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Mc  7  31-37

Théophile. Notre-Seigneur ne voulut pas rester plus longtemps parmi les Gentils, pour ne pas donner occasion aux Juifs de l’accuser d’être un transgresseur de la loi, en se mêlant aux idolâtres : " Et quittant de nouveau les confins de Tyr, " etc. La Décapole est une contrée qui comprend dix villes situées au delà et à l’est du Jourdain en face de la Galilée. Lors donc que l’Evangéliste rapporte que Notre-Seigneur est venu à la mer de Galilée, au milieu du pays de la Décapole, il ne veut pas dire qu’il est entré sur les confins de la Décapole même, puisqu’il ne lui fait pas traverser la mer, mais qu’il est venu jusqu’au bord de la mer, dans un endroit d’où au delà de la mer il pouvait apercevoir les confins de la Décapole.

" Et on lui amena un sourd-muet, " etc. — Théophile. Ce fait trouve sa place naturelle après la délivrance du possédé, car cette infirmité venait du démon.

" Et le tirant à part hors de la foule, " etc. — Jésus mène hors de la foule ce sourd-muet qui lui est présenté, parce qu’il ne veut pas opérer ce miracle aux yeux de tous, et il nous apprend ainsi à fuir la vaine gloire et tout sentiment d’orgueil, car il n’y a rien qui puisse attirer davantage la grâce de faire des miracles, comme l’humilité et la modestie. Il met ses doigts dans les oreilles de cet homme, lui qui pouvait le guérir d’une seule parole, pour montrer que ce corps qui était uni à la divinité, était revêtu ainsi que ses actions d’une puissance toute divine. Par suite du péché d’Adam, la nature humaine avait été condamnée à de nombreuses infirmités, et l’homme était profondément blessé dans ses membres et dans ses sens ; Jésus-Christ est donc venu pour nous montrer en lui-même la nature humaine rétablie dans sa perfection ; et c’est la raison pour laquelle il ouvre les oreilles avec ses doigts, et lui rend l’usage de la parole au moyen de la salive : " Il toucha sa langue avec de la salive. " — Théophile. Il prouvait ainsi que tous les membres de son corps sacré étaient saints et divins, et qu’il en était de même de cette salive qui délia la langue du sourd-muet ; toute salive, en effet, est une superfluité ; mais dans le Sauveur, tout revêtait une puissance divine.

" Et levant les yeux au ciel, il poussa un soupir, " etc. — Bède. Il lève les yeux au ciel pour nous apprendre que c’est de là que les muets doivent attendre la parole, les sourds l’ouïe, et tous les malades leur guérison. Il gémit, non que ce gémissement fût nécessaire pour obtenir ce qu’il demandait à son Père, avec lequel il exauce lui-même toutes les prières, mais pour nous apprendre que c’est avec des gémissements qu’il faut implorer le secours de la miséricorde divine pour nos péchés ou pour les péchés des autres. — S. Chrys. (comme precéd.) Il gémit encore, parce qu’il s’est chargé de nos intérêts, et qu’il est touché de compassion pour notre nature, en voyant la profonde misère dans laquelle le genre humain était tombé. — Bède. Cette parole : Ephphetha (c’est-à-dire ouvrez-vous) s’applique plus particulièrement aux oreilles, puisqu’il fallait les ouvrir pour les rendre capables d’entendre, tandis que la langue, pour recouvrer l’usage de la parole, devait voir tomber les liens qui la retenaient captive : " Et aussitôt ses oreilles s’ouvrirent, sa langue se délia, et il parlait distinctement. " Nous voyons ici clairement les deux natures distinctes dans la seule personne de Jésus-Christ ; il lève les yeux au ciel en tant qu’il est homme ; mais aussitôt d’un seul mot, auquel il communique une puissance toute divine, il rend à cet homme l’usage de l’ouïe et de la parole.

" Et il leur défendit d’en rien dire à personne. " — S. Jérôme. Il nous apprenait ainsi à nous glorifier, non dans notre puissance ou dans notre vertu, mais dans la croix et l’humiliation. — S. Chrys. (comme précéd.) Il défend encore de publier ce miracle, pour ne pas exciter avant le temps marqué dans les Juifs l’envie qui devait les rendre coupables de déicide. — S. Jérôme. Mais une ville qui est située sur une montagne et qui est aperçue de tous côtés ne peut rester cachée, et l’humilité est toujours suivie de la gloire (Pr 15, 33). Aussi : " Plus il le leur défendait, et plus ils le publiaient, " etc. — Théophile. Apprenons de là, lorsque nous avons fait quelque bien à l’un de nos frères, à ne point rechercher les applaudissements et les louanges ; et au contraire, quand nous recevons un bienfait à proclamer et à louer nos bienfaiteurs, même malgré leur volonté. — S. Augustin. (De l’acc. des Evang.) Mais puisque Jésus, qui connaît comme présentes les intentions futures des hommes, savait qu’ils publieraient d’autant plus ce miracle qu’il le leur défendait ; pourquoi leur faisait-il cette défense ? C’était pour apprendre aux âmes négligentes avec quel zèle et quel empressement elles doivent publier ses bienfaits, quand il leur en fait un devoir, puisque ceux mêmes à qui il défend d’en parler ne peuvent garder le silence. — La glose. A mesure que le bruit des guérisons opérées par Jésus-Christ se répandait, l’admiration de la foule croissait, et elle proclamait hautement ses bienfaits : " Et leur admiration allait toujours croissant, et ils disaient : Il a bien fait toutes choses, il a fait parler les muets et entendre les sourds. "

S. Jérôme. Dans le sens allégorique, Tyr, qui signifie endroit resserré, représente la Judée à qui le Seigneur dit par son prophète : " La couche est trop étroite ; "et c’est ce qui le force de se transporter chez d’autres nations. Sidon veut dire chasse. L’animal indompté qu’il faut prendre, c’est notre nation, et la mer figure l’inconstance et la mobilité du monde. C’est au milieu de la Décapole qui représente les dix commandements, que le Sauveur vient pour sauver les nations. — Le genre humain, composé d’une multitude de membres et semblable à un homme affecté de diverses infirmités, se trouve figuré dans le premier homme ; il devient aveugle tout en voyant, sourd en entendant, muet tout en parlant. On vient prier le Seigneur de lui imposer les mains ; ce sont les patriarches et les justes qui désiraient si vivement voir s’accomplir son incarnation. — Bède. Ou bien encore, cet homme sourd-muet, c’est celui qui n’a point d’oreilles pour entendre les paroles de Dieu, ni l’usage de la langue pour les annoncer aux autres ; et ceux qui depuis longtemps ont appris à entendre et à parler ce langage divin doivent s’empresser d’amener ces infirmes au Seigneur pour qu’il les guérisse. — S. Jérôme. Mais il faut tout d’abord s’arracher aux pensées tumultueuses, aux actions coupables et aux paroles déréglées, si l’on veut obtenir sa guérison. Les doigts que le Sauveur met dans les oreilles du sourd-muet sont les paroles ou les dons de l’Esprit saint dont il est dit : " Le doigt de Dieu est ici. " La salive, c’est la divine sagesse qui ouvre les lèvres longtemps fermées du genre humain, de manière à ce qu’il puisse dire : " Je crois en Dieu le Père tout-puissant. " Il pousse un soupir en levant les yeux au ciel, et il nous enseigne la pratique des saints gémissements, et aussi à élever vers le ciel les trésors de notre cœur, car ce sont les gémissements de la componction qui purifient les joies frivoles de la chair. Les oreilles s’ouvrent aux hymnes, aux cantiques et aux psaumes. Le Seigneur délie la langue pour qu’elle puisse faire entendre la bonne parole sans crainte ni des menaces, ni des supplices.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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