Auteur: Arnaud
Dumouch (---.88.238.133.codenet.be) Date: 26/06/2004
15:16
Cher Nicolas,
Permettez-moi de m'inviter à
cette question qui m'a toujours passionné. Je commencerais par une
petite remarque, tout à fait extérieure à
l'Aristotélico-thomisme:
Il n'est pas du tout certain que
l'âme séparée n'emporte pas la sensibilité. A la suite d'un
témoignage sur un expérience de la mort (un homme écrasé par un mur
se réveilla), saint Augustin commente: « Visiblement, l’âme se
sépare du corps, emportant tout avec elle : la sensibilité,
l’imagination, la raison, l’intellection, l’intelligence, l’appétit
concupiscible et l’appétit irascible ». S. Augustin dit encore : «
Nous croyons que seul l’homme possède une âme subsistante qui,
séparée du corps, continue à vivre et garde vivants ses sens et son
intelligence ». (Commentaire du livre de Qohelet, Chap. 16. ; Saint
Augustin, De l’esprit et de l’âme, Chap. 15.)
Pourtant, la
disparition de la sensibilité est, au plan philosophique, ce que le
bon sens suggère. Le cerveau, siège des sens, n’est-il pas détruit ?
C’est ce que conclut saint Thomas… Bref, la multiplication des NDE
doit permettre de se pencher à nouveau sur ce problème.
En théologie, dans l’hypothèse où toute vie sensible
disparaît, il est possible de se faire une bonne idée du MODE
NATUREL de la vie spirituelle dans l’au-delà, qu’on soit en enfer,
au purgatoire ou dans la vision de l’essence de Dieu. Vous dites
: « l’intelligence ne connaîtra plus que l’universel, son objet ».
Ceci ne me semble pas juste. L’universel n’est pas l’objet de
l’intelligence. C’est l’objet de l’intelligence « quand elle fait
œuvre de philosophia perennis », c’est-à-dire quand elle cherche à …
connaître de l’universel !!!!! L’objet de l’intelligence, c’est
TOUT CE QUI EST, SANS EXCEPTION, donc le particulier, le général et
l’universel.
Ce qui est sûr, c’est que dans cette hypothèse,
(la disparition de la sensibilité), on ne garde que ce qui est
spécifiquement spirituel dans nos souvenirs. On oublie le visage
physique de sa mère, mais on se souvient de ses intentions profondes
; On oublie les parfums, les circonstances sensibles de nos actes.
Alors, dit saint Thomas, l’intelligence se met à fonctionner « sous
un autre mode, celui des anges ». Elle n’est plus capable
d’abstraire la connaissance des réalités à travers des images
sensibles, mais par l’intermédiaire de deux choses : 1- des
concepts infusés par Dieu, par les anges ou par les autres
morts. 2- Par une pénétration intellectuelle directe, sous mode
intuitif, de l’essence des choses. Cette connaissance, dit-il,
bien qu’elle soit en elle-même d’un mode plus parfait, est pour
nous, à cause de la faiblesse de l’esprit humain, moins parfaite ».
Est-ce que cette vie vaut d’être vécue ? Dans la vision de Dieu,
oui, certainement : « Te connaître, c’est être riche de tous les
biens ». Mais, au purgatoire et en enfer, ce mode naturel de
fonctionnement est très peu humain, d’où, dit saint Thomas,
l’aspiration de notre âme à la résurrection de la
chair… Arnaud
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