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Mc  1  4-8

S. Jérôme. Selon la prophétie d’Isaïe qui précède, Jean prépare la voie du Seigneur par la foi, le baptême et la pénitence. Il rend droits les sentiers, par cet extérieur austère, ce vêtement de poils de chameau, cette ceinture de cuir, ces sauterelles et ce miel sauvage et ce langage plein d’humilité. Aussi, est-il écrit : " Jean parut dans le désert, " car Jean, aussi bien que Jésus cherche ce qui a été perdu dans le désert, lui-même, où Satan a remporté la victoire, il est vaincu à son tour ; l’homme se relève là où il est tombé. Jean signifie grâce de Dieu, or, c’est par la grâce que commence ce récit évangélique. En effet, le mot qui suit est celui-ci : baptisant ; et c’est par le baptême que la grâce nous est donnée, puisqu’il remet gratuitement les péchés. Mais ce qui est consommé par l’Epoux c’est le paranymphe de l’Epoux qui le commence. Ainsi les catéchumènes, c’est-à-dire, ceux que l’on instruit, reçoivent-ils du prêtre les premiers éléments de la foi, et de l’évêque l’onction du saint-chrême, et c’est là ce qu’expriment les paroles suivantes : " Il prêchait le baptême de la pénitence. " — Bède. Il est évident que Jean n’a pas seulement prêché le baptême de la pénitence, mais qu’il l’a administré à un certain nombre ; mais il n’a pu donner le baptême pour la rémission des péchés, car la rémission des péchés ne nous est accordée que dans le baptême de Jésus-Christ. Il est donc écrit : " Il prêchait le baptême de la pénitence " pour la rémission des péchés, parce que ne pouvant donner le baptême qui remet véritablement les péchés, il en était du moins le prédicateur ; et de même qu’il était le précurseur du Verbe incarné par sa prédication, ainsi il précédait et figurait par son baptême, qui ne pouvait remettre le péché, le baptême de la pénitence où les péchés nous sont pleinement remis. — Théophile. Ou bien encore : Quoique le baptême de Jean ne pût remettre les péchés, cependant il les conduisait à la pénitence. Il prêchait donc son baptême de pénitence, et cette prédication conduisait à la rémission des péchés. En d’autres termes, ceux qui recevaient Jésus-Christ avec des sentiments de pénitence, le recevaient pour la rémission de leurs péchés.

S. Jérôme. C’est par Jean, en sa qualité d’ami de l’époux que l’épouse est présentée à Jésus-Christ comme autrefois Rébecca fut présentée à Isaac par Eliézer, son intendant (Gn 24) : " Et toute la Judée, continue l’Evangéliste, sortait pour venir à lui, " car la gloire et la louange marchent devant lui (Ps 95, 6), c’est-à-dire, devant l’Epoux. Celle en effet qui se hâte de descendre de son chameau, c’est l’Eglise qui maintenant s’abaisse et s’humilie à la vue du véritable Isaac, Jésus-Christ son époux. Le mot Jourdain, signifie descente étrangère, parce que étrangers à l’égard de Dieu, éloignés de lui par l’orgueil, mais humiliés dans les eaux du baptême, nous sommes relevés jusqu’aux cieux. — Bède. Ce qui suit : " Confessant leurs péchés, " enseigne clairement, à ceux qui désirent le baptême, l’obligation de confesser leurs péchés, et de promettre de mener une vie plus sainte.

S. Chrys. Jean qui prêchait le baptême de la pénitence, en portait les signes dans son vêtement comme dans sa nourriture. " Et Jean était vêtu de poils de chameau. " Il était vêtu de poils de chameau et non de laine. Les poils de chameau sont la marque de l’austérité du vêtement, la laine signifie plutôt une vie molle et sensuelle. La ceinture de cuir qu’il portait comme Elie, est le symbole de la mortification (cf. 4 R 1). Et ce qui suit : " Il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage, " annonce un habitant du désert, qui ne recherche pas les mets délicieux, mais qui satisfait simplement aux nécessités de la vie matérielle. — S. Jérôme. Le vêtement de Jean, sa nourriture, tout son genre de vie représente la vie austère des prédicateurs, et la vocation future des nations au bienfait de la grâce divine dont Jean est le symbole par son nom aussi bien que leur union intérieure et extérieure avec Jésus-Christ, car les poils de chameau signifient les riches parmi les nations ; et la ceinture de cuir, les pauvres qui sont morts au monde ; les sauterelles vagabondes, ce sont les vrais sages du siècle qui, abandonnant aux Juifs leurs pailles arides, emportent comme sur leurs chars, le froment mystérieux, et, dans l’ardeur de leur foi, s’élancent vers les hauteurs. Par le miel sauvage, il faut entendre les fidèles saintement inspires qui s’engraissent du produit d’une forêt inculte. — Théophile. Ou bien : Le vêtement de poils de chameau était le signe extérieur de la douleur qui, comme l’insinue Jean-Baptiste, doit pénétrer un cœur pénitent, car le sac ou le cilice est le symbole de la douleur. La ceinture signifiait la mortification du peuple juif. La nourriture de Jean n’est pas seulement la preuve de son abstinence, mais encore de l’aliment spirituel dont le peuple se nourrissait alors, non qu’il pût encore élever bien haut ses pensées, mais il essayait de s’élever et il retombait bien vite à terre. Ainsi en est-il de la sauterelle qui saute et retombe aussitôt. Le peuple se nourrissait à ta vérité d’un miel composé par les abeilles, c’est-à-dire, par les prophètes, mais sans être préparé et à l’état sauvage, car les Juifs avaient bien les Ecritures, comme un miel précieux, mais ils n’en avaient qu’une faible intelligence.

S. Grég. (Moral., 31, 12). Ou bien, par ce genre de nourriture, Jean-Baptiste figurait le Seigneur dont il était le précurseur. En effet, lorsqu’il est venu pour nous racheter, la gentilité stérile jusqu’alors, fut à sa bouche comme un miel sauvage, et lorsqu’il s’est incorporé la nation juive, il s’est nourri en quelque sorte de sauterelles qui s’élancent par bonds subits et retombent soudain à terre. Les Juifs, en effet, semblaient vouloir s’élancer lorsqu’ils promettaient d’accomplir les préceptes du Seigneur, mais ils retombaient à terre, lorsque par leurs œuvres, ils reniaient ces divins oracles, c’est-à-dire qu’ils bondissaient en paroles, et qu’ils retombaient à terre par leurs œuvres. — Bède. Le vêtement et la nourriture de Jean peuvent aussi exprimer la nature de sa vie intérieure. Il portait des vêtements grossiers et austères parce qu’il ne flattait pas les pécheurs dans leur conduite déréglée, mais les reprenait par de rigoureuses invectives ; il portait une ceinture de cuir autour des reins parce qu’il crucifia sa chair avec ses vices et ses convoitises (Ga 5, 24). Il mangeait du miel sauvage, parce que sa prédication respirait je ne sais quelle douceur qui ravissait la multitude, et lui faisait croire qu’il était peut-être le Christ (Lc 3) ; mais cette prédication eut un résultat plus désirable et le peuple finit par comprendre qu’il n’était pas le Christ, mais le précurseur et le prophète du Christ. Et, en effet, la qualité du miel, c’est la douceur, le propre des sauterelles, c’est un vol rapide. L’Evangéliste ajoute : " Et il prêchait ainsi : Il en vient un après moi qui est plus puissant que moi. " — La glose. Il tient ce langage pour combattre l’opinion de la foule qui croyait qu’il était le Christ, et il annonce que le Christ est plus puissant que lui, parce qu’il remettrait les pêches, ce qu’il ne pouvait faire lui-même. — S. Jérôme. Quel est celui qui est plus puissant que la grâce qui lave et efface les péchés (et dont Jean est le symbole), celui qui remet les péchés septante fois sept fois (Mt 18, 21 ; 3 ; Ap 7, 4 ; 14, 1). La grâce du baptême apparaît la première, il est vrai, mais elle ne remet les péchés qu’une fois, tandis que la miséricorde s’exerce à l’égard des pécheurs depuis Adam jusqu’à Jésus-Christ pendant soixante-dix-sept générations et sur cent quarante-quatre mille personnes.

S. Chrys. On aurait pu le soupçonner en parlant ainsi de vouloir se comparer à Jésus-Christ, il ajoute donc : " Lui dont je ne suis pas digne, etc. " Or, délier sa chaussure comme le dit ici saint Marc, n’est pas la même chose que de porter sa chaussure, selon l’expression de saint Matthieu. Et, en effet, les Evangélistes suivant le cours de leur récit, et sans se tromper en quoique ce soit, disent que saint Jean a employé ces deux termes qui ont un sens différent. Les commentateurs l’expliquent l’un et l’autre de plusieurs manières : la courroie ce sont les cordons qui retiennent la chaussure ; il use de cette expression pour faire ressortir l’excellence du pouvoir du Christ, et la grandeur de sa divinité comme s’il disait : " Je ne suis pas digne d’être rangé au nombre de ses serviteurs. " C’est une grande faveur, en effet, de se prosterner en quelque sorte aux pieds du Christ, pour étudier ce qui a rapport à sa nature corporelle, pour considérer ici-bas l’image de ses perfections divines, et dénouer (pour ainsi dire), chacune des merveilles inexplicables du mystère de l’Incarnation. — S. Jérôme. La chaussure se place à l’extrémité du corps : ainsi le Sauveur s’est incarné pour accomplir toute justice, à l’extrémité des temps. C’est pour cela que le Prophète dit (Ps. 49 ; 107) : " J’étendrai mes pas jusqu’à l’Idumée. " — S. Grég. La chaussure se fait avec la dépouille d’animaux morts : ainsi le Seigneur venant dans le monde, par son incarnation, apparaît pour ainsi dire avec cette chaussure, Lui qui a élevé jusqu’à sa divinité la dépouille de notre nature mortelle corruptible. Dans un autre sens : c’était un usage chez les anciens que lorsqu’un homme refusait de recevoir pour épouse celle qui lui revenait de droit, son plus proche parent l’épousait alors par droit de parenté, et lui déliait la chaussure. Jean-Baptiste se déclare donc à juste titre indigne de dénouer les cordons de la chaussure du Sauveur, comme s’il disait ouvertement : Je ne puis délier la chaussure du Christ, parce que je me reconnais indigne de prendre le titre d’époux. — Théophile. On peut encore l’entendre ainsi : Tous ceux qui venaient trouver Jean-Baptiste et qui recevaient son baptême, étaient délivrés des liens de leurs péchés par la pénitence, et en vertu de leur foi en Jésus-Christ. Jean-Baptiste dénouait donc les cordons, c’est-à-dire les liens du péché" mais il ne put dénouer la chaussure de Jésus-Christ parce qu’il ne trouva pas en lui l’ombre même du péché.

Bède. Saint Jean ne proclame point encore la divinité, la filiation divine du Seigneur, mais il le présente seulement comme un homme plus puissant que lui ; car ses auditeurs, encore grossiers, ne pouvaient pénétrer les profondeurs d’un si grand mystère et comprendre que le Fils éternel de Dieu eût daigné se faire homme dans le sein d’une vierge, et prendre une seconde naissance pour venir dans le monde ; mais il fallait les initier peu à peu, par la connaissance de son humanité glorifiée, à la foi de son éternelle divinité. Néanmoins, il leur déclare en termes voilés que celui qu’il annonce est véritablement Dieu, en leur disant : " Je vous baptise dans l’eau ; mais lui vous baptisera dans le Saint-Esprit, " car qui peut douter qu’un autre que Dieu puisse donner la grâce de l’Esprit saint. — S. Jérôme. Quel rapport y a-t-il donc entre l’eau et le Saint-Esprit qui était porté sur les eaux ? (Gn 1) L’eau, c’est le signe mystérieux de l’homme ; l’Esprit, c’est le signe mystérieux de Dieu. — Bède. Nous sommes baptisés dans l’Esprit saint, non seulement lorsqu’au jour du baptême nous sommes purifiés de nos péchés dans cette source, de vie, mais chaque jour, lorsque, parla grâce de ce même Esprit, nous sommes enflammés d’un saint zèle pour l’accomplissement de la volonté de Dieu.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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