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Mt  19  9

S. Chrys. (hom. 62.) Après leur avoir ainsi fermé la bouche, Notre-Seigneur établit d’autorité la loi en ces termes : « Aussi je vous déclare que quiconque aura renvoyé son épouse, » etc. — Origène. On dira peut-être que Jésus, par ces paroles : « Quiconque aura renvoyé sa femme, si ce n’est en cas d’adultère, » a donc permis au mari de renvoyer son épouse, aussi bien que Moïse, qui, au témoignage du Sauveur, leur a donné cette permission à cause de la dureté de leur cœur. Nous répondons que l’adultère, crime pour lequel, selon la loi, on devait être lapidé (Jn 8, 5 ; Lv 20, 20 ; Dt 22, 22), n’est point ce défaut honteux, pour lequel Moïse permet de donner l’acte de répudiation ; car, dans le cas d’adultère, cet acte de répudiation n’était pas nécessaire. Peut-être Moïse a-t-il voulu désigner, par cette chose honteuse, toute faute commise par la femme qui autorise le mari à lui donner un acte de répudiation. Mais s’il n’est permis de renvoyer sa femme que pour le seul crime d’adultère, que doit-on faire si une femme, innocente de ce crime, est coupable d’un crime plus énorme, comme d’avoir empoisonné ou mis à mort ses enfants ? Le Seigneur a tranché cette difficulté dans un autre endroit en ces termes (Mt 5) : « Quiconque renverra sa femme, si ce n’est pour cause d’adultère, la fait tomber dans l’adultère en l’exposant à contracter un second mariage.

S. Jérôme. Il n’y a donc que l’adultère qui puisse triompher de l’affection qu’on doit à son épouse ; en effet, dès lors qu’elle a partagé son corps avec un autre, et que par le crime de la fornication elle s’est séparée de son mari, il ne doit point la garder, de peur de tomber lui-même sous cette malédiction de l’Écriture : « Celui qui retient une adultère est insensé et méchant. » (Pv 18, 22.) — S. Chrys. (sur S. Matth.) De même qu’un homme se rendrait coupable de cruauté et d’injustice en renvoyant une femme chaste, ainsi serait il insensé et inique s’il retenait une adultère, car c’est patronner l’infamie que de dissimuler le crime d’une épouse — S. Augustin. (Des mariages adult. 2, 9) Cependant, après que le crime d’adultère a été commis et expié, la réconciliation des époux ne doit être ni difficile, ni regardée comme honteuse, alors que les clefs du royaume des cieux donnent la certitude de la rémission des péchés ; ce n’est pas sans doute que le mari doive rappeler sa femme adultère après la séparation, mais il ne doit plus la traiter d’adultère après qu’elle a été jugée digne de l’union de Jésus-Christ.

S. Chrys. (sur S. Matth.) Toute chose se détruit par les mêmes causes qui l’ont fait naître ; or, ce n’est point l’acte du mariage, mais la volonté des époux qui constitue l’union conjugale ; donc ce n’est pas la séparation du corps qui la détruit, mais la séparation de volonté. Celui donc qui se sépare de son épouse, sans en prendre une autre, reste toujours l’époux de la première ; car, bien qu’il en soit séparé de corps, il lui reste uni par la volonté ; ce n’est que lorsqu’il en a pris une autre que la séparation est complète et absolue. Aussi Notre-Seigneur ne dit pas : Celui qui renvoie son épouse est adultère, mais : « Celui qui en prend une autre. » — S. Rémi. Il n’y a qu’une seule raison matérielle qui puisse légitimer le renvoi d’une épouse : c’est l’adultère ; il n’y a qu’une seule raison spirituelle, et c’est la crainte de Dieu ; mais il n’en est aucune qui permette de prendre une autre épouse du vivant de celle qu’on a renvoyée. — S. Jérôme. Il pouvait facilement arriver qu’un homme calomniât une épouse innocente, et lui imputât un crime imaginaire, afin de pouvoir contracter un second mariage. En permettant donc de renvoyer la première femme, le Sauveur défend d’en prendre une autre du vivant de la première. Et encore, comme il pouvait également se faire qu’en vertu de la même loi, une femme donnât à son mari un acte de répudiation, la même défense lui est faite de prendre un second mari. Notre-Seigneur va plus loin : une femme de mauvaise vie et qui s’est rendue coupable d’adultère ne craint pas beaucoup l’opprobre ; il est défendu à celui qui voudrait devenir son second mari de la prendre, sous peine du crime d’adultère. « Et celui qui épouse celle qu’un autre a renvoyée commet aussi un adultère. » — La glose. Notre-Seigneur veut effrayer celui qui prendrait cette femme, parce qu’une adultère ne redoute ni la honte, ni l’opprobre.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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