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Mt  10  5-8

La glose. Comme toute manifestation de l’Esprit, d’après l’Apôtre, est donnée pour l’utilité de l’Église, après avoir donné ce pouvoir aux Apôtres, le Sauveur les envoie pour qu’ils puissent l’exercer dans l’intérêt des hommes ; c’est ce que nous indique l’Évangéliste par ces mots : « Jésus envoya ces douze. » — S. Chrys. (hom. 33.) Voyez comme Jésus choisit bien le moment pour leur donner cette mission, il les envoie après qu’ils l’ont vu ressusciter un mort, commander à la mer et faire d’autres prodiges semblables, et après qu’il leur a donné par ses paroles et par ses oeuvres des preuves suffisantes de sa divinité.

La glose. En les envoyant, il leur enseigne où ils devaient aller, ce qu’ils doivent dire, et ce qu’ils doivent faire. Et d’abord où doivent-ils aller ? Il leur donne les instructions suivantes : « Vous n’irez point vers les Gentils, et vous n’entrerez pas dans les villes des Samaritains ; mais allez plutôt aux brebis perdues de la maison d’Israël. » — S. Jérôme. Ce commandement n’est pas contraire à celui qu’il leur donna plus tard : « Allez, enseignez toutes les nations, » car le premier a été donné avant, et le second après la résurrection du Sauveur. Il fallait en effet que l’Évangile fût d’abord annoncé aux Juifs, pour leur ôter cette excuse qu’ils avaient rejeté le Seigneur, parce qu’il avait envoyé ses Apôtres aux Samaritains et aux Gentils. — S. Chrys. (hom. 33.) Une autre raison pour laquelle il les envoie d’abord vers les Juifs, c’est pour les préparer dans la Judée comme dans une arène aux combats qu’ils devaient livrer à l’univers entier, et il les excite à prendre leur vol (cf Dt 32) comme de petits oiseaux encore faibles. — S. Grég. (hom. 4 sur les Evang.) Ou bien il voulut d’abord être annoncé aux Juifs seuls, et puis ensuite aux Gentils, de manière que la prédication du Rédempteur repoussée par les siens, s’adressât ensuite aux Gentils comme à des étrangers. Il y en avait cependant parmi les Juifs qui devaient être appelés, comme il y en avait parmi les Gentils qui ne devaient avoir part ni à cette vocation, ni au bienfait de la régénération, sans toutefois mériter un jugement sévère pour le mépris qu’ils avaient fait de la prédication évangélique. — S. Hil. (can. 10 sur S. Matth.) La loi devait avoir le privilège des prémices de l’Évangile, et l’incrédulité d’Israël devait être d’autant moins excusable, que les avertissements lui avaient été prodigués avec un plus grand zèle. — S. Chrys. (hom. 33.) Le Sauveur ne veut pas leur donner à penser qu’il nourrissait contre eux de la haine, parce qu’ils l’accablaient d’outrages et l’appelaient possédé du démon ; il s’applique donc à les rendre meilleurs, et il détourne ses disciples de toute autre occupation pour les leur envoyer comme des médecins et comme des docteurs. Il ne se contente pas de leur défendre de prêcher à d’autres qu’aux Juifs, il ne leur accorde même pas de prendre la route qui les aurait conduits chez les Gentils : « N’allez pas dans la voie qui mène aux nations. » Et parce que les Samaritains étaient les ennemis des Juifs, bien qu’ils fussent plus faciles à convertir à la foi, il ne permet pas à ses disciples de leur annoncer l’Évangile avant de l’avoir prêché aux Juifs. « Vous n’entrerez pas dans les villes des Samaritains. » — La glose. Les Samaritains étaient des Gentils que le roi d’Assyrie laissa dans la terre d’Israël après en avoir emmené les habitants en captivité. Sous la pression des dangers auxquels ils furent exposés, ils se convertirent au judaïsme (4 R 13), se soumirent à la circoncision, admirent les cinq livres de Moïse, mais rejetèrent tout le reste avec horreur, ce qui empêcha les Juifs de se mêler jamais aux Samaritains. — S. Chrys. (hom. 33.) Jésus détourne donc ses disciples d’aller vers les Samaritains, et il les envoie aux enfants d’Israël, qu’il appelle des brebis qui périssent, et non pas des brebis qui s’éloignent d’elles-mêmes ; cherchant ainsi par tous les moyens à leur ménager le pardon et à gagner leur cœur. — S. Hil. (can. 40 sur S. Matth.) Le Sauveur les appelle des brebis ; mais ils ne s’en déchaînèrent pas moins contre lui avec la méchanceté des vipères et la férocité des loups. — S. Jérôme. Dans le sens tropologique il nous est ordonné à nous qui portons le nom du Christ, de ne pas suivre la voie des Gentils et des hérétiques, et de ne point imiter la vie de ceux dont la religion nous sépare.

La glose. Après leur avoir appris où ils doivent aller, il leur enseigne quel doit être le sujet de leurs prédications. « Allez et prêchez, en disant que le royaume des cieux approche. » — Raban. Notre-Seigneur dit que le royaume des cieux approche, non pas sans doute par aucun mouvement extérieur des éléments, mais par la foi qui nous est donnée au Créateur invisible. C’est à juste titre que les saints sont appelés les cieux parce qu’ils possèdent Dieu par la foi et qu’ils l’aiment par la charité. — S. Chrys. (homél. 33.) Vous voyez la sublimité de ce mystère et la dignité des Apôtres ; ce ne sont pas des choses extérieures et sensibles qu’ils doivent annoncer comme Moïse et les prophètes, mais des vérités nouvelles et tout à fait inattendues. Moïse et les prophètes avaient annoncé des biens terrestres ; les Apôtres annoncent le royaume des cieux, et tous les biens qu’ils renferment.

S. Grég. (hom. 4 sur les Evang.) Au ministère sacré de la prédication, le Sauveur ajoute le pouvoir de faire des miracles, afin que la manifestation de cette puissance ouvrît les cœurs à la foi, et qu’une prédication toute nouvelle fût accompagnée d’oeuvres d’un ordre tout nouveau. C’est pour cela qu’il leur dit : « Rendez la santé aux malades, ressuscitez les morts, guérissez les lépreux, chassez les démons. » — S. Jérôme. Dans la crainte que personne ne voulût croire à ces hommes simples et grossiers, sans science, sans lettres, sans éloquence, qui venaient promettre le royaume des cieux, il leur donne le pouvoir d’opérer ces miracles, pour que la grandeur des prodiges fût une preuve de la grandeur des promesses. — S. Hil. (can. 10 sur S. Matth.) Le Seigneur communique toute sa puissance, toute sa vertu aux Apôtres, afin que ceux qui avaient été crées à l’image d’Adam et à la ressemblance de Dieu, reçoivent maintenant une ressemblance parfaite avec le Christ, et qu’ils puissent guérir par cette participation à la puissance divine tous les maux dont l’instinct infernal du démon avait frappé le corps d’Adam. — S. Grég. (hom. 29 sur l’Evang.) Ces miracles étaient nécessaires alors que l’Église était à son berceau, car pour que la foi pût s’accroître, il fallait la nourrir avec des prodiges. — S. Chrys. Plus tard, ces miracles cessèrent lorsque la foi fut répandue en tous lieux, ou s’il y en eut encore, ce fut en très petit nombre. Car Dieu opère ordinairement ces prodiges lorsque le mal est arrivé à son comble, et c’est alors qu’il fait éclater sa puissance. — S. Grég. (hom. 29 sur l’Evang.) Cependant la sainte Église renouvelle tous les jours pour les âmes ces miracles extérieurs et sensibles des Apôtres, miracles d’autant plus grands qu’ils ont pour objet de rendre la vie non pas au corps, mais à l’âme. — S. Rémi. Ces infirmes sont les âmes sans énergie, qui n’ont pas la force de mener une vie chrétienne ; les lépreux ceux qui sont couverts des souillures des oeuvres et des plaisirs de la chair ; les morts, ceux qui font des oeuvres de mort, les possédés, ceux que le démon a soumis à son empire. — S. Jérôme. Et parce que les dons spirituels s’avilissent toujours lorsqu’ils deviennent le prix d’une récompense temporelle, Notre-Seigneur condamne cette avarice en ces termes : « Vous avez reçu gratuitement, donnez gratuitement ; moi qui suis votre maître et votre Seigneur, je vous ai donné cette grâce sans vous la faire payer ; vous devez la donner de même. — La glose. Son but ici est de détourner Judas qui portait la bourse de se servir de cette puissance pour amasser de l’argent, et de condamner en même temps la pernicieuse hérésie des Simoniaques. — S. Grég. (homél. 29.) Car il prévoyait qu’il y en aurait pour qui les dons de l’Esprit saint seraient un objet de trafic, et qui mettraient le don des miracles au service de leur avarice. — S. Chrys. (hom. 33). Voyez comme le Seigneur, en même temps qu’il sauvegarde la dignité des miracles, prend soin de régler la conduite de la vie en faisant voir que sans une vie réglée les miracles ne sont rien. En effet, il étouffe dans leur cœur tout sentiment d’orgueil par ces paroles : « Vous avez reçu gratuitement ; » et par ces autres : « Donnez gratuitement, » il leur commande de se garder purs de toute affection aux richesses. Ou bien en leur disant : « Vous avez reçu gratuitement, » il veut leur apprendre qu’ils ne sont pas les auteurs des bienfaits qu’ils répandent ; comme s’il leur disait : « Vous ne donnez rien de ce qui vous appartient, » vous ne l’avez reçu ni comme récompense, ni comme prix de votre travail, c’est une grâce que je vous ai accordée, donnez-la donc comme vous l’avez reçue, car jamais vous ne pourrez en trouver un prix qui réponde à sa valeur.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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