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Mt  3  7-10

S. Grég. (Pastoral., partie 3, dans le Prologue.) Le discours de ceux qui enseignent doit varier suivant les auditeurs ; il faut qu’il réponde aux dispositions de chacun d’eux, sans s’écarter cependant des règles de l’édification commune. — La glose. Il était donc nécessaire que l’Évangéliste, après nous avoir rapporté les enseignements que saint Jean donnait à la multitude, nous fît connaître les instructions qu’il adressait à ceux qui paraissaient plus avancés, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Or voyant beaucoup de Pharisiens, » etc. — S. Isidore. (Liv. des Etymol. ou des Origines, liv. 8, ch. 4.) Les Pharisiens et les Sadducéens sont divisés entre eux. Le nom de Pharisiens, d’étymologie hébraïque, signifie divisé, parce que les Pharisiens mettent au-dessus de tout la justice qui vient des traditions et des observances légales ; ils sont donc regardés comme divisés du reste du peuple par cette manière d’entendre la justice. Le nom de Sadducéen veut dire juste et ils se donnent ainsi un nom qu’ils ne méritent pas, eux qui nient la résurrection des morts et qui prétendent que l’âme meurt avec le corps. Ils n’admettent que les cinq livres de la loi, et rejettent les oracles des prophètes.

La glose. Jean voyant venir à son baptême ces hommes qui étaient les premiers d’entre les Juifs, leur dit : « Race de vipères, qui vous a montré à fuir la colère qui doit tomber sur vous ? » — S. Rémi. C’est la coutume des écrivains sacrés de donner aux hommes le nom de ceux dont ils imitent les œuvres, comme on le voit en ce passage : « Ton père est Amorrhéen. » Ainsi les Pharisiens sont appelés race de vipères, parce qu’ils imitent les mœurs des vipères. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Tel qu’un médecin habile qui voyant un malade, connaît à la couleur seule de son visage la nature de sa maladie ; ainsi Jean-Baptiste découvre aussitôt les pensées mauvaises des Pharisiens qui s’approchent de lui ; ils disaient probablement en eux-mêmes : Allons, confessons nos pêchés ; il ne nous impose aucune œuvre difficile, faisons-nous baptiser, et nos péchés nous seront pardonnés. Insensé, lorsque l’estomac a digéré une nourriture corrompue, peut-il se passer de médecine ? Ainsi après la conversion, après le baptême, faut-il prendre les plus grands soins pour l’entière guérison des blessures que le péché a faites à l’âme. « Race de vipères, » leur dit-il : en effet les morsures des vipères ont ce caractère particulier que celui qui en est atteint court aussitôt chercher de l’eau, et s’il n’en trouve pas, il meurt de sa blessure. Or saint Jean les appelle race de vipères, parce qu’après s’être rendus coupables de fautes mortelles, ils accouraient à son baptême pour échapper par l’eau, comme des vipères, au danger de mort qu’ils portaient en eux. Il les appelle encore race de vipères, parce que les vipères déchirent en naissant le sein de leurs mères, et que les Juifs, en ne cessant de persécuter les prophètes, ont aussi déchiré le sein de la Synagogue leur mère. Enfin les vipères ont un extérieur brillant et nuancé de diverses couleurs, tandis qu’au dedans elles sont remplies de venin ; et c’est ainsi qu’eux-mêmes offraient comme peinte sur leur visage toute la beauté de la vertu.

S. Rémi. Lorsque saint Jean dit : « Qui vous a enseigné à fuir la colère qui doit venir ? », il faut donc entendre si ce n’est Dieu. — S. Chrys. (sur S. Matth.) « Qui vous a enseigné ? » Est-ce le prophète Isaïe ? Non : s’il avait été votre maître, vous ne placeriez pas votre espérance dans l’eau seule du baptême, mais encore dans les bonnes œuvres, car c’est lui qui a dit : « Lavez-vous, purifiez-vous, faites disparaître le mal de vos âmes, apprenez à bien faire. » Est-ce David qui a dit aussi : « Lavez-moi, et je serai plus blanc que la neige ? » Non, car il ajoute ensuite : « Le sacrifice que Dieu demande, c’est un cœur contrit. » Si donc vous étiez les disciples de David, vous approcheriez du baptême en gémissant. — S. Rémi. Si on lit au futur : « Qui vous apprendra, » le sens sera : Quel sera le docteur, quel sera le prédicateur qui vous enseignera le moyen d’échapper à la colère de la damnation éternelle ? — S. Augustin. (Cité de Dieu, liv. 9, ch. 5.) Lorsque l’Écriture nous dit que Dieu se met en colère, ce n’est point qu’il soit soumis à la faiblesse de nos passions, et qu’elles excitent le trouble dans son âme, c’est uniquement à cause d’une certaine ressemblance de ses actions avec les nôtres, et le mot exprime simplement l’effet de la vengeance, et non pas le mouvement violent qui l’accompagne ordinairement. — La glose. Si donc vous voulez éviter cette colère, faites de dignes fruits de pénitence. — S. Grég. (hom. 20 sur les Evang.) Remarquons que saint Jean n’exige pas seulement des fruits de pénitence, mais de dignes fruits de pénitence. En effet celui qui n’a fait aucune chose défendue peut légitimement jouir des choses permises, mais celui qui est tombé dans le péché doit d’autant plus se retrancher ce qui est permis qu’il se souvient de s’être livré plus entièrement aux choses défendues. C’est donc à la conscience de chacun qu’il s’adresse pour qu’on cherche d’autant plus à s’enrichir de bonnes œuvres par la pénitence qu’on a subi de plus grandes pertes par les fautes qu’on a commises. Mais les Juifs, tout fiers de la noblesse de leur origine, ne voulaient pas s’avouer pécheurs, parce qu’ils descendaient de la race d’Abraham. — S. Chrys. (hom. 10 sur S. Matth.) Il ne veut par leur défendre de se dire enfants d’Abraham, mais de mettre toute leur confiance dans ce titre, sans s’appliquer aux vertus solides de l’âme. — S. Chrys. (sur S. Matth.) A quoi sert un sang illustre à celui dont les mœurs sont dépravées, et en quoi peut nuire une naissance obscure à celui dont les vertus sont le plus bel ornement ? Il vaut mieux pour un homme être la gloire de ses parents qui seront fiers d’avoir un tel fils, que de tirer sa propre gloire de ceux qui lui ont donné le jour. Ne vous glorifiez donc pas en disant : Nous avons Abraham pour père, mais rougissez plutôt d’être ses descendants, sans être les héritiers de ses vertus ; car celui qui ne ressemble pas à son père passe pour être le fruit de l’adultère. Par ces paroles : « Et ne dites pas, » il condamne donc la vaine gloire qu’on veut tirer de son origine.

Raban. Comme ce héraut de la vérité venait appeler les hommes à la pénitence, il les exhorte à l’humilité, sans laquelle il n’y a point de repentir possible, et il ajoute : « Je vous le déclare, Dieu pourrait de ces pierres susciter des enfants d’Abraham. » — Raban. L’histoire rapporte que Jean prêchait dans cet endroit du Jourdain où douze pierres tirées du lit de ce fleuve furent dressées par l’ordre du Seigneur (Jos 4, 2.8). Or on peut supposer que Jean-Baptiste indiqua ces pierres lorsqu’il dit ces paroles : « Dieu est assez puissant pour susciter de ces pierres mêmes des enfants d’Abraham. » — S. Jérôme. Par là il montre la puissance de Dieu, qui après avoir tiré le monde du néant pouvait encore se créer un peuple en donnant la vie aux pierres les plus dures. Car les premiers éléments de la foi consistent à croire que la puissance de Dieu n’a point de bornes. Or que des pierres donnent naissance à des hommes, c’est un prodige semblable à celui qui fit naître Isaac de Sara, naissance à laquelle le prophète fait allusion en ces termes : « Rappelez dans votre esprit la roche dont vous avez été tirés. » En rappelant cette prophétie aux Juifs, saint Jean leur apprend qu’il peut encore maintenant opérer un semblable prodige. — Raban. Ou bien dans un autre sens on peut dire que ces pierres figurent les Gentils qui adoraient des idoles de pierre. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Remarquez encore que la pierre est dure à travailler ; mais lorsqu’on a su en tirer parti, l’ouvrage qui en résulte est indestructible : ainsi les Gentils n’ont embrassé la foi qu’avec difficulté, mais depuis ils n’ont cessé d’y persévérer. — S. Jérôme. Lisez Ezéchiel (Ez 11, 49) : « Je vous ôterai votre cœur de pierre, et je vous donnerai un cœur de chair. » La pierre signifie ce qui est dur, la chair ce qui est tendre. — Raban. Dieu a donc tiré de ces pierres des enfants d’Abraham, car les Gentils en croyant en Jésus-Christ fils d’Abraham, sont devenus eux-mêmes les enfants d’Abraham par cette union avec son Fils.

suite. « Déjà la cognée est à la racine de l’arbre. » — S. Chrys. (sur S. Matth.) La cognée est cette colère si aiguisée de la fin des temps, qui doit opérer de si grands retranchements dans le monde entier. Mais si elle est déjà placée à la racine de l’arbre, pourquoi ne coupe-t-elle pas ? Parce que les arbres dont il s’agit sont doués de raison et qu’il est à leur pouvoir de faire le bien ou de ne pas le faire ; en voyant la cognée appliquée à leur racine, ils peuvent craindre d’être coupés et se hâtent de porter des fruits. La menace de la colère qui est la cognée placée à la racine, bien qu’elle ne fasse rien aux méchants, sert donc au moins à séparer les bons des méchants. — S. Jérôme. Ou bien encore cette hache est la prédication de l’Évangile, d’après le prophète Jérémie, qui compare la parole du Seigneur à une hache qui coupe la pierre (Jr 23, 29). — S. Grég. (hom. 20). Ou bien la hache figure notre Rédempteur, car de même qu’elle se compose d’un manche et d’un fer, ainsi le Sauveur est un composé de la divinité et de l’humanité ; on peut le toucher et le tenir par son humanité, mais sa divinité est comme le fer tranchant de la hache. Cette hache est placée à la racine de l’arbre, car, bien qu’il attende avec patience, on voit ce qu’elle doit faire, et que tout arbre qui ne porte pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu. Eu effet, tout homme pervers qui refuse de produire ici-bas les fruits des bonnes œuvres, trouve déjà préparé pour lui le feu de l’enfer qui doit le consumer. Saint Jean nous dit que la cognée est appliquée à la racine de l’arbre, et non pas aux branches. En effet, lorsque les enfants des méchants disparaissent, ce sont les branches de l’arbre stérile qui sont retranchées ; mais, lorsque toute la famille disparaît avec le père, l’arbre infructueux est coupé à la racine de manière que cette race dépravée ne puisse plus pousser le moindre rejeton. — S. Chrys. (hom. 2 sur S. Matth.) En disant tout arbre, Jean-Baptiste exclut la supériorité qui vient de la noblesse, de l’origine, et il semble dire : Quand vous seriez descendant d’Abraham, vous n’échapperez pas au châtiment, si vous demeurez stérile. — Raban. On distingue quatre espèces d’arbres : l’arbre complètement stérile et qui est la figure des païens ; celui qui porte des feuilles, mais pas de fruits, image de l’hypocrite ; celui qui a des feuilles, qui porte des fruits, mais des fruits vénéneux, symbole de l’hérétique ; enfin, celui qui est couvert de feuilles et produit de bons fruits, et qui représente les vrais catholiques. — S. Grég. Donc tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu, parce que celui qui a négligé de produire le fruit des bonnes œuvres est réservé au feu de l’enfer, qui doit le réduire en cendres.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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