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Lc  10  5-12

S. Chrys. (sur l’Ep. aux Coloss., 3.) La paix est la mère de tous les biens, et sans elle, toutes les autres jouissances ne sont rien ; aussi le Sauveur commande à ses disciples, lorsqu’ils entrent dans une maison, de souhaiter aussitôt la paix, comme le gage de tous les biens : « En quelque maison que vous entriez, dites d’abord : Paix à cette maison. » — S. Ambr. Il veut que nous soyons les messagers de la paix, et que notre première entrée dans une maison soit consacrée par les bénédictions de la paix. — S. Chrys. (Ch. des Pèr. gr., et sur le Ps 124.) Voilà pourquoi le pontife la donne à toute l’Église par ces paroles : « La paix soit avec vous ! » Or, cette paix, que les saints demandent pour nous, n’est pas seulement la paix des hommes entre eux, mais la paix avec nous-mêmes. Car bien souvent, nous portons la guerre au dedans de nous-mêmes, nous sommes en proie à une agitation qui ne vient point des autres hommes, et nous sentons les mauvais désirs s’insurger contre nous. — Tite de Bostra. « Paix à cette maison ! » c’est-à-dire à ceux qui habitent cette maison. Comme s’il leur disait : Adressez-vous à tous, aux grands comme aux petits, et cependant votre bénédiction ne tombera pas sur ceux qui en sont indignes. Il ajoute : « Et s’il s’y trouve un fils de la paix, votre paix reposera sur lui », c’est-à-dire : Vous prononcerez les paroles de paix, mais pour la paix elle-même, c’est moi qui la donnerai à celui que j’en jugerai digne. Et si personne ne s’en trouve digne, vous ne serez pas trompés, et la grâce attachée à vos paroles ne sera point sans effet, au contraire, elle retournera sur vous, c’est ce qu’il ajoute : « Sinon, elle retournera sur vous. » — S. Grég. En effet, la paix, que souhaite la bouche du prédicateur, se repose sur la maison, s’il s’y trouve quelque personne prédestinée à la vie, et qui suive avec docilité les célestes enseignements qui lui sont donnés. Mais si personne ne veut les entendre, le prédicateur ne restera pas sans fruit, et la paix qu’il a souhaitée, lui reviendra avec la récompense que le Seigneur lui donnera pour son travail. Or, lorsque la paix que nous souhaitons est reçue, il est de toute justice que ceux à qui nous apportons les récompenses de la patrie céleste, nous donnent en échange ce qui est nécessaire à notre subsistance : « Demeurez dans la même maison, mangeant et buvant de ce qui sera chez eux. » Ainsi celui qui défend à ses disciples de porter ni bourse, ni sac, leur permet de tirer de la prédication elle-même, tout ce qui est nécessaire à leur nourriture et à leur entretien. — S. Chrys. Le Sauveur prévient cette objection : Mais je dépense tout ce que je possède, pour nourrir ces étrangers, et il veut que celui qu’il vous envoie, vous offre en entrant le don incomparable de la paix, pour vous faire comprendre que vous recevez beaucoup plus que vous ne donnez. — Tite de Bostra. Ou bien, on peut encore regarder ces paroles comme la suite de ce qui précède, c’est-à-dire Vous n’êtes pas établis pour juger ceux qui sont dignes ou indignes, mangez et buvez ce qu’on vous présente ; mais laissez-moi le discernement de ceux qui vous reçoivent, à moins, cependant, que vous ne sachiez parfaitement vous-mêmes qu’il ne se trouve dans cette maison aucun enfant de la paix ; car vous devriez alors la quitter.

Théophile. Vous voyez comment il a voulu que ses Apôtres mendient leur pain, et reçoivent la nourriture pour salaire, car il ajoute : « L’ouvrier mérite son salaire. » — S. Grég. (hom. 17.) En effet, les aliments qui soutiennent l’existence de l’ouvrier, sont une partie de son salaire, elle est pour le travail de la prédication un commencement de la récompense qui recevra toute sa perfection dans les cieux de la contemplation de la vérité. Remarquons que pour une seule et même oeuvre, nous recevons deux récompenses, l’une dans cette vie, qui est la voie ; et l’autre dans la patrie, après la résurrection. Or, l’effet de la récompense que nous recevons ici-bas, doit être de nous faire tendre avec plus de force et de courage vers la récompense éternelle. Le vrai prédicateur ne doit donc pas prêcher dans l’intention d’obtenir ici-bas sa récompense, mais recevoir cette récompense comme soutien de sa prédication. Car celui qui annonce la parole sainte pour obtenir des louanges ou quelque avantage temporel, se prive par là même de la récompense éternelle.

S. Ambr. Le Sauveur recommande encore à ses disciples une autre vertu, c’est de ne point aller de maison en maison avec une inconstante facilité : « Ne passez point de maison en maison, » c’est-à-dire que par affection pour ceux qui nous reçoivent, nous devons rester chez eux, et ne pas rompre trop facilement les liens d’amitié qui nous unissent à eux.

Bède. Après les avoir prévenus des différentes manières dont l’hospitalité leur serait offerte, il leur trace la ligne de conduite qu’ils devront tenir dans les villes où ils entreront, c’est-à-dire partager en tout la manière de vivre des âmes vraiment religieuses, et fuir tout rapport avec les impies : « En quelque ville que vous entriez, et où vous serez reçus, mangez ce qu’on vous présentera. » — Théophile. Quelque modeste et commune que soit la table qui vous est offerte, n’en demandez pas davantage ; et il les avertit en même temps d’opérer des miracles pour attirer les hommes à leurs prédications : « Et guérissez les malades qui s’y trouveront, et dites-leur : Le royaume de Dieu est proche de vous. » Si, en effet, vous commencez par les guérir avant de les enseigner, vos discours en recevront plus d’efficacité, et les hommes croiront que le royaume de Dieu approche en vérité, puisque ces guérisons ne peuvent être que l’effet d’une vertu divine. Mais lors même que leur guérison est toute spirituelle, il est vrai de dire que le royaume de Dieu s’approche d’eux ; car ce royaume est loin de ceux en qui domine le péché. — S. Chrys. (hom. 33 sur S. Matth.) Voyez quelle est la dignité des Apôtres, ce ne sont point des grâces sensibles (c’est-à-dire des biens terrestres) qu’ils doivent répandre, comme Moïse et les prophètes, mais des grâces toute nouvelles et vraiment admirables, c’est-à-dire le royaume de Dieu. — S. Maxime. Le Sauveur dit : « Le royaume de Dieu approche, » non pour signifier qu’il s’écoulera peu de temps jusqu’à ce qu’il arrive ; car le royaume de Dieu ne vient pas de manière à être remarqué (Lc 17, 20), mais pour nous faire connaître la disposition des hommes au royaume de Dieu qui est en puissance dans ceux qui ont embrassé la foi, et en réalité dans ceux qui méprisent la vie du corps pour ne vivre que de la vie de l’âme, et qui peuvent dire : « Je vis, ce n’est pas moi, mais c’est Jésus-Christ qui vit en moi. » (Ga 2, 20.)

S. Ambr. Il leur commande ensuite de secouer la poussière de leurs pieds contre les villes qui n’auront pas cru devoir leur accorder l’hospitalité : « En quelque ville que vous entriez, et où l’on ne vous recevra point, secouez la poussière, » etc. — Bède. Cette action, de la part des Apôtres, est une attestation solennelle des travaux et des fatigues qu’ils ont supportés inutilement pour les habitants de ces villes ; ou bien, un signe qu’ils désirent si peu leurs biens temporels, qu’ils ne veulent même pas que la poussière de leur terre s’attache à leurs pieds. Ou bien encore, les pieds signifient les travaux et les progrès de la prédication, et la poussière dont ils sont couverts, la légèreté des pensées de la terre, dont les plus grands docteurs ne peuvent entièrement se garantir. Ceux donc qui méprisent la doctrine, les travaux et les périls de ceux qui leur annoncent l’Évangile, se préparent un témoignage sévère de condamnation. — Origène. (Ch. des Pèr. gr.) En secouant la poussière de leurs pieds, ils semblent leur dire : La poussière de vos péchés retombera justement sur vous. Remarquez encore que les villes qui refusent de recevoir les Apôtres, ont de larges places, selon ces paroles du Sauveur : « La voie qui mène à la perdition est large. »

Théophile. Le royaume de Dieu approche pour le bonheur de ceux qui reçoivent les Apôtres, mais il approche aussi pour la perte de ceux qui les repoussent : « Sachez cependant que le royaume de Dieu est proche ; » c’est comme l’avènement d’un roi qui vient pour punir les uns et récompenser les autres, c’est pourquoi il ajoute : « Je vous le dis, il y aura en ce jour moins de rigueur pour Sodome que pour cette ville. » — Eusèbe. En effet, même dans la ville de Sodome, les anges trouvèrent l’hospitalité, et Loth fut jugé digne de les recevoir, (Gn 19.) Si donc en entrant dans une ville, les Apôtres ne trouvent pas un seul habitant qui veuille les recevoir, comment le sort de cette ville ne serait-il pas plus triste que celui de Sodome ? Le Sauveur leur enseignait encore par ces paroles à embrasser avec courage la vie de pauvreté ; car une ville, une maison, un bourg ne peuvent exister, qu’à la condition de renfermer quelque serviteur fidèle connu de Dieu. La ville de Sodome elle-même n’eût pu exister, si Loth ne l’eût habitée, et à peine en fut-il sorti, qu’elle fut soudainement réduite en cendres. — Bède. Et cependant les habitants de Sodome, bien qu’hospitaliers au milieu des désordres de la chair et de l’esprit, n’ont jamais reçu des hôtes comme étaient les Apôtres ; car si Loth a conservé ses yeux et ses oreilles pures (2 P 2, 7), nous ne voyons pas cependant qu’il ait rien enseigné, ou qu’il ait fait quelque prodige.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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