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Mt  7  6

S. Augustin. (serm. sur la mont., 2, 31.) La simplicité que le Seigneur nous recommande par ce qui précède, pouvait induire quelques esprits en erreur, et leur donner à croire qu’on pèche en dissimulant quelquefois la vérité, comme en disant un mensonge ; il ajoute pour rectifier cette erreur : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, et ne jetez point vos perles devant les pourceaux. »

S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien encore, le Sauveur nous avait ordonné plus haut d’aimer nos ennemis et de faire du bien à ceux mêmes qui nous ont offensé. Or les prêtres pouvaient peut-être conclure de là qu’il fallait aussi les admettre à la participation des choses divines ; il combat cette pensée en disant : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, » comme s’il disait : Je vous ai commandé d’aimer vos ennemis, de les assister de vos biens temporels, mais non pas de leur distribuer indistinctement mes trésors spirituels ; car s’ils ont avec vous une commune nature, ils n’ont pas une même foi ; et si Dieu répand également les biens de la terre sur les méchants comme sur les bons, il n’en est pas de même des grâces spirituelles.

S. Augustin. (serm. sur la mont.) Examinons ce que sont ici les choses saintes, les chiens, les pierres précieuses, les pourceaux. Ce qui est saint, c’est ce qu’on ne peut profaner sans crime, et ce crime, la volonté s’en rend coupable, alors même que la chose sainte reste inviolable. Les pierres précieuses sont les choses spirituelles du plus grand prix. Cependant une seule et même chose peut réunir à la fois ces deux qualités, d’être sainte et pierre précieuse ; sainte, parce qu’on doit prendre garde de la profaner ; pierre précieuse, parce qu’on doit se garder d’en mépriser la valeur.

S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien encore, les choses saintes, c’est le baptême, la grâce du corps de Jésus-Christ, et les autres trésors spirituels de même nature. Les perles sont les mystères de la vérité, car de même que les perles sont renfermées dans des coquilles, et cachées au fond de la mer, ainsi les mystères de la vérité sont cachés sous l’enveloppe des paroles et renfermés dans les profondeurs du sens de la sainte Écriture. — S. Chrys. (hom. 24.) Pour ceux qui sont doués d’intelligence et d’une âme vertueuse, la connaissance qu’ils ont des mystères leur inspire pour eux une plus grande vénération. Ceux au contraire qui n’ont ni sentiment ni raison, ont plus de respect pour ce qu’ils ignorent.

S. Augustin. (serm. sur la mont.) D’après une interprétation assez juste, les chiens sont ceux qui attaquent la vérité, et les pourceaux ceux qui la méprisent. Comme les chiens s’élancent pour déchirer leur proie, et qu’ils mettent en pièces ce qu’ils déchirent, Jésus-Christ nous dit : « Ne donnez pas les choses saintes aux chiens, » car autant qu’il dépend d’eux, ils mettraient en pièces la vérité, si elle n’était inaccessible à leurs efforts. Quant aux pourceaux, quoiqu’ils n’aient pas l’habitude de déchirer avec les dents ce qu’ils rencontrent, ils le souillent en le foulant çà et là dans la fange, et c’est pour cela que Notre-Seigneur ajoute : « Ne jetez pas vos perles devant les pourceaux. — Raban. Ou bien, les chiens sont ceux qui sont retournés à leur vomissement, et les pourceaux ceux qui n’étant pas encore convertis se vautrent dans la fange du vice. — S. Chrys. (sur S. Matth.) On peut encore dire que le chien et le porc sont des animaux immondes, mais avec cette différence que le chien l’est sous tous rapports, parce qu’il ne rumine pas et n’a pas la corne divisée en deux, tandis que le porc n’est immonde que sous un rapport, parce qu’il porte la corne fendue par le milieu, mais ne rumine pas. Aussi je pense que les chiens figurent ici les Gentils qui sont tout à fait immondes, et dans leur vie, et dans leur foi ; et les pourceaux, les hérétiques, parce qu’ils invoquent extérieurement le nom du Seigneur. Or on ne doit pas donner les choses saintes aux chiens, parce que le baptême et les autres sacrements ne doivent être administrés qu’à ceux qui font profession de la foi chrétienne. De même les mystères de la vérité figurés par les perles ne doivent être exposés qu’a ceux qui les désirent, et qui vivent d’une manière conforme à la raison. Si vous les jetez aux pourceaux, c’est-à-dire à ceux qui sont comme abrutis dans la fange des plaisirs sensuels, ils n’en comprendront pas le prix, mais les confondront avec les fables profanes, et les fouleront aux pieds par l’indignité d’une vie toute charnelle. — S. Augustin. (serm. sur la mont.) On foule aux pieds ce qu’on méprise, et c’est pour cela que Notre-Seigneur ajoute : « De peur qu’ils ne les foulent aux pieds. » — La glose. Il dit : « De peur, » car ils peuvent se repentir de leur vie impure. — S. Augustin. (serm. sur la mont.) « Et que s’étant retournés, ils ne vous déchirent. » Remarquez qu’il ne dit pas : « Ils ne déchirent les perles, car pour elles, elles sont foulées aux pieds ; » et lorsqu’ils se sont retournés pour entendre encore quelque vérité, ils déchirent celui dont ils ont foulé les perles aux pieds ; car comment trouver grâce devant un homme qui méprise ce qui a coûté tant de travaux et de peines ? Il est donc impossible que ceux qui enseignent de telles gens ne soient pas comme déchirés par l’indignation et la douleur.

S. Chrys. (sur S. Matth.) Ou bien les pourceaux non-seulement foulent les perles aux pieds, par leur conduite toute charnelle, mais encore à peine convertis de quelques jours, ils déchirent ceux qui les leur ont offertes. Presque toujours on les voit se scandaliser et calomnier ceux qui les enseignent comme s’ils annonçaient de nouveaux dogmes. Les chiens aussi foulent les choses saintes aux pieds en déchirant le prédicateur de la vérité par leurs sentiments, leur manière d’agir et leurs disputes. — S. Chrys. (hom. 24.) Remarquez la justesse de cette expression : « S’étant retournés, » car ils affectent un certain air de douceur pour se faire instruire, et déchirent ensuite ceux qui les ont enseignés. — S. Chrys. (sur S. Matth.) La défense qui nous est faite de jeter les perles aux pourceaux est pleine de sagesse, car s’il est défendu de les jeter aux pourceaux qui sont moins immondes, à plus forte raison ne doit-on pas les jeter aux chiens qui le sont bien davantage. Quant à la distribution des choses saintes, nous ne pouvons suivre la même règle de conduite, car souvent nous répandons nos bénédictions même sur des chrétiens qui vivent à la manière des bêtes (cf. Za 11, 4), non parce qu’ils les méritent, mais de peur qu’en les leur refusant nous ne les scandalisions et ne soyons la cause de leur perte.

S. Augustin. (serm. sur la mont., 2, 32.) Il faut donc se garder de rien expliquer à celui qui n’est pas en état de comprendre ; car il vaut mieux le laisser chercher ce qui est caché pour lui, que de l’exposer à profaner par la haine comme le chien, ou par le mépris comme le pourceau, ce qui lui aura été découvert. De ce que l’on peut s’abstenir de dévoiler une vérité, il ne faut pas conclure qu’il soit permis de dire un mensonge, car le Seigneur, qui n’a jamais menti, a cependant cru devoir cacher quelques vérités comme le prouvent ces paroles : « J’ai beaucoup d’autres choses à vous dire, mais vous ne pouvez les porter maintenant. » Si quelqu’un se trouve dans l’impossibilité de comprendre les vérités saintes à cause des souillures de son âme, nous devons l’en purifier par la parole ou par les oeuvres, autant qu’il est possible. De ce que le Seigneur ait souvent enseigné des vérités qu’un grand nombre de ceux qui l’écoutaient n’ont pas voulu recevoir, par mépris ou par opposition, il ne faut pas en conclure qu’il donnait les choses saintes aux chiens, ou qu’il jetait les perles devant les pourceaux. Il parlait pour ceux qui pouvaient le comprendre, et qui entendaient ses divines leçons, et qu’il n’était pas juste d’abandonner à cause de l’indignité des autres. Ceux qui venaient pour le tenter séchaient de douleur, et trouvaient la mort dans la sagesse de ses réponses, mais il y en avait un grand nombre d’autres capables de les comprendre, et qui profitaient de cette occasion pour entendre des leçons utiles. Celui qui est en état de répondre, doit le faire lorsqu’il s’agit de choses nécessaires au salut, dans l’intérêt de ceux qui seraient tentés de désespoir parce qu’ils s’imaginent que la difficulté qu’ils proposent est insoluble. Au contraire, dans les choses vaines et dangereuses, on doit ne rien dire, mais se contenter d’expliquer pourquoi on ne peut répondre à de semblables questions.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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