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Mc  14  3-9

Bède. Notre-Seigneur, prêt de souffrir pour le monde tout entier, et de racheter toutes les nations par l’effusion de son sang, s’arrête à Béthanie, c’est-à-dire dans la maison de l’obéissance : " Or, comme il était à Béthanie, dans la maison de Simon le lépreux, " etc. — S. Jérôme. Le faon revient toujours à son gîte, ainsi le Fils obéissant à son Père jusqu’à la mort, nous demande à nous aussi une obéissance semblable (Ph 2, 8). — Bède. L’Evangéliste dit : " Dans la maison de Simon le lépreux, " non qu’il le fût encore ; mais comme le seigneur l’avait guéri précédemment de la lèpre, il lui conserve son ancien nom pour rappeler le souvenir de cette guérison miraculeuse.

Théophile. Quoique les quatre Evangélistes parlent de cette femme qui répandit son parfum sur la tête du Sauveur, ce n’est pas cependant une seule et même personne, mais il faut en admettre deux, l’une dont parle saint Jean, sœur de Lazare, qui répandit des parfums sur le Seigneur, six jours avant la pâque, l’autre, dont parlent les trois autres Evangélistes. Si vous voulez même y faire plus d’attention, vous trouverez trois femmes distinctes ; saint Jean nous parle de la première, saint Luc de la seconde, et les deux autres Evangélistes de la troisième. Eu effet, celle dont saint Luc raconte l’action est appelée une femme de mauvaise vie, et vint trouver Jésus vers le milieu de sa vie évangélique. Celle, au contraire, dont parlent saint Matthieu et saint Marc, vint aux approches de la passion, et rien ne nous autorise à croire qu’elle fut une femme pécheresse. — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 2, 79.) Pour moi, je pense qu’il faut nécessairement admettre qu’il n’y a eu qu’une seule femme, Marie la pécheresse, qui vint alors se jeter aux pieds de Jésus, et qui réitéra deux fois cette action, une première fois comme le raconte saint Luc, lorsqu’elle vint le trouver dans les sentiments de l’humilité et de la componction la plus vive, et en obtint le pardon de ses péchés. Saint Jean fait allusion à ce fait, en commençant le récit de la résurrection de Lazare, et avant que Jésus vint à Béthanie : " Marie était celle qui répandit des parfums sur le Seigneur, et qui essuya ses pieds avec ses cheveux, et son frère Lazare était malade. " (Jn 11, 2.) La même action qu’elle réitéra à Béthanie est tout à fait différente de la première, dont parle saint Luc, et se trouve racontée dans les mêmes termes par les trois autres Evangélistes. Saint Matthieu et saint Marc disent, il est vrai que le parfum fut répandu sur la tête du Seigneur, saint Jean sur les pieds ; il nous faut donc entendre tout simplement que cette femme répandit le parfum non-seulement sur la tête, mais sur les pieds du Seigneur. Si quelque esprit difficultueux s’appuie sur ce que S. Marc nous dit, que c’est après avoir brisé le vase qu’elle répandit le parfum sur la tête, pour prétendre qu’il ne put en rester assez pour en répandre sur les pieds ; un esprit droit et chrétien lui répondra que ce vase n’était pas tout à fait brisé, et que le parfum ne fut pas entièrement répandu ; ou bien encore, qu’elle répandit le parfum sur les pieds avant que le vase qui contenait le parfum destiné tout entier à la tête, ne fut brisé.

Bède. L’albâtre est une espèce de marbre blanc, veiné de diverses nuances, dont on façonne des vases destinés à contenir des parfums, et qui a la propriété, dit-on, de les préserver de toute altération. Le nard est un arbuste aromatique, dont la racine est très-dense, courte, noire et fragile. Quoiqu’il soit plein de sève, cet arbuste répand une odeur semblable à celle des cyprès, il est amer au goût, ses feuilles sont petites et serrées, le sommet de cet arbuste s’épanouit en épis, aussi les parfumeurs vantent-ils à la fois les épis et les feuilles du nard, et saint Marc spécifie ce parfum en disant que c’était un parfum de nard d’épi très précieux, c’est-à-dire que le parfum que Marie vint offrir au Seigneur, venait non-seulement de la racine, mais des épis et des feuilles du nard, ce qui ajoutait à son prix, en augmentant son odeur et ses propriétés. — Théophile. Ou bien suivant l’étymologie du mot grec πιοτιχής, c’était un parfum de nard véritable, c’est-à-dire sans aucun mélange étranger, et dans toute la pureté de sa nature première.

S. Augustin. (de l’accord des Evang., 2, 78.) Il semblerait qu’il y a contradiction entre le récit de saint Matthieu et de saint Marc qui, après avoir dit que la pâque se fera dans deux jours, racontent que Jésus était en Béthanie, où le parfum fut répandu sur lui, et le récit de saint Jean qui rapporte que ce fut six jours avant la pâque que Jésus vint en Béthanie, où eut lieu ce même fait qu’il va raconter. Mais ceux qui se laissent arrêter par cette difficulté ne réfléchissent pas que c’est par récapitulation que saint Matthieu et saint Marc ont rapporté ce fait qui se passa en Béthanie, non pas deux jours, mais six jours avant Pâque.

S. Jérôme. An sens mystique, Simon le lépreux est la figure d’abord du monde infidèle, et puis de ce même monde devenu fidèle ; cette femme avec son vase est le symbole de la foi de l’Eglise qui dit : " Le nard répandu sur moi a exhalé son parfum. " (Ct 1, 11) Ce nard est véritable et sincère, c’est-à-dire mystique et précieux, la maison qui est remplie de ce parfum, c’est le ciel et la terre ; le vase qui est brisé, ce sont les désirs charnels que l’on brise contre ce chef, par lequel tout le corps est joint et uni avec une si juste proportion (Ep 4, 13), alors que ce chef s’assied et s’humilie pour se rendre accessible à la foi de cette femme pécheresse. Elle s’élève des pieds à la tête, et de la tête redescend par la foi jusqu’aux pieds, c’est-à-dire qu’elle va du Christ à ses membres.

" Quelques-uns en furent indignés en eux-mêmes, et ils disaient : Pourquoi cette perte ? " La figure appelée synecdoque emploie indifféremment le singulier pour le pluriel, et le pluriel pour le singulier. L’infortuné Judas trouve ici sa perte dans ce qui devrait être son salut, et le figuier qui porte les fruits de la vie devient pour lui un lacs qui donne la mort. Son avarice couvre un mystère de foi, car notre foi est achetée trois cents deniers par les dix sens soit intérieurs, soit extérieurs, triplés par le corps, l’âme et l’esprit.

Bède. " Et ils murmuraient contre elle, " ce que nous devons entendre non des Apôtres dévoués à la personne de Jésus, mais de Judas, dont il est ainsi question au pluriel. — Théophile. On peut dire que plusieurs des disciples blâmèrent l’action de cette femme, parce qu’ils avaient souvent entendu Jésus-Christ leur recommander le devoir de l’aumône ; mais l’indignation de Judas avait un autre motif, c’était l’amour de l’argent, et une honteuse avarice ; aussi saint Jean ne parle que du reproche que l’avarice hypocrite inspira contre cette femme au perfide disciple, " Ils murmuraient contre elle, " c’est-à-dire ils lui faisaient de la peine et la couvraient de reproches et d’injures. Or, le Seigneur reprend à son tour ses disciples qui voulaient mettre obstacle au pieux désir de cette femme. " Jésus leur dit : Laissez-la, pourquoi lui faites-vous de la peine ? " Elle avait fait son offrande, et ils la blâmaient et la repoussaient avec dureté. — Origène. (Traité 25 sur S. Matth.) Ils se plaignaient de la perte de ce parfum qu’on pouvait vendre très-cher pour en donner le prix aux pauvres ; plaintes et reproches injustes, car il était convenable que la tête de Jésus-Christ fut parfumée de cette sainte et riche effusion. Aussi que leur répond le Sauveur ? " Ce qu’elle vient de me faire est une bonne œuvre. " L’éloge éclatant qu’il fait de cette action nous invite puissamment à couvrir la tête du Sauveur de parfums odoriférants et précieux, et à mériter aussi qu’on dise de nous que nous avons fait une bonne œuvre à l’égard de Jésus-Christ notre chef. En effet, tant que durera cette vie, nous aurons toujours des pauvres qui auront besoin du secours de ceux qui ont fait des progrès dans la doctrine, et qui sont devenus riches dans la sagesse de Dieu, mais malgré tous nos efforts, nous ne pouvons avoir jour et nuit avec nous le Fils de Dieu, c’est-à-dire le Verbe et la sagesse de Dieu. " Vous aurez toujours des pauvres avec vous, leur dit-il, et lorsque vous voudrez, vous pouvez leur faire du bien, mais vous ne m’aurez pas toujours. " — Bède. Il veut parler ici de sa présence corporelle dont ils ne devaient plus jouir après sa résurrection, comme alors dans l’intimité d’une vie commune. — S. Jérôme. Il dit encore : " Elle a fait une bonne œuvre à mon égard, parce que la foi de celui qui croit en Dieu lui est imputée à justice (Gn 12, 6 ; Rm 4, 3 ; Ga 3, 6 ; Jc 2, 23) ; car autre chose est de croire à Dieu, et autre chose est de croire en Dieu, c’est-à-dire de se jeter entièrement dans ses bras.

" Elle a fait ce qui était en son pouvoir, elle a répandu ses parfums sur mon corps pour me rendre par avance les devoirs de la sépulture." — Bède. C’est-à-dire vous croyez que ce parfum est perdu, il sert par avance à ma sépulture. — Théophile. Elle a été comme inspirée de Dieu en répandant des parfums sur mon corps en vue de ma sépulture, paroles propres à confondre le traître disciple, à qui Jésus semble dire : Comment osez-vous accuser cette femme qui embaume mon corps par avance pour ma sépulture, et ne songez-vous point à vous accuser vous-mêmes qui me livrez à la mort ? Le Seigneur fait ensuite deux prédictions distinctes, la première, que son Evangile sera prêché dans tout l’univers ; la seconde, que l’action de cette femme ne cessera de recueillir des éloges. " En vérité, je vous le dis, dans tout l’univers où sera prêché cet Evangile, on racontera à la louange de cette femme ce qu’elle vient de faire, " etc. — Bède. Fait digne de remarque ! Marie s’est couverte de gloire dans tout l’univers par l’hommage qu’elle a rendu au Seigneur, tandis que celui qui ose blâmer son action est devenu l’objet de la réprobation universelle. Cependant Notre-Seigneur se contente de donner à l’action de cette femme la louange qu’elle mérite, et se tait sur le châtiment réservé au sacrilège disciple.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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