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Lc  3  10-14

S. Grég. (hom. 20.) Ces paroles de Jean-Baptiste prouvent qu’il avait fait naître un trouble salutaire dans l’âme de ses auditeurs, puisqu’ils viennent lui demander ce qu’ils doivent faire : « Et la foule l’interrogeait, » etc. — Origène. (hom. 23.) Trois sortes d’hommes viennent demander à Jean ce qu’ils doivent faire pour être sauvés ; les uns que l’Écriture appelle le peuple ou la foule, les autres qui sont les publicains, et les troisièmes qu’elle comprend sous le nom de soldats. — Théophile. Or, il recommande aux publicains et aux soldats de s’abstenir de tout mal, mais quant au peuple, qu’il regarde comme moins enclin au mal, il prescrit la pratique des bonnes oeuvres : « Il leur répondit : Que celui qui a deux tuniques en donne une à celui qui n’en a point, » etc. — S. Grég. (hom. 20.) La tunique est d’un usage plus nécessaire que le manteau ; aussi un des fruits principaux de la pénitence est de nous faire partager avec le prochain non seulement les choses extérieures plus ou moins utiles, mais celles qui nous sont le plus nécessaires, comme la tunique dont nous sommes vêtus, les aliments qui soutiennent notre existence : « Et que celui qui a de quoi manger fasse de même. » — S. Basile. (Ch. des Pèr. gr.) Nous apprenons de là l’obligation où nous sommes de donner pour Dieu tout notre superflu à ceux qui sont dans l’indigence, parce que c’est Dieu qui nous a donné tout ce que nous possédons.

S. Grég. (hom. 20.) Il est écrit dans la loi : « Vous aimerez votre prochain comme vous-même. » Donc on n’aime pas son prochain, quand on ne partage pas même son nécessaire avec celui qui se trouve dans l’extrême besoin. Il est commandé de partager avec le prochain une des deux tuniques que l’on possède, car si on n’en avait qu’une à partager, elle ne pourrait servir de vêtement à aucun des deux. Nous pouvons juger par toutes ces recommandations, de quel prix sont les oeuvres de miséricorde, puisqu’elles tiennent le premier rang parmi les dignes fruits de pénitence. — S. Ambr. Chaque condition a ses devoirs particuliers, la pratique de la miséricorde est un devoir commun à tous les hommes, et c’est pour tous les hommes une obligation rigoureuse de donner à celui qui est dans l’indigence. La miséricorde comprend pour ainsi dire toutes les vertus ; cependant la pratique de la miséricorde a ses règles, et doit se mesurer sur les moyens et les ressources de chacun, elle n’oblige pas à se dépouiller entièrement de ce qu’on possède, mais à le partager avec celui qui n’a rien.

Origène. (hom. 23.) Ce passage renferme un sens plus profond : en effet, de même que nous ne pouvons servir deux maîtres, de même nous ne devons pas avoir deux tuniques, dont l’une serait le vêtement du vieil homme, et l’autre le vêtement de l’homme nouveau. Nous devons au contraire dépouiller le vieil homme et revêtir celui qui est nu, car l’un a Dieu dans son coeur, et l’autre en est privé. Il est écrit que nous devons précipiter nos péchés au fond de la mer ; nous devons également repousser loin de nous nos fautes et nos vices, et les rejeter pour ainsi dire sur celui qui en a été pour nous la cause. — Théophile. Il en est qui voient dans ces deux tuniques l’esprit et la lettre de l’Écriture. Jean recommande à celui qui possède l’un et l’autre, d’instruire les ignorants et de leur enseigner an moins la lettre de la sainte Écriture.

Bède. La puissance de la parole de Jean-Baptiste était si grande, qu’elle forçait les publicains et les soldats eux-mêmes à venir lui demander ce qu’ils devaient faire pour être sauvés : « Des publicains vinrent aussi, » etc. — S. Chrys. (hom. 24 ou 25.) Qu’elle est grande la puissance de la vertu, puisqu’elle amène les riches du monde à venir demander à celui qui n’a rien le chemin du vrai bonheur ? — Bède. Le saint Précurseur leur recommande de n’exiger rien au delà de ce qui leur est prescrit : « Il leur dit : N’exigez rien de plus de ce qui vous a été prescrit. » On appelait publicains ceux qui levaient les impôts, qui avaient la charge de collecteurs des contributions ou des revenus publies, et on donnait ce nom par extension à ceux qui cherchaient à augmenter leurs richesses par le négoce et les affaires. Jean-Baptiste leur fait à tous un précepte de s’abstenir de toute fraude, et en réprimant ainsi tout désir de s’emparer du bien d’autrui, il les amène à partager leurs propres biens avec le prochain : « Et des soldats vinrent aussi l’interroger, » etc. Il leur donne cette règle de juste et sage modération, de ne dépouiller jamais injustement ceux qu’ils doivent défendre et protéger par état : « Et il leur dit : Abstenez-vous de toute concussion (ou de toute violence), ne commettez aucune injustice (par des voies frauduleuses), et contentez-vous de votre paie. — S. Ambr. Il enseigne par là que la milice reçoit une paie légalement établie, de peur qu’en laissant aux soldats de pourvoir à leur subsistance, on n’ouvre ainsi la porte au pillage. — S. Grég. de Nazianze. (Disc. 9 contr. Jul.) Il donne ici le nom de paie à la solde impériale et au traitement assigné par la loi à ceux qui étaient en place. — S. Augustin. (contr. Faust., liv. 22, ch. 7.) Jean-Baptiste savait que les soldats, lorsqu’ils font la guerre, ne sont pas des homicides, mais les exécuteurs de la loi, qu’ils ne sont point les vengeurs des injures particulières, mais les défenseurs du salut public. Autrement il leur eût répondu : Dépouillez-vous de vos armes, et quittez le service militaire, ne frappez, ne blessez, ne tuez personne. Qu’y a-t-il en effet de coupable dans la guerre ? Est-ce de donner la mort aux uns pour laisser les autres régner en paix après la victoire ? Condamner la guerre à ce point de vue n’est point un acte de religion, mais de lâcheté. Ce qui est justement condamné dans les guerres, c’est le désir de nuire, c’est la cruauté dans la vengeance, c’est d’avoir une âme impitoyable, implacable, c’est la férocité dans le combat, c’est la fureur de dominer et autres excès semblables. Or c’est pour punir ces excès ou les violences de ceux qui se révoltent, soit contre Dieu, soit contre le commandement d’une autorité légitime, que les bons eux-mêmes font la guerre, lorsqu’ils se trouvent dans des circonstances telles que l’ordre et la justice leur font un devoir ou de commander de prendre les armes, ou d’obéir à ce commandement.

S. Chrys. (hom. 25 sur S. Matth.) En traçant ces règles si simples de conduite aux publicains et aux soldats, Jean-Baptiste voulait les élever à une perfection plus grande, mais comme ils n’en étaient pas encore capables, il leur donne des préceptes plus faciles, car s’il leur avait proposé tout d’abord les obligations d’une vie plus parfaite, ils n’y auraient donné aucune attention, et seraient demeurés privés de la connaissance des devoirs plus ordinaires et plus faciles.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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