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Jn  3  9-12

Haym. Nicodême ne peut comprendre les mystères de la puissance divine que le Sauveur vient de lui révéler ; sans donc les révoquer en doute, il lui en demande la raison, non dans l’intention de le blâmer, il l’interroge dans le désir de s’instruire : « Nicodème lui répondit : Comment cela peut-il se faire ? » — S. Chrys. (hom. 26.) Il reste encore dans les basses régions du judaïsme et malgré la comparaison si claire qui lui a été donnée, il continue d’interroger, aussi Notre-Seigneur lui parle-t-il avec plus de sévérité : «Jésus lui dit : Vous êtes maître en Israël, et vous ignorez ces choses ? » — S. Augustin. (Traité 12) Que signifient ces paroles ? L’intention de Notre-Seigneur est-elle de blesser ce maître en Israël ? Non, il voulait le faire naître de l’esprit. Or, l’humilité est la condition indispensable de cette naissance, puisque c’est l’humilité elle-même qui nous fait naître de l’esprit. Or, Nicodème était comme enflé de son titre de maître, et il se croyait un homme important, parce qu’il était docteur des Juifs. Notre-Seigneur réprime donc son orgueil, pour qu’il puisse naître de l’esprit. — S. Chrys. (hom. 26.) Il n’accuse pas ses mauvaises dispositions, il lui reproche seulement son ignorance et son défaut de jugement. Mais quel rapport, me demandera-t-on, pouvait-il y avoir entre cette naissance dont Jésus-Christ venait de parler et les croyances des Juifs ? Le voici : La création du premier homme, la formation de la femme d’une des côtes d’Adam, les femmes stériles qui sont devenues mères, les miracles dont l’eau a été l’instrument, Elisée faisant surnager le fer sur l’eau, les Juifs passant la mer Rouge à pied sec, Naamon le syrien guéri de la lèpre dans les eaux du Jourdain, étaient autant de symboles figuratifs de cette naissance spirituelle, et de la purification qu’elle produit dans l’âme. Les oracles des prophètes rendent à leur tour témoignage quoique d’une manière plus cachée à la manière dont s’accomplit cette naissance, par exemple dans ces paroles : « Votre jeunesse sera renouvelée comme celle de l’aigle ; » (Ps 12) « Bienheureux ceux dont les iniquités sont pardonnées. » (Ps 31) Isaac lui-même a été une figure de cette naissance. Voilà pourquoi Notre-Seigneur dit à Nicodème : « Vous êtes maître en Israël et vous ignorez ces choses ! » Le Sauveur donne une nouvelle preuve de la vérité de ses paroles en ajoutant par condescendance pour la faiblesse de ce pharisien : « En vérité, en vérité je vous le dis, nous disons ce que nous savons, et nous attestons ce que nous avons vu, et vous ne recevez pas notre témoignage. » La vue est pour nous le plus sûr de tous les sens, et si nous voulons convaincre quelqu’un de l’existence d’une chose, nous lui disons que nous l’avons vue de nos yeux. C’est pour cette raison que Notre-Seigneur, parlant à Nicodème un langage humain, lui donne pour motif de certitude qu’il a vu ce dont il parle. Il ne peut être ici question de la vue des yeux du corps, et il est évident que le Sauveur veut parler ici d’une connaissance des plus certaines et qui exclut jusqu’à la possibilité de l’erreur. Or, ces paroles : « Nous savons » s’appliquent ou à lui seul ou à son Père conjointement avec lui.

Haym. Mais pourquoi dit-il au pluriel : « Nous savons ? » Nous répondons que c’était le Fils unique de Dieu qui parlait de la sorte et qu’il montrait ainsi comment le Père est dans le Fils, le Fils dans le Père, et comment le Saint-Esprit procède invisiblement de tous les deux. — Alcuin. Ou bien il parle au pluriel en ce sens : Moi et tons ceux qui ont eu le bonheur de renaître de l’Esprit saint, nous comprenons ce que nous disons et ce que nous avons vu dans le sein du Père, nous l’attestons publiquement dans le monde, et vous qui êtes charnels et superbes, vous ne recevez pas notre témoignage. — Théophile. Ce n’est point à Nicodème que s’appliquent ces paroles, mais à toute la nation juive qui persévéra jusqu’à la fin dans son incrédulité. — S. Chrys. (hom. 26.) Ce n’est non plus ni le mécontentement ni l’aigreur qui inspirent ces paroles à Notre-Seigneur, mais un sentiment de douceur et de bonté, ainsi nous apprend-il lorsque nos paroles n’auront point porté la persuasion dans les cœurs, à ne point nous laisser aller ni à la tristesse, ni à la colère, mais à rendre notre parole digne de foi, en évitant non-seulement la colère, mais les cris qui sont une cause de disputes. Jésus, sur le point de révéler des vérités sublimes, semble se retenir par égard pour la faiblesse de ses auditeurs, il ne s’élève pas aussitôt à ces vérités dignes de sa grandeur, mais traite de choses plus en rapport avec la disposition des esprits : « Si vous ne croyez pas lorsque je vous parle des choses qui sont sur la terre, comment croirez-vous lorsque je vous parlerai des choses qui sont dans le ciel ? » — S. Augustin. (Traité 12.) C’est-à-dire, si vous ne croyez pas que je puisse relever le temple que vous aurez renversé, comment croirez-vous que les hommes puissent être régénérés par l’Esprit saint ? — S. Chrys. (hom. 27.) Ou bien encore, ne soyez point surpris, s’il appelle le baptême une chose terrestre, il l’appelle ainsi, parce qu’il se confère sur la terre, et qu’en comparaison de cette naissance étonnante qui fait sortir le Fils de la substance du Père, la naissance même spirituelle de la grâce est une chose terrestre. Et c’est avec raison qu’il ne dit pas : Vous ne comprenez point mais : « Vous ne croyez pas, » car qu’un homme ne puisse faire entrer une vérité dans son intelligence, c’est un signe de folie ou d’ignorance, mais qu’il refuse de donner son adhésion à une vérité qu’il doit simplement croire, ce n’est plus de la folie, c’est une incrédulité coupable. Notre-Seigneur révélait ces vérités bien que ceux qui entendaient refusaient de les croire, parce que plus tard elles devaient être crues d’une foi vive.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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