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Mc  14  32-42

La glose. Après nous avoir raconté la prédiction du Seigneur sur le scandale dont il devait être l’occasion pour ses disciples, l’Evangéliste rapporte la prière qu’il fit, on le croit, pour ses disciples. Et tout d’abord il nous décrit le lieu qu’il choisît pour prier : " Ils allèrent ensuite en un lieu appelé Gethsémani. " — Bède. On voit encore aujourd’hui ce lieu de Gethsémani, où le Seigneur fit sa prière. Il est situé au pied du mont des Oliviers, et le mot Gethsémani signifie vallée féconde ou vallée de l’abondance. Notre-Seigneur, en choisissant une montagne pour prier, nous enseigne à quelle sublimité de pensées et d’intentions nous devons nous élever dans la prière ; et en priant dans la vallée de la fécondité, il nous apprend à pratiquer toujours l’humilité dans nos prières et la fécondité de l’amour intérieur ; car c’est en descendant lui-même dans la vallée de l’humilité et en suivant les inspirations de son extrême charité qu’il a souffert la mort pour nous. — S. Jérôme. C’est aussi dans cette vallée d’abondance qu’il fut assailli par des taureaux chargés de graisse. (Ps 31) " Et il dit à ses disciples : Demeurez ici tandis que je prierai. " Il sépare de lui dans la prière ceux qui doivent en être séparés dans sa passion ; il prie, et ils dorment accablés sous le poids de leur cœur.

Théophile. Notre-Seigneur avait coutume de se retirer seul pour prier, et il nous apprend ainsi à chercher le silence et la solitude lorsque nous devons prier : " Et il prit avec lui Pierre, Jacques et Jean. " Il prend seulement avec lui les trois disciples qui ont été témoins de sa gloire sur le Thabor, pour associer à ses tristesses ceux qu’il avait associés à sa gloire, et que ces tristesses mêmes fussent pour eux une preuve de la vérité de son humanité : " Et il commença à se troubler et à être accablé d’ennui. " Par là même qu’il avait pris l’humanité tout entière, il en avait pris toutes les passions, la crainte, l’ennui, la tristesse, car les hommes ont un éloignement naturel pour la mort : " Et il leur dit : Mon âme est triste jusqu’à la mort. " — Bède. Tout Dieu qu’il est, il s’est revêtu de notre corps, il fait donc voir en lui la fragilité de la chair, pour détruire par ce seul fait l’impiété de ceux qui refusent de croire au sacrement de l’Incarnation. Dès lors, en effet, qu’il s’est uni à un corps semblable au nôtre, il a dû en prendre toutes les propriétés, toutes les faiblesses naturelles, comme la faim, la soif, les angoisses, la tristesse ; car pour la divinité elle ne peut éprouver la moindre altération de ces diverses impressions. — Théophile. Il en est qui entendent ces paroles dans ce sens : " Je m’attriste, non de la mort que je dois endurer, mais de ce que les Israélites, mes compatriotes, vont me crucifier, et seront par là même exclus du royaume de Dieu, " — S. Jérôme. Il nous enseigne aussi la crainte et la tristesse dont nous devons être pénétrés en présence du jugement de la mort, car nous ne pouvons dire par nous-mêmes, mais par Jésus-Christ seul : " Le prince de ce monde vient, et il n’a aucun droit sur moi. "

" Demeurez ici et veillez. " Le sommeil auquel il leur défend de se livrer n’est point le sommeil ordinaire dont il ne pouvait être question aux approches du combat, mais le sommeil de l’infidélité et de la langueur de l’esprit. Il s’éloigne un peu de ses disciples et se prosterne la face contre terre, pour faire paraître l’humiliation de son âme jusque dans la posture humiliée du corps : " Et s’en allant un peu plus loin, il se prosterna la face contre terre, priant que s’il était possible, cette heure s’éloignât de lui, " etc. — S. Augustin. (De l’acc. des Evang., 3, 4.) Il ne dit pas à Dieu : Si vous pouvez le faire, mais : " Si cela peut se faire. " Car la volonté de Dieu est la mesure de son pouvoir. Ces paroles : " Si cela est possible, " reviennent donc à celles-ci : " Si vous le voulez. " Et afin qu’on ne puisse soupçonner qu’il porte ici atteinte à la puissance de son Père, il nous explique aussitôt quel sens il faut donner aux paroles qui précèdent : " Et il dit : Mon Père, tout vous est possible, " preuve évidente qu’il est question, non de l’impuissance du Père, mais de sa volonté dans ces paroles : " Si cela est possible. " Suivant saint Marc, Notre-Seigneur joint au nom de père le mot abba, qui signifie en hébreu Père. Peut-être a-t-il fait usage de ces deux mots dans une intention mystérieuse, et pour nous apprendre qu’il se livrait à cette tristesse, comme représentant de son corps mystique, qui est l’Eglise, dont il est devenu comme la pierre angulaire qui réunit les deux peuples ; les hébreux, au nom desquels il prononce le mot abba, et les gentils qui disent à Dieu : " Père. " — Bède. Il demande à Dieu que ce calice s’éloigne de lui, prouvant ainsi qu’il était véritablement homme : " Détournez de moi ce calice. " Mais se rappelant aussitôt le but de sa mission, il veut accomplir l’œuvre pour laquelle il a été envoyé, et il s’écrie : " Néanmoins que votre volonté s’accomplisse et non la mienne. " Si la mort peut être détruite sans que la nature humaine reçoive en moi le coup de la mort, que ce calice s’éloigne ; mais comme ce triomphe ne peut être obtenu que par ma mort, qu’il soit fait comme vous le voulez et non comme je veux. Il en est beaucoup qui s’attristent aux approches de la mort ; qu’ils aient une grande droiture de cœur, qu’ils évitent la mort dans la mesure du possible ; mais s’ils ne peuvent l’éviter, qu’ils répètent les paroles que Notre-Seigneur n’a prononcées que pour nous. — S. Jérôme. Le Sauveur nous y enseigne encore à être obéissants à nos parents jusqu’à la fin de notre vie, et à préférer leur volonté à la nôtre, " Et il vint, et il les trouva endormis. " Leur âme est endormie comme leur corps. Cependant le Seigneur qui revient les trouver après sa prière et les trouve tous endormis, n’adresse de reproche qu’à Pierre : " Et il dit à Pierre : Simon, vous dormez ; vous n’avez pu veiller une heure avec moi ? " C’est-à-dire : " Vous qui n’avez pu veiller une heure avec moi, comment pouvez-vous mépriser la mort, vous qui avez promis de mourir avec moi ? " Veillez et priez, afin que vous n’entriez point dans la tentation de me renier. — Bède. Il ne leur dit pas : Priez, afin de ne pas être tentés, mais priez, afin de ne pas entrer en tentation, c’est-à-dire, de ne point succomber à la tentation. — S. Jérôme. Or celui qui entre en tentation est celui qui néglige de prier.

" L’esprit est prompt, et la chair est faible. " — Théophile. C’est-à-dire votre esprit rejette avec ardeur la pensée de me renier, et voilà pourquoi vous faites cette promesse ; mais votre chair est si faible, que si Dieu, que vous priez, ne la fortifie, vous succomberez à la tentation. — Bède. Le Sauveur réprime ici la présomption téméraire de ceux qui s’imaginent pouvoir tout ce qui leur vient à l’esprit ; plus, au contraire, l’ardeur de notre âme nous donne de confiance, plus la fragilité de la chair doit nous inspirer de crainte. Tout ce passage est directement opposé à l’erreur de ceux qui ne veulent reconnaître dans le Sauveur qu’une opération et qu’une volonté ; car il établit clairement l’existence des deux volontés, de la volonté humaine qui refuse de souffrir à cause de la faiblesse de la chair, et de la volonté divine, qui marche avec ardeur au delà des souffrances.

" Et il s’en alla pour la seconde fois, et fît sa prière dans les mêmes termes. — Théophile. Cette seconde prière prouve qu’il était véritablement homme. " Et étant retourné vers eux, il les trouva endormis. " Cependant il leur adresse de vifs reproches ; " Car leurs yeux étaient appesantis par le sommeil, et ils ne savaient que lui répondre. " Devant ce spectacle de la faiblesse humaine, apprenons à ne pas promettre des choses qui nous sont impossibles, lorsque nous sommes appesantis par le sommeil. Il retourne une troisième fois pour faire la même prière. " Il revint enfin la troisième fois, et il leur dit : Dormez maintenant et reposez-vous. " Il ne s’émeut pas contre eux qui après les premiers reproches ont aggravé leur faute, mais il leur dit avec une espèce d’ironie : " Dormez maintenant et reposez-vous, " parce qu’il savait que le traître disciple approchait. Ce qu’il ajoute, prouve évidemment le dessein ironique de ses paroles : " C’en est assez, l’heure est venue, voici que le Fils de l’homme va être livré entre les mains des pécheurs. Il leur reproche ironiquement leur sommeil, et semble leur dire : C’est bien maintenant le temps de dormir au moment où l’ennemi s’approche. " Levez-vous, continue-t-il, marchons, celui qui doit me trahir n’est pas loin. " Ce n’est pas pour leur faire prendre la fuite qu’il leur tient ce langage, mais pour les entraîner avec lui au-devant de ses ennemis. — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 3, 4.) Ou bien encore, comme il avait dit : " Dormez maintenant et reposez-vous, " il ajoute : " C’en est assez, " et puis il continue : " L’heure est venue, voici que le Fils de l’homme va être livré. Il faut donc admettre qu’après ces paroles : " Dormez et reposez-vous, " le Seigneur garda quelque temps le silence pour donner aux Apôtres le temps de dormir, et qu’il leur dit ensuite : " L’heure est venue, " après ces autres paroles : " C’est assez, " sous-entendez, dormir. — S. Jérôme. Le sommeil auquel les disciples se laissent aller par trois fois, nous représente les trois morts ressuscites par Notre-Seigneur, le premier dans sa maison ; le second, lorsqu’on le conduisait au tombeau ; le troisième dans le tombeau même.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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