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LA SPIRITUALITÉ DES DIVORCÉS REMARIÉS

a.dumouch@hotmail.com

L'OBJECTION

Un groupe de prêtres, Charleroi, le 12 mai 2003

Un groupe de prêtres belges m'ont écrit leur scandale face à la nouvelle encyclique du pape Jean-Paul II qui rappelle l'interdiction faite aux divorcés remariés de communier.  

RÉPONSE

Arnaud Dumouch, 13 mai 2003

Chers amis, vos réflexions sont intéressantes et partent de votre profond souci pastoral. Merci pour elles.

Je suis heureux de vous faire part des miennes. Elles vous intéresseront peut-être car j’ai été confronté à ce cas de conscience il y a quelques années. Il y a 15 ans, un ami a vécu un divorce douloureux et « passif ». Depuis, il a profondément "pensé" cette spiritualité:

 

Voici son témoignage (reproduit sans son nom):

 

"Finalement, je n’ai pas eu à vivre dans la situation de divorcé remarié puisque la non-validité canonique de ce premier mariage a été reconnue. Pendant les années de procédure, j’avais eu le temps, en conscience, de passer par toutes les réflexions et les luttes intérieures.

De cette expérience, je pense pouvoir dire que, selon moi, il n’y a pas d’opposition réelle entre la position disciplinaire de l’Eglise et l’amour. Car c’est là, n’est-ce pas, que se situe le profond problème de conscience que vous manifestez face à l’encyclique sur l’eucharistie.

 

A cette époque, pour faire la paix avec ma conscience et mon respect pour l’Eglise, il a d’abord fallu que je me remette face à l’Evangile. En particulier, j’ai dû me confronter au mystère de l’eucharistie. Vous dites (page 2) « qu’elle est la participation au don total du Christ » et c’est vrai. La question qui m’est venue tout de suite à l’esprit à l’époque était la suivante : « Le Christ ne se donne-il plus à quelqu’un qui ne peut plus communier ? » Vous savez bien, étant théologien, qu’il n’en est rien. Il se donne d’abord dans la prière, mais aussi dans l’amour du prochain. Il vient réellement quand on s’adresse à lui cœur à cœur. Cela peut être dans la nature ou quand on le prie dans la musique. Ne croyez pas que je relativise l’eucharistie. Bien au contraire. Mais, sans ce préalable, comment comprendre que celui qui ne peut plus communier pas n’est pas excommunié ?

 

Ensuite, mais ensuite seulement, j’ai pu me poser en vérité la question de mon avenir concret de chrétien. A 23 ans, avant que l’Officialité déclare non valide mon mariage, je me suis demandé si j’attendrais le reste de ma vie dans la fidélité ou si je me remarierais.

 

Je suppose que vous pensez que je me suis cru confronté à deux choix : « Vivre pendant 50 ans le martyre d’une vocation de fidélité envers une femme partie depuis longtemps ou être excommunié. »

Permettez-moi de vous détromper. Jamais je n’ai cru cela car ce n’était absolument pas ce que je lisais dans les quatre évangiles, comme dans la pensée profonde des docteurs mystiques (Thérèse d’Avila, Thomas d’Aquin) ou du magistère de l’Eglise.

1° Il y avait d’un côté un appel du Christ à imiter dans la fidélité l’amour qui a motivé sa venue sur terre : « il est mort pour nous alors que nous ne l’aimions pas. » Je comprenais parfaitement que ce premier choix était la préférence du Christ mais qu’il était humainement impossible. Il était lié à une grâce surnaturelle.

2° L’autre choix était celui de l’humilité : si je me remariais, je ne pourrais plus communier à l’Eglise mais j’entrerais dans une autre forme de communion, à savoir la spiritualité du publicain décrite par Jésus en Luc 18, 13 : « Le publicain, se tenant à distance dans la synagogue, n'osait même pas lever les yeux au ciel, mais il se frappait la poitrine, en disant: Mon Dieu, aie pitié.» Je pensais que, si je me remariais, j’irais toute ma vie à l’Eglise, sans communier et que je dirais à Jésus : « Je sais à quoi tu m’appelais. Ais pitié de moi, je n’ai pas pu  rester seul. » Je savais aussi que, de cette manière, ce serait une vraie communion au Christ. Cela m’étais promis par Jésus puisqu’il ajoutait dans le même texte : « Le publicain, je vous le dis, descendit chez lui justifié. Car tout homme qui s'élève sera abaissé, mais celui qui s'abaisse sera élevé. »

Bref, deux voies de sainteté se présentaient à moi : celle de l’amour vécu comme le veut Jésus, ou celle de l’humilité qui plait aussi à Jésus.

 

Chers amis prêtres, depuis cette époque, j’ai été souvent amené à aider des divorcés « actifs ou passifs » face à cette situation de remariage. Ils en ressortaient toujours pacifiés, aussi bien face à Jésus que face à la discipline de l’Eglise. Car en fin de compte, ce qui est important dans tout cela, c’est l’humilité et l’amour qui seuls, comme deux affectionnés, conduisent à la Vie éternelle.

 

J’espère que ce plaidoyer aura amené une pierre de plus à votre réflexion. Je sais à quel point, concrètement, il est dur au plan pastoral d’emmener les chrétiens à préférer l’humilité et l’amour au fait de communier sacramentellement s’ils ne le peuvent plus. C’est pourtant, me semble-t-il, le vrai travail des serviteurs du Christ. Car ce qui compte avant tout, ce n’est pas d’avoir communié durant sa vie mais d’avoir été en communion avec lui. Soyez assuré de mon affection."

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