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Mc  16  14-18

La glose. Saint Marc, sur le point de clore sa narration évangélique, rapporte la dernière apparition de Jésus-Christ à ses disciples après sa résurrection : " Enfin il apparut aux onze, " etc. — S. Grég. (hom. 29 sur les Evang.) Comparons ici le récit de saint Luc dans les Actes (Ac 1). " Et mangeant avec eux, il leur commanda de ne point s’éloigner de Jérusalem ; " et un peu plus loin : " Il s’éleva en leur présence. " Il mange avec eux, pour établir clairement par cette action la vérité de sa chair, et monte ensuite au ciel. C’est ce même fait que saint Marc raconte ici : " Il apparut aux onze lorsqu’ils étaient à table. " — S. Jérôme. Il apparut aux onze qui étaient réunis, afin qu’ils soient tous témoins de sa résurrection, et qu’ils puissent annoncer à tous les hommes, ce qu’ils ont vu et ce qu’ils ont entendu lorsqu’ils étaient réunis tous ensemble.

" Et il leur reprocha leur incrédulité et la dureté de leur cœur de n’avoir point cru ceux qui avaient vu qu’il était ressuscité. " — S. Augustin. (De l’acc. des Evang., 2, 25.) Comment cette apparition put-elle avoir lieu le dernier jour ? La dernière fois que Notre-Seigneur apparut aux Apôtres, ce fut le quarantième jour après sa résurrection. Or, devait-il leur reprocher ce jour-là de n’avoir point cru ceux qui avaient vu qu’il était ressuscité, lorsqu’eux-mêmes l’avaient vu si souvent depuis sa résurrection ? Par cette expression : " enfin, " saint Marc a voulu abréger son récit, et il veut dire que ce fut le dernier événement de la journée à l’entrée de la nuit, après que les deux disciples furent revenus du bourg d’Emmaüs dans Jérusalem, et qu’ils eurent trouvé, comme le dit saint Luc, les onze réunis, et avec eux d’antres disciples s’entretenant de la résurrection du Sauveur. Mais il s’en trouvait encore parmi eux qui refusaient de croire ; or, pendant qu’ils étaient à table (d’après saint Marc) et qu’ils s’entretenaient entre eux (au rapport de saint Luc), Jésus apparut au milieu d’eux et leur dit : " La paix soit avec vous, " (comme le disent également saint Luc et saint Jean). Dans les paroles de Notre-Seigneur à ses disciples rapportées à la fois par saint Luc et par saint Jean, il faut donc intercaler le reproche dont parle ici saint Marc. Mais voici une nouvelle difficulté. Comment saint Marc peut-il dire que le Sauveur apparut aux onze Apôtres, si cette apparition eut lieu le même jour du dimanche, vers le soir ? En effet, saint Jean dit clairement qu’alors Thomas n’était pas avec les autres, et nous croyons qu’il les quitta avant l’entrée de Jésus-Christ, et après que les deux disciples de retour d’Emmaüs, se furent entretenus avec les onze, comme nous le voyons dans saint Luc. Du reste, saint Luc lui-même, dans son récit, laisse supposer que Thomas était sorti pendant que les deux disciples parlaient et avant, que le Sauveur entrât. Et voici que saint Marc, eu affirmant qu’en dernier lieu, Jésus apparut aux onze pendant qu’ils étaient à table, nous force de conclure que Thomas était avec eux, à moins qu’on admette que malgré l’absence de Thomas, saint Marc a voulu conserver cette dénomination, " les onze, " parce que c’était la dénomination reçue pour désigner le collège apostolique ayant l’élection de Matthias en remplacement de Judas. Si cette explication parait forcée, nous pouvons placer cette dernière apparition aux onze, pendant qu’ils étaient à table, après un grand nombre d’autres, c’est-à-dire, le quarantième jour qui suivit sa résurrection. Comme le Sauveur était sur le point de les quitter pour monter au ciel, il profite de cette dernière circonstance pour leur reprocher de n’avoir point cru à ceux qui l’avaient vu ressuscité, avant d’eu avoir été eux-mêmes les témoins oculaires ; alors surtout qu’après son ascension, les nations auxquelles ils prêcheraient l’Evangile, devaient croire sans avoir vu-Et en effet, le reproche est immédiatement suivi de ces paroles : " Et il leur dit : Allez par tout le monde ; " et plus bas : " Celui qui ne croira point sera condamné. " Voilà ce qu’ils vont bientôt prêcher, comment donc ne pas leur faire tout d’abord ce reproche à eux-mêmes, qui avant qu’il leur eût apparu, avaient refusé de croire au témoignage de ceux qui l’avaient vu ressuscité ? — S. Grég. (hom. 29.) Notre-Seigneur fait ce reproche à ses disciples au moment où il va les priver de sa présence corporelle, afin que ces dernières paroles qu’il leur adresse en les quittant, restassent plus profondément gravées dans leur cœur. — S. Jérôme. Il leur reproche leur incrédulité afin qu’elle fasse place à la foi ; il leur reproche la dureté de leur cœur de pierre, afin qu’ils le changent en un cœur de chair rempli de charité.

S. Grég. (hom. 29) Après qu’il leur a reproché leur dureté, écoutons les instructions qu’il leur donne : " Allez dans le monde entier, prêchez l’Evangile à toute créature. " Sous cette dénomination générale de créature, il faut entendre l’homme ; l’homme, en effet, a quelque point de contact avec chaque créature, il a de commun l’être avec les pierres, la vie végétative avec les arbres, le sentiment avec les animaux, l’intelligence avec les anges. L’Evangile est donc prêché à toute créature, lorsqu’il est annoncé à l’homme seul, parce qu’il est enseigné à celui pour qui tout a été fait sur la terre et qui a quelque rapport d’analogie avec toutes les créatures. Le Sauveur leur avait dit précédemment : " N’allez point vers les nations. " (Mt 10) Il leur commande maintenant de prêcher l’Evangile à toute créature, afin que la prédication des Apôtres repoussée par les Juifs, vint à notre secours, tandis que leur superbe refus tournerait à leur condamnation. — Théophile. Ou bien encore ; " A toute créature, " c’est-à-dire aux croyants et aux incrédules : " Celui qui croira et sera baptisé, " etc. En effet, la foi ne suffit pas, car celui qui croit sans être baptisé et qui n’est encore que catéchumène, n’est dans la voie du salut que d’une manière incomplète. — S. Grég. (hom. 29.) Chacun se dira peut-être en lui-même : J’ai cru, donc je serai sauvé. Il dit vrai, si sa foi se traduit dans ses œuvres, car la foi véritable est celle où les actions sont en parfaite conformité avec les paroles.

" Celui qui ne croira point sera condamné. " — Bède. Que dirons-nous encore ici des enfants à qui leur âge rend l’acte de foi impossible ? car pour les adultes, il ne peut y avoir de difficulté. Je réponds que dans l’Eglise du Sauveur, les enfants croient par la foi des autres, de même qu’ils ont contracté par d’autres les péchés qui leur sont remis par le baptême.

" Et voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru : ils chasseront les démons en mon nom, " etc. — Théophile. C’est-à-dire, ils dissiperont les puissances visibles aussi bien que les puissances spirituelles, et on peut entendre dans le même sens cette prédiction : " Vous marcherez sur les serpents et sur les scorpions. " On peut aussi l’entendre des serpents matériels, et c’est ainsi que saint Paul, mordu par une vipère, n’en reçut aucun mal : " Et s’ils boivent un breuvage mortel, il ne leur nuira point. " Nous voyons dans l’histoire une multitude de faits de ce genre ; et un grand nombre de saints qui, par la vertu du signe de la croix, ont échappé à l’influence mortelle de breuvages empoisonnés.

" Ils imposeront les mains sur les malades, " etc. — S. Grég. (hom. 29.) Notre foi est-elle donc moins vive, parce que nous ne sommes pas témoins de semblables prodiges ? Non, mais ils étaient nécessaires à l’Eglise naissante. La foi des chrétiens a du, pour se développer, être nourrie par des miracles. Ainsi, lorsque nous plantons des arbustes, nous les arrosons jusqu’à ce qu’ils se soient incorporés à la terre, et nous cessons de les arroser lorsqu’ils ont pris racine. Mais ces miracles et ces prodiges ont une signification mystérieuse qui ne doit pas nous échapper ; car la sainte Eglise accomplit tous les jours dans les âmes ce qu’elle faisait alors par les Apôtres pour les corps. Lorsque les prêtres, en vertu du pouvoir qu’ils ont reçu d’exorciser, imposent les mains sur les chrétiens, et qu’ils défendent aux esprits mauvais d’habiter dans leur âme, que font-ils autre chose que de chasser les démons ? Ainsi les fidèles qui renoncent au langage du siècle pour consacrer leur parole à la prédication des saints mystères, parlent de nouvelles langues ; et ils prennent les serpents comme avec la main, lorsque par leurs sages exhortations ils arrachent le mal du cœur de leurs frères. Ceux qui résistent aux pernicieux conseils qui voudraient les entraîner dans ses actions criminelles, boivent un breuvage empoisonné sans en recevoir de mal ; ceux qui, tontes les fois qu’ils voient leur prochain chanceler dans la voie du bien, le fortifient par l’exemple de leurs vertus, imposent les mains sur les malades et les guérissent. Or, ces miracles sont d’autant plus grands, qu’ils appartiennent au monde spirituel, et qu’ils ont pour objet de rendre la vie non aux corps, mais aux âmes.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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