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Mt  13  36-43

S. Chrys. (hom. 48.) Le Seigneur avait parlé au peuple en paraboles pour lui donner l’occasion de l’interroger ; mais quoiqu’il leur eût dit beaucoup de choses en paraboles, personne cependant ne lui adressait la parole. Il renvoya donc la multitude, comme le remarque l’Évangéliste : « Alors, ayant renvoyé le peuple, il revint dans la maison. » Aucun des scribes ne l’y suit, ce qui prouve clairement qu’ils ne le suivaient auparavant que pour le surprendre dans ses discours. — S. Jérôme. Or, Jésus renvoie le peuple et rentre dans la maison pour donner à ses disciples la facilité de s’approcher de lui, et de lui faire en secret des questions sur ce que le peuple ne méritait ni n’était capable d’entendre.

Raban. Dans le sens mystique, c’est après avoir congédié la foule tumultueuse des Juifs qu’il entre dans l’Église formée des nations, et c’est là qu’il expose aux fidèles les mystères du royaume des cieux : « Et alors ses disciples s’approchèrent, » etc. — S. Chrys. (hom. 48.) Autrefois, pleins du désir d’apprendre, ils craignaient de l’interroger ; maintenant, ils le font librement et avec confiance, parce qu’il leur a dit : « Il vous a été donné de connaître les mystères du royaume des cieux. » C’est pour cela qu’ils l’interrogent en particulier, c’est-à-dire en secret et non point par un sentiment de jalousie contre la multitude qui n’avait pas reçu la même faveur. Ils laissent de côté la parabole du levain et celle du sénevé comme plus claire, et ils l’interrogent sur la parabole de l’ivraie, parce qu’elle a de l’analogie avec la parabole de la semence et qu’elle contient quelques particularités de plus. Le Seigneur leur explique donc cette parabole : « Et leur répondant, il leur dit : Celui qui sème le bon grain, c’est le Fils de l’homme. » — S. Rémi. Notre-Seigneur s’est appelé le Fils de l’homme pour nous laisser un exemple d’humilité, ou bien parce qu’il devait se rencontrer des hérétiques qui nieraient son humanité. Ou bien encore, c’est afin que par la foi à son humanité, nous puissions nous élever jusqu’à la connaissance de sa divinité.

« Le champ, c’est le monde, » etc. — S. Chrys. (hom. 48.) Comme c’est lui-même qui sème son champ, il faut en conclure que le monde actuel lui appartient. « La bonne semence, ce sont les enfants du royaume. » — S. Rémi. C’est-à-dire les saints et les élus qui sont mis au nombre des enfants de Dieu. — S. Augustin. (Contre Fauste, 18, 7.) L’ivraie, d’après l’explication du Sauveur, ce ne sont pas quelques erreurs mêlées à la vérité des saintes Écritures (suivant l’interprétation des Manichéens), mais ce sont tous les enfants de l’esprit mauvais, c’est-à-dire les imitateurs des mensonges du démon. « L’ivraie, dit Notre-Seigneur, ce sont les enfants d’iniquité, » dénomination qui comprend tous les impies et tous les méchants. — S. Augustin. (Quest. évang., liv. 6, quest. 2.) Toutes les mauvaises herbes qui se trouvent dans les moissons reçoivent le nom d’ivraie. L’ennemi qui la sème, c’est le démon. — S. Chrys. (hom. 48.) C’est en effet une des ruses du démon de mêler toujours l’erreur à la vérité. « La moisson, c’est la fin du monde. » Notre-Seigneur dit dans un autre endroit, mais en parlant des Samaritains : « Levez vos yeux et regardez les campagnes comme elles blanchissent déjà pour la moisson. » (Jn 4.) Et ailleurs : « La moisson est grande, mais il y a peu d’ouvriers, » paroles qui signifient que le temps de la moisson est arrivé. Pourquoi donc déclare-t-il qu’elle n’aura lieu que plus tard ? C’est qu’il l’entend ici dans un autre sens. Aussi, tandis que dans les paroles qui précèdent il dit que l’un sème et que l’autre moissonne, il déclare ici que c’est le même qui sème et qui moissonne ; car lorsqu’il dit que celui qui sème n’est pas celui qui moissonne, ce n’est pas entre lui et les prophètes, mais entre les prophètes et les Apôtres qu’il veut établir une distinction, puisque c’est le Christ qui a semé lui-même par les prophètes dans la Judée et dans la Samarie. C’est donc sous deux sens différents qu’il prend dans ces deux circonstances les mots de semence et de moisson. Lorsqu’il parle d’obéissance et de soumission à la foi, il se sert du nom de moisson, parce qu’elle est le principe et la cause de toute perfection ; mais lorsqu’il est question du fruit qu’on doit retirer de la parole de Dieu, comme dans cet endroit, il appelle la moisson la consommation de toutes choses. — S. Rémi. La moisson désigne le jour du jugement où les bons seront séparés des méchants par le ministère des Anges, ainsi qu’il le dira plus bas : « Le Fils de l’homme viendra juger le monde avec ses anges ; » et c’est pour cela qu’il dit : « Les moissonneurs sont les anges. »

« De même que les moissonneurs ramassent l’ivraie, ainsi les anges feront disparaître de son royaume tous les scandales. » — S. Augustin. (Cité de Dieu, 9.) Est-ce donc de ce royaume où il n’y a plus de scandales ? Non, c’est de ce royaume qui est sur la terre, c’est-à-dire de l’Église, qu’ils les feront disparaître. — S. Augustin. (Quest. évang., 1, 10.) L’ivraie qu’on met d’abord de côté signifie que c’est après que les persécutions auront exercé leur empire que les bons seront séparés des méchants ; ce sont les bons anges qui feront cette séparation, car ils peuvent s’acquitter de cette oeuvre de justice avec une intention droite et pure, tandis que les méchants sont incapables d’accomplir le ministère de la miséricorde. — S. Chrys. (hom. 48.) Ou bien on peut entendre par ce royaume l’Église du ciel, et Notre-Seigneur nous révèle ici la double peine des réprouvés, la privation de la gloire, par ces paroles : « Et ils enlèveront tous les scandales de son royaume, » pour les en bannir à tout jamais, et le supplice du feu par ces autres : « Et ils les précipiteront dans la fournaise du feu. » — S. Jérôme. Tous les scandales sont figurés ici par l’ivraie ; mais en disant : « Ils enlèveront de son royaume tous les scandales, et tous ceux qui font l’iniquité, » Notre-Seigneur veut distinguer entre les hérétiques et les schismatiques. Ceux qui sont une cause de scandale sont les hérétiques, ceux qui commettent l’iniquité représentent les schismatiques. — La glose. Ou bien dans un autre sens, il faut entendre par les scandales tous ceux qui sont pour le prochain une occasion de chute ou de ruine, et par ceux qui commettent l’iniquité, les pécheurs quels qu’ils soient. — Raban. Remarquez que Notre-Seigneur dit : « Ceux qui font, » et non pas ceux qui ont fait l’iniquité ; car ce ne sont pas ceux qui font pénitence, mais ceux qui persévèrent dans leurs péchés qui seront livrés aux supplices éternels.

S. Chrys. (hom. 48.) Considérez ici l’amour ineffable de Dieu pour les hommes, il est toujours prêt à répandre sur nous ses bienfaits et il ne punit qu’à la dernière extrémité. Lorsqu’il s’agit de semer, c’est lui-même qui sème, et lorsqu’il faut qu’il punisse, il se décharge de ce soin sur les anges.

« C’est là qu’il y aura des pleurs et des grincements de dents. » — S. Rémi. Ces paroles sont une preuve de la résurrection véritable des corps et nous y voyons annoncés la double peine de l’enfer, une excessive chaleur et un froid des plus rigoureux. Or, de même que l’ivraie représente tous les scandales, ainsi tous ceux dont Notre-Seigneur dit ici : « Alors les justes brilleront comme le soleil dans le royaume de leur Père, » seront mis au nombre des enfants du royaume. Dans ce monde, la lumière que répandent les saints brille aux yeux des hommes ; après la consommation des siècles, les justes brilleront eux-mêmes comme le soleil dans le royaume de leur Père. — S. Chrys. (hom. 48.) Notre-Seigneur ne veut pas dire que leur éclat sera tout juste égal à l’éclat du soleil, mais il se sert de cette comparaison parce que parmi les astres qui nous éclairent, il n’en est point qui brille d’un plus vif éclat que le soleil. — S. Rémi. Ces paroles : « Alors ils brilleront, » signifient que les saints brillent sur cette terre par leurs exemples, mais qu’ils brilleront alors comme le soleil pour la plus grande gloire de Dieu.

« Que celui-là entende qui a des oreilles pour entendre. » — Raban. C’est-à-dire que celui qui a de l’intelligence comprenne, parce que toutes ces paroles doivent être entendues dans un sens mystérieux.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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