Chapitre VI- La destruction de tout mal
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VI- La destruction de tout mal

            Après avoir lutté durant le chapitre précédent contre les pires horreurs du discours sur l'enfer, il est grand temps de trouver un peu d'air pur. Il s'agit ici de confesser, une bonne fois pour toute, la victoire définitive du Christ sur toute puissance du mal. Seul le bien demeure.

            Sans contredire ni détourner le sens des Ecritures et des dogmes de l'Eglise, il est tout à fait possible de définir une solution théologique à la question de l'enfer. De façon catégorique, nous affirmerons, en nous appuyant sur des bases scripturaires et théologiques solides, que la victoire de Dieu sur le mal passe par la destruction de l'enfer. Cette destruction de l'enfer s'opère par la destruction des créatures infernales composant l'enfer.

            - Dans un premier temps, nous verrons que Dieu a le pouvoir de détruire les êtres qu'Il a créés. Personne ne Lui ayant commandé de créer, personne non plus ne peut prétendre gouverner à Sa place, Dieu est maître de Sa création et en dispose à Sa guise. Combien plus, selon Sa justice, Dieu possède-t-Il le droit de détruire tout ce qui ne Lui correspond pas.

            - Dans un second temps, nous verrons comment l’œuvre de salut du Christ consacre la victoire définitive du bien sur toute puissance du mal. Le sacrifice du Christ devient le pouvoir de Dieu de détruire le mal à tout jamais.

                        1/ Le châtiment de l'anéantissement

                                    A/ Les êtres existent si Dieu les reconnaît

            La reconnaissance par le Christ des hommes qu'Il rencontre est fondamentale. Elle signifie que l'amour est partagé entre Dieu et l'homme. Et cette relation d'amour entre Dieu et l'homme est la source même de la vie. Lorsque le Christ rencontre le jeune homme riche, Saint Marc nous dit: "Alors Jésus fixa sur lui son regard et l'aima" (St Marc, 10.21). Dieu nous a aimé le premier mais Il s'émeut de l'amour que nous pouvons Lui donné nous aussi en retour. Dieu nous reconnaît également par l'amour que nous pouvons nous donner entre nous.

            A l'inverse, un homme qui n'est pas capable d'aimer n'a pas la vie en lui. "Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n'aime pas demeure dans la mort" (Première épître de Saint Jean, 3.14). Et Dieu ne peut nous reconnaître que par l'amour que nous portons chacun en nous et que nous partageons. C'est cet amour qui nous fait vivre en enfants de Dieu. Celui qui hait ignore Dieu et ne peut être reconnu par Lui. A ce propos, trois passages des évangiles où le Christ préside au jugement des méchants à la fin du monde, sont significatifs:

            - "Alors je leur dirai en face: "Jamais je ne vous ai connus; écartez-vous de moi, vous qui commettez l'iniquité"" (St Matthieu, 7.23).

            - "Mais il vous répondra: "Je ne sais d'où vous êtes; loin de moi, tous les malfaisants!"" (St Luc, 13.27).

            - "Mais il répondit: "En vérité je vous le dis, je ne vous connais pas"" (St Matthieu, 25.12).

            Les méchants qui sont sans amour, Dieu ne les reconnaît pas. Ils n'ont rien par quoi Dieu pourrait les identifier. Ils sont morts à toute vérité de l'être. Ils cessent par là-même d'exister.

            C'est parce que Dieu les connaît que les êtres existent: "En effet, en tant que Dieu cause les êtres par ses idées, leur similitude existe en lui: "Ainsi, parce que le monde n'est pas produit au hasard mais par l'intelligence divine, (...) il est nécessaire qu'une forme, modèle de ce monde, existe en elle. Et c'est en cela que consiste l'idée elle-même" (St Thomas d'Aquin, Somme théologique, Ia, Q.15, a.1, c.). De plus l'ordre de l'univers étant la fin principale voulue par Dieu et le tout n'étant connu que si ses parties sont connues, les "raisons" propres de tous les êtres existent dans l'Esprit divin" (Jean-Marie Vernier, Les anges chez Saint Thomas d'Aquin).

            De même, on peut lire dans la Bible le verset suivant: "Avant qu'il créât, toutes choses lui étaient connues" (Ecclésiastique, 23.20).

            Ce qui implique que Dieu peut effacer Sa créature de Son Esprit et la faire ainsi disparaître à jamais: le "je ne vous connaît pas" est en fait un "je ne vous ai jamais connu".            Devant la néantisation de leur être, Jésus dit aux méchants: "Je ne sais d'où vous êtes"; leur être n'a plus d'existence en Dieu. Et "qu'il y ait un moment où rien ne soit, éternellement rien ne sera" (Bossuet). Ce que l'on peut traduire à l'échelle d'un individu par: "Qu'un jour un être ne soit pas, jamais il n'aura été!". Ainsi dans la bouche du Christ, le "je ne vous connaît pas" et le "je ne vous ai jamais connu" sont-ils équivalent et signifient-ils la même chose: vous n'existez pas pour moi, autant dire que vous n'avez jamais existé!

            Reprochera-t-on à Dieu par la disparition des méchants de revenir sur Sa décision d'avoir créé? Non. Car "Dieu change Ses oeuvres et non Ses desseins" (Saint Augustin, Confessions, Ch.IV). Ainsi, Dieu a créé les êtres pour qu'ils soient heureux. L'iniquité des méchants, qui est oeuvre de malheur, n'a donc aucune part dans Ses desseins, et Dieu, sans renier ce qu'II a fait, car Il n'a pas fait l'iniquité, peut en toute justice les éliminer les méchants.

            Aussi, "ne tarde pas à revenir au Seigneur et ne remets pas jour après jour, car soudain éclate la colère du Seigneur et au jour du châtiment tu serais anéanti" (Ecclésiastique, 5.7). De telle sorte que le pénitent implore Dieu de ne pas l'ignorer: "Ne me repousse pas loin de ta face, ne retire pas de moi ton esprit saint" (Psaume 50).

                                    B/ La destruction de l'enfer

            Nous avons dit au chapitre précédent que l'enfer n'était pas un châtiment infligé par Dieu. Au contraire, l'enfer est une peine que l'impie s'inflige lui-même à lui seul. A cette assertion, nous pouvons apporter du point de vue de la foi catholique deux preuves irréfutables: la première est tirée des Saintes Ecritures, la seconde du catéchisme officiel de l'Eglise Catholique.

            D'après la définition de l'enfer donnée dans le Catéchisme de l'Eglise Catholique de 1992, au n°1033, on peut lire que c'est la créature pécheresse, qui en persévérant consciemment dans son péché, se condamne elle-même éternellement.

            N°1033: "Mourir en péché mortel sans s'être repenti et sans accueillir l'amour miséricordieux de Dieu, signifie demeurer séparé de Lui pour toujours par notre propre choix libre. Et c'est cet état d'auto-exclusion définitive de la communion avec Dieu et avec les bienheureux qu'on désigne par le mot "enfer"".

            L'Eglise parle d'un "état d'auto-exclusion". Tout d'abord, si l'on prend en compte le mot "état", il ne saurait désigner un lieu extérieur à la créature concernée mais bien plutôt sa disposition intérieure. Et cette disposition intérieure s'avère dans le cas du pécheur impénitent et résolu à cette impénitence être une aversion pour Dieu.

            L'Eglise parle de l'enfer comme étant un état et non un lieu. Alors que dans la Bible le paradis apparaît suivant l'Apocalypse de Saint Jean sous la forme d'un lieu dont la vision de la Jérusalem Céleste est la révélation (Ap. 21.9+), l'enfer quant à lui, n'a plus dans le langage du catéchisme de l'Eglise de 1992 le statut de lieu du châtiment par Dieu des pécheurs. L'enfer n'est plus un lieu mais un état, et tout au plus pourra-t-on dire que l'enfer est localisé à l'intérieur des pécheurs en état de péché perpétuel. Cette notion d'"état" que confesse désormais l'Eglise est aux antipodes des visions médiévales de l'enfer, où diables et diablotins s'affairaient à torturer dans de profonds abîmes englués de ténèbres les âmes des damnés, les perçant de leurs fourches, les déchirant de leurs griffes et les faisant bouillir dans des marmites géantes ou cuir sur des grils acérés.

            De plus, le terme "d'auto-exclusion" exprime, sans erreur possible d'interprétation, le fait que ce sont les créatures pécheresses elles-mêmes qui s'infligent l'enfer. Le terme "d'auto-exclusion" dément toute forme de participation de Dieu aux peines de l'enfer. Ainsi l'enfer est de la seule responsabilité de la créature qui s'y enferme d'elle-même.

            Voyons maintenant ce que les Ecritures Saintes en disent. L'enfer est entretenu par le feu du péché; c'est ce que nous donne à méditer Isaïe, qui fut le premier à parler de l'éternité du mal de l'enfer chez ceux qui en sont embrasés:

            "Et quand on sortira, on verra les cadavres des hommes qui se sont révoltés contre moi. Leur ver ne mourra pas et leur feu ne s'éteindra pas, ils seront en horreur à toute chair" (Isaïe, 66.24).

            Il faut très clairement remarquer ici que les expressions "ver (qui) ne mourra pas" et "feu (qui) ne s'éteindra pas" sont précédées par le pronom possessif leur. Ce qui signifie que ce ver et ce feu sont propres à la créature pécheresse. Ils ne sont donc pas infligés par Dieu. L'enfer est un feu qu’alimente la créature elle-même. De plus, ce passage d'Isaïe exprime le fait que la révolte de l'enfer est une révolte qui de la part de la créature révoltée ne saurait avoir d'issue, qui ne mourra pas, qui ne s'éteindra pas. Le feu qui dévore les pécheurs impénitents est un feu qui ne s'éteindra pas parce qu'il ne connaissent plus le repentir; ils persévèrent dans le mal; leur ver (leur perversité) est irrémissible; le feu de leur haine inextinguible. Telle est la folie de ce péché, qui tel un ver ronge de l'intérieur la créature impie sans que soit consommé son tourment, qui tel un feu la brûle sans que soit consumée sa révolte. Si la créature impie est tourmentée, il faut cependant être horrifié de constater que c'est justement parce qu'elle ne renonce pas à son tourment. Et c'est exactement cela l'enfer, un tourment délibérément voulu et entretenu pour échapper et s'opposer définitivement à Dieu:

            "Notre débat dans l'Absolu partage le monde et crée l'Enfer et le Ciel. Ainsi, quand je dis: "ma perte", il ne s'agit que de l'interprétation divine de l'état dans lequel me précipite ma résistance à la grâce; mais le damné, autre Titan, jouteur formidable, revêtu d'une dignité affreuse et sublime que Dieu ne saurait méconnaître, peut aussi bien considérer sa révolte, devenue définitive, comme une victoire et préférer à n'importe quelle gloire la solitude où son courage l'établit pour l'éternité, face à face avec Dieu, sur un trône égal à celui de Dieu" (Marcel Jouhandeau, Algèbre des valeurs morales, défense de l'enfer, -1935-).

            Qu'ajouter à un discours d'une logique aussi effroyable?

            Que Dieu ne permettra pas à l'impie de Le défier par l'enfer. Que Dieu détruira les impies et avec eux l'enfer. Au Jour du Jugement, Dieu mettra fin à la folie des impies, détruisant ainsi, d'une sentence plus impérieuse et plus implacable encore que leur révolte, l'enfer. Dieu écrasera l'empire de la damnation en anéantissant tous ceux qui se seront damnés.

            A ce propos, au sujet de Judas, le Christ n'a-t-Il pas eu ces paroles? "Mieux eût valu pour cet homme-là de ne pas naître!" (Saint Marc, 14.21). Ce souhait que formule Jésus n'a-t-il pas valeur de résolution? Un souhait: une prière du Christ ne doit-elle pas être exhauçée par le Père? Judas disparu... Si Jésus exprime ce souhait, ne devons-nous pas croire que le Christ préfère que Judas disparaisse plutôt qu'il demeure en son malheur?

            Dieu a le pouvoir de détruire l'enfer en détruisant toutes les créatures infernales. Certains prétexteront toutefois que la substance des anges et l'âme humaine étant créées immortelles sont inexterminables. C'est par exemple la position qu'adopte sur la question de l'enfer le philosophe chrétien M. Blondel dans son ouvrage L'Action (-1893-). Mais il ressort d'une telle vision métaphysique de l'âme une erreur emprunte d'hérésie. Et la chose n'est certes pas nouvelle. Déjà Origène avait prêché de son temps la préexistence des âmes avant leur apparition dans la création, comme si l'âme était une émanation de la substance même de Dieu. Cette définition de l'âme avant même la création de l'homme fait de l'âme une partie de Dieu, et du monde, un univers panthéiste dans lequel Dieu serait composé par toutes les âmes incarnées. L'hypothèse théologique de la préexistence des âmes fut rappelons-le condamnée avec l'origénisme en 553 au IIème Concile de Constantinople. Ce qui n'empêchera pas au XIV° siècle un théologien rhénan, du nom d'Eckart, de reprendre pareille extrapolation et de faire de l'âme avant la création une entité aussi douée que Dieu Lui-même. Pour Eckart, il y aurait quelque chose d'incréé dans l'âme humaine:

            "Je dis comme je l'ai dit souvent: là où l'âme a son être naturel créé, il n'est pas de vérité. Je dis qu'il est quelque chose au-dessus de la nature créée de l'âme. Et certains clercs ne comprennent pas qu'il y ait ainsi quelque chose qui soit (en elle) de la parenté de Dieu et qui soit ainsi un. Cela n'a rien de commun avec quoi que ce soit. Tout ce qui est créé ou créable est néant, mais tout le créé et tout le créable est loin de cela et lui est étranger. C'est un Un en soi qui n'accueille rien d'extérieur à soi" (Eckhart, Sermon n°29, -XIV° siècle-).

            De telle sorte que l'âme existait déjà avant la création et que sa substance était de la même nature que celle de Dieu!

            "Dans ce même être de Dieu où Dieu est au-dessus de l'être et au-dessus de la distinction, j'étais moi-même, je me voulais moi-même, je me connaissais moi-même pour faire cet homme que je suis. C'est pourquoi je suis cause de moi-même selon mon être qui est éternel, et non pas selon mon devenir qui est temporel" (Sermon 52).

            Outre l'erreur théologique de l'"ens causa sui" (de la cause de soi) dont nous avons précédemment démasqué le funeste mensonge et sa paternité diabolique, le propos d'Eckhart implique plus follement encore qu'il y aurait égalité parfaite entre l'âme et Dieu avant la création. La création, il va sans dire, est tenue comme chez les gnostiques et les manichéens pour une chute, pour un mal:

            "Lorsque je fluais de Dieu, toutes choses dirent: Dieu est, et cela ne peut me rendre heureux car par là je me reconnais créature" (Sermon 52).

            Mais pour en revenir à la question de la préexistence des âmes avant la création, Eckhart l'affirme sentencieusement, l'homme est de la sorte depuis toute éternité immortel:

            "C'est pourquoi je suis non-né et selon mon mode non-né, je ne puis jamais mourir. Selon mon mode non-né, j'ai été éternellement et je suis maintenant et je dois demeurer éternellement" (Sermon 52).

            Ainsi Dieu ne pourrait pas anéantir l'âme! Mais sachons-le, Eckhart est un pur hérétique et ses thèses hétérodoxes furent condamnées de son vivant par Rome. Et bien que l'ordre des Dominicains, dont Eckhart était un membre éminent, a tout récemment demandé au Pape Jean-Paul II de revenir au nom de l'Eglise sur les jugements prononcés à son encontre, - tient comme c'est curieux! -, on peut estimer que l'Eglise ne manquera pas avec sagesse de maintenir sa condamnation des thèses du "maître" rhénan.

            Ce qu'il faut donc dire, si l'on veut encore confesser le christianisme, c'est que c'est Dieu qui a créé les âmes et qu'avant qu'Il ne les créât, elles n'existaient pas. De sorte que si Dieu a fait apparaître les âmes à partir de rien, Il peut également les faire disparaître et les rendre à leur néant. Et ce n'est pas "Maître" Eckhart qui L'en empêchera!

            Nous dirons donc pour conclure que l'enfer est éternel par rapport au sujet qui s'inflige l'enfer, mais non par rapport à l'éternité de Dieu qui, rappelons-le, n'est pas cause de l'enfer. L'éternité de l'enfer n'est donc pas de la même éternité que celle de Dieu. L'enfer est éternel de l'immortalité de l'âme du damné. Mais cette même immortalité de l'âme est entre les mains de Dieu un don pour le bonheur, et non un don pour le malheur d'une damnation éternelle. Le malheur de Ses créatures ne rentrant pas dans les desseins de Dieu, la destruction d'un tel malheur satisfait la justice divine. "Dieu change Ses oeuvres et non Ses desseins" avons-nous déclaré avec Saint Augustin. Parce que Dieu a créé les êtres pour qu'ils soient heureux, l'iniquité des impies, qui est oeuvre de malheur, n'a aucune part dans Ses desseins, et Dieu, sans renier ce qu'Il a fait, car Il n'a pas fait l'iniquité, peut en toute justice éliminer les impies.

            "Qu'Il les abatte et ne les rebâtisse!" (Psaume 28.5).

            Car ce serait au contraire le triomphe du mal si la volonté de l'enfer était satisfaite et éternisée dans sa perversion.

            Le châtiment de l'anéantissement est redouté des impies qui croient avoir trouvé à tout jamais dans l'abomination du mal l'immortalité. Ils veulent l'enfer pour son éternité:

"Adorant mon livre sacré
Au seuil de ma mort
Je prie à genoux mon dieu
Comme ma vie ici s’éteint.
Mon vrai dieu qui jamais ne repose
Je loue ton nom glorieux
Je t'évoque
Satan le seigneur
Pour guider mon âme
A travers l'éternité.
Fais de moi le
Messager de tes commandements
Ecoute mes appels
Seigneurs des seigneurs
Transforme-moi
Pour entrer dans ton univers
Laisse-moi être
Serviteur de ton trône
Accorde à mon âme la vie immortelle
Répands sur moi ton pouvoir
(Resuscitator, Black Funeral, -1995-)

            Dans cette "chanson" du groupe de musique satanique Resuscitator, ce que réclame le chanteur, c'est que le diable lui offre l'immortalité en le faisant accéder à l'enfer ("Transforme-moi pour entrer dans ton univers" - et l'univers du diable c'est l'enfer). Ce qui signifie que les impies croient posséder le moyen de perpétuer éternellement leurs iniquités à la suite de leur maître, le diable. L'éternité de l'enfer est donc revendiquée et considérée comme un mode d'immortalité. Du reste, le seul nom du groupe, Resuscitator, exprime bien le fait que ses membres croient que le diable peut les ressusciter, leur donner la vie éternelle ("guide mon âme à travers l'éternité" et "accorde à mon âme la vie immortelle"). Les satanistes ne considèrent donc pas l'enfer comme une peine, mais plutôt comme la seule possibilité d'atteindre l'immortalité. En commettant le mal, en pervertissant leur âme, ils pensent pouvoir partager le pouvoir du diable ("répands sur moi ton pouvoir") qui a réussi à se séparer de Dieu pour l'éternité. N'a-t-il pas ce diable réussi à opérer en lui une sorte d'immortalité en s'éternisant dans le refus de Dieu, se disent les satanistes? C'est ainsi le péché du diable qu'ils veulent partager.

            Mais Dieu exaucera-t-Il le vœu impie des émules du démon? Ressusciteront-ils pour se repaître éternellement du mal? NON. Dieu fait disparaître à jamais les impies, dont:

"Les morts ne revivront pas,
les ombres ne ressusciteront pas,
car tu les as châtiés et anéantis

et tu en as détruit le souvenir!
(Isaïe, 26.14)

            Dieu ne donne pas raison aux impies, et si le mal a semblé triomphé, il sera finalement et définitivement vaincu. Il ne restera rien des impies, et jusqu'à leur souvenir sera effacé.

                                    C/ Bases scripturaires sur la destruction des impies

            De fait, il y a dans la Bible de très nombreuses références sur la destruction des méchants, des pécheurs, des impies. Ces textes de l'Ancien comme du Nouveau Testament ont souvent une valeur historique mais également et peut-être même surtout une portée eschatologique très nette.

            Ne pouvant pas citer tous les passages en rapport avec le sujet de la destruction des impies, et n'ayant pas non plus la prétention d'être exhaustif, je me suis plongé au "hasard" dans la Bible pour y découvrir des références adéquates. J'en donnerai assez cependant pour bien montrer qu'il s'agit d'un thème important autour de la question du Jugement.

            J'ai donc ouvert au "hasard", disais-je, la Bible. Pour commencer, j'ai lu entièrement le livre du prophète Isaïe. Pourquoi Isaïe? Au départ, je n'en avais aucune idée précise. Il fallait bien débuter (à l'aveuglette) par un livre de ce grand livre qu'est la Bible. Maintenant je crois savoir pourquoi Dieu m'a laissé ouvrir ce livre en premier. Ensuite, j'ai regardé, toujours au "hasard", trois à quatre psaumes. Enfin, les citations se sont relayées et se sont répondues les unes aux autres. L'Ancien et le Nouveau Testament, une fois de plus, se sont mis à parler ensemble le même langage. Voyons donc maintenant ce qui nous y est dit:

            "Révoltés et pécheurs seront brisés ensemble et ceux qui abandonnent Yavhé périront" (Isaïe, 1.28).

            Dans ce livre du prophète Isaïe, c'est la phrase type par excellence pour signifier que Dieu va se retourner contre ceux qui lui sont infidèles. On remarquera que la colère divine est à venir. Cependant, les maux qui frappent dès ici-bas les hommes sont-ils déjà des signes manifestes de Sa vengeance? S'agit-il du cortège des morts que laissent derrière elles les guerres? Ou bien s'agit-il d'un châtiment plus en rapport avec les fins dernières. C'est encore difficile à dire, car rien n'est précisé quant à la manière dont périront ceux qui se sont montrés hostiles à Dieu.

            "Aussi, de même que la paille est la proie des flammes et que le chaume disparaît dans le feu, leur racine deviendra pourriture, leur bourgeon sera emporté comme poussière, parce qu'ils ont rejetés la loi de Yavhé Sabaot et méprisé la parole du Saint d'Israël" (Isaïe, 5.24).

            Il semble ici que les impies seront victimes d'un châtiment qui va au-delà de la "simple" mort, puisque tout ce qui les constitue est voué à disparaître, de la profondeur des racines de leur être jusqu'à la promesse d'une renaissance des bourgeons qu'ils portaient en eux. On se remémorera ici évidemment les paroles du Christ: "Tout arbre qui ne donne pas un bon fruit, on le coupe et on le jette au feu" (Saint Matthieu, 7.19). La cognée est prête à frapper. C'est la sanction implacable du Jour du Jugement.

            "Il arrive, le jour de Yavhé, implacable, fureur, ardente colère, pour réduire la terre en désert et en exterminer les pécheurs" (Isaïe, 13.9).

            Ici, il n'y a plus de doute possible, la portée du propos est d'ordre eschatologique. Le Jour de Yavhé est le Jour du Jugement dernier. Et les paroles de malheur prononcées par le prophète Isaïe ne résonnent plus comme l'annonce des maux qui parsèment la terre de leurs terreurs et qui sont les fruits empoisonnés du péché des hommes, mais comme l'annonce de la sentence dont Dieu frappera les pécheurs au Jour du Jugement final de l'humanité toute entière.

            Voyons maintenant ce que nous en disent les psaumes. Je rappelle que je ne fais que prendre quelques exemples parmi une multitude de citations proches ou identiques. Si le lecteur veut en faire par lui-même la preuve, il lui suffira d'ouvrir la Bible pour constater l'importance de ce thème de la destruction des impies.

            Voici des extraits tirés de deux psaumes (37 et 73), qui traitent du jugement final et du sort des justes et des impies, d'après les titres donnés à ces textes par les traducteurs de la Bible de Jérusalem.

            "Voici: Qui s'éloigne de toi périra, tu extirpes ceux qui te sont adultères" (Psaume 73.27).

            Il n'y a de vie qu'avec Dieu, qu'en Dieu disent les chrétiens. Et comment vit-on avec Dieu, en Dieu? En aimant. Car "celui qui n'aime pas n'a pas connu Dieu, car Dieu est Amour" (Première épître de Saint Jean, 4.8). La phrase tirée du psaume 73, est en deux temps. D'abord celui qui s'éloigne de Dieu, c'est-à-dire qui n'aime pas, périra par sa faute. C'est l'absence d'amour dans sa vie qui conduit l'homme à sa perte. Second mouvement, Dieu l'extirpe de Son héritage qui est l'amour. Celui-là qui n'aime pas, qui est infidèle à l'amour, adultère, Dieu, qui ne sauve que par l'amour, ne le reconnaîtra pas. L'homme adultère meurt alors de ne plus posséder de ressemblance en Dieu:

            "Ah! que soudain ils font horreur, disparus, achevés par l'épouvante! Comme un songe au réveil, en t'éveillant, tu méprises leur image" (Psaume 73.19-20).

            Dieu a fait l'homme à Son image nous dit la Genèse. Et ce qui identifie l'homme en Dieu, c'est l'amour. Aussi, n'ayant pas aimé, périssent ceux dont l'image ne correspond plus à celle de leur Créateur. Ils disparaissent, Dieu se refusant à reconnaître l'image déformée de créatures devenues abjectes à l'amour. Dieu méprise leur image".

            "Encore un peu, et plus d'impie, tu t'enquiers de sa place, il n'est plus" (Psaume 37.10).

            Alors la part d'héritage de l'impie, sa place dans la création, c'est le néant.

            "Les impies périront, eux, les ennemis de Yavhé; ils s'en iront comme la parure des près, en fumée ils s'en iront" (Psaume 37.20).

            "Les malfaisants seront détruits à jamais et la lignée des impies extirpée" (Psaume 37.28).

            "La lignée" (Ps 37.28), "la postérité des impies est extirpée" (Ps 37.38). A tout jamais disparaissent-ils. Le méchant est condamné à ne plus exister, à n'avoir jamais existé.

            "Yavhé étendra sur lui le cordeau du chaos et le niveau du vide" (Isaïe, 34.11).

            De la vie même des impies effacés de la création, il ne restera rien.

            "Or, vous n'êtes rien, et vos oeuvres néant" (Isaïe, 41.24).

            Que ce soit son être, que ce soit ses oeuvres, le méchant est livré pour toujours au néant:

            "Tel un navire qui fend l'onde agitée, sans qu'on puisse découvrir la trace de son passage ni le sillage de sa carène dans les flots. Tel encore un oiseau qui vole à travers les airs, sans que de sa course on découvre un vestige; il frappe l'air léger, le fouette de ses plumes, il le fend en un violent sifflement, s'y fraie une route en battant des ailes, et puis, de son passage on ne trouve aucun indice. Telle encore une flèche lancée vers son but; l'air déchiré reflue aussitôt sur lui-même, si bien qu'on ignore le chemin qu'elle a pris. Ainsi de nous: à peine nés, nous avons cessé d'être, et nous n'avons à montrer aucune trace de vertu; notre perversité nous a consumés!" (Livre de la Sagesse, 4. 10-13).

            On trouve le parallèle dans le Nouveau Testament aux épîtres de Saint Pierre et de Saint Jude:

            "Nuées sans eaux que les vents emportent, arbres de fin de saison, sans fruits, deux fois morts, déracinés, houle sauvage de la mer, écumant sa propre honte, astres errants" (épître de Saint Jude, 1.12-13).

            Il s'agit là de ceux qui sont gardés dans l'obscurité des ténèbres en attendant leur châtiment au Jour du Jugement dernier. Et leur châtiment, c'est la seconde mort.

                                    D/ La seconde mort

            La mort que nous connaissons, c'est la mort corporelle. Elle frappe autour de nous nos contemporains, comme elle frappa nos aïeuls. La mort les frappe dans leur chair. C'est une mort corporelle. Et comme nous l'avons déjà dit, rien ne permet d'affirmer que disparaissent également dans cette mort physique, les principes pensants et les sentiments de ceux qui meurent. Les chrétiens, comme beaucoup d'autres gens participant à d'autres religions, croient que l'âme humaine survit à la mort corporelle. Cette croyance est universellement partagée dans toutes les cultures humaines et est représentée par des millions d'hommes et de femmes qui la tiennent pour vraie. Cette mort est ainsi davantage perçue comme un passage, comme le seuil d'un autre monde, que comme une fin en soi. Au delà de la mort, la vie continue. Il y a même une joie à savoir que la mort n'est qu'un voile masquant une nouvelle réalité de l'être. C'est une très douce satisfaction de le croire, comme l'explique à son fils le roi Salomon:

            "Mange du miel, mon fils, c'est bon! Un rayon de miel est doux à ton palais. Ainsi la science de la sagesse pour ton âme. Si tu la trouves, il existe un avenir et ton espérance ne sera pas anéantie" (Les Proverbes, 24.13-14).

            La mort, aussi fâcheuse et douloureuse soit-elle, n'est pas un anéantissement total de l'être. Différemment nous apparaît la seconde mort dont parle la Bible, et en particulier son livre terminal, l'Apocalypse.

            La seconde mort (Apocalypse, 20.6) est l'anéantissement accomplit par le feu.

            Quel est donc ce feu dont parle la Bible? Ce feu dévastateur qui réduisit en cendre Sodome, quel est-il?

            "Yavhé fit pleuvoir sur Sodome et sur Gomorrhe du soufre et du feu venant de Yavhé, et il renversa ces villes et toute la plaine, avec tous les habitants des villes et la végétation du sol" (Genèse, 19.24).

            Ce feu est donné comme un feu venant de Yavhé. Ce feu est issu de Dieu. Ce feu manifeste Sa justice.

            "Car voici que Yavhé arrive dans le feu, sa charrerie est comme la tempête, pour assouvir sa colère par l'incendie, ses menaces par des flammes de feu. car Yavhé va juger par le feu" (Isaïe, 66.15-16).

            Ce feu témoigne de la puissance de Dieu et rend effectif le pouvoir de Son jugement sur le monde. Nul ne peut prétendre résister au feu de Sa justice, s'y soustraire. Ce feu brûle de l'immensité, de l'éternité, de la volonté même de Dieu.

            "A Sion les pécheurs sont dans l'angoisse, un tremblement saisit les impies. Qui de nous tiendra devant ce feu dévorant, qui tiendra devant ces flammes éternelles?" (Isaïe, 33.14).

            Ces flammes sont éternelles car elles viennent de Dieu. Rien ne peut résister à leur pouvoir destructeur. Aucune substance, matérielle ou immatérielle, ne peut survivre à l'embrasement de ce feu.

            "Il l'anéantira corps et âme" (Isaïe, 10.18).

            La substance des anges comme l'âme humaine ne sont point épargnées. Leur immatérialité, leur immortalité par rapport à la matière sont emportées et dissoutes. La force implacable de l'opération dévorante de ce feu de Dieu ne connaît aucune limite d'action.

            Comme Sodome et Gomorrhe furent détruites, ce feu est aussi un feu qui annihile la matière, le vieux monde corrompu.

            "Il viendra le Jour du Seigneur, comme un voleur; en ce jour, les cieux se dissiperont avec fracas, les éléments embrasés se dissoudront, la terre et les oeuvres qu'elle renferme sera consumée" (Deuxième épître de Saint Pierre, 3.10).

            Dieu fera de la terre, de l'ancien monde un lieu sans existence, un lieu effacé de tout espace. Cette fois, Il consumera dans sa totalité l'habitation des hommes. L'incendie de Tabééra (Les Nombres, 11.1-3) sera consommé. Ce sera la fin du monde et le Jour du Jugement.

            Alors Dieu effacera également tous ceux qui ne Lui correspondent pas. Et comme Il fit aux jours du déluge, Dieu prononcera contre-eux la sentence:

            "Et Yavhé dit: "Je vais effacer de la surface du sol les hommes que j'ai créés" (Genèse, 6.7).

            Et ce feu consume entièrement; après quoi il ne restera plus rien de ce qui fut soumis à son effet destructeur. A la différence des feux naturels, ce feu ne s'éteint pas avec le temps. Ce qui signifie qu'il est éternel dans son effet. L'éternité de ce feu signifie que la destruction qu'il opère est définitive et sans repentance. De plus, on peut dire de ce feu qu'il ne consume pas à la manière des feux naturels. Car consumer implique qu'un corps matériel est réduit en cendre, autrement dit, qu'il est désagrégé dans les parties qui le composaient. Mais il s'agit ici bien plus que de désagrégation, il s'agit d'anéantissement pur et simple. Et lorsque nous disons que l'âme elle-même, qui est simple (non composée de parties), est anéantie sous l'effet de ce feu, nous entendons par là que ce feu ne désagrège pas mais qu'il anéantit en totalité et pour toujours. De tel sorte que ce feu ne consume pas en laissant résiduellement des restes de son opération, mais qu'il fait disparaître à tout jamais sans laisser la moindre trace de ce qu'il élimine, de ce qu'il efface.

            Au final, c'est la destruction de tout mal que ce feu opère. Du mal, il ne restera rien.

            "La lumière d'Israël deviendra un feu et Son Saint une flamme, consumant et dévorants ses épines et ses ronces en un jour" (Isaïe, 10.17).

            De ce qui blessait, les épines, source de la souffrance, de ce qui empêchait la croissance des êtres, les ronces, étouffement de l'aspiration au bien, rien ne subsiste.

            "Car toute chaussure de combat, tout manteau roulé dans le sang sont brûlés, dévorés par le feu" (Isaïe, 9.4).

            De ce qui servait à mener les luttes, toute chaussure de combat, de ce qui rappelait l'horreur meurtrière des guerres, tout manteau roulé dans le sang, rien ne subsiste.

            Désormais face à l'homme sauvé, le mal n'a pas plus de réalité que le néant dans lequel Dieu l'a plongé à jamais. Du mal, il ne restera rien.

            La seconde mort, c'est la destruction absolu des êtres maléfiques.

            "Les lâches, les renégats, les dépravés, les assassins, les impurs, les sorciers, les idolâtres, bref tous les hommes de mensonge, leur lot se trouve dans l'étang brûlant de feu et de soufre - c'est la seconde mort" (Apocalypse, 21.8).

            La seconde mort, c'est la destruction à jamais de tout mal. Et comme le signale la note exégétique sur la désignation de la seconde mort dans l'Apocalypse, cette seconde mort est donnée pour une mort éternelle, en opposition à la mort corporelle. Car en ce qui concerne la mort corporelle dont tous les hommes sont frappés, elle aussi est vouée à être détruite, victime elle-même de ce feu destructeur. La mort disparaît à son tour dans le feu:

            "Alors, la Mort et l'Hadès furent jeté dans l'étang de feu, -c'est la seconde mort cet étang de feu-, et celui qui ne se trouva pas dans le livre de vie, on le jeta dans l'étang de feu" (Apocalypse, 20.14-15).

            La Mort est jetée dans le feu pour y disparaître, car "de mort, il n'y en aura plus" (Ap.21.4) nous précise un autre passage de l'Apocalypse. ce qui implique que ce qui est jeté dans l'étang de feu de la seconde mort subit une destruction éternelle dans son effet. L'étang de feu ne serait donc pas l'enfer où s'éterniserait le mal dans son abjection et sa perversité du refus de Dieu, mais un châtiment sous le coup duquel tout mal serait annihilé et ainsi définitivement écarté de la création, vaincu pour toujours, disparu à jamais.

            Le Diable lui-même n'échappe pas à cette destruction par le feu: "Alors, le Diable, le séducteur, fut jeté dans l'étang de soufre embrasé" (Apocalypse, 20.10). Et pour lui, l'orgueilleux repu de lui-même, quel châtiment que l'anéantissement! son être appliqué à lui-même comme unique objet d'adoration, se sait devoir être anéanti, se regarde déjà comme néant devant l'échéance de sa destruction à tout jamais. Quel sentiment d'horreur et d'épouvante face au feu par lequel Dieu va l'anéantir! C'est bien la disparition de son être que le Diable a raison de craindre et non pas un enfer éternel, qu'il a choisi dès le premier moment où il pécha et qu'il peut aisément concevoir comme la consécration de son impiété. lui l'orgueilleux disparu! son orgueil sans objet! son royaume dépouillé! la vanité de son empire révélé dans l'anéantissement!

            "Malheur à vous, la terre et la mer, car le Diable est descendu chez vous, frémissant de colère et sachant que ses jours sont comptés" (Apocalypse, 12.12).

            Et voici la preuve scripturaire de la destruction du diable. Car si ses jours sont comptés, comment peut-on encore parler de subsistance du mal par l'enfer!?

            Le diable est en colère car il sait que son royaume est condamné à disparaître et lui avec. Ses jours sont comptés: il ne peut s'agir d'une mort physique, l'ange est immatériel. Depuis qu'il fut chassé du Ciel, l'échéance a commencé, et son terme se trouve dans l'étang de feu. Terme qui n'aura pas de fin! destruction à jamais.

            Telle m'apparaît "logiquement" la compréhension de ce passage de l'Apocalypse. Ainsi, le théologien protestant Karl Barth n'hésite pas à déclarer que l'être du diable est depuis sa chute néant. Que n'étant rien pour l'amour, il n'a jamais eu d'existence.

            Les impies seront au Jour du Jugement détruits, extirpés, déracinés, retranchés du livre de vie, anéantis!

                        2/ L'oeuvre de salut du Christ

            Nous venons de dire que Dieu a le pouvoir de détruire le mal. La question sera: pourquoi attend-il pour le faire? Notre monde n'a-t-il pas assez souffert? Pourquoi tant de souffrances si Dieu peut y mettre fin? Que fait Dieu? Les croyants s'impatientent et même désespèrent de leur Dieu...

            "Vos propos sont durs à mon égard, dit Yahvé. Pourtant vous dites: Que nous sommes-nous dit contre toi? - Vous dites: C'est vanité de servir Dieu, et quel profit d'avoir gardé ses observances et marché dans le deuil devant Yahvé Sabaot? Maintenant nous en sommes à déclarer heureux les arrogants: ils prospèrent, ceux qui font le mal; ils mettent Dieu à l'épreuve et ils s'en tirent!" (Malachie, 3.13-15).

            Doit-on se résoudre à n'espérer de Dieu que Son existence et ne jamais connaître nous autres que la mort! A quoi bon suivre les préceptes de Dieu, si c'est pour connaître le même sort que les méchants? La satisfaction qu'ils connaissent ici-bas n'est-elle pas enviable alors?

            Mais le juste est-il mort pour toujours? "Leur sortie du monde a passé pour un malheur et leur départ d'auprès de nous pour un anéantissement" (Livre de la Sagesse, 3.3), mais "s'ils ont, aux yeux des hommes, connu le châtiment (la mort), leur espérance était pleine d'immortalité" (Livre de la Sagesse, 3.4).

            Dieu n'abandonne pas le juste: "Mais les justes vivent éternellement; leur récompense est aux mains du Seigneur, c'est le Très Haut qui d'eux prend souci. Aussi recevront-ils de la main du Seigneur la couronne royale et le diadème de beauté" (Livre de la Sagesse, 5.15-16).

            Pour ce faire, l'Espérance pleine d'immortalité des justes s'est incarnée, accomplissant leur salut. Jésus-Christ, Dieu fait homme, est venu dans la chair vaincre la mort pour nous sauver avec Lui. Il est ressuscité des morts et nous aussi à Sa suite. Attachés à Lui, Son sort est devenu le nôtre: "Car si c'est un même être avec le Christ que nous sommes devenus par une mort semblable à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection semblable (Epître aux Romains, 6.5).

            Mais si le Christ est ressuscité, et nous chrétiens le croyons, pourquoi ne sommes nous pas déjà entrés dans la gloire de Son royaume éternel, loin de toutes ces souffrances et misères terrestres? Pourquoi notre pèlerinage ici-bas se prolonge-t-il?

            Mais pensons-y: Dieu ne nous a-t-il pas fait co-créateur avec Lui, en nous donnant la liberté de transmettre la vie? De nos amours ne doit-il pas naître des fils et des filles pour le bonheur? Ne partagerons-nous pas la gloire du ciel avec ceux qui doivent encore venir? Doit-on s'extraire de la nature, que Jésus-Christ a finalement guérie en ressuscitant, ou rester encore un temps en cette vie éphémère pour préparer à d'autres, toujours plus nombreux, l'accès au bonheur céleste, éternel? Ne l'oublions pas, nous participons avec Dieu à l'édification du Royaume. Notre liberté va jusque là!

            Autrement, au regard du mal, n'y a-t-il pas danger à vouloir le ciel sans que nos âmes y soient préparées quelque peu? Laissons croître l'action de la grâce sanctifiante en nos cœurs. Ne réclamons pas de Dieu que le mal soit arraché trop vite, nous qui sommes encore si proche d'y sombrer. Laissons à Dieu le temps de prendre soin de nous, jusqu'au Jour où Il nous emportera pour la gloire.

            A ce propos, écoutons la parabole du bon grain et de l'ivraie:

            "Il leur proposa une autre parabole: "Il en va du Royaume des Cieux comme d'un homme qui a semé du bon grain dans son champ. Or, pendant que les gens dormaient, son ennemi est venu, il a semé à son tour de l'ivraie, au beau milieu du blé, et il s'en est allé. Quand le blé est monté en herbe, puis en épis, alors l'ivraie est apparut aussi. Les serviteurs sont allés trouver le propriétaire pour lui dire: "Maître, n'est-ce pas du bon grain que tu as semé dans ton champ? D'où vient donc qu'il s'y trouve de l'ivraie?" - "C'est quelque ennemi qui a fait cela", leur répond-il. "Veux-tu donc que nous allions la ramasser?" reprenant les serviteurs. "Non, dit-il, vous risqueriez, en ramassant l'ivraie, d'arracher en même temps le blé. Laissez l'un et l'autre croître ensemble jusqu'à la moisson, et au moment de la moisson je dirai aux moissonneurs: Ramassez d'abord l'ivraie et liez-la en bottes que l'on fera brûler, et puis vous recueillerez le blé dans mon grenier" (Saint Matthieu, 13.24-30).

            Que comprendre? Ce que Jésus Lui-même nous en explique:

            "Alors, laissant les foules, il vint à la maison; et ses disciples s'approchant lui demandèrent: "Dis-nous en clair la parabole de l'ivraie dans le champ." En réponse il leur dit: "Celui qui sème le bon grain, c'est le Fils de l'Homme; le champ, c'est le monde; le bon grain, ce sont les sujets du Royaume; l'ivraie, se sont les sujets du Mauvais; l'ennemi qui la sème, c'est le Diable; la moisson, c'est la fin du monde; et les moissonneurs, ce sont les anges. De même donc qu'on enlève l'ivraie et qu'on la consume au feu, de même en sera-t-il à la fin du monde: le Fils de l'homme enverra ses anges, qui ramasseront de son Royaume tous les scandales et tous les fauteurs d'iniquité, et les jetteront dans la fournaise ardente: là seront les pleurs et les grincements de dents. Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le Royaume de leur Père. Entende, qui a des oreilles! (Saint Matthieu, 13.36-43).

            Et l'on trouve le parallèle dans l'Ancien Testament:

            "Alors à nouveau vous verrez la différence entre un juste et un méchant, entre qui sert Dieu et qui ne le sert pas. Car voici: le Jour vient, brûlant comme un four. Ils seront de la paille, tous les insolents et tous les malfaisants; le Jour qui arrive les embrasera - déclare Yahvé Sabaot - au point qu'il ne leur laissera ni racine ni rameau" (Malachie, 3.18-19). "Mais les humbles se réjouiront encore en Yahvé et les plus pauvres exulteront dans le Saint d'Israël, car le tyran, le Diable, ne sera plus, le moqueur, qui dit que "Dieu doit être complètement sourd ou oublieux pour nous laisser à nos souffrances!", aura disparu et les malfaisants seront exterminés: ceux dont la parole rend coupables les autres, ceux qui à la porte tendent un piège au juge et font sans raison débouter le juste" (Isaïe 29.19-21).

            Dieu ne donne pas encore l'ordre à Ses anges de moissonner, ne serait-ce, nous pouvons le penser, que pour laisser le temps au moqueur ou au malfaisant par exemple, de revenir de leurs paroles pleines de dégoût impie. Ne réclamons pas le Jour avant son heure! Surtout, ne jugeons pas à la place de Dieu, nous confondrions le bien avec le mal, et commettrions la pire des injustices.

            Jusqu' à quand attendrons-nous pour voir disparaître nos misères?

            "Pour un temps, des temps et la moitié d'un temps, et toutes ces choses s'achèveront" dit le Christ (Daniel, 12.7).

            Jusqu'à quand attendrons-nous le levé du soleil de la Justice de Dieu?

            "Quand à la date de ce jour, et à l'heure, personne ne les connaît, ni les anges des cieux, ni le Fils, personne que le Père, seul" (Saint Matthieu, 24.36).

            Une autre question se pose quant à ce problème du délai que Dieu impose à la création avant le Jugement dernier: Dans quelle mesure l'obstacle du mal est-il levé?

            Dieu peut détruire à jamais le mal avons-nous dit, mais ne faut-il pas pour ce faire qu'Il le distingue comme tel, pour séparer sans risque le bon grain de l'ivraie? Acceptons de croire sans difficulté que Dieu peut dès maintenant reconnaître les bons des mauvais. Cependant, cette distinction est-elle suffisante pour éliminer le mal?

            Le mal, par son absurdité avons-nous également déjà dit, a introduit dans la création la souffrance et la mort; deux "forces" aberrantes et toutes pénétrées du maléfice du péché. Dieu distingue aisément que la souffrance et la mort, qui lui sont étrangères, car "Dieu n'a pas fait la mort" (Livre de la Sagesse 1.13), appartiennent à un royaume opposé au Sien, le royaume du Mal, le royaume de Satan, car "c'est par l'envie du diable que la mort est entrée dans le monde" (Livre de la Sagesse 2.24), et que c'est par elle qu'il règne sur notre malheur. Dieu distingue le mal, mais peut-Il le séparer, l'écarter du bon grain, l'éliminer de la création? Le mal est absurde avons-nous dit, et Dieu est l'Etre, aussi le mal échappe-t-il à Son pouvoir...

            Quel pouvoir Dieu a-t-Il sur le mal? Car comment détruira-t-Il quelque chose qui Lui échappe, qu'Il ne domine pas?

            C'est ici qu'intervient l’œuvre de salut du Christ. Dieu fait homme, Jésus-Christ, vient dans la chair éprouver la souffrance et endurer la mort, ces deux formes extrêmes du mal. Le Sacrifice du Christ devient alors le pouvoir de Dieu de détruire le mal à tout jamais. Par Sa Passion et par Sa mort, Jésus pénètre le royaume de Satan et le dépouille finalement de son pouvoir en détruisant la mort par Sa Résurrection et en transfigurant la souffrance qui, pour absurde par le mal, trouve enfin sens dans l'amour. La souffrance et la mort ne sont-elles pas transfigurées par Son Amour désireux de nous sauver? "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime" (Saint Jean 15.13). "Car l'amour est fort comme la mort" (Cantique des cantiques, 8.6).

            Ainsi le diable, jadis fort de l'absurdité de la souffrance, se trouve dépouillé d'elle; la souffrance échoit au Christ, qui en fait une source de rédemption:

            "Par ses souffrances mon Serviteur justifiera des multitudes en s'accablant lui-même de leurs fautes. C'est pourquoi je lui attribuerai des foules et avec les puissants il partagera les trophées, parce qu'il s'est livré lui-même à la mort et a été compté parmi les pécheurs, alors qu'il supportait les fautes des multitudes et qu'il intercédait pour les pécheurs" (Isaïe 53.11-12).

            Le diable est finalement et définitivement vaincu, sa puissance mise à bas par le Sacrifice du Christ et les homme arrachés à son pouvoir:

            "Puis donc que les enfants avaient en commun le sang et la chair, lui aussi y participa pareillement afin de réduire à l'impuissance, par sa mort, celui qui a la puissance de la mort, c'est-à-dire le diable, et d'affranchir tous ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort" (Epître aux Hébreux 2.14-15).

            "C'est maintenant le jugement de ce monde; maintenant le prince de ce monde va être jeté bas; et moi, élevé de terre j'attirerai tous les hommes à moi" (Saint Jean 12.31-32).

            Le prince de ce monde, c'est le diable, et le Christ, élevé de terre sur la Croix son éternel Vainqueur.

            Le diable, vaincu par la Croix du Christ, n'a plus d'existence dans le monde que par les péchés que les hommes y commettent encore; sa défaite, connue, sera définitivement consommée au Jour du Jugement, lorsque le Fils, quand tous les justes auront été enfantés, remettra au Père le pouvoir qu'Il a acquis par Sa Croix, pouvoir sur tout être, sur toute chose:

            "Puis se sera la fin, quand il remettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute Principauté, Domination et Puissance. Car il faut qu'il règne jusqu'à ce qu'il est placé tous ses ennemis sous ses pieds. Le dernier ennemi détruit, c'est la Mort; car il a tout mis sous ses pieds. Mais quand il dira: "Tout est soumis désormais", c'est évidemment à l'exclusion de Celui qui lui a soumis toutes choses. Et quand toutes choses lui auront été soumises, alors le Fils lui-même se soumettra à Celui qui lui a tout soumis, afin que Dieu soit tout en tous" (Première épître aux corinthiens 15.24-28).

            Alors les justes auront Dieu pour demeure et pour vie Sa vision. Amen.