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Mc  10  28-31

La glose. Comme ce jeune homme était parti tout triste du conseil que le Sauveur lui avait donné d’abandonner tousses biens, les disciples de Jésus, qui avaient déjà mis ce conseil en pratique, s’empressent de l’interroger sur la récompense réservée à un sacrifice qu’ils regardent comme héroïque, puisque ce jeune homme qui avait accompli tous les préceptes de la loi, n’avait pu sans une grande tristesse entendre une doctrine aussi parfaite. Pierre interroge donc le Seigneur pour lui et au nom des autres disciples : "Alors Pierre, prenant la parole, lui dit : Voici que nous avons tout quitté pour vous suivre." — Théophile. Pierre a quitté bien peu de chose, et cependant il dit : " Nous avons tout quitté, " car il faut peu de chose pour nous rendre esclaves de la cupidité ; aussi on est heureux quand on a su le sacrifier.

Bède. Mais il ne suffit pas de tout abandonner ; aussi Pierre ajoute, ce qui est le caractère de la perfection : " Et nous vous avons suivi, " c’est-à-dire : Nous avons fait ce que vous nous avez commandé, quelle sera noire récompense ? La question de Pierre n’avait pour objet que les disciples, la réponse du Sauveur est générale : " Jésus lui répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, nul, " etc. Il ne veut pas ici nous engager à abandonner nos parents, sans les assister ; ni à nous séparer de nos épouses ; il nous apprend simplement à préférer l’honneur de Dieu à tous les intérêts du siècle. — S. Chrys. (hom. 64 sur S. Matth.) Notre-Seigneur me paraît avoir voulu prédire indirectement les persécutions futures où l’on devait voir un grand nombre de parents entraîner leurs enfants dans l’impiété, et beaucoup de femmes leurs maris. Ces expressions : " Pour mon nom " ou " pour l’Evangile, " comme nous lisons dans saint Marc, ou " pour le royaume de Dieu, " suivant la variante de saint Luc, sont synonymes, car le nom de Jésus-Christ est la vertu de l’Evangile et du royaume de Dieu. L’Evangile est reçu au nom de Jésus-Christ, et c’est par son nom qu’on arrive à la connaissance et à la possession du royaume de Dieu.

Bède. Quelques-uns, à l’occasion de cette promesse : " Il recevra le centuple dès cette vie, " ont imaginé par une interprétation judaïque cette fable de mille ans accordée aux justes après la résurrection, où Dieu devait leur rendre le centuple de ce qu’ils avaient quitté pour Dieu, et leur donner ensuite la vie éternelle. Ils ne voient pas que si cette promesse peut s’accomplir sans inconvenance pour tous les autres objets, elle a quelque chose de honteux en ce qui concerne les femmes qui seraient rendues au centuple, d’après les autres Evangélistes, d’autant plus que le Seigneur nous déclare expressément qu’après la résurrection il n’y aura plus de mariage, et qu’il nous assure que les récompenses des sacrifices accomplis pour lui plaire, seront ici-bas mêlées de persécutions. Or, ils ont soin de bannir toute persécution des mille ans qu’il ont imaginés. — S. Chrys. Cette récompense au centuple doit donc s’entendre de la communication et non de la possession, et le Seigneur a accompli cette promesse d’une manière bien supérieure au sens matériel. — Théophyl. Dans une maison, une seule épouse s’occupe de la nourriture et du vêtement de son mari. Mais voyez les Apôtres, un certain nombre de femmes pourvoyaient à leur nourriture et à leurs vêtements, et les servaient. (1 Co 9) Ils eurent aussi autant de pères, autant de mères qu’il y avait de fidèles qui les aimaient. Pierre lui-même n’avait quitté qu’une seule maison, et les maisons de tous les fidèles étaient à sa disposition. Et ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que les saints jouiront de ce centuple jusqu’au milieu des persécutions qu’ils auront à souffrir. Aussi le Sauveur ajoute : " Les premiers seront les derniers, et les derniers les premiers. " Les pharisiens, qui étaient les premiers, sont devenus les derniers. Ceux, au contraire, qui ont tout abandonné pour suivre Jésus-Christ, ont été il est vrai les derniers en ce monde, si l’on considère leurs épreuves et leurs afflictions ; mais ils seront les premiers par leur espérance en Dieu.

Bède. Ou peut entendre dans un sens plus élevé ces paroles : " Il recevra au centuple. " Le nombre cent qui s’exprime en passant de la droite à la gauche, a pour signe caractéristique la même inflexion de doigts qui dans la main gauche désigne le nombre dix ; cependant il lui est de beaucoup supérieur en quantité. C’est ainsi que tous ceux qui ont méprisé les biens de ce monde pour le royaume de Dieu goûtent avec une foi ferme (He 11) les joies de ce royaume jusque dans cette vie pleine de persécutions, et dans l’attente de la céleste patrie, figurée par la droite, ils jouissent par avance de la félicité des élus. Le Sauveur ajoute : " Et plusieurs qui étaient les premiers seront les derniers, et plusieurs qui étaient les derniers seront les premiers. " Tous les jours, en effet, nous voyons de simples fidèles donner l’exemple des plus éminentes vertus ; et d’autres, pleins de ferveur au début de leur conversion, tomber dans la tiédeur, et, cédant à une paresse insensée, finir par la chair après avoir commencé par l’esprit.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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