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Jn  18  28-32

S. Augustin. (Traité 114 sur S. Jean.) L’Evangéliste revient à l’endroit de son récit qu’il avait interrompu pour raconter le reniement de Pierre : « Ils amenèrent donc Jésus de chez Caïphe dans le prétoire. » Déjà nous avions vu Jésus envoyé chez Caïphe par Anne, son collègue et son beau-père. Mais puisqu’il est envoyé chez Caïphe, pourquoi l’amener dans le prétoire ? Saint Jean vent simplement dire qu’on l’amena dans la maison qu’habitait le gouverneur romain Pilate. — Bède. Le prétoire est ainsi appelé, parce qu’il est la demeure et le siège du préteur ; or, les préteurs sont des préfets ou des commandants à qui on donne ce nom, parce qu’ils sont chargés d’intimer aux citoyens les ordres du souverain. — S. Augustin. Ou bien donc Caïphe, pour une cause urgente, quitta la maison d’Anne, ou tous deux s’étaient réunis pour entendre les dépositions contre Jésus, et se dirigea vers le prétoire, en laissant à son beau-père l’interrogatoire de Jésus, ou bien Pilate avait établi le prétoire dans la maison même de Caïphe, parce que cette maison était assez grande pour loger à la fois et séparément Caïphe et le gouverneur romain. — S. Augustin. (de l’accord des Evang.) C’est à Caïphe, que Jésus était amené tout d’abord, et il n’y arriva cependant qu’en dernier lieu ; on l’amenait comme un coupable déjà convaincu, Caïphe, d’ailleurs avait déjà résolu sa mort, il le livre donc sans aucun délai à Pilate pour qu’il le fit exécuter.

« Or, c’était le matin. » — S. Chrys. (hom. 82 sur S. Jean.) Jésus fut conduit chez Caïphe avant le chant du coq, et le matin chez Pilate. L’Evangéliste nous donne ici une preuve que l’interrogatoire que Caïphe fît subir à Jésus pendant toute la nuit, ne put fournir contre lui aucun sujet d’accusation, et c’est pour cela qu’il le renvoie à Pilate. Mais saint Jean laisse aux autres évangélistes le soin de nous raconter ces détails, et en vient immédiatement à ce qui suivit les événements de la nuit : « Et eux n’entrèrent point dans le prétoire. » — S. Augustin. C’est-à-dire, dans la partie de la maison occupée par Pilate, en supposant que ce fût la maison de Caïphe. Or, pour quel motif ne voulurent-ils point y entrer ? Afin de ne point se souiller et de pouvoir manger la Pâque. — S. Chrys. C’était le jour, en effet, où les Juifs célébraient la Pâque, que Jésus avait célébré un jour auparavant, parce qu’il voulait que sa mort eût lieu le sixième jour où se célébrait l’ancienne Pâque. Ou bien le mot Pâque s’étend ici à toute la fête. — S. Augustin. Les jours des azymes étaient commencés, et pendant ces jours ou ne pouvait entrer dans la maison d’un païen, sans contracter l’impureté légale. — Alcuin. La Pâque, proprement dite, était le jour où on immolait l’agneau pascal, le soir du quatorzième jour de la lune ; les sept jours suivants s’appelaient les jours des azymes pendant lesquels les Juifs ne devaient avoir chez eux aucun pain fermenté. Cependant nous voyons le jour de Pâque compté parmi les jours des azymes dans l’évangile de saint Matthieu, où nous lisons : « Le premier jour des azymes, les disciples s’approchèrent de Jésus, et lui dirent : Où voulez-vous que nous préparions ce qui est nécessaire pour manger la Pâque ? » (Mt 26, 17) Le nom de Pâque est aussi donné aux jours des azymes, comme nous le voyons ici : « Afin de pouvoir manger la Pâque. » Or, la Pâque ici ne signifie point l’immolation de l’agneau, qui avait lieu le soir du quatorzième jour de la lune, mais la grande solennité qui se célébrait après l’immolation de l’agneau ; Notre-Seigneur avait donc célébré la Pâque comme les autres Juifs, le quatorzième jour de la lune, et fut crucifié le quinzième jour, qui était le jour de la grande solennité, et son immolation commença le quatorzième jour de la lune, du moment où on se saisit de lui dans le jardin des Olives.

S. Augustin. O aveuglement impie ! Ils craignaient de se souiller en entrant dans le prétoire d’un juge païen et ils ne craignent pas de répandre le sang de leur frère innocent, car ils ne savaient pas que celui qu’ils voulaient faire mourir était le Soigneur et l’auteur de la vie, et il faut attribuer ce crime plutôt à leur ignorance qu’à une volonté réfléchie.

Théophile. Pilate quelqu’ait été le mode de procédure qu’il suivait à l’égard de Jésus, en sort avec des sentiments beaucoup plus modérés : « Pilate vint à eux dehors et leur demanda : Quelle accusation portez-vous contre cet homme ? » — Bède. C’était la coutume chez les Juifs quand ils avaient condamné un coupable à mort, de le remettre chargé de chaînes au gouverneur, afin que le gouverneur le voyant en cet état, comprît qu’il était condamné à la peine de mort. — S. Chrys. Cependant bien que Pilate vit Jésus enchaîné et amené devant lui par une foule aussi nombreuse, il ne crut pas que ce fût là une preuve péremptoire ou irrécusable de culpabilité, il les interroge donc : « Quelle accusation leur demande-t-il, portez-vous contre cet homme ? » Il leur fait sentir l’inconvenance qu’ils commettent en s’emparant du pouvoir de juger, et en ne lui laissant que celui d’infliger le châtiment ; mais les Juifs refusent d’aborder de front l’accusation, et n’allèguent que de vagues présomptions : « Ils lui répondirent : Si ce n’était pas un malfaiteur, nous ne vous l’aurions pas livré. » — S. Augustin. Qu’on interroge et qu’ils répondent, ceux qu’il a délivrés des esprits impurs, les malades qu’il a guéris, les lépreux qu’il a purifiés, les sourds à qui il a rendu l’ouïe, les aveugles dont il a ouvert les yeux, les muets dont il a délié la langue, les morts qu’il a ressuscites, et ce qui surpasse tous ces miracles, les insensés à qui il a donné la sagesse, et qu’ils disent si Jésus est un malfaiteur. Mais ceux qui portaient cette accusation étaient ces ingrats dont le Prophète avait fait cette prédiction : « Ils me rendaient le mal pour le bien. » (Ps 34, 12) — S. Augustin. (De l’accord des Evang., 3, 8) Il nous faut examiner si saint Luc n’est pas en contradiction avec saint Jean lorsqu’il raconte que les Juifs formulèrent contre le Sauveur des chefs certains d’accusation : « Et ils commencèrent à l’accuser, ou disant : Nous avons trouvé celui-ci pervertissant notre nation, défendant de payer le tribut à César, et disant qu’il est le Christ roi. » (Lc 22, 2.) D’après saint Jean, au contraire, les Juifs paraissent ne vouloir formuler aucune accusation aussi particulière, afin que Pilate s’en rapportant exclusivement à leur parole, cessât de leur demander ce dont ils l’accusaient, et qu’il le regardât comme coupable par cela seul qu’ils avaient cru devoir le livrer entre ses mains. Or nous devons admettre et le récit de saint Jean et celui de saint Luc ; car il y eut dans cette circonstance bien des questions et des réponses échangées, chaque évangéliste a fait entrer dans sa narration ce qu’il a jugé plus utile, et saint Jean lui-même a rapporté certaines accusations dirigées contre Jésus, comme nous le verrons en son lieu : « Pilate leur dit donc : Prenez-le vous-même, et jugez-le selon votre loi. » — Théophile. C’est-à-dire, puisque vous voulez qu’il soit jugé selon vos désirs, et qu’à vous entendre, il semble que vous n’ayez jamais rien fait de répréhensible, prenez-le et condamnez-le, quant à moi, je ne consentirai jamais à juger de la sorte. — Alcuin. Ou bien encore il veut leur dire : Vous avez une loi, et vous savez ce qu’elle prononce en pareille circonstance, faites donc selon que vous le croyez juste.

« Les Juifs lui répondirent : Il ne nous est pas permis de mettre à mort personne. » — S. Augustin. Mais est-ce que la loi ne défend pas d’épargner les malfaiteurs, et surtout les séducteurs qui cherchent à détourner du culte du vrai Dieu comme était Jésus dans leur pensée ? Si donc ils répondent qu’il ne leur est pas permis de mettre personne à mort, c’est, entendons-le bien, à cause de la solennité du jour qu’ils avaient commencé à célébrer. L’excès de votre malice vous a-t-il fait perdre entièrement toute raison que vous vous croyiez purs du sang innocent parce que vous voulez le faire répandre par un autre ? — S. Chrys. Ou bien ils répondent qu’ils ne peuvent le mettre à mort, parce que leur pouvoir était singulièrement diminué depuis qu’ils étaient soumis à la domination romaine. Ou bien encore, Pilate leur ayant dit : « Jugez-le suivant votre loi, ils veulent lui prouver que le crime que Jésus a commis n’est pas contre la loi juive, et ils répondent : « Il ne nous est pas permis, » c’est-à-dire, il n’a point péché contre notre loi, mais son crime est un crime contre la sûreté publique, puisqu’il s’est dit roi. On peut dire encore qu’ils désiraient faire mourir Jésus du supplice de la croix pour le couvrir d’ignominie par ce genre de mort ; or il ne leur était pas permis de crucifier, mais l’exemple d’Etienne qui fut lapidé par eux montre qu’ils pouvaient mettre à mort d’une autre manière. Aussi l’Evangéliste ajoute : « Afin que fût accomplie la parole que Jésus-Christ avait dite, touchant la mort dont il devait mourir, » parce qu’il était défendu aux Juifs de crucifier, ou bien l’Evangéliste s’exprime ainsi parce que Jésus devait être mis à mort, non-seulement par les Juifs mais par les Gentils. — S. Augustin. Nous lisons en effet dans saint Marc que Jésus dit à ses disciples : « Voilà que nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux princes des prêtres, aux scribes et aux anciens, ils le condamneront à mort et le livreront aux Gentils. » (Mc 10, 23.) Or Pilate était romain, et les empereurs romains l’avaient établi gouverneur de la Judée. Ce fut donc pour accomplir cette prédiction de Jésus, qu’il serait livré aux Gentils et qu’ils le mettraient à mort, qu’ils ne voulurent point le recevoir des mains de Pilate, et qu’ils lui dirent : « Il ne nous est pas permis de mettre personne à mort. »

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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