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Jn  3  4-8

S. Chrys. (hom. 24.) Nicodème, en venant trouver Jésus, ne voyait en lui qu’un homme, mais lorsqu’il l’entend exposer des vérités supérieures à l’intelligence de l’homme, son esprit s’efforce de s’élever à la hauteur de ces enseignements ; toutefois les ténèbres qui couvrent son esprit ne lui permettent pas de s’y maintenir, il est encore dans le doute et l’incertitude, et il objecte une espèce d’impossibilité, pour engager Notre-Seigneur à s’expliquer plus clairement. Deux choses surtout le jetaient dans l’étonnement : la nouvelle naissance et le royaume, choses inouïes et inconnues parmi les Juifs. Nicodème s’attache surtout à la première difficulté qui troublait le plus ses idées : « Et Nicodème lui dit : Comment un homme peut-il naître lorsqu’il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître de nouveau ? »

Bède. L’observation de Nicodème semble indiquer que dans sa pensée un enfant peut rentrer dans le sein de sa mère et naître de nouveau. Mais il faut se rappeler qu’il était déjà avancé en âge, et qu’il se donne lui-même comme exemple : Je suis déjà vieux, semble-t-il dire, je veux sincèrement arriver au salut, comment donc puis-je rentrer dans le sein de ma mère et y prendre une nouvelle naissance ? S. Chrys. (hom. 24.) Quoi, vous appelez Jésus, Maître et Docteur, vous reconnaissez qu’il est envoyé de Dieu, et vous ne recevez pas ses enseignements, et vous lui faites une question capable de porter le trouble dans les esprits ? Chercher la raison des choses est en effet le propre de ceux dont la foi est encore faible, et il en est beaucoup qui ont perdu la foi au milieu de ces recherches, les uns en demandant : Comment Dieu a-t-il pu s’incarner ? Les autres : Comment peut-il rester ainsi impassible ? C’est sous l’impression de cette incertitude d’esprit que Nicodème fait cette question : « Comment un homme peut-il ? » etc. Mais voyez dans quelles pensées ridicules tombent ceux qui veulent mêler leurs conceptions aux vérités surnaturelles. — S. Augustin. (Traité 11 sur S. Jean.) C’est l’Esprit qui parle ici, et cet homme n’a que des idées charnelles ; il ne connaissait qu’une seule naissance, celle qui vient d’Adam et d’Eve, et n’avait aucune connaissance de celle qui vient de Dieu et de l’Eglise. Nous devons toutefois entendre la naissance spirituelle comme Nicodème entendait la naissance charnelle, car de même qu’on ne peut rentrer dans le sein de sa mère, on ne peut non plus recevoir une seconde fois le baptême.

S. Chrys. (hom. 24 sur S. Jean.) Notre-Seigneur, voyant que Nicodème ne pouvait s’élever au-dessus de la génération charnelle, lui explique plus clairement le mode de cette naissance toute spirituelle : « Jésus lui répondit : En vérité, en vérité, je vous le dis, nul, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit saint, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. » — S. Augustin. (Traité 11) Paroles dont voici le sens : Vous ne pensez qu’à la génération charnelle, mais il faut que l’homme naisse de l’eau et de l’Esprit saint pour entrer dans le royaume de Dieu. Pour recueillir l’héritage de son père dans le temps, l’homme doit naître du sein d’une mère mortelle ; pour parvenir à l’héritage éternel de Dieu le Père, il doit prendre une nouvelle naissance dans le sein de l’Eglise. L’homme est composé de deux substances différentes, d’un corps et d’une âme ; cette naissance spirituelle a aussi un double mode d’action, l’eau qui est visible sert à purifier le corps, et l’Esprit saint, dont l’opération est invisible, purifie l’âme qui est également invisible. — S. Chrys. (hom. 24.) Si l’on me demande comment l’homme peut recevoir de l’eau une nouvelle naissance, je demanderai à mon tour comment Adam a pu naître de la terre ? Au commencement la matière première était simplement de la terre, et la formation d’Adam est tout entière l’œuvre du Créateur ; de même ici la matière est l’eau, mais cette nouvelle naissance est tout entière l’œuvre de l’Esprit de grâce. Dieu alors donna au premier homme le paradis terrestre pour habitation, il nous ouvre maintenant le ciel. Mais pourquoi l’eau est-elle nécessaire à ceux qui reçoivent l’Esprit saint ? Voici la raison de ce mystère, c’est que l’eau est le symbole d’opérations divines, de la sépulture, de la mortification, de la résurrection et de la vie. En effet, lorsque notre corps est plongé dans l’eau, le vieil homme est comme enseveli, il disparaît tout entier dans cette immersion, et reparaît ensuite tout renouvelé. C’est encore pour vous apprendre que la vertu du Père, du Fils et du Saint-Esprit, remplit toutes choses, et que Jésus-Christ attendit trois jours pour ressusciter. (hom. 26.) L’eau est pour le fidèle comme le sein de la mère pour l’enfant, c’est dans l’eau que le chrétien reçoit la vie et sa forme. Mais l’enfant ne se développe que graduellement dans le sein de sa mûre, tandis que dans l’eau, le chrétien reçoit sa forme en un seul instant. Il est en effet dans la nature des corps de ne se développer et de n’atteindre leur perfection que progressivement. Il n’en est pas ainsi des natures spirituelles, elles sont parfaites aussitôt qu’elles existent. Depuis le jour où Notre-Seigneur est sorti des eaux du Jourdain, l’eau ne produit plus seulement des reptiles et des animaux privés de raison, mais des âmes spirituelles et raisonnables.

S. Augustin. (du bapt. des enf., 1, 30.) Notre-Seigneur ne dit pas : Nul, s’il ne renaît de l’eau et de l’Esprit saint, n’obtiendra pas le salut ou la vie éternelle, mais : « N’entrera pas dans le royaume de Dieu, » et il en est qui concluent de ces paroles, qu’à la vérité les enfants doivent être baptisés pour être avec le Christ dans le royaume de Dieu, où ils ne peuvent entrer que par le baptême, mais qu’ils ne laissent pas, s’ils viennent à mourir sans baptême, d’obtenir le salut et la vie éternelle, parce qu’ils ne sont esclaves d’aucun péché. Mais pourquoi duc nouvelle naissance, si ce n’est pour produire un renouvellement complet de vie ? Ou quel sera l’obstacle qui empêchera l’image de Dieu, d’entrer dans le royaume de Dieu, si ce n’est le péché ?

Haym. De si grands et de si profonds mystères étaient au-dessus de l’intelligence de Nicodème, aussi Notre-Seigneur cherche-t-il à se faire comprendre par une comparaison empruntée à la naissance charnelle : « Ce qui est né de la chair est chair, » etc., c’est-à-dire, de même que la chair engendre la chair, ainsi l’esprit engendre l’esprit. — S. Chrys. (hom. 26.) Elevez-vous donc au-dessus des choses sensibles, et n’allez point penser que l’esprit engendre la chair, car la chair elle-même du Sauveur n’a pas été produite par l’esprit seul, mais par la chair. Mais ce qui est né de l’esprit est spirituel, la naissance dont il est ici question n’est point celle qui produit la substance, mais celle qui lui donne l’honneur et la grâce. Si telle a été la naissance du Fils de Dieu, qu’a-t-il de plus que ceux qui ont eu part aussi à cette naissance ? Comment est-il le Fils unique de Dieu ? Car je suis ne aussi de Dieu, mais sans sortir de sa substance. Et s’il n’a point pour principe la substance même de Dieu, en quoi diffère-t-il de nous. Que dis-je ? Il serait même inférieur à l’Esprit saint, car cette nouvelle naissance n’a lieu que par la grâce de l’Esprit saint. Aurait-il donc besoin du secours de l’Esprit saint pour continuer à être le Fils de Dieu ? En quoi cette doctrine différerait-elle de la doctrine des Juifs ? Considérez ici la dignité de l’Esprit saint, l’Ecriture lui attribue les œuvres mêmes de Dieu, elle a dit plus haut : « Ils sont nés de Dieu. » Ici elle nous déclare que c’est l’Esprit saint qui les engendre. Notre-Seigneur voit que ces paroles : « Celui qui est né de l’esprit est esprit, jettent de nouveau le trouble dans les idées de ce pauvre pharisien, et il emprunte pour se faire comprendre un nouvel exemple aux choses sensibles : « Ne vous étonnez pas que je vous aie dit : Il faut que vous naissiez de nouveau, » paroles qui indiquent visiblement le trouble produit dans l’esprit de Nicodème. L’objet de la comparaison que choisit le Sauveur, n’appartient pas précisément au monde matériel, il n’atteint pas non plus la nature incorporelle ; ce terme de comparaison, c’est le vent : « Le vent souffle où il veut, vous entendez sa voix, mais vous ne savez d’où il vient ni où il va ; ainsi en est-il de tout homme qui est né de l’Esprit. » Voici l’explication de ces paroles : Rien ne peut arrêter le vent, il suit son impulsion naturelle, à plus forte raison l’action de l’Esprit saint ne pourra être entravée ni par les lois de la nature, ni par les bornes et les limites de la naissance corporelle, ni par aucun autre obstacle semblable. Qu’il soit ici question du vent, c’est ce que prouvent clairement les paroles suivantes : « Et vous entendez sa voix, » c’est-à-dire, le son dont il frappe les airs. Car le Sauveur n’eût point dit à un infidèle qui ne connaissait point l’action de l’Esprit saint : « Vous entendez sa voix. » Il ajoute : « Il souffle où il veut, » non pas que le vent se détermine par un choix libre et volontaire, mais parce qu’il suit l’impulsion qu’il a reçue de la nature, et que sa force n’est entravée par aucun obstacle : « Et vous ne savez d’où il vient, ni où il va, » c’est-à-dire, si vous ne pouvez connaître la voie que suit le vent dont vous entendez le son, et qui est sensible au toucher, comment pourriez-vous pénétrer les opérations de l’esprit de Dieu ? « Ainsi, ajoute Notre-Seigneur, est tout homme qui est né de l’Esprit. »

S. Augustin. (Traité 12 sur S. Jean.) Mais qui de nous, par exemple, ne voit pas venir l’auster du midi au nord, ou un autre vent de l’orient à l’occident ? Dans quel sens donc ne savons-nous pas d’où il vient, ni où il va ? — Bède. (hom. pour l’Inv. de la sainte Cr.) C’est donc l’Esprit saint qui souffle où il veut, parce qu’il a le pouvoir de choisir l’âme qu’il veut combler de la grâce de sa présence et de ses lumières, et vous entendez sa voix, lorsque celui qui est rempli de l’Esprit saint, parle en votre présence. — S. Augustin. (Traité 12.) Vous entendez le son des psaumes, le son de l’Evangile, le son de la parole divine, c’est la voix de l’Esprit saint. Notre-Seigneur s’exprime de la sorte, parce que l’Esprit saint anime invisiblement la parole et le sacrement, pour nous donner une nouvelle naissance. — Alcuin. Vous ne savez d’où il vient, ni où il va, car alors même que l’Esprit saint descendrait en votre présence dans l’âme d’un de vos frères, vous ne pourriez voir ni comment il y est entré, ni comment il en sortirait, parce qu’il est invisible de sa nature. — Haym. Ou bien encore, vous ne savez d’où il vient, parce que vous ignorez comment il conduit les hommes à la foi, ni où il va, parce que vous ne savez non plus comment il les élève jusqu’à l’espérance : « Ainsi est tout homme qui est né de l’Esprit, c’est-à-dire : L’Esprit saint est un esprit invisible, ainsi celui qui naît de l’esprit naît également d’une manière invisible. — S. Augustin. (Tr. 12.) Ou bien, lorsque vous serez né vous-même de l’Esprit saint, vous serez une énigme pour celui qui n’a point encore eu part à cette naissance, il ne saura ni d’où vous venez, ni où vous allez. C’est pour cela que le Sauveur ajoute : « Ainsi en est-il de tout homme qui est né de l’Esprit. » — Théophile. Quoi de plus propre à confondre Macédonius, cet ennemi de l’Esprit saint, qui ose enseigner que ce divin Esprit n’est qu’un serviteur, puisque d’après ces paroles, l’Esprit saint opère dans la plénitude de sa puissance, et agit là où il veut et comme il veut ?

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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