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Lc  16  1-7

Bède. Après avoir condamné par les trois paraboles qui précèdent la sévérité de ceux qui murmuraient de l’accueil qu’il faisait aux pécheurs repentants, le Sauveur ajoute deux autres paraboles, sur l’obligation de l’aumône et de la vie simple et modeste. Il était très naturel en effet, que le précepte de l’aumône suivit immédiatement celui de la pénitence : « Jésus disait encore à ses disciples : Un homme riche avait un économe, » etc. — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr.) Les hommes sont dominés par une fausse opinion qui ne sert qu’à augmenter leurs fautes et à diminuer leurs mérites ; elle consiste à croire que tous les biens que nous possédons pour l’usage de la vie, nous les possédons comme maîtres absolus, et de les rechercher en conséquence comme les biens les plus importants. Or, c’est le contraire qui est vrai ; car nous n’avons pas été placés dans cette vie comme des maîtres dans la maison qui leur appartient en propre, mais semblables à des hôtes et à des étrangers, nous sommes conduits là où nous ne voulons pas aller, et dans le temps ou nous y pensons le moins. Qui que vous soyez, rappelez-vous donc que vous n’êtes que le dispensateur de biens qui ne vous appartiennent pas, et que vous n’avez sur eux que les droits d’un usage transitoire et passager. Rejetez donc de votre âme l’orgueil qu’inspire la pensée qu’on est maître absolu pour prendre les sentiments de réserve et d’humilité qui conviennent à un simple fermier. — Bède. Le fermier est celui qui régit une ferme ; d’où lui vient le nom de fermier, l’économe est l’administrateur de l’argent, des fruits, et en général de tout ce que possède son maître. — S. Ambr. Nous apprenons de là que nous ne sommes pas les maîtres, mais bien plutôt les fermiers des biens d’autrui. — Théophile. Une autre conséquence c’est qu’au lieu d’administrer ces biens suivant la volonté du Seigneur, nous en abusons pour satisfaire nos passions, nous devenons des fermiers coupables d’infidélité : « Et celui-ci fut accusé près de lui d’avoir dissipé ses biens. »

S. Chrys. (comme précéd.) On rappelle alors cet économe et on lui ôte son administration : « Il l’appela et lui dit : Qu’est-ce que j’entends dire de vous ? Rendez-moi compte de votre gestion, car désormais vous ne pourrez plus la conserver. » Le Seigneur nous tient tous les jours le même langage par les exemples qu’il nous met sous les yeux ; tel qui jouissait d’une parfaite santé à midi, meurt avant la fin du jour, tel autre expire au milieu d’un festin, et cette administration nous est ôtée de différentes manières. Mais l’économe fidèle qui s’occupe sérieusement de son administration, a comme saint Paul un ardent désir d’être dégagé des liens du corps et d’être avec Jésus-Christ. (Ph 1, 23.) Celui au contraire dont toutes les affections sont pour la terre, voit arriver avec anxiété la fin de sa vie. En effet : « Cet économe dit alors en lui-même : Que ferai-je, puisque mon maître m’ôte la gestion de ses biens ? Travailler à la terre, je n’en ai pas la force, et j’ai honte de mendier. » Cette impuissance pour le travail accuse toute une vie d’indolence, car il n’aurait pas ces craintes, s’il s’était habitué à supporter les fatigues d’une vie laborieuse. Le sens figuré de cette parabole est qu’après que nous sommes sortis de cette vie, il n’est plus temps de se livrer au travail. La vie présente doit être employée à l’accomplissement des commandements, la vie future en est la récompense. Si vous n’avez rien fait ici-bas, tous vos projets pour la vie future sont superflus, et il ne vous servira pas davantage de mendier. Vous en avez pour preuve les vierges folles, qui après avoir été si imprévoyantes allèrent mendier auprès des vierges prudentes, mais revinrent sans rien obtenir (Mt 25). Chacun de nous en effet se revêt de ses oeuvres comme d’une tunique ; on ne peut ni s’en dépouiller, ni la changer contre une autre. Mais cet économe infidèle forme alors le dessein de libérer les débiteurs de son maître, et de chercher en eux le remède à son infortune : « Je sais ce que je ferai, afin que lorsqu’on m’aura ôté mon emploi, je trouve des gens qui me reçoivent dans leurs maisons. » Celui qui en effet pense au jour de sa mort, et cherche en faisant le bien à rendre moins accablant le poids de ses péchés, (soit en remettant leurs dettes à ceux qui lui doivent, soit en donnant aux pauvres d’abondantes aumônes), celui-là distribue les biens du Seigneur pour se faire beaucoup d’amis qui rendront de lui devant son juge un bon témoignage non par leurs discours, mais en manifestant ses bonnes oeuvres ; et lui prépareront par leur témoignage un lieu de rafraîchissement et de repos. Or, rien de ce que nous avons, n’est à nous, mais tout appartient à Dieu. En effet, « cet économe ayant fait venir l’un après l’autre les débiteurs de son maître, dit au premier : Combien devez-vous à mon maître ? Il répondit : Cent barils d’huile. » — Bède. Un baril est la même mesure que l’amphore grecque qui contenait trois urnes : « L’économe lui dit : Prenez votre billet ; asseyez-vous vite, et écrivez cinquante. » Il lui remet ainsi la moitié de ce qu’il doit : « Ensuite, il dit à un autre : Et vous, combien devez-vous ? Il répondit : Cent mesures de froment. » Cette mesure équivalait à trente boisseaux. « L’économe lui dit : Prenez votre billet et écrivez quatre-vingts ; » il lui remet la cinquième partie de sa dette. Or, voici comment on peut entendre ce passage. Celui qui soulage la misère du pauvre pour moitié ou pour la cinquième partie sera récompensé pour sa miséricorde. — S. Augustin. (quest. Evang., 2, 34.) Ou bien encore, l’action de cet économe qui au lieu de cent barils d’huile en fait souscrire cinquante au débiteur, au lieu de cent mesures de froment, quatre-vingts doit être entendue en ce sens que les dons offerts par les juifs aux prêtres et aux lévites doivent être plus abondants dans l’Église chrétienne. Ainsi, tandis qu’ils ne donnaient que la dîme, les chrétiens doivent donner la moitié, comme Zachée le fit pour ses biens (Lc 19) ; ou ils doivent au moins surpasser les offrandes des Juifs, en donnant au moins la double dîme, c’est-à-dire la cinquième partie de leurs biens,

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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