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Mt  11  16-19

S. Hil. (can. 11.) Tout ce discours est à la honte de l’incrédulité ; c’est l’expression d’un profond sentiment de mécontentement de ce que ce peuple arrogant avait résisté aux divers genres d’instructions qui lui avaient été faites. — S. Chrys. (hom. 38.) Le Sauveur procède avec raison par interrogation, pour montrer que rien n’a été oublié de ce qui devait contribuer à leur salut : « A qui comparerai-je cette génération ? » — La glose. Comme s’il disait : Jean était un grand prophète, mais vous n’avez voulu croire ni à sa parole ni à la mienne ; à qui donc vous comparerai-je ? Dans ce mot de génération il comprend les Juifs, Jean-Baptiste lui-même.

S. Rémi. Il se fait aussitôt cette réponse : « Elle est semblable à des enfants assis sur la place publique qui crient à leurs compagnons : Nous avons chanté pour vous, et vous n’avez pas dansé ; nous avons chanté des airs lugubres, et vous n’avez point témoigné de tristesse. — S. Hil. (Can. 11.) Par ces enfants, Notre-Seigneur entend les prophètes qui ont prêché comme des enfants dans la simplicité de leur âme, et qui, au milieu des synagogues comme au milieu d’une place publique, ont reproché aux Juifs de n’avoir pas conformé leurs oeuvres extérieures aux chants qu’ils leur adressaient, et de n’avoir pas obéi à leurs paroles ; car le mouvement de la danse doit se conformer à la mesure du chant. Or, les prophètes ont appelé le peuple à louer Dieu dans leurs chants, comme nous le voyons dans les cantiques de Moïse, d’Isaïe et de David (Ex 15 ; Dt 32 ; Is 12 ; 26 ; 2 R 26 ; Ps 17, etc.), etc. — S. Jérôme. Voici donc ce qu’ils reprochent aux Juifs : « Nous avons chanté pour vous, et vous n’avez pas dansé, » c’est-à-dire nous vous avons excités par nos chants à la pratique des bonnes oeuvres, et vous n’en avez rien fait ; nous avons pleuré pour vous appeler à la pénitence, et vous n’avez pas été plus dociles, vous avez méprisé toute espèce de prédication, et celle qui vous exhortait à la vertu, et celle qui vous appelait à faire pénitence de vos péchés. — S. Rémi. Comment peut-il dire : « A leurs compagnons ? » Est-ce que les Juifs infidèles étaient les égaux et les compagnons des saints prophètes ? Non, mais il parle ainsi parce qu’ils étaient tous sortis d’une souche commune. — S. Jérôme. Les enfants sont encore ceux dont Isaïe a dit : « Me voici, moi et mes enfants, ceux que le Seigneur m’a donnés ; » ces enfants s’arrêtent sur la place publique où l’on fait trafic de tout, et ils disent : « Nous avons chanté pour vous, et vous n’avez pas dansé. » — S. Chrys. (hom. 38.) Je vous ai donné l’exemple d’une vie plus douce que sévère, et vous n’avez pas été persuadés ; Jean s’est soumis à une vie austère, et vous n’y avez pas fait plus d’attention ; il ne dit pas : Jean a suivi cette ligne de conduite, et moi cette autre ; mais il ne sépare pas leur cause, parce que leur intention était la même, et il ajoute : « Jean est venu, ne mangeant, ni ne buvant, et vous avez dit : Il est possédé. Le Fils de l’homme est venu, mangeant et buvant, » etc. — S. Augustin. (cont. Faust. liv. 16, ch. 31.) Je voudrais bien que les Manichéens me disent ce que mangeait et ce que buvait Jésus-Christ, lui qui se disait mangeant et buvant, en comparaison de Jean-Baptiste qui ne mangeait ni ne buvait. Car il n’est pas dit que Jean ne buvait pas du tout, mais qu’il ne buvait ni vin ni rien de ce qui pouvait enivrer, il ne buvait donc que de l’eau ; on ne peut pas dire non plus qu’il ne mangeait rien absolument, mais il ne mangeait que du miel sauvage et des sauterelles. Pourquoi donc Notre-Seigneur dit-il qu’il ne mangeait ni ne buvait, si ce n’est parce qu’il n’usait pas des aliments ordinaires des Juifs ? Et si le Seigneur n’en avait pas lui-même fait usage, il n’aurait pu dire par comparaison avec Jean-Baptiste qu’il mangeait et buvait. Or, n’est-il pas étonnant qu’on dise de celui qui mangeait des sauterelles et du miel, qu’il ne mangeait pas, et qu’on présente comme mangeant celui qui se contentait de pain et de légumes ?

S. Chrys. (hom. 38.) « Le Fils de l’homme est venu, » etc., c’est-à-dire nous avons suivi, Jean et moi, des routes différentes, mais qui aboutissaient au même but, comme deux chasseurs qui poursuivent un animal par deux chemins différents pour le faire arriver sur l’un des deux. Les hommes sont généralement portés à admirer le jeûne et l’austérité de la vie ; c’est pour cela que Dieu voulut que dès son enfance Jean pratiquât ce genre de vie, pour donner ainsi par la suite plus d’autorité à ses paroles. Notre-Seigneur marcha lui-même dans cette voie lorsqu’il jeûna pendant quarante jours ; mais cependant il prit d’autres moyens pour persuader aux Juifs de croire en lui ; car il était bien-plus important que Jean-Baptiste lui rendît témoignage en marchant dans cette voie, qu’il ne l’était pour lui-même de suivre ce genre de vie. En effet, Jean ne fit éclater en lui que l’austérité de sa vie et l’amour de la justice, tandis que Jésus-Christ avait encore le témoignage des miracles. Il laissa donc Jean-Baptiste briller par le jeûne, et il suivit une voie différente en ne refusant pas de s’asseoir à la table des publicains pour manger et boire avec eux. — S. Jérôme. Si le jeûne vous est agréable, pourquoi Jean-Baptiste ne vous plaît-il pas ? Si la vie ordinaire a pour vous plus d’attrait, pourquoi le Fils de l’homme ne peut-il vous plaire ? Pourquoi avez-vous traité l’un de possédé, et l’autre d’ivrogne et d’intempérant ?

S. Chrys. Quelle sera donc désormais leur excuse ? c’est pour cela qu’il ajoute : « La sagesse a été justifiée par ses enfants, » c’est-à-dire : si vous n’êtes pas persuadés, vous n’avez pas, du moins, de raison de m’accuser. C’est ce que le Prophète-Roi dit de Dieu le Père : « Afin que vous soyez justifié dans vos paroles. » (Ps 50.) Quoique vous n’ayez tiré aucun profit de l’économie de la divine providence à votre égard, de son côté elle a fait tout ce qu’elle devait, de manière à ne laisser pas même l’ombre d’un doute à l’impudence et à l’ingratitude. — S. Jérôme. La sagesse a été justifiée par ses enfants, c’est-à-dire la doctrine et la conduite de Dieu. Ou bien la conduite du Christ qui est la vertu et la sagesse de Dieu a été justifiée par les Apôtres qui sont ses enfants. — S. Hil. Or, il est lui-même la sagesse, non par les effets merveilleux qu’elle a produits en lui, mais par nature. Il en est plusieurs qui cherchent à éluder la force de ces paroles de l’Apôtre qui proclament le Christ la puissance et la sagesse de Dieu (1 Co 1), en disant que la vertu de cette sagesse et de cette puissance divine s’est montrée dans l’oeuvre de son incarnation et de sa naissance d’une Vierge ; mais pour détruire par avance cette interprétation, il a déclaré qu’il était lui-même la sagesse, montrant ainsi que ce n’étaient pas seulement les oeuvres de la sagesse, mais la sagesse elle-même qui résidait en lui ; car l’oeuvre de la vertu n’est pas la vertu elle-même, et l’effet demeure distinct de celui qui le produit. — S. Augustin. (Quest. Evang., liv. 2, ch. 11.) « La sagesse a été justifiée par ses enfants, » en ce sens que les saints Apôtres comprirent que le royaume des cieux n’était point dans le boire et dans le manger, mais dans la patience à supporter les épreuves ; aussi l’abondance ne leur inspirait aucun orgueil, et la pauvreté ne pouvait les abattre. C’est ce qui faisait dire à saint Paul : « Je sais être dans l’abondance, et je sais supporter la pauvreté. » — S. Hil. On lit dans quelques exemplaires : « La sagesse a été justifiée par ses oeuvres. » La sagesse, en effet, ne cherche pas le témoignage des paroles, mais celui des oeuvres. S. Chrys. (hom. 38.) Si cette comparaison empruntée aux enfants vous paraît vulgaire, n’en soyez pas surpris, car Jésus s’adressait à des auditeurs grossiers ; c’est ainsi qu’Ézéchiel se sert de plusieurs comparaisons en rapport avec l’intelligence des Juifs, mais qui ne convenaient nullement à la grandeur de Dieu, si toutefois l’on peut dire qu’une chose qui est utile aux hommes n’est pas digne de Dieu.

S. Hil. (can. 11.) Dans le sens mystique, la prédication elle-même de Jean-Baptiste fut impuissante pour convertir les Juifs, parce que la loi leur avait paru pénible, difficile et gênante à cause de ses prescriptions sur les aliments et sur les boissons. Elle renfermait pour ainsi dire en elle-même le péché auquel il donne le nom de démon, parce que la difficulté que présentait son observation en rendait presque inévitable la transgression. A son tour, la prédication de l’Évangile de Jésus-Christ ne leur fut pas agréable, malgré la liberté qu’elle leur rendait, en allégeant tout ce que la loi avait de difficile et d’accablant. Les publicains et les pécheurs embrassèrent la foi, mais pour les Juifs, après tant et de si grands avertissements, ils ne furent pas justifiés par la grâce, et ils furent abandonnés par la loi. C’est alors que la sagesse fut justifiée par ses enfants, c’est-à-dire par ceux qui ravissent le royaume des cieux par la justification qui vient de la foi, et en proclamant la justice des opérations de la sagesse de Dieu qui prive de ses grâces les esprits rebelles pour en faire part aux cœurs fidèles.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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