Auteur: Charles Delaporte (---.ppp.tiscali.fr)
Date: 28/03/2004 17:13
Cher Jean-Luc,
vous prenez quand ça vous arrange le rôle du croyant, et quand ça vous
arrange le rôle de l'incroyant. Dans tous les cas celui du sceptique.
Difficile de s'appuyer sur quelque chose... Vous ne pensez pas que
Bernadette a menti, mais vous refusez de penser les choses telles
qu'elle les décrit.
Lorsque la Vierge dit à Bernadette : "je suis l'immaculée conception",
la bergère ignore totalement ce que ça signifie et est obligée de
mémoriser phonétiquement cette phrase qu'elle ne comprend pas.
Ce fait suffit pour moi à écarter nombre d'hypothèses que vous proposez
: absence de perception sensorielle, différence entre ce qu'elle décrit
et ce qui s'est passé, possibilité que le contenu de la vision soit issu
de ce que Bernadette a reçu comme culture et éducation, analogie avec le
rêve, etc...
Cordialement.
Charles.
P.S. Chose promise, chose due :
Soeur Marie-Bernarde a 36 ans, elle est soeur converse au carmel de
Nevers. Sa jambe est rongée par la gangrène. Voici ce qu'elle écrit dans
son testament spirituel :
" Pour la misère de maman et papa, pour la ruine du moulin, pour ce
madrier de malheur, pour le vin de l'abattement, pour les brebis
galeuses, merci, mon Dieu !
Pour la bouche de trop que j'étais à nourrir, pour les enfants que j'ai
veillés, pour les moutons que j'ai gardés, merci !
Merci, ô mon Dieu, pour le procureur, pour le commissaire, pour les
gendarmes, pour les paroles dures de l'abbé Peyramale.
Pour les jours où vous êtes venue, Vierge Marie, pour ceux où vous
n'êtes pas venue, je ne pourrai vous remercier assez qu'au paradis. Mais
pour le soufflet reçu, pour les moqueries, pour les outrages, pour ceux
qui m'ont prise pour folle, pour ceux qui m'ont prise pour une menteuse,
pour ceux qui m'ont prise pour une intéressée, merci, Notre-Dame !
Pour l'orthographe que je n'ai jamais sue, pour la mémoire que je n'ai
jamais eue, pour mon ignorance et ma stupidité, merci !
Merci, merci, parce que s'il y avait eu sur la terre une fillette plus
ignorante et plus sotte, vous auriez choisi celle-là...
Pour ma mère morte loin de moi, pour la peine que je resseentis lorsque
mon père, au lieu de tendre les bras vers sa petite Bernadette, m'appela
"Soeur Marie-Bernard", merci, ô Jésus.
Merci d'avoir abreuvé d'amertume le coeur trop tendre que vous m'avez
donné.
Pour Mère Joséphine, qui m'a déclarée bonne à rien, merci. Pour les
sarcasmes de notre Mère, sa voix dure, ses injustices, ses ironies, et
pour le pain des humiliations, merci.
Merci pour être celle à qui Mère Marie-Thérèse pouvait dire : "Vous n'en
faites jamais d'autres".
Merci d'avoir été la privilégiée des reproches, dont les Soeurs disaient
: "Quelle chance de ne pas être Bernadette" !
Merci d'avoir été Bernadette, et menacée de la prison parce qu'elle vous
avait vue, Vierge Sainte; d'avoir été regardée par les gens comme une
bête rare : cette Bernadette si insignifiante que, quand on la voyait,
on disait : "Ce n'est que cela ?"
Pour ce corps chétif que vous m'avez donné, pour cette maladie de feu et
de fumée, pour mes chairs gangrenées, pour mes os cariés, pour mes
sueurs, pour ma fièvre, pour mes douleurs sourdes et aigües, merci, ô
mon Dieu !
Et pour cette âme que vous m'avez donnée, pour le désert de l'aridité
intérieure, pour votre nuit et vos illuminations, pour vos silences et
vos éclairs, pour tout, pour Vous, absent ou présent, merci, Jésus !"
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