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Jn  14  8-11

S. Hil. (de la Trin., 7) La nouveauté de ce langage étonne l’apôtre Philippe, on ne voit en Jésus-Christ qu’un homme, et il se proclame le Fils de Dieu, il déclare qu’en le connaissant on connaît son Père, et que qui le voit voit son Père ; Philippe fait au Sauveur cette question qu’autorisait son titre d’Apôtre : « Seigneur, montrez-nous votre Père, et cela nous suffit. » Il ne nie pas qu’on puisse voir son Père en lui, mais il demande qu’on le lui montre, non pas comme vu spectacle extérieur propre à satisfaire les regards du corps, mais comme une démonstration intellectuelle qui lui fasse comprendre celui qu’il désire voir ; car il avait bien vu le Fils de Dieu sous une forme humaine, mais il ne savait pas comment en le voyant, il pouvait voir le Père. Et comme preuve que cette manifestation qu’il désire est plutôt une démonstration de l’intelligence qu’une vision extérieure, il ajoute : « Et cela nous suffira. » — S. Augustin. (de la Trin., 8) Celle joie dont il nous comblera en nous montrant son visage (Ps 15, 11), ne nous laissera plus rien à désirer, et c’est ce qu’avait bien compris Philippe, lorsqu’il disait : « Seigneur, montrez-nous le Père, et cela nous suffit. » Mais il n’avait pas encore compris qu’il pouvait également dire à Jésus-Christ : « Seigneur, montrez-vous à nous, et cela nous suffit, car c’est pour lui faire comprendre cette vérité, que Notre-Seigneur ajoute : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ? » — S. Augustin. (Traité 70.) Mais comment le Sauveur peut-il leur faire ce reproche, alors qu’ils savaient bien où il allait, ainsi que la voie qui y conduisait, par cela seul qu’ils le connaissaient lui-même ? Cette question peut facilement se résoudre, en disant que parmi les Apôtres, quelques-uns connaissaient Jésus-Christ, mais que quelques autres ne le connaissaient pas, et que de ce nombre était Philippe.

S. Hil. (de la Trin., 7) Le Sauveur fait donc un reproche à cet Apôtre, de ce qu’il ne le connaît point, car la plupart des actions qu’il avait faites, comme de marcher sur la mer, de commander aux vents, de remettre les péchés, de rendre la vie aux morts, étant visiblement les œuvres d’un Dieu ; toute la difficulté venait de ce que sous le voile de l’humanité qu’il avait prise, Philippe n’avait pas compris l’existence de la nature divine. Aussi à la demande que lui fait cet Apôtre, de lui montrer son Père, il répond : « Philippe qui me voit, voit mon Père. » — S. Augustin. En effet, lorsque nous parlons de deux personnes parfaitement semblables, nous disons : « Si vous avez vu l’une, vous avez vu l’autre. » C’est dans ce sens que Notre-Seigneur dit : « Celui qui me voit, voit mon Père, » non pas que le Père soit le même que le Fils, mais parce que le Fils a une entière et parfaite ressemblance avec le Père.

S. Hil. (de la Trin., 7) Notre-Seigneur ne veut point parler ici de la vue des yeux du corps, car la chair qui est née de la vierge Marie, ne peut servir à découvrir un Jésus-Christ la nature divine, mais c’est l’intelligence que nous avons du Fils de Dieu, qui nous fait comprendre le Père, car si le Fils est l’image du Père, il a avec lui une même nature, et cette expression signifie simplement qu’il a été engendré. Les paroles du Sauveur ne laissent point supposer, en effet, une seule et unique personne, bien qu’elles expriment l’unité de nature, car en ajoutant : « Voit le Père, » il exclut la supposition d’une personne unique, et nous force d’admettre qu’en vertu de l’unité de nature, le Père est vu dans le Fils. — S. Augustin. Mais doit-on faire des reproches à celui qui, voyant une personne parfaitement semblable à une autre, désire voir l’autre terme de la ressemblance ? Nous répondons que le Sauveur reprend son disciple, parce qu’il voyait le fond de son cœur ; Philippe désirait connaître le Père, comme si le Père était supérieur au Fils, et par là-même il ne connaissait pas le Fils, m supposant qu’il existait un être qui lui fût supérieur. C’est pour redresser cette erreur que Notre-Seigneur lui dit : « Ne croyez-vous pas que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ? » C’est-à-dire, si c’est beaucoup pour vous de voir le Père dans le Fils, croyez au moins ce que vous ne voyez pas. — S. Hil. (de la Trin., vu.) Comment pouvait-on encore ignorer le Père, et quelle nécessité de le faire connaître à ceux qui l’ignoraient, alors qu’on pouvait le voir dans le Fils ? Or, on le voyait, parce qu’ils ont une commune nature, et qu’en vertu de cette nature absolument semblable, celui qui engendre et celui qui est engendré ne sont qu’un, selon ces paroles du Sauveur : « Ne croyez-vous pas que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ? » — S. Augustin. (de la Trin., 1, 2.) Le Sauveur voulait qu’il vécût de la foi avant de parvenir à la claire vision, car la contemplation est la récompense de la foi, et c’est la foi qui prépare les cœurs à cette récompense en les purifiant.

S. Hil. (de la Trin., 7) Or, le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père, non par la double union de deux natures qui se rencontrent, ni par l’union d’une nature supérieure qui vient s’enter sur une autre nature, parce que les choses intérieures ne peuvent être soumises aux nécessités des dimensions corporelles, et demeurer extérieures aux choses qui les contiennent, mais le Père est dans le Fils, et le Fils dans le Père, en vertu de sa naissance d’une nature vivante sortant d’une autre nature vivante, c’est-à-dire, en vertu de la naissance d’un Dieu engendré par un Dieu. — S. Hil. (de la Trin., 5) En effet, Dieu qui est immuable, agit conformément à sa nature en engendrant une nature immuable, et cette naissance parfaite d’un Dieu immuable qui sort du sein d’un Dieu immuable, lui conserve toute la perfection de sa nature. Nous comprenons donc que la nature divine est en lui, en ce sens que c’est Dieu qui est dans Dieu, et qu’il n’y a point d’autre Dieu en dehors de lui qui est Dieu.

S. Chrys. (hom. 74 sur S. Jean.) On peut encore donner une autre explication de ce passage. Philippe voulait voir le Père des yeux du corps, parce qu’il pensait avoir vu le Fils de la sorte, peut-être aussi, parce qu’il avait entendu dire aux prophètes qu’ils avaient vu le Seigneur, c’est sous cette impression qu’il dit à Jésus : « Montrez-nous le Père. » Les Juifs lui avaient souvent fait cette question : « Quel est votre Père ? » Pierre et Thomas lui avaient demande oùl il allait, et ni les uns ni les antres n’avaient compris sa réponse. Philippe donc voulant éviter le reproche d’importunité, se contente de lui dire : « Montrez-nous 1e Père, et cela nous suffit, » c’est-à-dire, nous ne demandons rien autre chose. Or, le Sauveur ne lui répond point : « Vous demandez une chose impossible ; » mais il lui fait comprendre qu’il n’a même pas vu le Fils, car s’il avait pu le voir, il aurait vu aussi le Père, et c’est le sens de ces paroles : « Il y a si longtemps que je suis avec vous, et vous ne me connaissez pas ? Philippe, qui me voit, voit aussi mon Père. » Il ne lui dit pas : Vous ne m’avez pas vu, mais : « Vous ne m’avez pas connu, » c’est-à-dire, vous n’avez pas compris que le Fils demeurant ce qu’est le Père, peut très-bien montrer en lui celui qui l’a engendré. Il distingue ensuite les deux personnes, en ajoutant : « Celui qui me voit, voit aussi mon Père, » pour prévenir cette erreur que le Fils est une même personne avec le Père. Il lui montre maintenant qu’il n’a point vu le Fils des yeux du corps. Si quelqu’un veut donner ici au mot voir la signification du mot connaître, je ne m’y oppose point, et tel serait alors le sens de ces paroles : « Celui qui me connaît, connaît aussi le Père. » Mais ce n’est point la pensée du Sauveur, qui a voulu exprimer sa consubstantialité avec son Père en ces termes : Celui qui a vu ma nature, a vu la nature de mon Père. Il résulte de là qu’il n’est pas une simple créature, car celui qui voit un être créé ne voit pas Dieu. Philippe, d’ailleurs, désirait voir la nature du Père. Si donc le Sauveur avait une nature différente de son Père, il ne dirait pas : « Celui qui me voit, voit mon Père, « car personne ne peut voir la nature de l’or dans celle de l’argent ; une nature ne peut faire voir en elle-même une nature toute différente.

S. Augustin. Le Sauveur s’adresse ensuite non plus à Philippe seul, mais a tous ses apôtres : « Les paroles que je vous dis, je ne vous les dis pas de moi-même ; » que signifie cette manière de s’exprimer : « Je ne parle pas de moi-même, » si ce n’est : Moi qui vous parle, je ne suis pus de moi-même ? Il attribue ainsi ce qu’il fait à celui de qui lui vient avec l’être le pouvoir d’agir. — S. Hil. (de la Trin., 7) Il ne nie donc pas qu’il soit le Fils, il ne dissimule pas non plus la puissance de la nature paternelle qui est en lui, car lorsqu’il parle, il parle dans sa propre nature, et en déclarant qu’il ne parle pas de lui-même, il atteste en lui la naissance divine qui le fait naître d’un Dieu. — S. Chrys. Voyez avec quelle abondance de preuves il établit l’unité de la nature divine : « Le Père qui demeure en moi, fait lui-même les œuvres que je fais. » C’est-à-dire, mon Père et moi n’agissons point d’une manière différente, comme il le dit ailleurs : « Si je ne fais point les œuvres de mon Père, ne croyez pas en moi. » Mais pourquoi passe-t-il des paroles aux œuvres ? Il paraissait convenable de dire : C’est lui qui dit les paroles que je prononce, mais il veut donner ici deux preuves différentes empruntées, l’une à la doctrine, l’autre aux miracles ; ou encore, parce que les paroles étaient ici comme des œuvres. — S. Augustin. En effet, celui qui édifie son prochain par ses discours, fait une bonne œuvre. Ces deux propositions ont été pour des hérétiques différents, la matière d’une double difficulté. Le Fils n’est point égal au Père, disent les Ariens, puisqu’il ne parle point de lui-même. Le Père est la même chose que le Fils, disent à leur tour les Sabelliens, car que signifient ces paroles : « Le Père qui demeure en moi, fait lui-même les œuvres que je fais, » si ce n’est : Je demeure en moi-même, moi qui fais ces œuvres ? — S. Hil. (de la Trin., 7) Que le Père demeure dans le Fils, cela n’indique pas une seule et même personne ; que d’un autre côté, le Père agisse par le Fils, on ne peut en conclure qu’ils soient d’une nature différente. Disons encore que celui qui ne parle point de lui-même, prouve par-là même qu’il n’est pas seul, et que celui qui parle par lui n’est pas d’une nature différente. Or, après avoir enseigné que le Père parlait et agissait en lui, il apportait la foi à cette unité parfaite entre lui et son Père, en ajoutant : « Ne croyez-vous pas que je suis dans mon Père, et que mon Père est en moi ? » Tant il veut que nous croyons que le Père parle et agit dans son Fils, non par un effet de sa puissance, mais par l’effet de la génération divine et de l’unité de nature. — S. Augustin. Jusque-là Notre-Seigneur n’avait adressé de reproches qu’à Philippe, il fait voir maintenant qu’il n’était pas le seul qui les méritât, en disant à tous : « Croyez au moins à cause de mes œuvres ? » — S. Chrys. Si ce que j’ai dit ne suffit pas pour vous convaincre que je cuis consubstantiel à mon Père, apprenez-le du moins par mes oeuvres. » C’est le sens de ces paroles : « Croyez-le du moins à cause de mes œuvres. » Vous avez vu des miracles faits avec autorité, vous avez vu en moi tous les signes les plus évidents de divinité, les péchés remis, les morts ressuscités, et d’autres prodiges semblables. — S. Augustin. Croyez donc au moins à cause de mes œuvres, que je suis dans mon Père et que mon Père est en moi ; car si nous avions une nature distincte, nous ne pourrions nullement agir avec autant d’unité.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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