu est invoqué.
Il
en va de même pour chacun des autres cas énumérés par Jésus. Qu’un aveugle de
naissance, dont l’oeil est physiologiquement aveugle voit, c’est un miracle.
Qu’un aveugle pour cause de schizophrénie voit à nouveau, c’est une guérison
psychiatrique.
Le
cas de la résurrection d’un mort est le plus difficilement imitable, aussi bien
pour les hommes que pour les démons. Quand Jésus ressuscite Lazare[232],
dont le corps déposé depuis trois jours au tombeau, s’était déjà en partie
décomposé (Il sent déjà, affirme
Marie sa soeur), il manifeste de façon définitive et absolue à ses
contemporains l’origine divine de sa mission. Aucune puissance angélique ne
peut faire passer un homme de la mort à la vie.
L’homme
ne peut imiter un tel miracle, par exemple en veillant un homme en coma déposé
en hibernation. Le démon, par son pouvoir sur la matière, pourra donner à un
cadavre une apparence de vie en bougeant ses membres. Mais jamais il ne
réalisera une véritable résurrection comme celle de Lazare. Les grands prêtres
juifs, inquiets de ce miracle, décidèrent de supprimer Lazare.
Un
tel projet, dans son machiavélisme, démontre à la foi la lucidité de leur
théologie et la grandeur de leur orgueil. Jésus n’hésite pas à qualifier de
Blasphème contre l’Esprit Saint.
La
résurrection d’un mort est un miracle marqué de la puissance divine, non parce
qu’il répond à la première condition (il n’y a pas dans ce cas de réelle
création à partir de rien), mais parce qu’il entre dans la seconde (puissance
infinie pour donner vie à un corps décomposé).
Le
cas du Saint ermite libanais Charbel Maklouf, canonisé par le pape Jean Paul II
est un exemple typique du critère N°l[233]:
Au lendemain de la mort du saint, le Père Antoine de Michnich écrit sur le
registre du monastère: "Le 24 Décembre 1898, est mort en Dieu l’ermite
Charbel, âgé de 70 ans: Ce qu’il accomplira après sa mort nous dispense décrire
sa vie". Et déjà l’histoire de la survie commence.
Dans
la nuit même des funérailles, frère Elie vit soudain sortir du tabernacle de la
chapelle une lumière qui se déplace vers le tombeau de Charbel. Ce tombeau est
situé dans un bâti touchant l’église à l’est. Il est inondé à cause des pluies
nombreuses en cette époque.
Quelques
jours plus tard, des bandits s’étant réfugiés dan la montagne voient eux aussi
la lumière et frappent au monastère: "Que se passe-t-il chez vous?".
Les gens viennent de plus e plus nombreux, attirés par de tels prodiges.
Les
moines décident donc de déplacer le corps. La première exhumation, qui sera
suivie de bien d’autres, eut lieu le 15 Avril 1899.
Le corps du moine est
intact, mais de l’eau et du sang mêlés sortent de son coté et sont mélangés à
l’eau du tombeau. Le corps est alors déposé dans un premier cercueil au
couvercle de verre non scellé, et exposé dans une cellule du monastère. Il y
restera 28 ans, continuant à sécréter de l’eau et du sang, qui obligent
constamment les moines à nettoyer le cadavre. Dieu est grand, mais les moines
n’apprécient pas qu’il puisse faire miracle en ce lieu. Une nuit, en cachette,
on retire le corps de son armoire cercueil et on le monte sur la terrasse du
couvent pour que le grand vent du nord le fasse sécher. En été, en plein midi,
c’est au soleil brûlant que l’on demande d’agir. Rien n’y fit.
En
juillet 1927, les autorités ecclésiastiques s’émeuvent de L’affluence des
fidèles. Elles décident de déposer le corps dans un double cercueil de plomb et
de cèdre, lui-même placé dans une excavation creusée dans le mur énorme de
l’église. Les moines désormais, peuvent dormir tranquilles. Les ingénieurs les
ont rassurés. La pierre, non poreuse, est étanche entièrement.
Ils
le feront 23 ans; 25 Février 1950: Un moine du couve qui balaye la crypte
remarque un liquide épais, sanguinolent, qui suinte de la pierre du tombeau. Le
22 Avril, celui ci est ouvert, en présence d’un comité officiel et de médecins
venus de la Faculté de Beyrouth. Ils constatent l’intégrité totale du corps.
"Le caractère de ces faits est exceptionnel et inexplicable"
constatent les membres de la commission.
L’Eglise
catholique finira par reconnaître le miraculeux du phénomène. L’ermite Charbel,
béatifié par Paul VI le 5 Décembre 1965, fut canonisé par Jean-Paul II. Comment
autrement que par l'action de Dieu l’apparition d’eau et de sang à partir de ce
corps, dans des quantités qui en dépasse le poids total. Ce miracle implique
une création de matière surajoutée au corps de l’ermite.
Le
charisme de prophétie se distingue des phénomènes de voyance naturelle ou de
divination satanique par son origine divine. Il se reconnaît par ses effets,
qui sont toujours positifs: Conversion de coeurs, désir d’approfondir sa foi.
Un prophète quel qu’il soit dont la fréquentation provoque de tels effets avec
constance et sur des années, peut être, avec une certitude presque parfaite,
considéré comme envoyé par Dieu. "Un
mauvais arbre ne peut porter de bons fruits" disait Jésus.
Mais
la prophétie venue de Dieu se reconnaît aussi à sa qualité interne: Dieu seul
peut tout annoncer, infailliblement. Dieu seul connaît le futur comme s’il
était présent. Dieu seul domine le hasard ou la liberté humaine. De même, Dieu
seul connaît intimement les pensées de chaque cœur. Il peut donc les révéler à
ses saints, leur donnant ce qu’on appelle le charisme du discernement des
esprits dans ce qu’il a de plus profond. Un tel charisme, qui permet de lire au
plus profond de la vie de chacun, au plus intime de ses secrets, n’est bien sûr
donné qu’à des personnes discrètes, qui savent s’en servir pour le bien. C’est
le charisme de certains confesseurs, comme le Padre Pio ou le Curé d’Ars. Comme
tout charisme, il ne s’exerce pas tout le temps. Il est donné par l’Esprit Saint,
quand il veut et à qui il veut. Le Curé d’Ars, si fin d’habitude, ne crut pas
en la vérité de l’apparition de la Salette, malgré sa rencontre avec les
enfants. L’Eglise devrait pourtant lui apporter un grand démenti, en
reconnaissant l’authenticité.
Il
existe deux grands types de prophéties: les prophéties de menace ou de
promesse, et les prophéties de prédestination. Les premières s’expriment
toujours ainsi: "Si vous ne changez pas, il vous arrivera tel malheur; Si
vous changez, il vous arrivera tel bien".
Ce
qui est annoncé ne se passe donc pas infailliblement, mais sous condition. Nous
en avons des exemples nombreux dans la Bible. Quand le prophète Jonas[234]
fut envoyé par Dieu annoncer à Ninive sa destruction, il parla ainsi: "Encore quarante jours, et Ninive sera
détruite".
Or,
les gens de Ninive crurent en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et, dans
l’humilité, demandèrent pardon à Dieu de leurs péchés. La ville fut donc
épargnée, à la grande colère, d’ailleurs, de Jonas, qui étai prophète malgré
lui et aurait espéré autre chose pour manifester son savoir. La plupart du
temps, la Vierge Marie parle ainsi dans ses apparitions. Voici un exemple
célèbre, tiré d’une apparition qui, si elle n’est pas encore reconnue par
l’Eglise, n’en reste pas moins très significatif.
C’était
en 1944: la guerre était partout. La péninsule Italie était envahie au sud par
les alliés, et occupée au centre et au nord par les troupes allemandes. Les
bombardements, l’exode des populations vers les campagnes, la déroute des
soldats italiens, le drame politique, étaient les composantes de la tragédie
quotidienne. Mais dans ce contexte, un événement polarisa l’attention générale.
En effet, dans un petit village proche de Ponte San Pietro, dénommé Ghiaie di
Bonate situé sur la rive droite du fleuve Brembo, une fillette de 15 ans
connaissait des extases mystiques. Elle consigna sur un cahier le récit de ses
13 rencontres avec la Vierge Marie.
Le
15 Juin 1944, la Vierge répondit par sa bouche à tous ceux qui l’interrogeait
pour savoir quand la guerre prendrait fin. C’était sa troisième apparition, et
elle déclara: "Si les hommes font pénitence, la guerre se terminera dans
deux mois, autrement dans un peu moins de deux ans". Il s’agit bien d’une
prophétie de promesse, mais aucun de ceux qui avaient entendu le message de la
Vierge n’aurait été capable de dire ce que recouvrait cette éventualité. La
Vierge avait précisé à la jeune fille qu’il fallait bien faire attention à ce
qui allait se passer un jeudi, dans deux mois. On arriva ainsi au 20 Juillet,
c’est-à-dire dans le deuxième mois qui suivit la prophétie de la Vierge, date à
laquelle un événement qui aurait pu changer le cours de l’histoire se
produisit. Hitler se tenait en réunion avec les chefs suprêmes de l’armée,
lorsqu’explosa une bombe dans la salle. L’attentat contre Hitler aurait, en
effet, pu, s’il avait réussi, entraîner la cessation immédiate de la guerre.
Mais les gens ne firent pas assez cas des paroles de la Vierge, prononcées de
la part de Dieu[235].
A
la différence des prophéties de menace ou de promesse, les prophéties de
prédestination se réalisent toujours. Dieu ne parle plus conditionnellement,
mais il annonce un fait en raison de la science absolue et infaillible qu’il en
a.
La
Bible contient de multiples prophéties de ce type, celles, par exemple qui
annoncent la naissance, la mort et la résurrection de Jésus: Voici quelques
exemples concernant Jésus: "Voici
que la Vierge est enceinte et enfante un fils. Elle lui donnera le nom
d’Emmanuel (Dieu avec nous)"[236];
"Objet de mépris, abandonné des
hommes, homme de douleur, familier de la douleur comme quelqu’un devant qui on
se voile la face, méprisé, nous n’en faisions aucun cas. Or, c’étaient nos
souffrances qu’il portait, et nos douleurs dont il était chargé"[237];
"Voici que mon serviteur triomphera, il sera haut placé, élevé, exalté à
l’extrême. De même que les foules ont été bonifiées à son sujet, de même à son
sujet des foules de nations vont être émerveillées"[238].
Certaines
prophéties de prédestination concernent les nations: Israël, par exemple, est
dans l’Evangile objet de trois prophéties importantes, et reste le peuple élu,
signe pour les chrétiens du retour du Christ.
1)
La destruction du Temple de Jérusalem: "De
ce que vous contemplez, viendront des jours où il ne restera pas pierre sur
pierre, tout sera jeté bas"[239];. 2)Déportation du peuple Juif, puis
retour dans sa terre de Palestine, ce retour étant lui-même signe de la venue
proche du Messie: "Ils seront amenés captifs dans toutes les nations.
Jérusalem sera foulée aux pieds des païens, jusqu’a ce que soient accomplis le
temps des païens[240];
3) Conversion du peuple d’Israël, précédant le retour du Christ: "Vous ne
me verrez plus jusqu’à ce que vous disiez: "Béni soit celui qui vient au
nom du Seigneur"[241].
Les
deux premières prophéties sont réalisées, ainsi qu’une autre, plus mystérieuse,
qui annonce l’holocauste des juifs. Seule la troisième demeure, et elle est
l’objet d’espérance de beaucoup de chrétiens.
Certaines
prophéties de ce type concernent les personnes individuelles: "Aujourd’hui, dit Jésus au bandit
crucifié avec lui, tu seras avec moi dans le paradis"[242].
Celui
qui apprend à lire la Bible avec le regard de la foi y découvrira de profondes
révélations sur le futur de l’Humanité, sur la fin de l’Eglise. Mais les
prophéties les plus belles, les plus profondes, racontent des choses bien plus
importances: Elles racontent Dieu et son amour pour les hommes. Elles annoncent
la vie éternelle qui nous attend après ces années d’épreuve terrestre.
En
ce qui concerne les révélations privées, l’Eglise ne les reconnaît que
lorsqu’elles sont bien et dûment constatées et, même alors, elle ne les impose
pas à la croyance des fidèles. De Plus, s’il s’agit de l’institution d’une fête
ou de quelques pèlerinages elle attend de longues années avant de se prononcer
et ne se décide qu’après avoir examiné mûrement la chose en elle-même et dans
ses rapports avec le dogme et la liturgie. Elle demande des preuves
convaincantes, ces preuves si bien résumées par Benoît XIV dans son livre sur
la canonisation des saints. En général, elle ne se contente pas d’un seul
miracle ou signe, mais en exige plusieurs; C’est de cette manière que fut
reconnue l’apparition de Jésus à une religieuse de Paray-le-Monial, Marguerite
Marie. A la suite de cette apparition, l’Eglise décide de fêter chaque année le
Sacré-Coeur.
Beaucoup
de prophéties privées ne réclament pas une telle reconnaissance de l’Eglise.
Elles portent parfois sur la vie d’une personne individuelle. Le discernement
doit être le même que ce que nous avons décrit dans le chapitre consacré à la
voyance.
Voici un exemple tiré de la
vie du Père Maximilien Kolbe. Ce prêtre extraordinaire, fondateur en Pologne
d’un gigantesque apostolat en vue de faire connaître l’Immaculée par la presse
catholique fut martyrisé a Auschwitz en 1941. Il a été canonisé par le pape
Jean-Paul II. Or, à l’age de 9 ans, en 1894, il n’était pas un enfant facile:
violent, très indépendant, il éprouvait souvent la patience de sa mère qui
s’écria un jour, de guerre lasse: "Mon pauvre enfant qu’est-ce que tu
deviendras?".
L’accent
devait être plus éloquent que les paroles avec ce geste des mains jointes et
les yeux levés au ciel, car la réprimande provoqua chez le petit une véritable
crise d’âme. Depuis ce temps là, avoue sa maman "il changea complètement
et devint très sage et très obéissant. Surprise de cette transformation
soudaine, elle se mit à observer le petit garçon et s’aperçut qu’il
disparaissait de plus en plus souvent derrière l’armoire où se trouvait un
petit autel de Notre-Dame de Czestochowa, avec une lampe à huile qui brûlait
tous les mercredis, les samedis et les dimanches. Tapi dans le coin, l’enfant
priait longuement et sortait avec des yeux rougis par les larmes. Très
intriguée, sa maman le soumit un jour à un interrogatoire serré. "Voyons
qu’est ce que tu as? Pourquoi pleures-tu comme une fille?". Elle le
croyait malade. Il baissait la tête et ne voulait rien répondre. Sa maman usa
du grand moyen: "Voyons, mon petit, mon petit, à maman il faut tout
avouer. Ne sois pas désobéissant. En pleurant et en tremblant il raconta:
"lorsque, vous m’aviez dit: mon pauvre enfant, qu’est ce que tu
deviendras?, j’ai eu beaucoup de peine et je suis allé demander à la Sainte
Vierge ce que je deviendrais? Après, à l’église, je le lui ai redemandé; Alors
la Sainte Vierge m’est apparue, en tenant deux couronnes, l’une blanche et
l’autre rouge. Elle me regarda avec amour et me demanda laquelle je
choisissais; La blanche signifie que je serais toujours pur et la rouge que je
mourrais martyr. Alors moi, j’ai répondu à la Sainte Vierge que je les choisis
toutes les deux. Elle sourit, et disparut. Depuis lors, ajouta-t-il après un
moment de silence, lorsque nous allons à l’église il me semble que je ne vais
plus avec papa et maman, mais avec la Sainte Vierge et Saint Joseph".
Ces
prophéties devaient se réaliser à la lettre et toute la vie du futur Père Kolbe
en témoigne[243].
mmm
François,
le pauvre d’Assise[244], en ce mois d’Août 1224, faisait route
vers le mont Aleverne, accompagné des frères Léon, Ange, Masséo, Rufin,
Sylvestre et Illuminé. Il gravit à dos d’âne la montagne qui culmine à 1280
mètres. Le silence et la majesté du lieu saisissaient son esprit. Il trouva une
anfractuosité dans le rocher, pour y abriter loin de tout regard, la flamme
intérieure qui le brûlait. Il voulait être absolument seul. Il se lia d’amitié
avec un faucon qui, la nuit, l’éveillait par son cri et l’appelait à la prière.
Or,
un matin, à la pointe du jour, tandis qu’il priait sur le versant de la
montagne, il vit venir à lui dans le ciel un être ailé, un être de feu et de
tendresse: Un séraphin aux six ailes resplendissantes. Il semblait souffrir, et
ses ailes couvraient le corps d’un homme crucifié, les mains et les pieds
étaient fixés à une croix. A ce spectacle, l’âme de Saint François se déchira.
Il pensa à son Seigneur crucifié et glorifié jusqu’à la fin des temps. Son âme
ne désirait qu’une chose: porter lui-même une part des souffrances pour les
péchés du monde.
Puis,
la vision s’effaça. Alors, baissant les yeux vers la terre, il vit dans ses
mains et dans ses pieds la marque des clous. Son côté saignait abondamment: il
était marqué des stigmates du Christ.
Jusqu’à
la fin de sa vie, il devait rester ainsi blessé. Son corps venait d’être uni à
la passion du Christ, à l’image de son âme qui était déjà crucifiée avec Jésus.
Les
phénomènes mystiques extraordinaires, à la différence des charismes, ne servent
pas avant tout à convertir les coeurs. Ils ne servent pas à proclamer
l’Evangile, mais simplement à manifester la sainteté d’un être particulier,
dont Dieu veut faire un modèle pour le monde. En donnant à Saint François les
stigmates de la passion, l’ange envoyé par Dieu manifestait sensiblement aux
hommes un mystère qui était depuis longtemps réalisé dans son âme: Le mystère
d’une charité poussée si loin qu’elle était capable de tout offrir, même la
souffrance ou la mort.
Il
est presque impossible de recenser les phénomènes extraordinaires, tant Dieu
les a multipliés chez ses saints. Il a inventé des merveilles pour manifester
aux hommes les trésors de délicatesse que lui seul connaissait dans le coeur de
ses bien aimés. Marthe Robin, à l’âge de 20 ans, ne vivait plus que pour Dieu.
Elle était déjà prête à accepter de donner chaque goutte de sa vie, heure par
heure. Pour manifester cela, Dieu permit qu’elle ne mange plus pendant 40 ans,
qu’elle ne se nourrisse que de l’hostie quotidienne qu’elle recevait à la
messe. On voulut vérifié le prodige, dépister les éventuels trucages. Ceux qui
s’y essayèrent durent conclure ainsi: "Cette femme ne se nourrit que du
pain blanc de l’hostie, quelques grammes par jour. Ceux qui ont approché Marthe
Robin parlaient autrement: "Elle ne se nourrit que de Dieu".
Sainte
Catherine de Gènes voulait voir Dieu. Son âme était faite de feu. Elle aurait
voulu emmener avec elle tous les hommes. Elle offrait sa prière et sa vie pour
les âmes qu’elle voyait au purgatoire, par révélation spéciale. Pour manifester
cette charité unique, Dieu permit plusieurs fois que son corps entier devienne
brûlant. Il ne s’agissait pas d’une simple montée de fièvre, mais d’une chaleur
capable de mettre le feu à ses vêtements. Dans ces moments là, elle était aussi
inappréciable qu’un brasier. C’est le phénomène d’hyperthermie, manifestation
d’une autre chaleur, toute spirituelle.
Saint
Philippe Néri en voulait beaucoup à Dieu: il ne pouvait presque plus célébrer
la messe. Dès qu’il commençait Dieu l’entraînait dans des extases de plusieurs
heures. Les fidèles, après s’être étonnés de le voir flotter en l’air,
finissaient par s’en aller, lassés d’attendre. Pour éviter ces inconvénients,
le saint décida de ne plus célébrer la messe sans la présence de son chat, sur
l’autel. Il mit en garde Jésus: "Si tu m’emmènes encore, je ne pourrai
plus surveiller le chat et il risque de faire bien des bêtises". La
lévitation mystique, provoquée par les anges de Dieu, manifeste aux hommes une
âme pure, aussi légère du poids du péché qu’une colombe portée par le vent.
Dans
le cœur de Sainte Catherine de Sienne, morte d’amour à 33 ans, comme le
Seigneur qu’elle servait, on trouva la trace d’une blessure faite par un
instrument tranchant. Le cœur avait dû être traversé de part en part, bien des
années avant la mort, et il s’était cicatrisé.
Innombrables
sont les phénomènes de parfums mystérieux qui émanent du corps d’un saint avant
ou après sa mort. Plus rarement, on parle de transfigurations (apparence
lumineuse du corps) de mariages mystiques (apparition d’une alliance lumineuse
à l’annulaire, qui manifeste l’union à Dieu), d’auréole visible (halo lumineux
du visage manifestant la gloire de Dieu), de couronnement (apparition d’une
couronne symbolisant la confiance envers son saint).
Dieu
n’a pas fini de nous étonner par ces signes mystérieux. Ceux qui les voient
savent avec certitude leur origine divine, car ils ne font que couronner une
vie de sainteté.
Pourtant,
dans les cas où la sainteté de la personne n’était pas reconnue avant par la
voix populaire, l’Eglise fait preuve de sa prudence habituelle: Dans un couvent
français du XVIIe siècle, la mère supérieure était bouleversée: une de ses
filles, une des religieuses dont Dieu lui avait confié la garde était sujette à
des phénomènes mystiques extraordinaires: ses pieds et ses mains étaient
marqués par les stigmates de la Passion du Christ et, tous les vendredis, il en
sortait du sang brûlant. Comment Dieu avait-il pu avoir tant de bonté pour la
rendre témoin d’une telle merveille? Malgré sa joie, sa prudence lui conseillait
de faire appel au discernement de l’Eglise. Un Père Dominicain, spécialiste en
ces matières, fut donc mandaté. Il resta une semaine au monastère, et cela lui
suffit. Il fit son enquête auprès des sœurs et se renseigna sur la religieuse,
puis, il la rencontra seul à seul. Il assista au phénomène le vendredi suivant.
Il savait que les phénomènes mystiques de ce type ne précèdent jamais la
sainteté, mais la suivent et la manifestent. Il dit donc à la sœur, alors
qu’elle prétendait vivre la Passion du Christ: "Au nom de la Sainte
Obéissance dont vous avez fait vœux lors de votre profession, je vous demande
de vous lever et de retourner à votre charge conventuelle".Aussitôt, la
sœur se révolta et refusa d’obéir, sous prétexte de l’importance de ce qu’elle
vivait.
Le
Père sut alors que les stigmates ne pouvaient venir de Dieu. Aussi merveilleux
que cela paraisse, Dieu lui-même se soumet à l’obéissance à sa créature,
l’Eglise, selon cette parole de Jésus: "Tout ce que vous lierez sur la
terre sera considéré comme lié dans les Cieux"[245].
Dieu cesse immédiatement de se manifester pour n’importe quel phénomène
étonnant, si l’obéissance à ce qu’il a institué chefs de l’Eglise l’exige.
En
se révoltant, la sœur manifestait son orgueil et sa préférence pour les
phénomènes extraordinaires, plutôt que pour l’amour et l’obéissance à Dieu.
Quelques
jours plus tard, on tenta sur cette religieuse un exorcisme qui s’avéra
parfaitement efficace.
Comme les charismes, les
phénomènes mystiques doivent jamais être désirés pour soi. Ce ne sont pas, en
effet, des moyens nécessaires pour arriver à l’union à Dieu et, parfois même, à
cause de nos tendances mauvaises, ce sont plutôt des obstacles à l’union
divine. C’est ce que montre en particulier saint Jean de la Croix; Il affirme
que ce désir enlève la pureté de la foi, développe une curiosité dangereuse qui
est une source d’illusions, embarrasse l’esprit de vains fantasmes, dénote
souvent un manque d’humilité et un manque d’abandon à Dieu.
Des
phénomènes mystiques extraordinaires peuvent aussi apparaître au sein des
communautés chrétiennes. Le plus connu est le chant en langues:
mystérieusement, lors de liturgies ferventes, un ou plusieurs membres de
l’assemblée se mettent à chanter en une langue inconnue. Le tout peut former
une harmonie extraordinaire dont la beauté douce et forte élève vers Dieu. Bien
souvent, on confond ce phénomène avec le charisme des langues, qui porte le
même nom[246].
Il
n’est pourtant pas un charisme, car son but premier n’est pas conversion des
cœurs. Il s’agit d’un phénomène mystique destiné à rendre plus légères nos
liturgies humaines. Il manifeste la particulière présence de l’Esprit Saint
dans une communauté. Saint Paul en parle ainsi: "Frères, supposons que je revienne chez vous et vous parle en
langues; En quoi serais-je utile si ma parole ne vous apporte ni révélation, ni
science, ni prophétie, ni enseignement. Ainsi en est-il des instruments de
musique, flûtes ou cithare. S’ils ne donnent pas distinctement les notes,
comment saura-t-on ce qu’on joue sur la flûte ou la cithare? Et si la trompette
n’émet qu’un son confus, qui se préparera au combat. Ainsi de vous: si votre
langue n’émet que des paroles inintelligibles, comment saura t-on ce que vous
dites? Vous parlerez en l’air".
Le
charisme des langues, au contraire, permet à l’apôtre de parler une langue
étrangère sans l’avoir apprise pour prêcher plus facilement la Bonne Nouvelle à
toutes les nations. Il est compris de tous les hommes.
Le
phénomène mystique de la parole en langue est un chant qui monte comme une
volute d’encens. Il prédispose l’âme à la prière.
Après
ce rapide tour d’horizon des principaux phénomènes paranormaux, il est
indispensable pour un chrétien de connaître le mouvement religieux qu’on peut
considérer comme le grand spécialiste en ce domaine. Il s’agit de ce bouddhisme
particulier, inséré aux frontières de la Chine et de l’Inde, et qui a façonné
durant des siècles un véritable peuple de moines. Entre le bouddhisme tantrique
et le christianisme, y a t il possibilité de comparer ou de faire des
alliances?
Le
bouddhisme tantrique est d’abord une forme du bouddhisme. Mais à la différence
de l’orthodoxie essentiellement conservée en Chine, il a pris à l’hindouisme la
notion de Dieu. Le bouddhisme du Tibet est une quête de Dieu, faite par l’homme
appuyé sur ses propres forces. Le NIRVANA ne veut plus dire seulement EXTINCTION, mais aussi
ILLUMINATION. En alliant la notion de croissance spirituelle issue de la
philosophie bouddhique originelle à celle de Dieu issu de l’hindouisme, la
religion du Tibet est devenue une sagesse adaptée aux masses. Chacun y trouve
son compte, ceux qui aiment la dévotion peuvent adorer. Ceux qui cherchent la
perfection peuvent devenir moine. Ce bouddhisme là est donc une véritable
religion allié à une simple philosophie
panthéiste.
Mais
pour parvenir au Nirvana dans tout bouddhisme, commencer par cela, il existe
quatre méthodes, quatre yogas complémentaires, et que tout moine doit
pratiquer:
1)
RAJA YOGA: c’est la connaissance des concepts transcendantaux de la sagesse. Il
s’agit d’un enseignement, d’une théologie sur le sens du monde et de la vie. Le
moine novice, dès son enfance, reçoit cet enseignement. Il doit savoir où il
va. Le Raja Yoga nourrit l’intelligence.
2) HATHA YOGA: maîtrise du corps physique:
contrôler la faim, la soif, le froid et le chaud bref la douleur physique.
C’est une méthode commune aujourd’hui de l’Occident, basée sur la respiration,
et qui utilise la position corps sont ainsi développés. L’armée l’utilise dans
certains entraînements.
3) LAYA YOGA: maîtrise du psychisme (mémoire,
imagination, passion: peurs, joies et tristesses). Cette méthode est à la base
de toute éducation. Elle est faite d’exercices mnémotechniques, de leçons
apprises par cœur, et d’exercices de vertu, comme dans les écoles occidentales.
4)
KUNDALINI YOGA: Ce yoga est celui qui fascine le plus les occidentaux, puisque
sa finalité spécifique est de développer des pouvoirs psychiques présents dans
chaque homme et oubliés (télépathie, télékinésie, décorporation, vision de
l’aura, sixième sens, lévitation)[247].
Selon les moines du Tibet, une
seconde forme du Kundalini permet un contact avec les esprits (= les anges).
Ils pratiquent un spiritisme avec une prudence qu’expliquent les déconvenues
dont ils ont l'expérience.
5)
SAMADITI YOGA: Pour un lama, les quatre premiers yogas ne sont que des moyens.
Ils donnent à l’homme les cordes, les piolets et les piolets nécessaires à
l’escalade de la montagne. Mais le but, le sommet est SAMADITI ou
l’illumination suprême. Seule une élite l’atteint, et les témoignages de ces
privilégiés sont surprenants: on y parle d’une Lumière inaccessible, d’une
Réalité suprême. Il s’agit d’une expérience mystique, et la tradition affirme
que celui qui l’a atteint, échappe aux cycles de la réincarnation.
Une
vie entière suffit à peine à une telle ascension. En lisant les écrits
mystiques du Tibet, on retrouve des expressions semblables à celles des plus
grands mystiques chrétiens: on y parle de vive flamme d’amour (Saint Jean de la
Croix), d’extase super substantielle (Saint Denys). Sans
s’avancer trop, il ne s'agit tout de même pas d'une véritable expérience de
Dieu, puisque l'enseignement fondamentale du Raja Yoga maintient que tout n'est
qu'illusion.
Cette
expérience est parfois ressentie par des moines comme personnelle:
"Quelqu'un est là". Dans ce cas, elle
semble ne pas être le fruit naturel d’une vie entière consacrée à la pratique
du yoga. Elle semble même marquer une rupture, puisque certains ne la vivent
que très âgés, au moment où le corps malade perd petit à petit les fruits des
quatre premiers yogas. Elle semble être davantage la conséquence de la
découverte de la vanité de toute cette vie passée.
Le
Bouddhisme du Tibet est donc une magnifique religion, sans doute la plus belle
que l’homme ait jamais inventé par sa propre réflexion. Il se rapproche parfois
du christianisme par son sommet expérimental et sa finalité ultime: Dieu.
Mais
la route qui mène à ce sommet est bien différente. Le maître du christianisme,
Jésus, enseigne l’impossibilité pour l’homme d’atteindre Dieu par ses propres
forces. Il est plus difficile à l’homme d’atteindre Dieu qu’à une alouette de
s’élever jusqu’au soleil. Dieu habite des sommets inaccessibles. La lumière de
son visage est plus forte que les capacités de notre intelligence. La seule
voie qui mène à Dieu n’est donc pas dans l’homme, mais en Dieu seul, qui peut
réaliser ce qui nous est impossible.
Et
Jésus annonce aux hommes que cette voie qui mène à Dieu existe: "Je suis la voie, la vérité, la
vie"[248].
Il annonce que lui même, Jésus n’est autre que le Dieu Tout Puissant, le
Créateur du Ciel et de la Terre, fait homme tout exprès pour annoncer cette
bonne nouvelle.
La condition présupposée
(DISPOSITION) pour entrer sur ce chemin qui mène à Dieu, c’est
l’humilité: "Si vous ne devenez
petits comme ces enfants que voici, vous n’entrerez pas dans le Royaume des
Cieux". Jésus demande aux hommes de reconnaître simplement leur
petitesse, leur incapacité de se sauver par eux mêmes. Il leur demande de
renoncer à toute prétention d’atteindre Dieu par leurs propres forces. Dieu
promet alors de se charger du reste, d’élever lui-même ceux qui jouent le jeu
aux sommets les plus élevés de l’amour de la contemplation de Dieu.
C'est que la condition qui fait (SANCTIFICATION) la relation à
Dieu dépasse les forces humaine: c'est une amitié (Agape) avec Dieu, amitié
impossible avec le Tout Autre sauf s'il s'abaisse lui-même et élève l'homme à
une certaine égalité avec lui.
Dans
le christianisme, on a vu de tout petits enfants accéder aux plus hauts sommets
de la vie mystique, selon cette parole Jésus: "Je te bénis, Père, Seigneur du Ciel et de la Terre d’avoir caché
tout cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout
petits"[249].
On a vu des prostituées et des pécheurs atteindre en un instant, à cause de
leur grande humilité, des sommets de grâce à faire pâlir les plus avancés des
moines du Tibet. On a vu de tout jeunes hommes, comme Etienne s’écrier: "Je vois le ciel ouvert et le Fils de
l’Homme debout à la droite de Dieu"[250].
Le
chemin du christianisme vers Dieu est donc l’extrême inverse de celui du
bouddhisme tantrique. La mystique y précède l’ascèse. Un psaume chrétien fait
parler Dieu aux hommes de cette manière: "Aime
moi tel que tu es. Si tu attends d’être parfait pour m’aimer, tu ne m’aimeras
jamais". Dans le bouddhisme, l’ascèse précède la mystique au point
qu’il est impensable d’atteindre le SAMADITI sans passer par vie de pratique
des quatre premiers yogas. Un texte sacré du Tibet dit: "Avant de
prétendre aux sommets, deviens parfait".
Que
ces deux religions ne se confondent donc pas. Elles sont opposées[251].
Il est impossible d’être à la fois bouddhiste et chrétien. La théologie
chrétienne est inconciliable avec le Raja Yoga. Un chrétien, s’il se
convertissait au bouddhisme tantrique perdrait Dieu.
Par
contre, il est tout à fait possible à un chrétien d’assumer pour sa croissance
personnelle les pratiques d’ascèses enseignées par les Hatha, Laya, et
Kundalini Yoga. Ces pratiques ne sont que des techniques qui aident à mieux
maîtriser son corps et son psychisme. Dans la mesure où elles permettent de
devenir plus homme, elles aident la vie chrétienne.
J’espère
que Dieu enverra un jour au peuple tibétain un de ses apôtres, un homme à la
parole de feu, qui leur annoncera cette merveilleuse nouvelle: "Il n’est
plus besoin d’attendre toute une vie pour atteindre Dieu. Jésus est mort et
ressuscite pour vous".
mmm
Il
existe dit Saint Paul, un don qui les dépasse tous[252].
Après
avoir vu tous les charismes que Dieu peut donner aux hommes, après avoir décrit
les pouvoirs peut on imaginer quelque chose de plus grand, quelque chose qui
rendrait tout le reste petit? Saint Paul répond ceci: "Quand bien même je parlerais les langues des hommes et des anges,
si je n’ai pas la CHARITE, je ne suis rien. Quand j’aurais le don de prophétie
et que je connaîtrais tous les mystères et toute la science, quand j’aurais la
plénitude de la foi, une foi à transporter les montagnes, si je n’ai pas la
Charité, je ne suis rien. Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes,
quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n’ai pas la Charité, cela sert
à rien"[253].
La
charité est cette force, donnée aux hommes, qui permet d’aimer Dieu de tout son
coeur, de toute son âme, de toutes ses forces et d’aimer son prochain comme
soi-même. C’est elle, et elle seule qui fait d’un homme un chrétien. Elle est
le commencement et le terme de la Bible entière. Elle est la raison qui poussa
Dieu à mourir pour nous comme un esclave. Elle est la porte qui ouvre le Ciel.
Nous vivrons d’elle pour les siècles des siècles
La
Charité est le plus grand don de Dieu, car, avec elle, Dieu se donne aussi.
Comment
peut-on recevoir ce don?
Rien de plus simple. Il suffit de se mettre à
demander: "Si quelqu’un frappe à la
porte, on lui ouvre"[254].
Dieu ne laisse jamais sans réponse [mais la réponse
n'est pas toujours immédiate] celui dont le cœur est à genoux, et qui
l’appelle.
L’homme
qui a le courage d’entreprendre une telle démarche ne sera jamais déçu, même si
la réponse n’est pas immédiate.
Dieu
commence par lui donner la foi, s’il ne l’a pas. Pour cela, il lui révèle sa
présence. Il peut le faire de multiples manières: miracles, prodiges, signes.
Mais la plupart du temps, il se contente de faire connaître sa présence par des
grâces sensibles intenses ou douces. Celui qui a, un jour, expérimenté de cette
manière la présence de Dieu risque fort de ne jamais l’oublier. Il entre dans
l’aventure de la foi qui, s’il est fidèle, le conduira à aimer Dieu et son
prochain plus que sa propre vie. Elle le conduira à la Charité, et la Charité
le conduira jusqu’à Dieu, contemplé dans le silence. mmm
La
vie contemplative est ouverte à tout homme, quel qu’il Soit: "Venez à moi, dit Jésus, venez à moi, vous qui ployez sous le poids
du fardeau, je vous consolerai". Elle est comparable à un mariage, si
ce n’est que le bien aimé est Dieu lui-même.
Comme
toute histoire d’amour, elle connaît trois âges. Le premier est celui des
fiançailles: comme un fiancé fait la joie de Son fiancé, l’âme du jeune
converti trouve sa joie en Dieu. Tout est simple dans ce premier moment, car
Dieu dispense à flots des consolations sensibles; La prière est portée sur les
ailes du plaisir qu’elle apporte. Dieu semble palpable tant il se rend présent[255].
Le
deuxième âge est celui de l’apprentissage de la fidélité. Tous les couples
humains expérimentent ce moment difficile, qui accompagne l’apprentissage de la
vie commune. Quand les joies sensibles des premiers moments se terminent, parce
qu’elles perdent leur nouveauté, quand la joie de se retrouver ensemble n’est
plus assez sensible pour tout porter, il faut apprendre à aimer l’autre pour
lui même. C’est à cause de cette épreuve, de ce passage nécessairement
difficile que les divorces sont si nombreux dans les jeunes couples.
Dieu
agit de la même façon avec l’homme qui le cherche. A avoir comblé son cœur dans
les fiançailles mystiques, il retire petit à petit les grâces sensibles. Il
invite son bien aimé à l’aimer pour lui-même, indépendamment de tout plaisir
porteur. Il l’invite pour lui montrer sa fidélité. Jésus appelle ce moment la
croix: "Si quelqu’un m’aime, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive"[256].
Ce moment peut être terrible, il peut être une véritable nuit obscure.
Pourtant, c’est le moment où Dieu est le plus présent à son bien-aimé. Une
religieuse vit un jour en rêve sa vie entière. Elle ressemblait à une longue
plage de sable. Jésus marchait à coté d’elle, la tenant par la main, et ils
laissaient tous deux leurs traces de pas dans le sable. Or, en contemplent les
moments qui avaient été les plus difficiles dans sa vie, elle s’aperçut qu’il
n’y avait plus qu’une seule trace de pas.
"Jésus, demanda-t-elle, pourquoi
m’as-tu abandonné dans ce moments où j’avais tant besoin de toi?
Je
ne t’ai pas abandonné, je te portais". Comme dans le mariage,
celui qui a su être fidèle dans l’épreuve récolte au centuple les fruits de son
amour. Les vieux couples, restés unis indissociablement, malgré le bien et le
mal qu’ils ont subi, s’aiment plus que dans les moments passionnés de leur
jeunesse. Ils ne sont plus qu’une seule volonté, un seul cœur. Ils peuvent
recommencer à se tenir par la main.
De
même, dans la vie de Dieu, le troisième âge suit l’épreuve. La croix est la
porte de ce qu’on appelle les épousailles mystiques avec Dieu. Il ne s’agit pas
du phénomène extraordinaire que nous avons décrit plus haut[257];
Il s’agit de la réalité contenue sous ce symbole. Dieu devient l’époux de celui
qui l’aime. Il se donne à lui, il se livre et vient habiter son cœur. L’homme
se met à avoir des droits sur Dieu, comme dans un véritable mariage. C’est un
mystère que je ne peux expliquer. Peut-être comprendrez vous un peu si je
laisse parler ceux qui l’ont vécu.
Sainte
Elisabeth de la Trinité fut l’une de ces épouses de Dieu. Elle lui parle, et sa
parole vient du don de sagesse:
"O mon Dieu, Trinité que j’adore.
O mon Christ aimé, crucifié par amour,
Je voudrais être une épouse pour votre cœur.
O Verbe éternel, Parole de mon Dieu.
Je voudrais passer ma vie à vous écouter".
Sainte Catherine de Sienne sut qu’elle
pouvait tout obtenir de Dieu, puisqu’ils étaient unis à jamais:
"Mon Dieu, je ne quitterai pas vos pieds.
Je ne quitterai pas votre présence,
Et je ne
cesserai de vous importuner
Tant que vous ne m’aurez pas donné ce que je désire
pour votre Eglise"[258].
Mieux
que toutes les paroles, le silence parle de ce mystère fait pour nous tous.
Que
ce silence de Dieu, qui est plénitude d’amour, qui vaut mieux que tous les
phénomènes paranormaux, remplisse votre cœur, jusqu’au jour où nous verrons son
Visage, face à face. Jésus exprime ce fait par une histoire très éclairante: "Le Royaume des Cieux est semblable à
un trésor caché dans un champ et qu’un homme vient à trouver: il le cache de
nouveau, s’en va ravir de joie vendre tout ce qu’il possède et achète ce champ.
Le Royaume des Cieux est encore
semblable à un négociant en quête de perles fines: en ayant trouvé une perle de
grand prix, il s’en est allé vendre tout ce qu’il possédait et il l’a
acheté"[259].
Le groupe national pastoral et sectes a tenu sa première
rencontre le 7 novembre 1988 au secrétariat général de l’épiscopat à Paris. Il
réunit, avec le Père Jean Vernette, les Pères Pierre Le Cabellec, Norbert
Gauderon, Yvon le Mince, Damien Sicard, Sœur Yvonne Vitré et le Père Claude
Cesbron du secrétariat général.
I) Le thème du Nouvel Age dans les
Nouveaux mouvements religieux:
Le
thème du Nouvel Age d’inspiration anglo-saxonne, est plus largement répandu
dans la plupart des pays d’Europe et d’Amérique du Nord (il est moins répandu
pour le moment en milieu francophone). Il inspire la doctrine et les pratiques
d’une foule de groupes gnostiques et nouvelles sagesse se référant à la
tradition parallèle: Anthroposophie, Théosophie, Rose-Croix, fraternité Blanche
Universelle, Graal, Atlantia, Ordre Martiniste, Arcane, de mouvement se
réclamant des religions d’Orient tel le Raja Yoga ou la Méditation
Transcendantale, de groupes de développement du Potentiel Humain, de thérapies,
ufologiques etc.
Leur
ambition est de proposer la supra-religion mondiale qui remarquera le passage à
l’ère du Verseau, aux approches de l’an 2000, et la fin de la religion
chrétienne de l’ère du Poisson. Ce sera le Second Avènement Christique. Certain
se présentent personnellement comme les nouveaux messies pour le Nouvel Age: Le
Révérend Moon bien connu, mais aussi Maitreya le Christ annoncé par Benjamin
Creme, lshvara soutenu par Lifewave et bien d’autres.
Chacun
est également convié à réaliser en lui le Christ intérieur en se branchant sur
l’énergie divine et cosmique, qui assure la triple harmonie de l’individu avec
lui-même, avec l’humanité, avec le cosmos.
D’où
l’importance accordée aux techniques d’éveil spirituel ou d’exploration de
l’espace intérieur, car la connaissance de soi est réputée le chemin le plus
direct de la connaissance de dieu et du monde.
D’où
un ensemble de pratiques apparemment hétéroclites, mais unifiées par cette
vision d’humanisation totale (dans une perspective holistique): Voies de
médiation et médecine de l’âme, yoga et arts martiaux, astrologie et channeling
(communication avec les entités du monde invisible), maîtrise du corps avec le
tai chi chuan et les thérapies douces, et de la nature avec l’art floral de
l’ikebana, écologie et végétarisme. Il s’agit de rassembler dans l’unité ce qui
était divers, y compris toutes les religions, en un syncrétisme accueillant et
réducteur. C’est un nouveau paradigme, une manière autre de voir toute chose.
La
conviction centrale est en effet que l’humanité est sur le point d’entrer, à
l’aube du Verseau, dans un âge nouveau de prise de conscience spirituelle et
planétaire, d’harmonie et de lumière, marquée par des mutations psychiques
profondes sous l’influence des énergies christiques déjà à l’oeuvre parmi nous.
C’est
un millénarisme pour l’an 2000 dont le credo non dit, commun à une foule de
mouvements, est proche parent de l’ésotéro-occultisme: attente d’une nouvelle
époque du monde annoncée par la loi des cycles cosmiques, réincarnation et loi
du Karma, nature divine de la conscience intérieure; Une anthropologie faisant
place au corps subtil, éthérique, astral et une cosmologie faisant place aux
anges et aux esprits. La métaphysique sous jacente est strictement moniste: la
multiplicité des êtres n’est que la manifestation illusoire (maya) de l’unité
ontologique du monde qui est d’essence divine, thème vecteur d’une certaine
religiosité occidentale; Le Nouvel Age représente une utopie assez vague pour
que chacun puisse y projeter ses propres aspirations religieuses, comme une
nébuleuse dense mais aux contours flous.
Les
références sont à la fois: R. Steiner et Grudjeff mais aussi Aurobindo et
Krishnsmurti, et aussi René Guenon.
II) Le Nouvel Age et le christianisme:
Le
Nouvel Age va représenter un des challenges, des défits importants pour le
Christianisme dans les années qui viennent. D’abord parce que ces mouvements
sont soucieux de hâter sa disparition pour faire place à la future religion
mondiale. Ensuite parce que ce type de sensibilité religieuse revêt bien des
traits de la gnose éternelle. Enfin parce que de nombreux chrétiens pratiquent
couramment la double appartenance.
Aussi
le groupe, au regard de l’exposé des faits souligne quelques exigences
pastorales:
1)
Prendre au sérieux les questions soulevées par le Nouvel Age, sous peine de
n’être entendu ni pris soi-même au sérieux. Il faut savoir par exemple que la
Bible, le coeur du Christianisme, est abondamment utilisée dans le Nouvel Age,
ce qui donne ainsi le change aux chrétiens, mais entièrement réinterprétée en
perspective gnostique. Et qu’une nouvelle religiosité se constitue paisiblement
en dehors des Eglises, avec une audience qui s’élargit.
2)
Revoir certains liens que l’on a pus abusivement nouer entre le Christianisme
et des conceptions (anthropologie, cosmologiques et métaphysiques) récusées par
les courants du Nouvel Age. L’anthropologie biblique par exemple permet
d’engager un dialogue où l’on sera entendu, à la différence d’une conception
dualiste stricte de type cartésien.
3)
Préciser certains points de repères fondamentaux de l’identité chrétienne à
l’usage de ceux, nombreux, qui sont tentés par la double appartenance: Crois-tu
à la réincarnation ou à la résurrection? De qui es-tu disciple, de Jésus ou du
maître? Ta prière est-elle mainmise, emprise sur Dieu comme fruit d’une
technique ou accueil et déprise d’une âme de pauvre? Le commandement du
prochain est-il premier pour toi ou bien l’auto-réalisation? Le salut vient-il
gratuitement de Jésus-Christ ou de la connaissance que tu as accumulé? Ton Dieu
est-il un Dieu de bénédiction? Quelle place tient la communauté? Conserves-tu
rigueur, distance et esprit critique dans l’évaluation de ce qui t’est proposé?
Acceptes-tu de ne pas avoir le dernier mot sur tout?
De
nombreuses occasions seront sans nul doute données d’ouvrir à nouveau ce
dossier dans l’avenir.
[1] Evangile de saint Jean 14, 11;
[2] Evangile de saint Luc 8, 26 à 33;
[3] C’est-à-dire, trop souvent, la science officielle. Le professeur Yves Rocard, en étudiant sans a priori dans les années 80 le phénomène du sourcier agissait pourtant en vrai scientifique. Sa mise à l’écart n’est le fait que d’une science trop dogmatique.
[4] Voir à ce sujet: docteur R. Serville: l’évolution est-elle une hypothèse scientifique? à la Pensée Universelle en 1975;
[5] Vidéo cassette de B. Lancelot; Mais elle ne le faisait pas d’abord dans un but de connaissance pure. La recherche d’un type de communication militaire par télépathie n’aboutit à rien à cause des propriétés du phénomène de télépathie qui n’est jamais vérifiable que par des probabilités variables selon les cas.
[6] Vidéo cassette sur le Linceul* de Turin par la communauté des Béatitudes;
[7] Evangile de saint Jean 20, 7.
[8] NOTE SUR LA DATATION AU CARBONNE 14:
Cette méthode consiste à mesurer
la quantité de carbone radioactif restant dans un tissu vivant après que la
mort en ait arrêté l’absorption. Sachant que la moitié de carbone 14 se
décompose en 5000 ans, la date de la récolte du lin ayant servi au tissage du
linceul est facile à déduire.
Une conclusion aussi rapide est-elle
sérieuse? (1). On y sent toute la gêne d’une science qui, loin d’être maîtresse
de la situation, est mise à l’épreuve, passée au crible par un morceau
d’étoffe. Qu’auraient fait un véritable scientifique, un chercheur de vérité,
face aux résultats contradictoires données par 3 méthodes de datation? Il se
serait demandé la valeur objective de chacune. Pour le test au carbone 14, il
se serait assuré que ses mesures n’avaient pu être faussées: le suaire était-il
bien propre, exempt de toute contamination de carbone ajouté sur le tard...;
Par les fumées des cierges par exemple qui ont de tout temps brûlé devant la
relique? Ou encore par le carbone de cet incendie qui fit malencontreusement
roussir le tissu en maints endroits au seizième siècle. Si le suaire est un nid
à poussière capable de maintenir 20 siècles de grains de pollen, quelle valeur
attribuer à la mesure au carbone 14? En tout cas, aucun savant digne de ce nom
n’aurait fermé si vite un dossier où rien n’a été expliqué. Cet exemple, pris
parmi d’autres, manifeste que, même dans le monde scientifique il arrive qu’on
ne voit que ce qu’on croit ! Claude Bernard prédit: “ les hommes qui ont
une foi excessive en leurs théories ou leurs idées sont non seulement mal
disposées pour faire des découvertes mais ils sont aussi de très mauvais
chercheur ”.
Il ne s’agit pas bien sûr de rejeter toute science; Bien au contraire, une science bien faite, appliquée selon les règles objectives de sa méthode, ne peut qu’aider la recherche en de telles matières. La vérité à tout à y gagner et la vérité ne peut jamais faire peur. Elle ne peut qu’éclairer sa foi, en la décalant des éléments qui n’en font pas partie. N’est-ce pas Dieu le Créateur de toute vérité Ce que j’appelle une science mal faite, c’est celle que l’orgueil exalte, celle qui prétend savoir alors qu’elle n’a rien prouvé. On la reconnaît à un signe certain: elle n’emploie plus jamais le mot hypothèse*. Elle ne parle que de certitude. Voici un raisonnement de mauvais savants: “ La Sainte Vierge* n’existe pas, donc Bernadette a été victime d’hallucinations à Lourdes ”. Ou encore: “ La Bible dit que le monde a été crée par Dieu, donc la théorie de l’évolution est fausse. Dans les deux cas, on sort de la méthode scientifique car on part d’un a priori, d’une opinion, d’une foi (quelle soit athée ou religieuse). Le savant, par sa méthode propre, ne connaît que ce qu’il peut mesurer, quantifier. Il ne part pas de ses convictions en matières religieuses ou philosophiques. Il faut apprendre à respecter les niveaux de connaissance. Beaucoup de conflits, d’incompréhensions seront alors réglées. Dans chacune de nos études, nous essayerons de respecter ces niveaux et d’utiliser au maximum la science et la philosophie. Nous espérons ainsi rendre l’exposé de la foi plus clair et précis.
[9] L’Eglise n’a jamais pris position sur
l’authenticité du Saint-Suaire. Le Pape Paul VI, en 1973, avouait être frappé
par la profondeur et la sainteté du visage imprimé sur le linceul. En exécution
au testament du roi Umberto II d’Italie, le saint Suaire est devenu propriété
du Saint-Siège en 1983. A cette occasion, le professeur John Jackson a remis au
Pape Jean-Paul II le mannequin en fibre de verre réalisé à l’aide d’ordinateurs
à partir des examens scientifiques du linceul, et restituant ainsi en trois
dimensions l’image du personnage figurant sur le linge. Le cardinal Ballestro,
archevêque de milan, a rendu publique le 13 octobre 1988 les conclusions des
experts désignés par lui, avec l’accord du pape Jean-Paul II, pour l’examen du
saint Suaire. Les traits sont ceux d’un supplicié soumis aux mêmes traitements
que ceux décrits dans la passion du Christ. Le mystère demeure également sur le
fait que l’image est tracée sur le tissu en négatif (notion inconnue avant
l’invention de la photographie) et en trois dimensions (une peinture ou une
photographie sont en deux dimensions). Pour le cardinal Ballestro, le saint
Suaire reste un objet exceptionnellement évocateur des souffrances du christ,
et de ce fait continuera à être objet de vénération pour les chrétiens. Le
saint Suaire n’est pas objet de foi; C’est un signe pour nous aider à croire à
la passion terrestre du Christ.
[10] Sagesse 18, 14;
[11] Apocalypse 1, 15 et 16;
[12] Evangile de saint Jean 16, 13; (3) Evangile de saint Matthieu 16, 18;
[13] Evangile de saint Luc 22, 31-32;
[14] Du latin « Maître »;
[15] Evangile de saint Luc 22, 32.
[16] Evangile de saint Jean XVI, 13;
[17] Evangile de saint Matthieu 16, 18;
[18] Dans la constitution Lumen Gentium n°25;
[19] La vocation du théologien du 24 mai 1990 n°13.
[20] C’est l’expression du Concile Vatican II;
[21] Pie X, Motu Proprio du 29 juin 1914;
[22] Exode 3, 14;
[23] Exode 33, 23;
[24] Evangile de Saint Luc 1, 37;
[25] Evangile de Saint Matthieu 28, 19.
[26] Evangile de saint Matthieu 11, 29.
[27] voir Credo donné par Paul VI à l’Eglise en 1968;
[28] Ce qui ne veut pas dire qu'il ne pourrait en aucun
cas exister des "créatures intermédiaires" dotées de corps psychique.
Les musulmans y croient (les djinns)
et saint Paul le suggère: Ephésiens 6, 12:
"Car ce n'est pas contre des adversaires de sang et de chair que nous
avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les Puissances, contre les
Régisseurs de ce monde de ténèbres, contre les esprits du mal qui habitent les
espaces célestes." Leur existence serait logique, entre les hommes
(biologie, psychisme et esprit et les anges (purs esprits). Ils pourraient
expliquer certains phénomènes grotesques, peu dignes des anges, dans le
spiritisme.
[29] Tout le reste de l’enseignement
que je vais essayer de développer est parfois marqué du caractère d’infaillibilité
habituel de l’Eglise (surtout quand il développe un des ces cinq points),
parfois d’une simple mais profonde vénération, soit à cause de l’autorité des
maîtres qui l’ont enseigné (saint Denis, Saint Thomas d’Aquin), soit à cause de
leur concordance avec l’Ecriture. Voir a ce sujet: Jean Paul II, anges et
démons, la foi de l’Eglise édition du Laurier, saint Thomas d’Aquin traité sur
les anges dans la Somme Théologique et Denys la hiérarchie céleste.
[30] Exode 33, 20: Cette parole est adressée dans le texte aux hommes. Mais elle peut être aussi appliquée aux anges. Les anges ne peuvent mourir comme les hommes puisqu’ils n’ont pas de corps. Mais si Dieu ne fortifie pas leur être, ils peuvent être déstabilisés dans leur existence même par la lumière trop aveuglante de Dieu;
[31] Genèse 1;
[32] Il est bien évident que cette parole n’est pas dans l’Ecriture. Il s’agit d’un essai de reconstitution théologique.
[33] Evangile de saint Luc 18, 17.
[34] Evangile de saint Matthieu 12, 34;
[35] Chez les anges, la haine n’est pas un sentiment passionnel mais une volonté froide et métallique qui le porte à nuire.
[36] Jérémie 2, 20;
[37] Jean 13, 8;
[38] Evangile de saint Jean 13, 6-7;
[39] Apocalypse 12,4;
[40] Apocalypse 12,7;
[41] Cette parole n’est pas dans la Bible mais elle est une tentative de reconstitution du combat spirituel entre les anges.
[42] Isaïe 14, 12;
[43] Jean 8, 44;
[44] Apocalypse 12.
[45] voir n°5.
[46] Pour l’analyse de leur connaissance de l’avenir, voir le chapitre qui en parle.
[47] Pour l’étude de ce pouvoir angélique, voir l’étude spécifique en partie 3;
[48] Ephésiens 6, l2;
[49] Genèse 1;
[50] C’est-à-dire des dons dont l’origine est dans la nature humaine elle-même, mais qui ne peuvent s’exercer pleinement sans l’aide de Dieu;
[51] Pour trouver les textes dogmatiques sur l’origine de l’homme, voir la foi catholique, textes doctrinaux du Magistère de l’Eglise, édition de l’Orante 1982 pages 162 et 16.
[52] Allocution du 22 octobre 1996 à l’Académie pontificale des
sciences (O.R. du 24 octobre 1996)
[53] Voir Genèse 2;
[54] Voir credo du pape Paul VI donné à l’Eglise en 1968.
[55] Genèse 6, 3;
[56] Genèse 3, 24. Mais prolonger la vie humaine de plusieurs siècle sera probablement possible un jour. Il se pourrait que l’audace des chercheurs soit un "tremblement apocalyptique". J’entends par là un de ces actes graves dont on ne comprend les conséquences que si l’on connaît les raisons qui poussèrent Dieu à rendre l’homme mortel.
[57] Voir du même auteur, Traité des Fins dernières, La vision béatifique, Question 1, article 8.
[58] Genèse 2,18;
[59] Genèse 1, 28;
[60] Genèse 2, l9;
[61] Genèse 1, 28;
[62] 1 Jean 2, 7;
[63] Genèse 1, 31;
[64] 1 Pierre 5, 8.
[65] La Bible, pour exprimer cette colère de Lucifer le décrit comme un Dragon Rouge-feu (Apocalypse 12). Il s’agit d’une image pour exprimer l’action d’une intelligence calculatrice qui est prêtre à tout faire pour rétablir ce qui lui apparaît être le bien;
[66] Genèse 2, 16;
[67] Genèse 3, 1: Le serpent signifie symboliquement le démon. Voir à ce sujet les noms employés par l’Apocalypse au chapitre 12, 8 pour parler du démon: “... le dragon, l’antique serpent, le diable ou le Satan comme on l’appelle, le séducteur du monde entier...". Si la Bible utilise le symbolisme du serpent pour parler du démon, c’est parce qu’il est l’animal qu’on considère comme le plus rusé et le plus dangereux.
[68] Voir Saint Augustin: aimé signifie pour lui ici l’amour de charité (Agape);
[69] Interprétation de Genèse 3, 5;
[70] Genèse 3, 7;
[71] Romains 5, 12; (5) Voir section 1: les phénomènes paranormaux qui trouvent leur explication dans la nature humaine page 30.
[72] Ce pouvoir est bien
sûr limité par Dieu qui veille et ne permet les attaques du démon sur l’homme
dans la seule mesure où elles peuvent servir à son bien. Les attaques sont
principalement la tentation (qui passe par l’imagination et les passions) et la
possession qui est une prise de pouvoir sur le corps.
[73] Epître aux Romains 11, 33.
[74] Evangile de marc 1, 13;
[75] Voir le cas de saint François d’Assise dans
le chapitre des miracles.
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