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Mc  14  43-52

Bède. Après avoir prié une troisième fois, afin d’obtenir pour ses Apôtres, avec la grâce du repentir d’être délivrés de la crainte qui les dominait, Notre-Seigneur, calme et tranquille sur les souffrances qui l’attendent, marche au-devant de ses persécuteurs, dont l’Evangéliste décrit l’arrivée en ces termes : " Il parlait encore, que Judas Iscariote, l’un des douze, " etc. — Théophile. L’Evangéliste relève à dessein cette circonstance pour faire ressortir l’énormité du crime de ce traître qui, faisant partie du premier collège des disciples, s’emporta contre son divin Maître à cet excès de fureur. " Et avec lui une grande troupe de gens armés d’épées et de bâtons, qui avaient été envoyés par les princes des prêtres, par les scribes et les anciens. " — S. Jérôme. Celui qui désespère du secours de Dieu, cherche à s’appuyer sur la puissance du monde.

Bède. Cependant Judas conserve encore quelque respect du disciple pour son Maître, il ne le livre pas ouvertement, il donne un baiser pour signe à ses ennemis. " Or, le traître leur avait donné ce signal et leur avait dit : Celui que je baiserai, " etc. — Théophile. Voyez jusqu’où va sa folie ; il croit pouvoir tromper Jésus par ce baiser et se faire passer pour son ami. Mais si vous êtes son ami, Judas, pourquoi vous joindre à ses ennemis ? Disons-le, tout cœur livré au mal est sans prévoyance.

" Et étant arrivé, il le baisa, " etc. — S. Jérôme. Judas donne pour signal un baiser empoisonné par la perfidie, à l’exemple de Gain qui offrit à Dieu un sacrifice hypocrite et réprouvé de Dieu. — Bède. C’est avec une âme pleine d’envie et la hardiesse d’un scélérat qu’il appelle Jésus son Maître, et donne un baiser à celui qu’il trahit. Notre-Seigneur reçut cependant ce baiser du traître, non pour nous enseigner la dissimulation, mais pour ne point paraître fuir devant la trahison, et accomplir en même temps ces paroles du Psalmiste : " J’étais pacifique avec ceux qui baissaient la paix. " (Ps 119, 6.)

" Les autres mirent la main sur Jésus. " — S. Jérôme. Joseph est vendu par ses frères, et le fer a transpercé son âme. "

" Un de ceux qui étaient présents, tirant son épée, " etc. — Bède. C’est Pierre, comme le rapporte saint Jean ; il se laisse entraîner ici à son ardeur habituelle ; il savait comment Phinées, pour avoir châtié des sacrilèges, avait reçu, comme récompense de cette juste vengeance, la dignité du sacerdoce qui devait se perpétuer dans sa famille. — Théophile. Marc tait le nom de Pierre, pour ne point paraître louer son maître d’avoir déployé cette ardeur pour Jésus-Christ. Par cette action, Pierre condamne indirectement la désobéissance et l’incrédulité des Juifs, et leur mépris pour les Ecritures ; car s’ils avaient eu les oreilles ouvertes et dociles aux enseignements de l’Ecriture, ils n’auraient point crucifié le Seigneur de la gloire. Pierre coupe l’oreille du serviteur du grand-prêtre, car les princes des prêtres étaient les premiers à transgresser les Ecritures, comme s’ils ne les avaient jamais entendues.

" Et Jésus leur dit : Vous êtes venus pour me prendre, armés d’épées et de bâtons, comme si j’étais un voleur. " — Bède. Paroles qui reviennent à ceci : C’est une folie de venir attaquer avec des épées et des bâtons celui qui se livre volontairement entre vos mains, et sous la conduite d’un traître, de poursuivre dans la nuit, comme s’il se dérobait à vos recherches, celui qui enseignait tous les jours dans le temple. — Théophile. Jésus leur donne ici une preuve de sa divinité ; lorsqu’il enseignait dans le temple, ils n’ont pu s’emparer de lui, bien qu’il fût entre leurs mains, parce que le temps de sa passion n’était pas encore arrivé. Mais lorsque telle fut sa volonté, il se livra lui-même pour accomplir cette prédiction de l’Ecriture : " Il a été conduit comme un agneau à la boucherie " (Is 53), sans pousser aucun cri, aucune plainte, comme un homme qui souffre par son propre choix.

" Alors ses disciples l’abandonnèrent et s’enfuirent tous. " — Bède. Nous voyons ici s’accomplir la prédiction de Notre-Seigneur, que tous ses disciples seraient scandalisés à son sujet pendant cette nuit. " Or, il y avait un jeune homme qui le suivait, revêtu seulement d’un linceul, et qui n’avait d’autre vêtement que ce linceul. Ils se saisirent de lui ; mais lui, laissant aller son linceul, s’enfuit tout nu de leurs mains. " Il s’enfuit loin de ceux dont il abhorre la présence et les œuvres, mais non loin du Seigneur, dont tout absent qu’il était, il conserva l’amour profondément gravé dans son âme. — S. Jérôme. A l’exemple de Joseph qui s’échappa des mains d’une femme impudique (Gn 39), en lui abandonnant son manteau, celui qui veut se dérober aux mains des méchants, doit renoncer intérieurement à toutes les choses du mondé, et fuir à la suite de Jésus. — Théophile. Il est vraisemblable que ce jeune homme faisait partie de la maison où ils avaient mangé la pâque. Quelques-uns prétendent que c’était Jacques, frère du Seigneur, surnommé le juste, et qui, après l’ascension de Jésus-Christ, fut établi par les Apôtres évêque de Jérusalem. — S. Grég. (Moral., 14, 23.) Ou bien ce jeune homme était saint Jean, qui revint en effet au pied de la croix pour y entendre les paroles du Sauveur, mais qui s’était d’abord enfui dans un premier mouvement de crainte. — Bède. En effet, il était jeune alors, comme le prouve la longue vie qu’il vécut sur la terre, après la mort de Jésus. On peut donc très-bien supposer qu’il s’échappa pour un moment des mains de ceux qui le tenaient, et qu’il revint ensuite après avoir repris son vêtement, et qu’à la lumière douteuse de la nuit, il se mêla à la troupe de ceux qui emmenaient Notre-Seigneur, comme s’il en eût fait partie lui-même jusqu’à ce qu’on fût arrivé dans la cour du grand-prêtre, comme il le raconte lui-même dans son Evangile. Pierre, qui lave dans les larmes de la pénitence la faute de son renoncement, enseigne à ceux qui ont faibli dans l’épreuve du martyre, comment ils doivent se relever ; ainsi les autres disciples qui s’enfuirent au moment de l’arrestation de leur divin Maître, apprennent à ceux qui ne se sentent pas assez forts pour affronter les supplices, à chercher prudemment leur salut dans la fuite.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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