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Mc  6  45-52

La glose. Dans le miracle de la multiplication des pains, Notre-Seigneur avait montré qu’il était le créateur de toutes choses ; en marchant sur la mer, il fait voir que son corps est affranchi du poids accablant de nos péchés, et, en apaisant les vents et en calmant la fureur des flots soulevés, il prouve qu’il est le souverain Maître des éléments : " Et aussitôt, il fît monter ses disciples, " etc. — S. Chrys. Notre-Seigneur renvoie le peuple après l’avoir comblé de bénédictions et guéri ses malades ; mais il est obligé de forcer ses disciples, selon l’expression de l’Evangéliste, de traverser la mer, parce qu’ils ne se séparaient que difficilement de sa personne, tant à cause du vif attachement qu’ils avaient pour lui que parce qu’ils étaient en peine comment ils pourraient le rejoindre. — Bède. On se demande avec raison comment après le miracle de la multiplication des pains, saint Marc a pu dire que les disciples traversèrent la mer pour se rendre à Bethsaïde, tandis que selon saint Luc, c’est à Bethsaïde même qu’aurait eu lieu ce miracle. Cette apparente contradiction disparaît en admettant que saint Luc, par ces paroles : " Il se retira dans un lieu désert, qui est Bethsaïde, " a voulu désigner, non l’intérieur de la ville qui porte ce nom, mais un lieu désert situé près de cette ville, tandis que saint Marc, en disant : " Pour le précéder à Bethsaïde, " a voulu parler de la ville elle-même de Bethsaïde.

" Et après avoir renvoyé le peuple, il s’en alla sur la montagne pour prier. " — S. Chrys. Il faut entendre ces paroles de Jésus-Christ en tant qu’il est homme, et il agit de la sorte pour nous enseigner l’assiduité dans la prière. — Théophile. Après avoir renvoyé la foule, il monte sur une montagne pour y prier, car la prière réclame le silence et le repos. — Bède. Tous ceux qui prient ne montent pas sur la montagne ; il n’y a que ceux qui prient convenablement, et qui cherchent Dieu dans la prière. Mais celui qui ose demander à Dieu les richesses de la terre, les honneurs du siècle ou la mort de son ennemi reste plongé dans les choses basses et n’offre à Dieu que de viles et misérables prières. Saint Jean nous fait connaître le motif pour lequel Notre-Seigneur se retira sur une montagne pour prier, après avoir congédié le peuple : " Jésus, ayant connu qu’ils devaient venir pour l’enlever et le faire roi, il s’enfuit de nouveau sur la montagne tout seul. "

" Et le soir étant venu, la barque se trouvait au milieu de la mer, " etc. — Théophile. Notre-Seigneur permit que ses disciples fussent exposés au danger pour leur donner lieu de pratiquer la patience. Aussi ne vient-il pas immédiatement à leur secours, mais il permet que le danger dure toute la nuit, pour leur apprendre à attendre avec patience et à ne pas compter que le secours leur viendrait aussitôt au milieu de leurs tribulations : " Et voyant ses disciples qui se fatiguaient à ramer, " etc. — S. Chrys. (comme précéd.) L’Ecriture, suivant l’usage des anciens, divise la nuit en quatre veilles, et chaque veille en trois heures ; ainsi, la quatrième veille est celle qui commence après la neuvième heure, c’est-à-dire à la dixième ou à la dernière.

" Et il voulait les devancer. " — S. Augustin. (De l’acc. des Evang., 2, 47.) Les Apôtres ne purent comprendre que Jésus voulait les devancer que parce qu’il se dirigeait en sens contraire. Il voulait les dépasser comme des hommes qui lui étaient étrangers, et qui le reconnaissaient si peu qu’ils le prenaient pour un fantôme : " Mais eux le voyant marcher sur la mer, crurent que c’était un fantôme, " etc. — Théophile. Remarquez que c’est au moment même où le Sauveur devait calmer leur effroi, qu’il leur inspire une crainte plus vive ; mais il les rassure aussitôt en lui adressant la parole : " Aussitôt il leur parla, et leur dit : Rassurez-vous, c’est moi, ne craignez pas. " — S. Chrys. Et en effet, ils le reconnurent aussitôt à sa voix, et ils cessèrent de craindre. — S. Augustin. (De l’acc. des Evang.) On ne peut expliquer que Notre-Seigneur voulut dépasser ses disciples dont il dissipe si pleinement l’épouvante, qu’en admettant que son intention n’avait d’autre but en les dépassant que de leur faire pousser ce cri qu’il attendait pour venir à leur secours. — Bède. Un certain Théodore, qui fut autrefois évêque de Pharan, soutint que Notre-Seigneur avait eu un corps sans pesanteur, ce qui explique comment il avait pu marcher sur la mer : mais la foi catholique enseigne que la chair du Sauveur était soumise aux lois de la pesanteur, car, dit saint Denis (Des noms div., 2), nous ne savons comment le Sauveur, avec des pieds qui avaient leur pesanteur naturelle et qui soutenaient tout le poids du corps, a pu marcher sans enfoncer sur la mer, élément liquide et sans consistance. — Théophile. Mais à peine est-il entré dans la barque qu’il apaise la tempête : " Et il monta avec eux dans la barque, et le vent cessa. " C’était déjà un grand miracle que de marcher sur la mer, mais la tempête et le vent contraire rendent encore ce miracle plus éclatant. Aussi les Apôtres, que le miracle de la multiplication des pains n’avait pas suffisamment convaincus de la puissance de Jésus-Christ, la comprennent mieux en voyant la tempête miraculeusement apaisée : " Et leur étonnement en devint plus grand, car ils n’avaient pas compris le miracle des pains. " — Bède. La grandeur de ces miracles étonnait les disciples qui étaient encore charnels ; mais ils ne pouvaient encore reconnaître dans le Sauveur la vérité de la majesté divine : " Parce que leur cœur était aveuglé. "

Dans le sens allégorique, le travail des disciples qui se fatiguent à ramer et le vent qui est contraire, sont une figure des travaux de la sainte Eglise, qui malgré les flots soulevés du monde et les tempêtes déchaînées par les esprits impurs, s’efforce de parvenir au repos de la patrie céleste. Ce n’est point sans raison que cette barque nous est représentée au milieu de la mer, tandis que Jésus est seul sur le rivage, parce que l’Eglise, quelquefois, est tellement accablée par les persécutions des infidèles, que le divin Rédempteur paraît l’avoir complètement abandonnée. Mais le Seigneur ne perd pas de vue ses serviteurs qui luttent contre les flots soulevés ; il les fortifie d’un regard de sa miséricorde pour qu’ils ne succombent pas sous le poids de leurs tribulations, et quelquefois même il les délivre d’une manière éclatante. Il vient à leur secours à la quatrième veille, et lorsque le jour approche, parce qu’en effet, lorsque l’homme ouvre les yeux de son âme à la lumière du secours qui vient d’en haut, le Seigneur vient lui-même eu personne, et tous les dangers des tentations sont assoupis. — S. Chrys. Ou bien la première veille est le temps qui s’est écoulé jusqu’au déluge ; la seconde s’étend jusqu’à Moïse ; la troisième, jusqu’à l’avènement du Sauveur ; c’est dans la quatrième veille que le Seigneur arrive et adresse la parole à ses disciples. — Bède. Souvent la bonté divine paraît avoir abandonné les fidèles au milieu des tribulations, et il semble encore que Jésus veuille passer outre sans jeter un regard sur ses disciples qui luttent contre la fureur de la nier. Il est encore aussi des hérétiques qui pensent que le Sauveur eut un corps sans réalité, et qu’il n’a point pris une chair véritable dans le sein de la Vierge Marie. — S. Jérôme. Jésus dit à ses disciples : " Ayez confiance, c’est moi, ne craignez point, " parce qu’un jour nous le verrons tel qu’il est. Le vent tombe et la tempête s’apaise aussitôt que Jésus s’est assis ; c’est-à-dire aussitôt qu’il exerce l’autorité de roi dans la barque qui est la figure de l’Eglise universelle. — Bède. De même encore, aussitôt qu’il entre dans un cœur par la grâce du divin amour il apaise et fait cesser aussitôt toutes les guerres soulevées par les passions, par le monde et les esprits mauvais.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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