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Lc  15  1-7

S. Ambr. Les enseignements qui précèdent vous avaient appris à ne vous point laisser absorber par les préoccupations du siècle, et à ne point préférer les choses passagères aux biens éternels. Mais comme la fragilité humaine ne peut tenir pied dans les voies si glissantes du monde, ce médecin plein de bonté vous a indiqué les remèdes contre vos erreurs, et ce juge miséricordieux ne vous a pas refusé l’espérance du pardon : « Or, les publicains et les pécheurs s’approchaient de Jésus pour l’entendre. » La glose. (interlin.) C’est-à-dire ceux qui exigeaient les impôts publics ou qui les affermaient, et ceux qui cherchent à acquérir les richesses de ce monde par les opérations du commerce.

Théophile. Notre-Seigneur remplissait ici la fin pour laquelle il s’était incarné, en accueillant avec bonté les pécheurs, comme un médecin accueille les malades. Mais les pharisiens, véritables accusateurs de leur nature, ne répondent que par des murmures à cette conduite pleine de miséricorde : « Et les pharisiens et les scribes murmuraient en disant : Cet homme accueille les pécheurs et mange avec eux. »

S. Grég. (hom. 34 sur les Evang.) Nous pouvons conclure de là que la vraie justice est compatissante, tandis que la fausse est pleine d’une hauteur dédaigneuse. Les justes, il est vrai, traitent et justement les pécheurs avec une certaine dureté, mais il faut bien distinguer ce qui est inspiré par l’orgueil et ce qui est dicté par le zèle pour la discipline. Car bien que les justes, par amour pour la règle, paraissent excéder dans les reproches qu’ils adressent, ils conservent cependant toujours la douceur intérieure sous l’inspiration de la charité ; ils se mettent dans leur coeur bien au-dessous de ceux qu’ils reprennent, et en agissant de la sorte, ils maintiennent dans la vertu ceux qui leur sont soumis, et se conservent eux-mêmes dans la grâce de Dieu par l’humilité. Au contraire, ceux qui s’enorgueillissent de leur fausse justice, affectent un grand mépris pour les autres, n’ont aucune condescendance pour les faibles, et deviennent d’autant plus grands pécheurs, qu’ils s’imaginent être exempts de péché. De ce nombre étaient les pharisiens qui, reprochant au Seigneur d’accueillir favorablement les pécheurs, accusaient avec un coeur desséché la source même de la miséricorde. Mais comme ils étaient malades, au point de ne point connaître leur maladie, le céleste médecin leur prodigue les soins les plus dévoués pour les amener à ouvrir les yeux sur leur triste état : « Et il leur proposa cette parabole : Quel est celui d’entre vous qui, ayant cent brebis, s’il en perd une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert ? etc. » Il choisit une comparaison dont l’homme pouvait reconnaître la vérité en lui-même, mais qui s’appliquait surtout au Créateur des hommes ; car le nombre cent étant un nombre parfait, Dieu a été le pasteur de cent brebis, lorsqu’il est devenu le Maître dés anges et des hommes. C’est pour cela qu’il ajoute : « Qui a cent brebis. »

S. Cyrille. Jugez de là quelle est l’étendue du royaume de notre Sauveur. Il fait remarquer que cet homme avait cent brebis pour exprimer par un chiffre déterminé, et par un nombre complet, la multitude des créatures raisonnables qui lui est soumise, car le nombre cent, composé de dix décades est un nombre parfait. Une de ces brebis s’est égarée, c’est-à-dire le genre humain qui habite la terre. — S. Ambr. Qu’il est riche ce pasteur, puisque nous ne sommes que la centième partie de son troupeau ! « Et s’il en perd une, ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres, » etc. — S. Grég. (hom. 34, sur les Evang.) Une brebis s’est égarée, lorsque l’homme par son péché à quitté les pâturages de la vie. Les quatre-vingt-dix-neuf autres étaient restées dans le désert, parce que le nombre des créatures raisonnables, (c’est-à-dire des anges et des hommes), qui avaient été créées pour jouir de la vue de Dieu, se trouvait diminué par la perte de l’homme. C’est pourquoi il s’exprime de la sorte : « Ne laisse-t-il pas les quatre-vingt-dix-neuf autres dans le désert ? » parce qu’en effet il a laissé dans le ciel les choeurs des anges. L’homme a quitté le ciel lorsqu’il a commis le péché, et c’est pour que le nombre des brebis fût ramené dans le ciel à son intégrité primitive, que Dieu condescend à chercher sur la terre l’homme qui s’était égaré : « Et il va après celle qui est perdue, » etc. — S. Cyrille. Est-il donc cruel pour toutes les autres, en se montrant si tendre pour celle qui s’est égarée ? Non sans doute. Car les autres sont en sûreté, entourées comme d’un rempart de la protection de la main du Tout-Puissant ; mais il fallait avant tout avoir pitié de celle qui allait périr, afin que le troupeau ne restât pas incomplet, car le retour de cette brebis rétablit le nombre cent dans sa perfection première. — S. Augustin. ( Quest. Ev., 2, 32.) Ou bien les quatre-vingt-dix-neuf qu’il laisse dans le désert, figurent les orgueilleux, qui portent pour ainsi dire la solitude dans leur âme, en cherchant à concentrer l’attention Sur eux seuls. L’unité leur manque pour qu’ils soient parfaits, car quand on se sépare de l’unité véritable, c’est toujours par un sentiment d’orgueil ; on veut être son maître, et jouir de soi-même, et on ne veut plus suivre l’unité qui n’est autre que Dieu. Or, c’est à cette unité qu’il ramène tous ceux qui sont réconciliés par la grâce de la pénitence qui ne peut s’obtenir que par l’humilité.

S. Grég. de Nysse. Lorsque le pasteur eut retrouvé sa brebis, il ne la châtia point, il ne la ramena pas au bercail avec violence, mais il la chargea sur ses épaules, et la porta avec tendresse pour la réunir au troupeau : « Et lorsqu’il l’a trouvée, il la met avec joie sur ses épaules. » Il met sa brebis sur ses épaules, c’est-à-dire qu’en se revêtant de notre nature, il a porté sur lui nos péchés. (1 P 2, 24 ; Is 53, 4.) Après avoir retrouvé sa brebis, il retourne à sa maison, c’est-à-dire, que notre pasteur, après l’oeuvre de la réparation du genre humain, est rentré dans son céleste royaume : « Et venant à sa maison, il appelle ses amis, et ses voisins, leur disant : Réjouissez-vous avec moi, parce que j’ai trouvé ma brebis qui était perdue. » Ses amis et ses voisins ce sont les choeurs des anges qui sont vraiment ses amis, parce qu’ils accomplissent sa volonté d’une manière constante et immuable ; ils sont aussi ses voisins, parce qu’étant toujours en sa présence, ils jouissent de la claire vision de Dieu.

Théophile. Les esprits célestes reçoivent ici le nom de brebis, parce que toute nature créée, en comparaison de Dieu, est comme un animal dépourvu de raison, mais cependant il les appelle ses amis et ses voisins, parce que ce sont des créatures raisonnables.

S. Grég. (hom. 34, sur les Evang.) Remarquez qu’il ne dit pas : Réjouissez-vous avec ma brebis, mais : « Réjouissez-vous avec moi, » parce que notre vie fait sa joie, et lorsque nous sommes ramenés dans le ciel, nous mettons le comble à son allégresse et à son bonheur.

S. Ambr. Les anges étant des créatures raisonnables, il est juste qu’ils se réjouissent de la rédemption des hommes : « Ainsi, je vous le dis, il y aura plus de joie dans le ciel pour un pécheur qui fait pénitence, que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de pénitence. » Quel puissant encouragement au bien, pour chacun de nous à qui il est permis de croire que sa conversion sera un sujet de joie pour les anges dont il doit rechercher la protection, autant qu’il doit craindre de la perdre ! — S. Grég. (hom. 34.) Le Sauveur nous déclare que la conversion des pécheurs donnera plus de joie dans le ciel que la persévérance des justes ; souvent en effet, ceux qui ne se sentent point chargés du poids de fautes énormes, persévèrent, à la vérité, dans les voies de la justice, mais ne soupirent point avec ardeur après la céleste patrie, et demeurent presque toujours indifférents à la pratique des oeuvres de perfection, parce qu’ils ont la conscience de ne pas s’être rendus coupables de fautes bien graves. Au contraire, ceux qui se rappellent la gravité des fautes qu’ils ont commises, puisent dans ce souvenir le principe d’une douleur plus vive, et d’un amour de Dieu plus ardent, et la considération de leurs longs égarements les excite à compenser leurs pertes passées en acquérant de nouveaux mérites. Ils sont donc pour le ciel le sujet d’une plus grande joie, parce qu’un général aime mieux un soldat qui, après avoir fui honteusement devant l’ennemi, revient sur ses pas, et le charge avec intrépidité, que celui qui n’a jamais pris la fuite, mais qui aussi n’a jamais fait aucune action d’éclat. C’est ainsi que le laboureur préfère de beaucoup la terre qui, après avoir porté des épines, produit des fruits en abondance, à celle qui n’a jamais produit d’épines, mais qui aussi ne s’est jamais couverte d’une riche moisson. Et cependant, il faut le reconnaître, il est un grand nombre de justes, dont la vie est pour le ciel un si grand sujet de joie, qu’aucune pénitence des pécheurs convertis ne peut lui être préférée. Comprenons par là quelle joie donnent à Dieu les larmes du juste qui gémit dans l’humilité de son âme, puisque le pécheur produit dans le ciel une si grande joie lorsqu’il désavoue et pleure par la pénitence le mal qu’il a commis.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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