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Lc  9  46-48

S. Cyrille. Le démon tend des piéges de toute sorte à ceux qui s’attachent à vivre saintement ; lorsqu’il peut séduire une âme par l’attrait des plaisirs charnels, il excite en elle l’amour des voluptés ; si elle échappe à cette tentation, il cherche à la rendre esclave d’une autre passion, de l’amour de la gloire, et c’est ce désir de la vaine gloire qui s’empare de quelques-uns des Apôtres : « Il leur vint en pensée lequel d’entre eux était le plus grand. » Or, avoir cette pensée, c’est désirer être plus grand que les autres. Il n’est pas vraisemblable que tous les disciples aient succombé à ce sentiment de vaine gloire, et c’est pour ne point faire tomber sur quelqu’un d’entre eux cette accusation, que l’Évangéliste s’exprime d’une manière générale : « Il leur vint en pensée. » — Théophile. Il paraît que cette pensée leur vint de ce qu’ils n’avaient pu guérir cet homme qui était possédé ; dans la discussion qu’ils eurent à ce sujet, l’un disait Ce n’est point par suite de mon impuissance que je n’ai pu le guérir, c’est le fait d’un autre, et telle fut la cause de cette dispute sur celui d’entre eux qui étaient le plus grand. — Bède. On peut dire encore que les Apôtres ayant va le Sauveur faire choix de Pierre, Jacques et Jean, pour les conduire séparément sur la montagne, et promettre à Pierre les clefs du royaume des cieux, se persuadèrent que ces trois disciples avaient le pas sur eux, ou que Pierre était mis à la tête de tous les Apôtres. Ou bien enfin, ils crurent que Pierre était placé au-dessus d’eux, parce que le Sauveur l’avait comme égalé à lui-même dans le paiement du tribut. Cependant le lecteur attentif trouvera qu’ils avaient agité entre eux cette question avant qu’il fût question de ce tribut. D’ailleurs saint Matthieu rapporte cette discussion comme ayant eu lieu à Capharnaüm (Mt 18) ; saint Marc fait de même : « Et ils vinrent à Capharnaüm, et lorsqu’ils furent dans la maison, il leur demanda : Que discutiez-vous en chemin ? Et ils se taisaient, parce que dans le chemin, ils avaient disputé ensemble qui d’entre eux était le plus grand. » — S. Cyrille. Le Seigneur, qui sait prendre les moyens les plus convenables pour nous sauver, voit naître dans l’esprit des disciples cette pensée d’orgueil comme une racine d’amertume (cf. He 12, 5), il l’extirpe donc entièrement avant qu’elle se soit développée ; car rien de plus facile que de triompher de nos passions lorsqu’elles ne font que de naître, mais lorsqu’elles ont pris de l’accroissement, il est on ne peut plus difficile de les détruire : « Mais Jésus, voyant les pensées de leur coeur, » etc. — Que celui qui ne veut voir en Jésus-Christ qu’un homme, reconnaisse ici son erreur : le Verbe s’est fait chair, il est vrai, mais il n’a pas cessé d’être Dieu ; car à Dieu seul, il appartient de sonder les coeurs et les reins. Il prend un enfant et le place près de lui, pour l’instruction des Apôtres et pour la nôtre ; car la maladie de la vaine gloire s’attaque principalement à ceux qui ont quelque supériorité sur les autres hommes. Un enfant, au contraire, a l’âme candide, le coeur pur, une grande simplicité dans ses pensées ; il n’ambitionne pas les honneurs, il ne recherche aucune distinction, il ne craint point de paraître inférieur aux autres, son esprit, comme son coeur sont exempts de toute rigoureuse exigence. Tels sont ceux que le Seigneur affectionne et chérit tendrement, qu’il daigne placer près de lui, parce qu’ils ont les inclinations et les goûts de son propre coeur. C’est lui qui nous dit en effet : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de coeur. » Et ici : « Quiconque recevra cet enfant en mon nom, me reçoit, » Voici le sens de ces paroles : Puisqu’il n’y a qu’une seule et même récompense pour ceux qui honorent les saints, qu’ils soient petits aux yeux des hommes, ou qu’ils soient environnés d’honneur et de gloire, parce que c’est Jésus-Christ qu’on reçoit dans leur personne, quelle vanité de se disputer la prééminence ! — Bède. Le Sauveur veut ici apprendre à ceux qui veulent être les premiers à recevoir en son nom et par honneur pour lui les pauvres de Jésus-Christ, ou à imiter l’innocence des petits enfants (cf. 1 Co 14, 20). Aussi, après avoir dit : « Quiconque recevra cet enfant, » il ajoute : « En mon nom, » pour engager ses disciples à suivre, par raison et au nom de Jésus-Christ, ces exemples de vertu qu’un enfant pratique et donne naturellement. Mais comme c’est lui qu’on doit recevoir en recevant un enfant, et que lui-même a daigné se faire enfant pour nous, on aurait pu croire qu’il n’était que ce qu’il paraissait extérieurement, aussi ajoute-t-il : « Et quiconque me recevra, reçoit celui qui m’a envoyé. » Ainsi il veut qu’on le croie tout à fait semblable et aussi grand qu’est son Père. — S. Ambr. En effet, celui qui reçoit un imitateur du Christ, reçoit le Christ lui-même ; et celui qui reçoit l’image de la substance de Dieu, reçoit aussi Dieu lui-même. Mais comme nous ne pouvions voir l’image de Dieu, Dieu nous l’a rendue sensible et présente par l’incarnation du Verbe, pour nous réconcilier avec la divinité qui est au-dessus de nous,

S. Cyrille. Le Sauveur explique encore plus à fond le sens des paroles qui précèdent : « Car celui qui est le plus petit parmi vous tous, est le plus grand, » paroles qui conviennent à l’âme qui est humble, qui, par un profond sentiment de modestie, n’ose avoir aucune grande pensée d’elle-même. — Théophile. Notre-Seigneur venait de dire : « Celui qui est le plus petit parmi vous, est le plus grand, » Jean craignit donc qu’ils ne se fussent rendus coupables en faisant en leur nom une défense formelle à un homme qui chassait les démons ; car faire défense n’est pas un acte d’infériorité, mais le signe d’une autorité supérieure : « Jean, prenant la parole, lui dit : Maître, nous avons vu un homme qui chasse les démons en notre nom, et nous l’en avons empêché. » Ce n’était point par un sentiment d’envie, mais parce qu’ils voulaient s’assurer de la nature et de l’authenticité de ces miracles. En effet, cet homme n’avait pas été revêtu, comme eux, du pouvoir d’opérer des prodiges ; il n’avait pas reçu, comme eux, la mission divine, il ne marchait pas continuellement à la suite de Jésus-Christ, comme Jean l’affirme : « Il ne vous suit pas avec nous. » — S. Ambr. Jean, le plus aimant des disciples, et pour cela le plus aimé, croit qu’on doit refuser ce pouvoir tout divin à celui qui n’est point le disciple fidèle de Jésus. — S. Cyrille. Il eût été plus raisonnable de penser que cet homme n’était pas l’auteur des miracles qu’on lui voyait opérer, mais la grâce divine qui agit dans celui qui fait des miracles au nom et par la puissance du Christ. Qu’importe que ceux qui ont reçu cette grâce de Jésus-Christ, ne sont point comptés parmi les Apôtres ? Les dons du Christ sont très-différents, mais comme le Sauveur avait spécialement donné aux Apôtres le pouvoir de chasser les esprits immondes (Mt 10), ils s’imaginèrent que c’était un privilège qui leur était exclusivement personnel, et c’est pour cela qu’ils s’approchent de Notre-Seigneur pour lui demander si d’autres partageaient ce pouvoir avec eux.

S. Ambr. Le Sauveur ne fait aucun reproche à Jean, parce qu’il agissait sous l’inspiration de son amour, mais il lui apprend à connaître la différence qui sépare les chrétiens faibles de ceux qui sont morts. Le Seigneur récompense ceux qui sont forts, mais il n’exclut pas pour cela ceux qui sont plus faibles : « Et Jésus lui dit : Ne l’en empêchez point, car celui qui n’est point contre vous, est pour vous, » Oui, Seigneur, vous dites vrai, car Joseph et Nicodème étaient vos disciples cachés par crainte, et cependant ils ne vous refusèrent pas en son temps le témoignage de leur fidélité et de leur amour. Et toutefois, comme vous avez dit vous-même ailleurs : « Celui qui n’est pas avec moi, est contre moi ; et celui qui ne recueille pas avec moi, dissipe » (Lc 11, 23) ; daignez faire disparaître cette apparente contradiction. Quant à moi, je pense que celui qui considérera attentivement le divin scrutateur des coeurs, sera convaincu qu’il discerne les actions des hommes par l’intention qui les produit. — S. Chrys. (hom. 42 sur S. Matth.) En effet, lorsqu’il dit : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, » il veut faire connaître à ses disciples que le démon et les Juifs sont contre lui ; mais ici, il veut leur apprendre que cet homme, qui chassait les démons au nom de Jésus-Christ, était en partie de leur côté. — S. Cyrille. Comme s’il disait : A cause de vous qui aimez le Christ, il en est qui cherchent tout ce qui a rapport à sa gloire, et qui ont reçu le même grâce.

Théophile. Qu’elle est admirable la puissance de Jésus-Christ, et comme sa grâce opère par des hommes indignes qui ne sont pas ses disciples ! C’est ainsi que les prêtres produisent la sanctification dans les âmes, bien qu’ils n’aient pas eux-mêmes la grâce de la sainteté.

S. Ambr. Mais pourquoi ne veut-il pas qu’on empêche ceux qui, par l’imposition des mains, ont le pouvoir de commander aux esprits immondes au nom de Jésus, tandis que dans l’Évangile de saint Matthieu, il leur dit : « Je ne vous connais point ? » Il n’y a ici aucune contradiction, nous devons seulement conclure de ces dernières paroles, que le Sauveur ne demande pas seulement aux clercs les oeuvres de leur ministère, mais des oeuvres de vertu ; et que le nom de Jésus-Christ renferme une si grande puissance, qu’il la communique à ceux mêmes qui sont loin d’être saints, pour le bien de leurs frères, mais non pour leur propre sanctification. Que personne donc ne s’attribue le mérite de la guérison spirituelle d’un homme, que la puissance du nom éternel de Dieu a délivré de ses crimes ; ce n’est point votre mérite, mais la haine que Dieu porte au démon, qui est la cause de sa défaite. — Bède. Lorsque donc nous rencontrons des hérétiques et des mauvais catholiques, ce que nous devons détester et combattre en eux, ce ne sont pas les pratiques qui nous sont communes avec eux, et qui sont comme un lien d’unité qui les rattache encore à nous, mais la division contraire à la paix et à la vérité, qui les rend nos ennemis.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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