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Mc  3  23-30

S. Chrys. (hom. 42 sur S. Matth. et dans l’Ouvrage imparfait, hom. 29.) Le Seigneur, relevant ce blasphème des scribes, leur montre l’impossibilité du fait qu’ils avancent et confirme sa démonstration par un exemple : " Et les ayant assemblés, il leur disait en parabole : Comment Satan peut-il chasser Satan ? " C’est-à-dire : Un royaume divisé contre lui-même par une guerre intestine sera nécessairement entraîné à sa ruine ; c’est ce qui arrive aussi bien dans une famille que dans une cité. Si donc le royaume de Satan est divisé contre lui-même, de sorte que Satan chasse Satan du milieu des hommes, la ruine du royaume des démons est imminente. Or, le règne des démons consiste à tenir les hommes asservis à leur tyrannie. Si donc ils sont chassés loin des hommes, dès lors leur empire est détruit ; mais, s’ils conservent encore leur pouvoir sur les hommes, il est évident que le royaume de ce malin esprit est encore debout, et qu’il n’est point divisé contre lui-même. — La glose. Après avoir démontré par cet exemple que le démon ne peut chasser le démon, Jésus enseigne la manière de le chasser : " Personne, dit-il, ne peut enlever les armes du fort armé, à moins qu’il ne l’ait enchaîné auparavant, " etc. — Théophile. Voici le sens de cette comparaison : le fort, c’est le démon ; ces armes, ce sont les hommes où il fait sa demeure. À moins donc qu’on n’ait auparavant vaincu et enchaîné Satan, comment lui ravir ses armes, c’est-à-dire les infortunés qu’il possède ? C’est ainsi que moi, qui lui ravis ses armes, c’est-à-dire qui délivre les hommes de la possession du démon, je commence par enchaîner et vaincre ces esprits de ténèbres et je me constitue leur ennemi. Gomment donc pouvez-vous dire que je suis possédé par Béelzébub et que je suis l’ami des démons, moi qui les chasse et les mets en fuite ? — Bède. Le Seigneur a aussi enchaîné le fort, c’est-à-dire le démon, en paralysant les moyens de séduction qu’il emploie contre les élus. Et étant entré dans la maison, c’est-à-dire dans le monde, il a pillé sa maison et ravi ses meubles, c’est-à-dire les hommes qu’il soustrait aux pièges de Satan et incorpore à son Eglise. Ou bien encore, il a pillé sa maison parce que les diverses parties du monde où dominait cet antique ennemi du genre humain ont été données en partage à ses Apôtres et à leurs successeurs, pour ramener tous ces peuples dans la voie de la vie. Le Seigneur leur montre l’énormité du crime qu’ils commettaient en osant attribuer au démon ce qu’ils savaient très-bien être l’œuvre de Dieu. Il ajoute donc : "Je vous la dis en vérité, tous les péchés seront remis, " etc. Et en effet, tous les péchés, les blasphèmes ne sont pas indifféremment remis à tous les hommes ; mais seulement à ceux qui font ici-bas une digne pénitence de leurs égarements. Ainsi il ne faut admettre ni l’erreur de Novatien, qui refusait le pardon aux martyrs qui étaient tombés, malgré leur repentir ; ni l’erreur d’Origène, qui prétend qu’après le jugement universel, après les innombrables évolutions des siècles, les pécheurs obtiendront le pardon de leurs péchés. Notre-Seigneur combat cette erreur dans les paroles suivantes : " Celui qui aura blasphémé contre le Saint-Esprit ne recevra jamais son pardon. " — S. Chrys. Jésus-Christ déclare que le blasphème contre sa personne trouvera son pardon, parce qu’il avait paru sur la terre comme un homme méprisé et de basse extraction ; mais l’outrage contre Dieu n’a point de pardon à espérer. Or, le blasphème contre le Saint-Esprit s’adresse directement à Dieu même. Car le règne de Dieu est l’œuvre de l’Esprit saint, et c’est pour cela que Jésus-Christ déclare que le blasphème contre le Saint-Esprit ne sera jamais pardonné. Au lieu de ces paroles : " Mais il sera coupable d’un crime éternel, " un autre Evangéliste (Mt 12) dit : " Il ne sera remis ni en ce monde ni en l’autre. " Il faut entendre par là le jugement prescrit par la loi juive, et le jugement futur. La loi juive, en l’Ilot, condamnait à mort celui qui blasphémait contre Dieu (Lv24, 15), et aux yeux de la loi nouvelle il est également sans excuse. Or, quiconque reçoit le baptême est par là même placé en dehors du siècle présent, et cette vertu du baptême qui remet les péchés était ignorée des Juifs. Celui donc qui attribue au démon les miracles et l’expulsion des démons qui sont l’œuvre propre de l’Esprit saint tout soûl, celui-là ne peut excuser son blasphème, et un blasphème aussi énorme ne peut être remis, parce qu’il est contre le Saint-Esprit. Or voici en quoi consistait ce blasphème : " Et ils disaient : Il est possédé de l’esprit immonde. "

Théophile. Il faut entendre qu’ils n’obtiendront pas leur pardon à moins qu’ils ne se repentent et ne fassent pénitence. Lorsqu’ils se scandalisaient des humiliations qui étaient la conséquence de l’incarnation du Christ, même sans repentir, ils étaient tant soit peu excusables et obtenaient quelque chose du pardon de leur crime. — S. Jérôme. Ou bien ces paroles signifient que celui qui, reconnaissant Jésus pour le Christ, ose l’appeler le prince des démons, ne méritera point de faire pénitence, ni d’obtenir par là son pardon. — Bède. Toutefois, ceux qui ne croient pas à la divinité du Saint-Esprit ne sont pas coupables de ce blasphème irrémissible, parce que cette erreur est l’effet non point d’une malice diabolique, mais bien plutôt de l’ignorance humaine. — S. Augustin. (serm. 11, chap. 12 sur les paroles du Seign.) Ou bien encore, cette impénitence elle-même est le blasphème contre le Saint-Esprit, blasphème qui sera irrémissible. Car celui dont le cœur impénitent s’amasse un trésor de colère (Rm 2) se rend coupable de blasphème contra le Saint-Esprit, soit par ses pensées, soit par ses discours. L’Evangéliste ajoute : " Parce qu’ils disaient : Il est possédé d’un esprit immonde. " Il veut montrer par là que Jésus-Christ prononce cet anathème contre les Juifs, parce qu’ils l’accusaient de chasser les démons au nom de Béelzébub. Ce n’est pas que ce fût là un blasphème absolument irrémissible, puisqu’on peut en obtenir le pardon par un repentir sincère ; mais le Seigneur proféra cette terrible sentence, parce qu’ils l’accusaient de recourir à l’intervention de l’esprit immonde, et il leur démontre qu’il serait ainsi, divisé contre lui-même, tandis que le Saint-Esprit unit par un lien indivisible ceux qu’il rassemble en pardonnant les péchés, qui de leur nature sont des principes de division intestine. Or il n’y a, pour rejeter ce don de la miséricorde divine, que celui dont le cœur est endurci par l’impénitence. En effet, dans un autre endroit, les Juifs accusèrent Jésus d’être possédé du démon (Jn 8), et cependant il ne les accuse point de blasphème contre le Saint-Esprit. C’est qu’alors ils ne mirent point en avant l’esprit immonde, et ne fournirent pas au Sauveur l’occasion de leur démontrer, par leur propre témoignage, qu’il serait divisé contre lui-même, comme le serait Béelzébub par la puissance duquel ils prétendaient que les démons pouvaient être chassés.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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