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Lc  20  27-40

Bède. (de S. Jérôme. sur S. Matth.) Il y avait parmi les Juifs deux sectes principales, l’une des pharisiens, qui faisaient consister toute leur justice dans l’observance des traditions, ce qui leur faisait donner par le peuple le nom de séparés ; l’autre des sadducéens, dont le nom signifie justes, et qui s’attribuaient une justice qu’ils n’avaient pas. Les premiers donc s’étant retirés, ceux-ci s’approchent pour tenter le Sauveur : « Quelques-uns des sadducéens, qui nient la résurrection, s’approchèrent alors, » etc. — Origène. La secte des sadducéens ne niait pas seulement la résurrection des morts, mais enseignait que l’âme meurt avec le corps. Comme ils veulent aussi surprendre le Sauveur dans ses paroles, ils lui proposent cette difficulté au moment où il venait de parler à ses disciples de la résurrection : « Maître, lui dirent-ils, Moïse a écrit pour nous cette loi : Si un homme, ayant une femme, meurt sans laisser d’enfants, » etc. — S. Ambr. La lettre de la loi oblige cette veuve à se remarier, même contre son gré, mais l’esprit conseille bien plutôt la chasteté (Rm 2, 29 ; 7, 6, 9 ; 2 Co 3, 6).

Théophile. Les sadducéens, sur un fondement des plus fragiles, refusaient de croire à la résurrection des morts. Persuadés qu’ils étaient que la vie future, dans la résurrection, ne pouvait être que charnelle, ils tombaient dans une grossière erreur, qui les amenait à nier la possibilité de la résurrection, ce qu’ils font en inventant le récit suivant : « Il y avait sept frères, » etc. — Bède. Ils imaginent cette fable pour convaincre de folie ceux qui affirment la résurrection des morts, et ils opposent l’inconvenance de ce récit fabuleux pour s’inscrire en faux contre la vérité de la résurrection : « Dans la résurrection donc, duquel sera-t-elle la femme ?

S. Ambr. Dans le sens figuré, cette femme représente la synagogue qui a eu sept maris. Notre-Seigneur dit à la Samaritaine : « Vous avez eu cinq maris, » (Jn 4) parce que la Samaritaine n’admettait que cinq livres de Moïse, tandis que la synagogue en reconnaissait sept principaux. Mais par suite de son infidélité, elle n’en eut aucune postérité, elle ne put donc être unie à ses maris dans la résurrection, parce qu’elle a entendu dans un sens charnel les préceptes spirituels de la loi. Ce ne fut point un frère selon la chair qui l’épousa pour donner des enfants à celui qui était mort ; mais le frère qui lui fut donné, prit pour épouse, après la mort du peuple juif, la sagesse du culte divin, et en fit naître des enfants spirituels dans la personne des Apôtres. Ceux-ci qui étaient comme les restes du peuple juif, et qui avaient été comme abandonnés dans le sein de la synagogue, avant d’être formés, ont mérité d’être sauvés selon l’élection de la grâce, comme fruits de cette union toute spirituelle. — Bède. Ou bien ces sept frères figurent les réprouvés qui, pendant toute cette vie (laquelle se compose de semaines de sept jours), sont tout à fait stériles en bonnes oeuvres ; ils sont enlevés successivement par la mort, et leur vie toute mondaine passe de l’un à l’autre jusqu’au dernier, comme une épouse stérile.

Théophile. Cependant Notre-Seigneur, voulant démontrer qu’après la résurrection, la vie des sens et de la chair cesserait d’exister, renverse là croyance des sadducéens avec le fragile fondement sur lequel ils l’appuyaient : « Et Jésus leur dit : Les enfants de ce siècle se marient, » etc. — S. Augustin. (Quest. évang., 2, 49.) En effet, la fin du mariage est d’avoir des enfants, on a des enfants pour en faire ses héritiers, et on leur laisse son héritage, parce que la mort en fait une obligation. Là donc où il n’y a plus de mort, il n’y a plus de mariage : « Mais ceux qui sont trouvés dignes du siècle à venir et de la résurrection des morts, ne se marieront point, » etc. — Bède. Ces paroles ne veulent pas dire qu’il n’y aura que ceux qui seront dignes de la résurrection pour ressusciter et ne point se marier, car les pécheurs eux-mêmes ressusciteront, sans également se marier dans le siècle futur. Mais le Sauveur, voulant nous inspirer un vif désir pour la gloire de la résurrection, n’a voulu parler ici que des élus.

S. Augustin. (Quest. évang.) Nos paroles se composent de qui se suivent et se succèdent ; de même les hommes, auteurs de la parole, se succèdent et se remplacent les uns les autres, et ils composent et forment ainsi l’ordre du monde présent, qui résulte de l’ensemble et de la beauté des choses extérieures. Dans la vie future, au contraire, le Verbe de Dieu, dont nous jouirons, ne se compose d’aucune suite, d’aucune succession de syllabes tout en lui est immuable et simultané ; ainsi pour ceux qui seront admis à la participation de sa félicité, et dont il sera l’unique principe de vie, il n’y aura plus ni destruction par la mort, ni succession par la naissance, ils seront comme sont les anges : « Ils ne pourront plus mourir, parce qu’ils seront égaux aux anges et enfants de Dieu, » etc. — S. Cyrille. La multitude innombrable des anges ne se propage point par la génération, elle ne doit son existence qu’à la création, ainsi le mariage cessera d’être nécessaire à ceux qui seront comme créés de nouveau par la résurrection : « Ils seront enfants de Dieu, et enfants de la résurrection. » — Théophile. C’est-à-dire : Comme Dieu est le principe de la résurrection, ceux qui reprennent une nouvelle vie en ressuscitant, sont appelés avec raison les enfants de Dieu. En effet, nous ne voyons rien de charnel dans cette nouvelle vie de la résurrection, ni l’union des époux, ni le sein de la mère, ni l’enfantement. — Bède. Ou bien encore : « Ils seront égaux aux anges et enfants de Dieu, » parce qu’étant renouvelés par la gloire de la résurrection, ils jouiront de l’éternelle vision de Dieu, sans aucune crainte de la mort, sans aucune atteinte de la corruption, sans aucune des vicissitudes de la vie présente.

Origène. D’après saint Matthieu, Notre-Seigneur aurait ajouté ici ces paroles omises par saint Luc : « Vous vous trompez, ne comprenant pas les Écritures ; » (Mt 22) or, je me demande où sont écrites ces paroles : « Ils ne se marieront point et n’épouseront point de femmes. » Autant que je le puis savoir, on ne trouve rien de semblable ni dans l’Ancien, ni dans le Nouveau Testament. Notre-Seigneur veut donc dire que l’erreur des sadducéens vient tout entière de ce qu’ils lisent l’Écriture sans la comprendre. En effet, on lit dans le prophète Isaïe : « Ils n’engendreront point d’enfants soumis à la malédiction, » etc. (Is 65, 23) ; ils s’imaginent que ces choses existeront encore après la résurrection. Mais saint Paul interprète toutes ces bénédictions dans un sens spirituel, et pour en éloigner toute idée charnelle, il dit aux Ephésiens : « Dieu le Père nous a comblés de toutes sortes de bénédictions spirituelles. » (Ep 1, 3.) — Théophile. A, la raison qu’il avait donnée plus haut, Notre-Seigneur ajoute le témoignage de l’Écriture : « Or, que les morts ressuscitent, Moïse le déclare lui-même dans le récit du buisson, quand il appelle le Seigneur, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, » c’est-à-dire : Si les patriarches étaient rentrés dans le néant, et ne vivaient pas en Dieu dans l’espérance de la résurrection, Dieu n’eût pas dit : « Je suis, » mais : « J’ai été ; » en effet, lorsque nous parlons des choses qui ne sont plus ou qui sont passées, nous disons : « J’étais maître de cette chose, » mais Dieu dit au contraire : « Je suis le Dieu et le Seigneur des vivants ; car tous sont vivants devant lui ; et bien que ces patriarches soient morts pour les hommes, ils vivent à ses yeux dans l’espérance de la résurrection. — Bède. Ou bien en parlant ici, Notre-Seigneur veut établir que les âmes survivent à leur séparation d’avec le corps (ce que niaient les sadducéens), et en tirer comme conséquence la résurrection des corps qui ont participé aux bonnes et aux mauvaises actions des âmes. Il y a, en effet, une véritable vie, dont les justes vivent en Dieu, même après la mort du corps. Le Sauveur eût pu établir la vérité de la résurrection sur des témoignages plus évidents, empruntés aux prophètes, mais les sadducéens rejetaient tous les livres des prophètes, et n’admettaient que les cinq livres de Moïse.

S. Chrys. Les saints ne diminuent en rien le souverain domaine de Dieu, en appelant spécialement : « Mon Dieu, » le Maître commun de l’univers ; ils ne font que manifester l’étendue de leur amour, et agissent en cela comme ceux qui, dominés par une affection vive, ne veulent point que leur amour soit partagé par un grand nombre, mais qu’il soit pour ainsi dire exclusif et privilégié. Ainsi Dieu se dit spécialement le Dieu de ces patriarches, sans restreindre pour cela son domaine, mais en l’agrandissant au contraire ; car ce qui étend le domaine de Dieu, ce n’est pas tant la multitude des créatures qui lui sont soumises, que la vertu de ses fidèles serviteurs. Aussi se glorifie-t-il moins d’être appelé le Dieu du ciel et de la terre, que le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, et le Dieu de Jacob. Voyez d’ailleurs parmi les hommes, les serviteurs sont désignés par le nom de leur maître (nous disons, par exemple, le fermier de tel seigneur), ici, au contraire, Dieu s’appelle le Dieu d’Abraham, son serviteur.

Théophile. Les scribes qui étaient les ennemis déclarés des sadducéens, approuvent hautement Jésus qui vient de les confondre : « Quelques-uns des scribes, prenant la parole, lui dirent : Maître, vous avez bien parlé. » — Bède. Honteux d’avoir été ainsi confondus, ils cessent de l’interroger : « Et ils n’osaient plus lui faire aucune question. » Mais ils se saisirent bientôt de sa personne pour le livrer au pouvoir des Romains, preuve trop évidente qu’on peut triompher de l’envie, mais qu’il est bien difficile de jamais l’apaiser.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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