Accueil  >  Bibliothèque  >  La Chaîne d’or  >  Évangile selon saint Luc  >  chapitre 21, versets 34-36

Lc  21  34-36

Théophile. Notre-Seigneur vient de prédire les signes terribles et manifestes des calamités qui doivent fondre sur les pécheurs, mais il donne comme préservatif contre ces maux la vigilance et la prière : « Prenez donc garde à vous, » etc. — S. Basile. (hom. 1 sur ces par. du Dt 15, 9 : veillez sur vous.) Tous les animaux ont reçu de Dieu un mystérieux instinct qui leur fait pourvoir à leur propre conservation. Or, le Sauveur nous donne cet avertissement pour que nous fassions ici par raison et par prudence ce qui est chez les animaux l’effet de l’instinct naturel. Nous devons donc fuir le péché, comme les animaux sans raison évitent les aliments qui leur seraient mortels, et rechercher la justice comme ils recherchent les plantes pleines pour eux d’un suc nutritif. C’est donc pour nous faire discerner ce qui est salutaire de ce qui est nuisible, que Notre-Seigneur nous dit : « Prenez garde à vous. » Mais il y a deux manières de prendre garde ou de veiller, l’une extérieure par les yeux du corps, l’autre intérieure par l’attention de l’esprit ; or, l’oeil du corps ne peut conduire à la vertu, c’est donc un acte de l’esprit que Notre-Seigneur nous conseille, lorsqu’il nous dit : « Prenez garde à vous, » etc., c’est-à-dire, soyez pleins de circonspection, et que la lumière de votre âme veille sans cesse sur vous pour vous garder de tout danger. il ne nous dit pas : Veillez sur ce qui est à vous ou sur les choses, qui vous entourent, mais : « Veillez sur vous. » Ce qui est vous, c’est votre intelligence et votre âme, ce qui est à vous, c’est votre corps et vos sens, ce qui est autour de vous, ce sont vos biens, votre industrie et tous les autres soutiens de votre vie. Or, ce n’est point à toutes ces choses que doit s’étendre votre vigilance, c’est votre âme qui doit être l’objet principal de vos soins. Ce même avertissement guérit à la fois les malades et donne une santé, parfaite à ceux qui sont déjà guéris ; il nous fait conserver le présent et pourvoir à l’avenir, il nous détourne de la censure du prochain pour reporter toute notre attention sur nos propres actions, il ne permet pas que notre esprit devienne l’esclave de ses passions, et soumet le corps et les sens dépourvus de raison à l’âme spirituelle et raisonnable. Mais pour quel motif devons nous veiller ? Le voici : « De peur que vos coeurs ne s’appesantissent, » etc. — Tite de Bostra. Comme s’il disait : Prenez garde que les yeux de votre âme ne s’appesantissent, car les préoccupations de la vie présente, la crapule et l’ivresse font perdre la prudence, ébranlent la foi, et sont cause de naufrages malheureusement certains.

Clém. d’Alexand. (Pédag., liv. 2, chap. 2.) L’ivresse, c’est l’usage immodéré du vin, la crapule, c’est le malaise et les vomissements qui sont la suite de l’ivresse, elle est ainsi appelée d’un mot grec qui veut dire branlement de tête. Or, de même que nous ne devons faire usage des aliments que pour apaiser la faim, nous ne devons user de la boisson que pour éteindre la soif, et nous devons éviter avec soin tout excès, car le vin est un breuvage trompeur. L’âme qui sera libre des excès du vin aura la prudence et la sagesse en partage ; mais celle qui se plonge dans les vapeurs de l’ivresse, sera comme couverte d’un nuage épais. — S. Basile. (Règl. abrég., quest. 88.) Nous devons éviter la curiosité et les préoccupations de cette vie, alors même qu’elles semblent n’avoir rien de coupable si elles ne concourent point à nous faire honorer Dieu. Le Sauveur donne ensuite la raison de cet avertissement : « De peur que ce jour ne vienne tout d’un coup vous surprendre, » etc. — Théophile. Car ce jour viendra à l’improviste, sans qu’on en soit prévenu et il surprendra comme un filet ceux qui ne sont point sur leurs gardes : « Car il viendra, dit le Sauveur, comme un filet sur tous ceux qui habitent la face de la terre, » etc. Approfondissons davantage ces paroles : Ce jour surprendra tous ceux qui sont assis (sedentes) sur la terre, c’est-à-dire, ceux qui vivent dans l’imprévoyance et l’inaction. Mais pour ceux qui sont pleins de vigilance et d’activité pour le bien, et qui, loin de croupir dans l’inaction et le désoeuvrement des plaisirs de la terre, s’arrachent à ces obstacles et se disent : « Lève-toi, marche, ce n’est pas ici le lieu du repos ; » ce jour ne viendra ni comme un filet, ni comme un malheur, mais comme un jour de fête.

Eusèbe. Notre-Seigneur nous recommande donc la vigilance pour nous prémunir contre l’appesantissement que produisent les plaisirs et les sollicitudes de la terre : « Veillez donc et priez en tout temps, afin que vous soyez trouvés dignes d’échapper à tous ces maux qui arriveront. » — Théophile. C’est-à-dire, la faim, la peste et les autres fléaux de ce genre, qui menacent les élus aussi bien que les autres hommes, et les supplices éternels réservés aux coupables, car nous ne pouvons éviter ces malheurs que par la vigilance et la prière. — S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 2, 77.) C’est dans ce sens qu’il faut entendre cette fuite dont parle saint Matthieu, et qui ne doit avoir lieu ni dans l’hiver, ni le jour du sabbat. L’hiver est la figure des soucis de cette vie qui sont tristes comme la saison d’hiver ; le sabbat figure les excès de l’intempérance et de l’ivresse, qui submergent et étouffent le coeur dans les jouissances et les voluptés de la chair. Ces excès sont figurés par le sabbat, parce que c’est le jour où les Juifs se livrent à toutes les jouissances de la terre, dans l’ignorance où ils sont du sabbat spirituel. — Théophile. Et comme il est du devoir d’un chrétien, non seulement de fuir le mal, mais de s’efforcer de parvenir à la gloire que Dieu lui réserve, le Sauveur ajoute : « Et de paraître avec confiance devant le Fils de l’homme, » car c’est la gloire des anges de se tenir devant le Fils de l’homme, qui est notre Dieu, et de contempler éternellement sa face. — Bède. Si un habile médecin nous recommandait de prendre bien garde au suc de quelque plante, de peur qu’elle ne nous donnât aussitôt la mort, avec quel soin nous observerions ses prescriptions. Cependant le Sauveur nous avertit de nous préserver de l’ivresse, de l’excès de la débauche et dés sollicitudes de cette vie, et nous ne craignons ni les blessures, ni la mort, dont toutes ces choses sont pour nous la cause, parce que, nous refusons d’accorder aux paroles du Seigneur, la même confiance que nous accordons aux paroles d’un médecin.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

Plan du site    |    Contact    |    Liens    |    Chapelle