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Jn  18  15-18

S. Augustin. (de l’acc. des Evang., 3. 6) Tous les évangélistes ne racontent pas dans le même ordre le renoncement de Pierre, qui vint s’ajouter aux outrages auxquels le Sauveur fut en butte pendant cette nuit. Saint Matthieu et saint Marc, ne le placent qu’après le récit de ces outrages, saint Luc raconte, tout d’abord le triple renoncement de cet Apôtre. Saint Jean commence le récit de la chute de Pierre, à ces paroles : « Cependant Simon Pierre suivait Jésus, ainsi qu’un autre disciple avec lui. » — Alcuin. Il suivait son Maître par amour, quoique la crainte ne le lui faisait suivre que de loin. — S. Augustin. Il serait peut-être téméraire d’affirmer quel est ce disciple, puisque l’Evangéliste ne nous dit point son nom, cependant, c’est sous cette dénomination générale que saint Jean a coutume de se désigner, en ajoutant : « Celui qu’aimait Jésus. » Peut-être donc est-ce lui-même dont il est ici question. — S. Chrys. Il cache ici son nom par un sentiment d’humilité. L’action qu’il raconte est des plus glorieuses, puisqu’il est le seul qui suive Jésus, et que tous les autres ont pris la fuite. Cependant il donne à Pierre la première place dans son récit, et il semble céder à la nécessité en parlant de lui-même. Il vous apprend en même temps toute la valeur de son récit sur les faits qui se sont passés dans la cour du grand-prêtre, et dont il a été le témoin oculaire. Mais il se dérobe aux éloges qu’il méritait en ajoutant : « Or, ce disciple était connu du grand-prêtre. » Il ne cherche donc point à se prévaloir comme d’un acte héroïque d’avoir suivi Jésus seul jusque chez le grand-prêtre, et il en donne la raison pour ne pas laisser supposer qu’il a fait preuve en cela de courage et d’élévation de caractère. Quant à Pierre, l’amour le conduisit jusque-là, mais la crainte le retint à la porte : « Mais Pierre se tenait dehors à la porte. » — Alcuin. Celui qui devait renier le Seigneur, se tenait dehors, et il n’était pas en Jésus-Christ, parce qu’il n’osait pas reconnaître et confesser hautement Jésus-Christ.

S. Chrys. L’Evangéliste nous fait voir que Pierre lui-même serait entré dans l’intérieur de la maison si on le lui eût permis : « L’autre disciple, qui était connu du grand-prêtre, sortit donc et parla à la portière, et elle fit entrer Pierre. » Il ne le fit pas entrer lui-même, parce qu’il suivait Jésus-Christ et se tenait près de lui. « Cette servante qui gardait la porte dit à Pierre : « Etes-vous aussi des disciples de cet homme ? Il lui répondit : Je n’en suis point. » Que dites-vous là, ô Pierre ? n’est-ce pas vous qui avez dit, il y a peu d’instants : « Et s’il le faut, je donnerai ma vie pour vous ? » Qu’est-il donc arrivé, que vous ne puissiez même pas supporter la question d’une simple servante ? Ce n’est point un soldat qui vous interroge, c’est une pauvre portière. Et encore ne lui dit-elle pas : Etes-vous le disciple de ce séducteur ? mais : « Etes-vous le disciple de cet homme ? » question qui paraissait dictée par un sentiment de compassion. Elle lui dit : « Etes-vous aussi ? » parce que Jean était dans l’intérieur de la cour.

S. Augustin. Mais qu’y a-t-il d’étonnant que Dieu ait prédit la vérité, et que l’homme se soit trompé en présumant trop de lui-même ? Or, nous devons remarquer, dans cette première négation de Pierre, qu’on renonce Jésus-Christ non-seulement quand on nie qu’il soit le Christ, mais quand on nie que l’on est chrétien. En effet, Notre-Seigneur n’avait pas dit à Pierre : Vous nierez que vous êtes mon disciple, mais : « Vous me renierez moi-même ; » Pierre a donc renié Jésus-Christ, en niant qu’il fût son disciple. Et que fit-il autre chose on cela que de nier qu’il fût chrétien ? Combien d’enfants et déjeunes filles on a vu, par la suite, mépriser la mort pour confesser hautement le nom de Jésus-Christ, et entrer dans le royaume des cieux en lui faisant violence, ce que ne put faire, alors celui qui avait reçu les clefs du royaume des cieux ! Voilà pourquoi Notre-Seigneur avait dit : « Laissez ceux-ci s’en aller, car je n’ai perdu aucun de ceux que vous m’avez donnés. » Et si Pierre s’en était allé après avoir renié Jésus-Christ, sa perte était infaillible.

S. Chrys. (Serm. sur Pierre et Elie.) C’est donc par un secret dessein que la Providence permit que Pierre tombât le premier, pour que la vue de sa propre chute lui inspirât plus de douceur pour les pécheurs. En effet, Dieu permit que Pierre, qui était le maître et le docteur de l’univers, succombât et obtînt son pardon, pour donner aux juges des consciences la loi et la règle de miséricorde qu’ils devraient suivre à l’égard des pécheurs. C’est pour cela, je pense, que Dieu n’a point confié aux anges la dignité du sacerdoce, parce qu’étant impeccables ils auraient poursuivi sans miséricorde le péché dans ceux qui le commettent. C’est un homme, sujet à toutes les passions, que Dieu établit au-dessus des autres hommes, afin que le souvenir de ses propres faiblesses lui inspire plus de douceur et de bonté pour ses frères.

Théophile. Il en est qui cherchent, mais vainement, à justifier Pierre, en disant qu’il a renoncé à Jésus-Christ parce qu’il voulait toujours être avec lui, et marcher constamment à sa suite. Il savait, disent-ils, que s’il se donnait pour un des disciples de Jésus, il en serait aussitôt séparé, et qu’il ne lui serait plus permis ni de le suivre ni de le voir ; il feint donc d’être du nombre des archers du grand-prêtre, de peur que la tristesse de son visage ne le fit reconnaître et chasser dehors : « Or, les serviteurs et les satellites étaient rangés autour d’un brasier, parce qu’il faisait froid, et se chauffaient ; et Pierre aussi filait debout parmi eux, et se chauffait. » — S. Augustin. On n’était point en hiver, et cependant il faisait froid, comme il arrive d’ordinaire à l’équinoxe du printemps. — S. Grég. (Moral., 2, 2.) Déjà Pierre avait laissé refroidir dans son âme le feu de la charité, et il réchauffait la fièvre de sa faiblesse à l’amour de la vie présente, comme au feu des persécuteurs.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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