Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Marc  >  chapitre 15, versets 6-15

Mc  15  6-15

Bède. Pilate offrit aux Juifs plusieurs moyens de délivrer le Sauveur, d’abord, en mettant un scélérat en regard du juste : " Or, chaque année il avait coutume de leur accorder la délivrance d’un des prisonniers, " etc. — La glose. Cette coutume avait pour but de gagner les bonnes grâces du peuple, surtout à l’occasion de cette grande fête où les Juifs affluaient à Jérusalem de toutes les parties de la Judée. Or, pour mettre dans un plus grand jour ce qu’avait de monstrueux le choix que firent les Juifs, l’Evangéliste nous fait connaître l’énormité du crime commis par ce voleur que les Juifs préférèrent à Jésus-Christ, " Et il y en avait un alors nommé Barrabas, qui avait commis un meurtre dans une sédition. " La gravité de ce crime ressort de la nature même du forfait, il avait commis un homicide ; de la manière de le commettre, c’était au moyen d’une sédition qui avait agité toute la ville ; enfin c’était un crime de notoriété publique, puisqu’on l’avait mis en prison avec les séditieux.

" Le peuple étant donc venu devant le prétoire lui demanda, " etc. — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 3, 8.) Que saint Matthieu passe sous silence ce que saint Marc rapporte ici que ce furent les Juifs qui vinrent faire cette demande à Pilate, cela ne peut faire aucune difficulté ; peu importe, en effet, qu’une circonstance racontée par un Evangéliste soit omise par un autre. " Pilate leur répondit : Voulez-vous que je vous délivre le roi des Juifs ? " Quelles sont les paroles dont s’est servi Pilate, ou celles que lui prête saint Matthieu ou celles que rapporte ici saint Marc ? Il y a, en effet, une différence entre ce que dit saint Matthieu : " Lequel des deux voulez-vous que je vous délivre, Barrabas, ou Jésus qu’on appelle Christ ? " et ce que nous lisons ici dans saint Marc : " Voulez-vous que je vous délivre le roi des Juifs ? " Je réponds que les Juifs appelaient leurs rois christs (1 R 2, 10), et que celui qui s’est servi de l’un de ces deux termes a voulu évidemment leur demander s’ils voulaient qu’on leur délivrât le roi des Juifs, c’est-à-dire le Christ. Peu importe donc que saint Marc ne dise rien ici de Barrabas, et s’attache exclusivement à ce qui concerne le Sauveur, la réponse des Juifs que cet Evangéliste rapporte, montre clairement celui dont ils demandaient la délivrance : " Les prêtres excitèrent le peuple à demander qu’il leur délivrât plutôt Barrabas. " — Bède. Jusqu’à ce jour, cette demande qu’ils ont faite avec des instances si pressantes s’est comme attachée à eux. Pour avoir préféré, en vertu du choix qui leur était laissé, à Jésus un voleur, au Sauveur un assassin, ils ont justement perdu le salut et la vie ; ils se sont comme dévoués aux brigandages et aux séditions, et ils ont fini par perdre leur patrie et leur royaume qu’ils avaient aimés plus que Jésus-Christ, sans qu’ils aient jamais pu recouvrer la liberté du corps et de l’âme.

Pilate leur offre encore une autre occasion de délivrer le Sauveur. " Pilate leur dit encore : Que voulez-vous donc que je fasse du roi des Juifs ? " — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 3, 8.) On voit ici clairement qu’en appelant Jésus roi des Juifs, saint Marc veut dire la même chose que saint Matthieu, d’après lequel Pilate lui donne le nom de Christ ; car les seuls rois des Juifs portaient le nom de christs. En effet, saint Matthieu, dans l’endroit correspondant, fait dire à Pilate : " Que voulez-vous que je fasse de Jésus qu’on appelle Christ ? "

" Mais ils crièrent de nouveau, et lui dirent : Crucifiez-le. " — Théophile. Considérez tout à la fois la méchanceté des Juifs et le bon naturel de Pilate, bien qu’il soit coupable de n’avoir point résisté aux injustes exigences du peuple. Ils lui crient : " Crucifiez-le, " et Pilate pousse la modération jusqu’à essayer de nouveau d’arracher Jésus à ce jugement inique, " Pilate leur dit : Mais quel mal a-t-il fait ? " Il voulait chercher dans l’innocence du Sauveur un motif pour le délivrer. — Bède. Mais les Juifs, tout entiers à leur fureur insensée, ne répondent même pas à la question du gouverneur, " Et eux criaient encore plus fort : Crucifiez-le ! " accomplissant ainsi cette prophétie de Jérémie : " Mon héritage est devenu pour moi comme le lion dans la forêt, il a élevé sa voix contre moi. " (Jr 12, 9.)

" Enfin Pilate, voulant complaire au peuple, leur délivra Barrabas, et après que Jésus eut été battu de verges, il le leur livra pour être crucifié. " — Théophile. Il voulait complaire au peuple, c’est-à-dire faire sa volonté, plutôt que ce que demandaient de lui Dieu et la justice. — S. Jérôme. Nous voyons ici les deux boucs, l’un mis en liberté et appelé le bouc émissaire est renvoyé dans le désert, couvert des péchés du peuple ; l’autre est immolé comme un agneau pour les péchés de ceux qui recouvrent la liberté. La portion qui appartient au Seigneur est toujours immolée ; celle du démon, qui est leur maître (c’est le sens du mot Barrabas), se précipite dans l’enfer avec une fureur aveugle. — Bède. C’est par les ordres de Pilate seul que Jésus fut flagellé ; saint Jean le dit en termes exprès : " Alors Pilate prit Jésus, et le fit battre de verges. " (Jn 19, 1.) Son dessein en cela était que les Juifs, rassassiés des souffrances et des opprobres de Jésus, cessassent d’avoir soif de son sang et de sa mort.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle