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Jn  1  20-31

Origène. (Traité 6 sur S.Jean.) Après ce témoignage de Jean-Baptiste, Jésus vient à lui ; le saint Précurseur, non-seulement persévère dans son témoignage, mais il expose des effets plus merveilleux encore de la venue du Rédempteur, et qui sont comme figurés par le second jour dont il est question : « Le jour suivant, Jean vit Jésus venant à lui. » Autrefois la mère de Jésus, aussitôt qu’elle l’eut conçu, était allé visiter la mère de Jean qui était encore enceinte, et aussitôt que la voix de Marie, qui saluait sa parente, eut frappé les oreilles d’Elisabeth, Jean tressaillit dans le sein de sa mère. Ici Jean-Baptiste voit venir à lui et s’approcher de lui Jésus lui-même, à qui il a rendu témoignage. Il est dans l’ordre que l’homme soit d’abord instruit par le témoignage des autres, avant de juger par ses yeux de la vérité de ce qui lui a été enseigné. La visite de Marie à Elisabeth, qui était son inférieure, et la démarche du Fils de Dieu, qui vient trouver Jean-Baptiste, nous apprennent l’humilité et le zèle avec lequel nous devons nous rendre utiles à ceux qui sont nos inférieurs. Nous ne voyons pas ici de quel endroit le Sauveur vint trouver Jean-Baptiste, mais nous pouvons le conclure de ces paroles de saint Matthieu : « Alors Jésus vint de la Galilée sur les bords du Jourdain, pour être baptisé par lui. » (Mt 2) — S. Chrys. (hom. 17.) Ou bien, saint Matthieu raconte l’arrivée de Jésus-Christ sur les bords du Jourdain pour recevoir le baptême, et saint Jean une autre démarche du Sauveur pour se rendre près de Jean-Baptiste après son baptême, c’est ce que semble indiquer la suite de son récit : « J’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe, » etc. Les Evangélistes se sont comme partagé, en effet, les diverses époques de la vie de Jésus. Saint Matthieu passe sous silence tous les faits qui ont précédé la prison de Jean-Baptiste, et passe immédiatement aux événements qui l’ont suivie ; tandis que saint Jean s’attache surtout à raconter les faits qui ont eu lieu avant que le saint Précurseur fût jeté dans les fers. C’est ce qu’il fait en ces termes : « Le lendemain, Jean vit Jésus, » etc. Pourquoi Jésus vient-il trouver Jean-Baptiste une seconde fois après son baptême ? parce que le Sauveur avait été baptisé avec un grand nombre d’autres, et qu’il ne voulait pas qu’on put soupçonner qu’il était venu trouver Jean-Baptiste pour le même motif, c’est-à-dire pour confesser ses péchés, ou recevoir dans le Jourdain le baptême de pénitence. Il revient donc trouver Jean-Baptiste, pour lui donner occasion de détruire cette fausse opinion, ce que Jean fait en ces termes : « Et il dit : Voici l’Agneau de Dieu, » etc. Il était de toute évidence, en effet, que celui dont la sainteté infinie devait effacer les péchés des autres, ne venait pas pour confesser ses péchés, mais pour donner occasion à Jean-Baptiste de lui rendre témoignage. Disons encore qu’il vient une seconde fois pour confirmer la vérité des premiers témoignages dans l’esprit de ceux qui les avait entendus, et les préparer à en recevoir d’autres. Jean-Baptiste dit : « Voici l’Agneau de Dieu, » pour signifier que c’est cet Agneau qui était autrefois attendu, pour rappeler la prophétie d’Isaïe, les symboles figuratifs de la loi ancienne, et conduire ainsi plus facilement les hommes à la vérité par les figures.

S. Augustin. (Traité 4 sur S. Jean.) Si un agneau est innocent, et que Jean soit un agneau, n’est-il pas innocent par là même ? Mais tous les hommes descendent de cette race coupable dont David disait en gémissant : « Voici que j’ai été conçu dans l’iniquité. » (Ps 50) Il n’y a donc que cet Agneau qui ne soit point né de cette race. Il n’a point été conçu dans l’iniquité, et sa mère ne l’a point nourri dans son sein d’un sang impur. Il a été conçu par une vierge, enfanté par une vierge, parce qu’elle l’a conçu par la foi, et que c’est par la foi qu’elle lui a donné le jour.

Origène. (Traité 6 sur S. Jean.) On offrait dans le temple comme victimes cinq espèces d’animaux, trois choisies parmi les animaux terrestres, le veau, la brebis et la chèvre, deux parmi les oiseaux, la tourterelle et la colombe. L’espèce ovine en fournissait trois : le bélier, la brebis et l’agneau, et parmi ces trois derniers, Jean-Baptiste choisit l’agneau comme figure du Sauveur, parce que l’agneau était la victime des sacrifices qu’on offrait chaque jour, l’un le matin et l’autre le soir. Or, quel est ce sacrifice que la nature raisonnable doit offrir à Dieu chaque jour, si ce n’est le Verbe toujours plein de force, de vie et de beauté, et qui nous est ici représenté sous la figure d’un agneau ? C’est lui qui sera notre sacrifice du matin, qui applique notre intelligence à la méditation des vérités divines, car notre âme ne peut toujours être appliquée à des choses aussi relevées, à cause de son étroite union avec ce corps mortel qui l’appesantit. De cette vérité que Jésus-Christ est un agneau, nous pourrions tirer encore plusieurs conséquences très-utiles, et nous arriverions ainsi jusqu’au sacrifice du soir, qui représente les choses corporelles. Or, celui qui a offert cet agneau en sacrifice, c’est Dieu qui était comme caché dans l’homme ; c’est le grand-prêtre qui a dit : « Personne ne m’ôte la vie, mais je la donne de moi-même, » (Jn 10) et c’est pour cela qu’il est appelé l’Agneau de Dieu ; car il a pris sur lui toutes nos infirmités (Is 53) ; il a effacé tous les péchés du monde (1 P 2) ; et a reçu la mort comme un baptême. (Lc 12) Dieu, en effet, ne laisse passer sans les reprendre et les châtier aucune de nos actions contraires à sa loi, et ce n’est qu’au prix des plus grands efforts qu’elles peuvent être ramenées à cette règle divine.

Théophile. Ou bien encore, Jésus-Christ est appelé l’Agneau de Dieu, en ce sens que sa mort a été acceptée par Dieu le Père pour notre salut, ou parce qu’il l’a livré lui-même à la mort pour nous sauver. C’est ainsi que nous avons coutume de dire : « Cette offrande est de tel homme, » c’est-à-dire que cet homme l’a offerte ; de même Jésus-Christ est appelé l’Agneau de Dieu, parce que Dieu a offert son Fils à la mort pour notre salut. L’agneau figuratif n’a effacé le péché d’aucun homme ; l’Agneau véritable a effacé le péché du monde tout entier qu’il a délivré de la colère de Dieu, aux châtiments de laquelle il était exposé. C’est pour cela que Jean-Baptiste dit : « Voici celui qui efface le péché du monde. » Il ne dit pas : Qui effacera, mais : « Qui efface les péchés du monde, » c’est-à-dire qu’il continue toujours de le faire. Ce n’est pas seulement dans sa passion et sur la croix qu’il efface le péché du monde, il n’a cessé de l’effacer depuis sa mort jusqu’à présent, il n’est pas toujours crucifié, il est vrai, puisqu’il n’a offert qu’un seul sacrifice pour nos péchés, mais il ne cesse de les effacer par la vertu de ce sacrifice.

S. Grég. (Moral., 8, 20.) Il ôtera entièrement le péché du genre humain, lorsque notre corruption sera remplacée par la glorieuse incorruptibilité ; car nous ne pouvons être affranchis de tout péché tant que nous sommes retenus captifs dans ce corps de mort. — Théophile. Mais pourquoi dit-il : « Le péché du monde, » et non pas : Les péchés du monde ? C’est pour renfermer dans cette dénomination générale l’universalité des péchés, comme lorsque nous disons : l’homme a été chassé du paradis, c’est-à-dire le genre humain tout entier.

Bède. Ou bien, le péché du monde signifie le péché originel, qui est commun au genre humain tout entier. Or, c’est ce péché originel, et tous ceux que les hommes y ont ajoutés, que Jésus-Christ efface par sa grâce. — S. Augustin. (Traité 4 sur S. Jean.) Celui qui, en prenant notre nature, n’a point pris notre péché, est celui-là même qui efface notre péché. Vous savez qu’il est des hommes qui tiennent ce langage : Nous remettons les péchés aux hommes, parce que nous sommes saints ; car si celui qui baptise n’a pas la sainteté, comment peut-il effacer le péché d’un autre, lui dont l’âme est souillée par toute sorte de péchés ? A ces prétentions, nous nous contentons d’opposer ces paroles : « Voici celui qui efface le péché du monde, » paroles qui détruisent toute confiance présomptueuse dans les hommes. — Origène. (comme préced.) De même qu’au sacrifice de l’agneau figuratif les autres sacrifices prescrits par la loi se trouvaient joints par un lien étroit, ainsi au sacrifice de l’Agneau véritable, viennent s’unir par un lien non moins intime, d’autres sacrifices semblables, le sacrifice des martyrs qui répandent leur sang, et dont la patience, la foi et le zèle ardent détruisent et anéantissent tous les obstacles que les impies voudraient apporter au bien.

Théophile. Jean-Baptiste avait dit précédemment à ceux qu’on lui avait envoyés : « Il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas, » il le fait connaître maintenant à ceux qui l’ignoraient : « C’est celui dont j’ai dit : Un homme vient après moi, » etc. Il appelle le Seigneur un homme, parce qu’il avait atteint la plénitude de l’âge, puisqu’il fut baptisé à l’âge de trente ans ; ou encore, parce qu’il est le mari spirituel de l’âme et l’époux de l’Eglise, ce qui a fait dire à saint Paul : « Je vous ai fiancés à un seul homme qui est Jésus-Christ, pour vous présenter à lui comme une vierge toute pure, » (2 Co 2) — S. Augustin. (Traité 4 sur S. Jean.) Il est venu après moi, parce que sa naissance a suivi la mienne, mais « il a été fait avant moi, » c’est-à-dire qu’il a été placé au-dessus de moi. — S. Grég. (hom. 7 sur les Evang.) La raison de cette prééminence de Jésus, c’est, ajoute-t-il : « Qu’il était avant moi, » c’est-à-dire, quoique ma naissance précède lu sienne, il ne laisse pas d’être au-dessus de moi, parce que son existence n’est point limitée par l’époque de sa naissance, car celui qui a voulu naître d’une mère dans le temps, a été engendré par son Père on dehors de toute succession de temps. — Théophile. Ecoutez ces paroles, ô Arius ! Jean ne dit pas : Il a été créé avant moi, mais : « Il était avant moi. » Que les sectateurs de Paul de Samosate entendent aussi ces paroles, et qu’ils apprennent que Jésus ne tire pas sa première origine de Marie, car s’il avait reçu d’elle le principe de son existence, comment aurait-il pu exister avant son précurseur, puisqu’il est évident que la naissance de Jean-Baptiste précédait de six mois la naissance temporelle de Jésus-Christ ?

S. Chrys. (hom. 17 sur S. Jean.) On pouvait soupçonner Jean-Baptiste d’obéir à la voix de l’amitié ou aux liens du sang qui l’unissaient à Jésus-Christ en lui rendant un si glorieux témoignage ; aussi se hâte-t-il d’ajouter : « Et moi, je ne le connaissais pas, » ce qui devait paraître vraisemblable, puisque Jean avait toujours vécu dans le désert. Les prodiges qui avaient entouré le berceau de Jésus enfant, par exemple, lors de l’adoration des mages, ou dans d’autres circonstances semblables, remontaient à une époque déjà éloignée, et au temps de la première enfance de Jean-Baptiste. Depuis, le Sauveur avait passé sa vie dans l’obscurité, et sans être connu de personne, comme le déclare Jean-Baptiste lui-même : « Mais c’est afin qu’il fût manifesté en Israël, que je suis venu baptiser dans l’eau. » Donc tous ces prétendus miracles avec lesquels Jésus se serait joué dès son enfance, sont autant de fictions dénuées de fondement. Si Jésus avait fait des miracles dès sa première enfance, Jean l’aurait connu de quelque manière, et le peuple n’eût pas en besoin qu’on le lui fit connaître. Ce baptême n’était donc nullement nécessaire au Sauveur, et il n’avait d’autre raison que de préparer les hommes à croire en Jésus-Christ. Aussi Jean-Baptiste ne dit pas : Je suis venu pour purifier ceux qui reçoivent mon baptême, ou pour les délivrer de leurs péchés, mais : « Je suis venu, afin qu’il fût manifesté eu Israël. » Mais ne pouvait-il donc faire connaître Jésus-Christ, et déterminer le peuple à croire en lui, sans qu’il fût nécessaire de baptiser ? Oui, sans doute, mais il atteignait ainsi plus facilement ce but, car la foule ne se fût pas empressée d’accourir à lui, si la prédication n’eût pas été suivie du baptême.

S. Augustin. (Traité 4 sur S. Jean.) Mais dès que le Seigneur fut connu, il était inutile de lui préparer les voies, puisqu’il devenait lui-même la voie pour ceux qui le connaissaient. Aussi le baptême de Jean ne dura plus longtemps, et seulement jusqu’à ce qu’il eût fait connaître suffisamment le Sauveur, si humble dans tout son extérieur. (Tr. 5.) C’est donc pour nous donner un exemple d’humilité, et nous engager à recevoir le baptême qui efface les péchés et nous donne le salut, que le Seigneur a daigné être baptisé des mains de son serviteur. Mais afin que le baptême du serviteur ne fût pas mis au-dessus du baptême du Seigneur, d’autres reçurent aussi le baptême du serviteur. Or ceux qui recevaient le baptême du serviteur, devaient encore nécessairement recevoir le baptême du Seigneur, tandis que ceux qui recevaient le baptême du Seigneur, n’avaient nul besoin du baptême du serviteur.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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