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Jn  8  13-18

S. Chrys. (hom. 52 sur S. Jean.) Notre-Seigneur venait de déclarer qu’il était la lumière du monde, et que celui qui le suivait ne marchait pas dans les ténèbres ; les Juifs cherchent à détruire l’effet de ces paroles : « Alors les pharisiens lui dirent : Vous vous rendez témoignage à vous-même, » etc. — Alcuin. Ils s’expriment vis-à-vis du Sauveur, comme s’il était le seul à se rendre témoignage, quoiqu’il fût certain que bien longtemps avant son incarnation, il s’était fait précéder par un grand nombre de témoins qui prédirent les mystères de sa vie.

S. Chrys. (hom. 52.) Le Sauveur combat à son tour la raison qu’ils viennent de lui opposer : « Jésus leur répondit : Bien que je rende témoignage de moi-même, mon témoignage est vrai. » Parlant de la sorte, il se conforme à l’opinion des Juifs, qui pensaient qu’il n’était qu’un homme, et il donne la raison de ce qu’il vient d’avancer : « Parce que je sais d’où je viens et où je vais, » c’est-à-dire, que je suis de Dieu, Dieu moi-même, et Fils de Dieu. Il ne s’exprime pas aussi clairement suivant son habitude de voiler sous un langage plein d’humilité les vérités les plus élevées. Or, Dieu est pour lui un témoin assez digne de foi. — S. Augustin. (Traité 35 sur S. Jean.) En effet, le témoignage de la lumière est véritable, soit qu’elle se découvre elle-même, soit qu’elle se répande sur d’autres objets. Un prophète annonce la vérité, mais à quelle source a-t-il puisé ses oracles ? A la source même de la vérité. Jésus pouvait donc parfaitement se rendre témoignage à lui-même. Il déclare qu’il sait d’où il vient et où il va, et il veut parler de son Père, car le Fils rendait gloire au Père qui l’avait envoyé, à combien plus forte raison l’homme doit-il glorifier le Dieu qui l’a créé ? Toutefois le Fils de Dieu ne é’est point séparé de son Père en venant vers nous, de même il ne nous a pas délaissés en retournant vers lui. Qu’y a-t-il en cela d’étonnant puisqu’il est Dieu ? Au contraire, cela est impossible à ce soleil visible, qui, lorsqu’il tourne vers l’Occident quitte nécessairement l’Orient. Or, de même que ce soleil visible répand sa lumière sur le visage de celui qui a les yeux ouverts et sur celui de l’aveugle, avec cette différence que l’un la voit et l’autre ne la voit pas : ainsi la sagesse de Dieu, c’est-à-dire, le Verbe de Dieu, est présent en tous lieux, même aux yeux des infidèles qui ne peuvent le voir, parce qu’ils n’ont pas les yeux du cœur. C’est donc pour établir cette différence entre ceux qui lui sont fidèles et les Juifs ses ennemis, comme entre les ténèbres et la lumière, que le Sauveur ajoute : « Pour vous, vous ne savez ni d’où je viens ni où je vais. » Ces Juifs voyaient donc en lui un homme et ne pouvaient croire qu’il fût Dieu, c’est pourquoi il leur dit encore : « Vous, vous jugez selon la chair, lorsque vous dites : Vous rendez témoignage de vous-même, votre témoignage n’est pas véritable. » — Théophile. C’est-à-dire, vous me voyez revêtu d’un corps mortel, vous concluez que je ne suis qu’un homme, et vous ne voulez pas croire que je suis Dieu, c’est en quoi vous vous trompez en jugeant selon la chair. — S. Augustin. (Traité 36.) Comme vous ne pouvez comprendre que je sois Dieu, et que vous ne voyez en moi qu’un homme, vous regardez comme une témérité présomptueuse que je me rende témoignage à moi-môme, car tout homme qui veut se rendre un témoignage favorable encourt le soupçon d’orgueil et de présomption. Les hommes sont faibles de leur nature, ils peuvent dire la vérité, ils peuvent aussi mentir, mais pour la lumière elle est incapable de mentir.

S. Chrys. (hom. 52.) Ou bien encore, vivre selon la chair, c’est vivre d’une manière coupable, ainsi juger selon la chair, c’est faire des jugements injustes. Et comme ils pouvaient lui dire : Si nous jugeons injustement, pourquoi ne pas démontrer l’injustice de nos jugements, pourquoi ne pas nous condamner ? Il ajoute : « Moi, je ne juge personne. » — S. Augustin. (Traité 36.) Ce qui peut s’entendre de deux manières : Je ne juge personne actuellement, comme il dit dans un autre endroit : « Je ne suis pas venu pour juger le monde, mais pour sauver le monde. » Il ne nie pas le pouvoir qu’il a de juger, il en diffère l’exercice. Ou bien encore, il venait de leur dire : « Vous, vous jugez selon la chair, » et il ajoute : « Pour moi, je ne juge personne, » sous-entendez selon la chair, c’est-à-dire, que Jésus-Christ ne juge pas comme il a été jugé. Car afin que chacun reconnaisse que le Sauveur est juge dès maintenant, il ajoute : « Et si je juge, mon jugement est vrai. »

S. Chrys. (hom. 52.) Tel est donc le sens de ses paroles, si je vous dis : « Je ne juge personne ; » ce n’est pas que je ne sois sûr de mon jugement, car si je voulais juger, mon jugement serait juste, mais le temps déjuger n’est pas encore venu. Il leur annonce ensuite indirectement le jugement futur en ajoutant : « Parce que je ne suis pas seul, mais moi et mon Père qui m’a envoyé, » et leur apprend que son Père doit se joindre à lui pour les condamner. Il répond ainsi en se conformant à leurs pensées, car ils ne croyaient pas que le Fils fut digne de foi, à moins de joindre le témoignage du Père à son propre témoignage.

S. Augustin. (Traité 36.) Mais si le Père est avec vous, comment vous a-t-il envoyé ? Donc, Seigneur, votre mission, c’est votre incarnation. Le Fils de Dieu incarné, le Christ était donc avec nous sans qu’il eût quitté son Père, parce que le Père et le Fils étaient partout en vertu de l’immensité divine. Rougissez donc, disciple de Sabellius, car Jésus ne dit pas : Je suis le Père, et en même temps : Je suis le Fils, mais : « Je ne suis pas seul, parce que mon Père est avec moi. » Distinguez donc les personnes, faites cette distinction par l’intelligence, reconnaissez que le Père est le Père, et que le Fils est le Fils, mais ne dites pas : Le Père est plus grand, le Fils lui est inférieur. Ils ont une même substance, une même éternité, une égalité parfaite. Donc, dit le Sauveur, mon jugement est vrai, parce que je suis le Fils de Dieu. Comprenez cependant dans quel sens le Père est avec moi, je ne suis pas son Fils, de manière à être séparé de lui, j’ai pris la forme de serviteur, mais je n’ai pas perdu celle de Dieu.

Après avoir parlé du jugement, il en vient au témoignage : « Il est écrit dans votre loi que le témoignage de deux hommes est vrai. » — S. Augustin. (contr. Faust., 16, 13.) Les manichéens vont-ils trouver dans ces paroles un nouveau sujet de calomnie, parce que le Sauveur ne dit pas : Il est écrit dans la loi de Dieu, mais ; « Il est écrit dans votre loi ? » Qui ne reconnaît ici une expression consacrée dans les Ecritures ? Votre loi signifie ici la loi qui vous a été donnée, de même que l’Apôtre appelle son Evangile (Rm 2), l’Evangile qu’il déclare avoir reçu, non par un homme, mais par la révélation de Jésus-Christ. (Ga 2)

S. Augustin. (Traité 36.) Ces paroles que Dieu dit à Moïse : « Que tout soit assuré par la déposition de deux ou trois témoins, » (Dt 19, 18) ne laissent pas de soulever une grande difficulté et paraissent renfermer un sens mystérieux ; car il peut arriver que deux témoins se rendent coupables de mensonge. La chaste Suzanne était accusée par deux faux témoins (Dn 13) ; le peuple juif tout entier se rendit coupable de calomnies atroces contre Jésus-Christ (Mt 27) ; comment donc entendre ces paroles : « Tout sera assuré par la déposition de deux ou trois témoins, » si nous n’y voyons une allusion mystérieuse à la sainte Trinité, qui possède éternellement l’immuable vérité ? Recevez donc, dit le Sauveur, notre témoignage, si vous ne voulez éprouver la rigueur de notre jugement ; je diffère le jugement, mais je ne diffère point le témoignage : « Or, je rends moi-même témoignage de moi, » etc. — Bède. Nous voyons dans bien des passages de l’Ecriture, que le Père rend témoignage à son Fils, comme dans le Psaume 2 : « Je vous ai engendré aujourd’hui, » et dans saint Matthieu (3 et 17), où le Père dit de lui : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé. »

S. Chrys. (hom. 52.) Ou bien encore, si l’on prend cette parole dans le sens le plus simple, elle présente une véritable difficulté. Parmi les hommes, il a été établi que toute déposition doit être appuyée sur le témoignage de deux ou trois témoins, parce qu’un seul témoin n’est pas digne de foi ; mais comment faire à Dieu l’application de cette règle ? Cependant cette proposition n’a point d’autre raison d’être. Parmi les hommes, lorsque deux témoins déposent sur un fait qui ne leur est point personnel, leur témoignage est vrai, parce que c’est le témoignage de deux personnes distinctes, mais si l’un des deux vient à se rendre témoignage à lui-même, ce ne sont plus deux témoins, il n’y a plus qu’un seul. Notre-Seigneur ne s’est donc exprimé de la sorte que pour montrer qu’il n’est pas inférieur a son Père, autrement il n’aurait pas dit : « Moi et mon Père qui m’a envoyé. » Considérez encore que sa puissance n’est en rien au-dessous de celle de son Père. Lorsqu’un homme est par lui-même digne de foi, il n’a pas besoin d’un autre témoignage, lorsqu’il s’agit d’un fait qui lui est étranger ; mais dans une affaire personnelle où il a besoin du témoignage d’autrui, il n’est plus également digne de foi. Ici c’est tout le contraire, le Sauveur rend témoignage dans sa propre cause, tout en ayant pour lui le témoignage d’un autre, et il se déclare digne de foi.

Alcuin. On peut encore entendre ces paroles dans ce sens : Votre loi reçoit comme vrai le témoignage de deux hommes qui peuvent être trompés et tromper eux-mêmes, ou faire des déclarations fausses et incertaines, pourquoi donc refusez-vous d’admettre comme véritable le témoignage de mon Père et le mien, qui a pour lui la garantie de la plus haute vérité ?

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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