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Mt  1  20

S. Rémi. Comme nous venons de le voir, Joseph pensait à renvoyer Marie en secret. Or s’il avait exécuté ce dessein, la plupart auraient vu en Marie une femme perdue plutôt qu’une vierge. Aussi le ciel se chargea-t-il de changer bien vite le dessein de Joseph, ce que l’Évangéliste exprime en ces termes : « Comme il était dans cette pensée. » — La glose. On reconnaît ici l’âme d’un sage qui ne veut rien entreprendre avec précipitation.

S. Chrys. (hom. 4 sur S. Matth.) La douceur de Joseph n’est pas moins admirable ; il ne confie à personne le soupçon qui l’agite, pas même à celle qui en était l’objet, il garde tout en lui-même. — S. Augustin. (serm. 14 sur la Nativ.) Pendant que Joseph est dans cette pensée, que Marie la fille de David soit sans crainte, car de même que la voix du Prophète apporta le pardon à David, l’ange du Sauveur vient délivrer Marie. L’ange Gabriel le paranymphe de la Vierge, apparaît de nouveau comme le dit l’Évangéliste : « Voici que l’ange dur Seigneur apparut à Joseph. » — La glose. Ce mot il apparut exprime la puissance de celui qui apparaît, et qui se rend visible quand il veut et de la manière qu’il veut. — Raban. Ces mots : « En songe » expriment comment l’ange apparut à Joseph, c’est-à-dire de la même manière que Jacob vit des yeux de l’esprit comme une image de l’échelle mystérieuse. — S. Chrys. (hom. 4 sur S. Matth.) Il n’apparaît pas ouvertement à Joseph comme aux bergers à cause de sa grande foi. Les bergers avaient besoin d’une apparition manifeste à cause de leur grossière ignorance ; Marie, à cause des grandes choses dont l’ange devait l’instruire la première. Une apparition de ce genre ne fut pas moins nécessaire à Zacharie avant la conception de son fils.

La glose. L’ange en apparaissant à Joseph le nomme par son nom, lui rappelle le souvenir de sa famille, et bannit la crainte de son cœur par ces mots : « Joseph, fils de David. » En l’appelant par son nom, il le traite commue une personne qui lui est connue, et comme un ami. — S. Chrys. (sur S. Matth.) En l’appelant : « Fils de David, » il voulut lui remettre en mémoire la promesse faite à David que le Christ naîtrait de sa race. — S. Chrys. (hom. 4.) En lui disant : « Ne craignez pas, » il nous fait voir qu’il craignait d’offenser Dieu en gardant chez lui celle qu’il regardait comme adultère ; autrement il n’aurait pas pensé à la renvoyer. — Sévérianus. Ce chaste époux reçoit l’ordre de bannir la crainte de son cœur, car une âme bienveillante trouve dans la compassion qu’elle éprouve un nouveau motif de crainte. L’ange semble lui dire : Il n’y a point ici cause de mort, mais bien plutôt cause de vie, car celle que la vie a rendue mère ne mérite point d’être mise à mort. — S. Chrys. (sur S. Matth.) Ces paroles : « Ne craignez pas, on apprennent encore à Joseph que l’ange connaissait les secrets de son cœur et le préparent à croire tout ce qu’il allait dire des biens futurs dont le Christ devait être l’auteur. — S. Ambr. (sur S. Luc, liv. 2, ch. 1.) Ne soyez pas étonné qu’il donne à Marie le nom d’épouse ; il ne veut pas exprimer par là la perte de sa virginité, mais attester la vérité de leur union et la célébration de leur mariage. — S. Jérôme. (contre Helvid.) De ce que l’ange lui donne le nom d’épouse, il ne faut pas conclure qu’elle ne fut plus fiancée, car c’est la coutume de l’Écriture de donner le nom d’époux ou d’épouses à ceux qui ne sont que fiancés comme on peut le prouver par ce passage du Deutéronome (Dt 22) : « Celui qui, trouvant dans un champ la fiancée d’un autre lui fera violence et dormira avec elle, sera puni de mort, parce qu’il a déshonoré l’épouse de son prochain. » — S. Chrys. (hom. 4 sur S. Matth.) L’ange lui dit : « Ne craignez pas de la recevoir, c’est-à-dire de la garder dans votre maison, car elle était déjà renvoyée dans son esprit. — Raban. Ou bien une craignez pas de la recevoir, c’est-à-dire de l’admettre comme épouse a la participation de la communauté conjugale et du foyer domestique.

S. Chrys. (sur S. Matth.) L’ange apparut à Joseph et lui tint ce langage pour trois raisons : la première, afin que cet homme juste ne fit point par ignorance une action mauvaise dans une bonne intention ; la seconde, pour l’honneur de la mère du Sauveur, car si elle avait été renvoyée, elle n’aurait pas manqué d’être en butte aux soupçons les plus injurieux de la part des infidèles ; la troisième raison, afin que Joseph comprenant combien était sainte cette conception, eût encore plus de respect qu’auparavant pour sa chaste épouse. L’ange cependant ne vint trouver Joseph qu’après que la Vierge eut conçu, pour ne point l’exposer aux pensées et au châtiment de Zacharie, qui se rendit coupable d’infidélité en refusant de croire à la maternité de son épouse si avancée en âge, car il était plus incroyable encore qu’une vierge pût concevoir, qu’une femme parvenue à l’extrême vieillesse. — S. Chrys. (hom. 4 sur S. Matth.) Ou bien encore, l’ange apparaît à Joseph lorsque le trouble s’est déjà emparé de son esprit, pour faire éclater davantage la sagesse de cet homme juste, et aussi pour que cette apparition devînt pour lui la preuve de ce qu’il lui annonçait. En effet, lorsqu’il entendait l’ange lui parler de ce qui faisait l’objet de ses pensées les plus intimes, n’avait-il pas une preuve indubitable qu’il était l’envoyé de Dieu, à qui seul il appartient de connaître les secrets des cœurs. La véracité de l’Évangéliste en devient elle-même incontestable, car il nous présente Joseph éprouvant tout ce que tout homme aurait éprouvé à sa place. La Vierge elle-même échappe à tout soupçon déshonorant, puisque nous voyons son époux, malgré ce juste sentiment de jalousie, la recevoir et la garder après qu’elle est devenue mère ; si elle ne fait pas connaître à Joseph ce que l’ange lui avait annoncé, c’est qu’elle présumait qu’elle n’en serait pas crue surtout après les soupçons qu’il nourrissait contre elle. L’ange au contraire vint trouver Marie avant la conception, pour ne point l’exposer aux inquiétudes qu’elle aurait éprouvées si elle n’avait été instruite de ce mystère qu’après son accomplissement, car il fallait que cette mère privilégiée qui avait reçu dans son sein le Créateur de toutes choses, fût inaccessible au trouble et à l’agitation.

S. Chrys. (hom. 4.) L’ange ne se contente pas de justifier la Vierge de tout commerce criminel, mais il apprend à Joseph que cette conception est toute surnaturelle, et après avoir dissipé ses craintes, il lui inspire la joie par ces paroles : « Ce qui est né en elle, » etc. La glose. Naître en elle et naître d’elle sont deux choses différentes : naître d’elle, c’est être mis au jour par elle ; naître en elle, c’est être conçu dans son sein. On peut dire aussi que par suite de la prescience que Dieu, pour qui l’avenir est comme le passé communiquait à l’ange, la naissance était comme accomplie. — S. Augustin. (quest. du Nouv. et de l’Anc. Test.) Mais si le Christ est né de l’Esprit saint, pourquoi est-il écrit : « La sagesse s’est bâtie une demeure ? » (Pv. 9.) On peut faire à cette question une double réponse : premièrement la maison du Christ est son Église, qu’il s’est bâtie par son sang ; en second lieu son corps peut être regardé comme sa maison de même qu’il est appelé son temple. Or l’œuvre de l’Esprit saint est celle du Fils de Dieu, par suite de l’unité de volonté dans la nature divine ; que le Père agisse, que ce soit le Fils ou l’Esprit saint, c’est toujours la Trinité qui agit, et quelle que soit l’œuvre faite par l’une des trois personnes, c’est toujours l’œuvre d’un seul Dieu.

S. Augustin. (Ench., ch. 39.) Mais pourrons-nous dire cependant que l’Esprit saint est le Père du Christ en tant qu’homme, dans ce sens que l’Esprit saint aurait engendré l’homme comme Dieu le Père a engendré le Verbe ? C’est une telle absurdité, qu’il n’y a pas d’oreilles chrétiennes qui puissent la supporter. Dans quel sens disons-nous donc que le Christ est né de l’Esprit saint, si l’Esprit saint ne l’a point engendré ? Est-ce parce qu’il l’a fait ? Car en tant qu’homme il a été fait, d’après cette parole de l’Apôtre : « Qui a été fait de la race de David, selon la chair. Mais de ce que Dieu a fait le monde, peut-on dire que le monde est fils de Dieu ou qu’il est né de Dieu ? Non sans doute, tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il a été fait, créé ou formé par lui. Lors donc que nous confessons que le Christ est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie, pourquoi ne peut-on pas dire qu’il est le Fils de l’Esprit saint, comme il est le Fils de Marie ? C’est qu’il est impossible d’admettre que tout ce qui tire sa naissance d’une chose doive par là même en être appelé le fils. Car sans m’arrêter à dire qu’un fils naît autrement d’un homme, que ne naissent de lui les cheveux, les poux et les vers (dont aucun sans doute ne pourra être appelé son fils), certainement les hommes qui naissent de l’eau et de l’Esprit saint ne peuvent être appelés les enfants de l’eau, mais les enfants de Dieu leur père, et de l’Église leur mère. C’est ainsi que le Christ est né de l’Esprit saint, et qu’il est appelé non pas le Fils de l’Esprit saint, mais le Fils de Dieu.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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