Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Matthieu > chapitre 5, verset 5
S. Ambr. (sur S. Luc.) Lorsque vous aurez acquis la pauvreté d’esprit et la douceur, souvenez-vous que vous êtes pécheurs, et pleurez vos péchés ; c’est la troisième des béatitudes : « Bienheureux ceux qui pleurent. » Il est juste, en effet, que la troisième bénédiction soit pour celui qui pleure ses péchés, puisque c’est la Trinité qui les pardonne. — S. Hil. (Can. 4 sur S. Matth.) Ceux dont il est ici question ne sont pas ceux qui pleurent les pertes, les injures ou les dommages qu’ils ont soufferts, mais ceux qui pleurent leurs péchés passés. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ceux qui pleurent leurs propres péchés sont heureux, mais d’un bonheur limité ; beaucoup plus heureux sont ceux qui pleurent les péchés des autres, et tels devraient être tous ceux qui sont les maîtres et les docteurs de leurs frères. — S. Jérôme. Les morts qu’il faut ici pleurer ne sont pas ceux qui ont payé le tribut à la commune loi de la nature, mais ceux qui sont comme ensevelis dans leurs péchés et dans leurs vices. C’est ainsi que Samuel pleura Saül (1 R 16) et saint Paul ceux qui n’avaient pas fait pénitence de leurs impuretés (cf. Ep 2, 15 ; Rm 6, 2 ; 1 P 2, 24).
S. Chrys. (sur S. Matth.) La consolation de ceux qui pleurent, c’est que leurs larmes cessent de couler, et voilà pourquoi ceux qui pleurent leurs péchés seront consolés par le pardon que Dieu leur accordera. — S. Chrys. (homél. 15.) Bien que ce pardon dût leur suffire, Dieu ne borne pas sa récompense à la rémission des péchés, mais il répand sur eux l’abondance de ses consolations, ici-bas et dans la vie future, car les récompenses divines surpassent toujours beaucoup les travaux qui les ont méritées.
S. Chrys. (sur S. Matth.) Quant à ceux qui pleurent les péchés des autres, ils seront aussi consolés ; car lorsqu’ils verront dans l’autre vie se dérouler devant eux les desseins de la Providence divine, et qu’ils comprendront que ceux qui ont péri n’appartenaient pas à Dieu, dont la main ne se laisse jamais ravir ce qu’elle tient, ils cesseront de les pleurer, et trouveront leur joie dans leur propre bonheur. — S. Augustin. (serm. sur la mont.) Le deuil c’est la tristesse que nous fait éprouver la perte de ceux qui nous sont chers ; or ceux qui se convertissent à Dieu perdent ce qui leur était cher dans le monde, leurs joies changent alors de nature et d’objet ; mais tant que l’amour des choses éternelles ne vit pas dans leur cœur, il est comme blessé par je ne sais quelle tristesse. Ils seront donc consolés par l’Esprit saint qui s’appelle pour cela Paraclet, c’est-à-dire consolateur, et qui au moment où ils perdent une joie passagère, les enrichit d’une joie éternelle, qu’expriment ces paroles : « Ils seront consolés. »
La glose. Par ce deuil on peut encore entendre deux sortes de tristesse, ayant pour cause, l’une les misères de ce monde, l’autre le désir du ciel : c’est en figure de cette vérité que la fille de Caleb demanda des champs qui fussent arrosés en haut et en bas (Jos 15, 19 ; Jg 1, 15). Cette tristesse n’est propre qu’à celui qui a l’esprit de pauvreté et de douceur, et qui n’aimant pas le monde, reconnaît sa misère, et par cette connaissance s’élève jusqu’au désir du ciel. C’est avec raison que la consolation est promise à ceux qui pleurent, et il est juste que la joie de l’autre vie compense la tristesse et les larmes de la vie présente. Or la récompense de celui qui pleure est plus grande que celle qui est donnée aux pauvres d’esprit et à ceux qui sont doux, car il vaut mieux se réjouir dans le royaume que de l’avoir et de le posséder simplement. Que de choses en effet nous avons et que nous possédons au milieu de la douleur !
S. Chrys. (hom. 15.) Remarquez que c’est avec dessein que dans l’énoncé de cette béatitude, Notre Seigneur ne dit pas : « ceux qui sont dans la tristesse, » mais plus énergiquement « ceux qui pleurent, ceux qui sont dans les larmes, » et en cela il nous donne une leçon de haute sagesse, car si ceux qui pleurent la mort de leurs enfants ou des autres personnes qui leur sont chères, cessent pendant ce temps de désirer les richesses ou les honneurs, et sont insensibles aux outrages ou aux atteintes des passions, à combien plus forte raison doit-on voir ces heureux effets dans ceux qui pleurent leurs péchés.
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.