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Jn  14  27-31

S. Chrys. (hom. 75 sur S. Jean.) Ces paroles du Sauveur à ses disciples : « Je vous laisse ma paix, » leur faisaient pressentir son départ et pouvaient leur inspirer un sentiment de trouble ; il se hâte donc de sur dire : « Que votre cœur ne se trouble point et ne s’effraie point. » Ce double sentiment était produit en eux l’un par l’amour, l’autre par la crainte.

S. Augustin. (Traité 78 sur S. Jean.) Ce qui pouvait être pour eux une cause de trouble et d’effroi, c’est que Jésus les quittait (quoiqu’il dût revenir), et que pendant cet intervalle, le loup pouvait profiter de absence du pasteur pour fondre sur le troupeau : « Vous avez entendu, leur dit le Sauveur, que je vous ai dit : Je m’en vais et reviens à vous. » Il s’en allait en tant qu’homme, et il restait en tant que Dieu. Mais pourquoi ce trouble et cet effroi, puisqu’en se dérobant à leurs regards, Jésus n’abandonnait pas leur cœur ? Or, pour leur faire comprendre que c’était comme homme qu’il leur avait dit : « Je m’en vais et je reviens à vous ; » il ajoute : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je m’en vais à mon Père, » etc. C’est en tant qu’il n’était pas égal au Père, que le Fils devait aller à son Père, d’où il devait revenir juger les vivants et les morts. Mais en tant qu’il est égal à celui qui l’a engendré, il ne se sépare jamais de son Père, mais il est tout entier avec lui en tout lieu en vertu de cette divinité qu’aucun lieu ne peut limiter. Aussi le Fils de Dieu, égal à son Père dans la forme de Dieu (car il s’est anéanti lui-même sans perdre la forme de Dieu, mais en prenant la forme de serviteur), (Ph 2), est plus grand que lui-même, puisque la forme et la nature de Dieu qu’il n’a point perdues, sont plus grandes que la forme et la nature de serviteur qu’il a prises. A ne considérer que cotte forme de serviteur, le Fils de Dieu est inférieur, non-seulement au Père, mais à l’Esprit saint ; sous ce rapport Jésus-Christ enfant était inférieur à ses parents, puisqu’il leur était soumis dans son enfance, comme l’Evangile nous l’apprend. (Lc 2) Reconnaissons donc en Jésus-Christ deux natures, la nature divine, qui le fait égal au Père, et la nature humaine, qui le rend inférieur au Père. Or, ces deux natures ne font point deux Christs, mais un seul Christ ; de sorte qu’il n’y a pas en Dieu quaternité, mais trinité. Or, Notre-Seigneur dit : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez dr ce que je m’en vais à mon Père. » Félicitons, en effet, la nature humaine, de ce que le Fils unique de Dieu a daigné la prendre pour la placer dans les cieux, au sein de l’immortalité, de ce que la terre a été élevée si haut, et de ce que la poussière, devenue incorruptible, s’est assise à la droite le Dieu le Père. Qui ne se réjouirait, s’il aime Jésus-Christ, qui ne’applaudirait de voir sa nature revêtue de l’immortalité dans la personne du Christ, et d’espérer obtenir lui-même un jour cette immoralité par les mérites de Jésus-Christ ?

S. Hil. (de la Trin., 9) Ou bien encore, si le Père est plus grand que moi, en vertu de l’autorité de celui qui donne, est-ce que le Fils ne lui est pas inférieur, par-là même qu’il reconnaît avoir reçu de son Père ? Oui, celui qui donne est plus grand, mais le Fils n’est pas inférieur, puisque son Père lui donne d’être un seul et même Dieu avec lui. — S. Chrys. On peut encore donner cette explication : Les Apôtres ne savaient pas en quoi consistait cette résurrection qu’il leur avait prédite, en leur disant : « Je m’en vais et je reviens à vous, » et ils l’avaient pas encore de lui une idée convenable, tandis qu’ils regardaient le Père comme infiniment plus grand et plus élevé. Il leur dit donc : « Vous craignez que je ne sois pas assez puissant pour me secourir moi-même, et vous ne pouvez croire que je revienne vous voir près ma mort sur la croix ; mais au moins vous devriez vous réjouir de m’entendre dire que je vais à mon Père qui est plus grand que moi, et qui est assez puissant pour renverser tous les obstacles. » Il accommodait ainsi son langage à la faiblesse de ses disciples, et c’est pour cela qu’il ajoute : « Et je vous le dis maintenant, avant que cela arrive, afin que quand ce sera arrivé, vous croyiez. »

S. Augustin. (Traité 79 sur S. Jean.) Que veulent dire ces paroles ? Est-ce que l’homme ne doit pas croire bien plutôt ce qui lui est proposé comme l’objet de sa foi avant son accomplissement ? Le véritable mérite de la foi, c’est de croire ce qu’on ne voit point, car cet Apôtre à qui Jésus a dit : « Vous avez cru parce que vous avez vu, » il a vu une chose et en a cru une autre, il a vu en Jésus-Christ un homme, et il a cru qu’il était Dieu. On dit bien, il est vrai, qu’on croit ce que l’on voit, qu’on en croit à ses propres yeux, mais ce n’est point là cette foi qui s’établit dans nos cœurs ; les choses que nous voyons ne sont que le moyen par lequel nous croyons celles que nous ne voyons pas. Ces paroles : « Quand cela sera arrivé, » signifient donc qu’après qu’il sera mort, ils le verront de nouveau plein de vie, et qu’en le voyant ils croiront fermement qu’il était le Christ, fils de Dieu, qui a pu opérer un tel prodige et le prédire avant de l’accomplir. Et ils le devaient croire, non d’une foi nouvelle, mais d’une foi plus complète, ou si l’on veut, d’une foi qui avait faibli au moment de sa mort, mais qui s’était ranimée lors de sa résurrection.

S. Hil. (de la Trin., 9) Notre-Seigneur leur fait connaître ensuite ce qui devait lui mériter la gloire qui devait suivre sa mort : « Je ne vous parlerai plus guère. » — Bède. Il s’exprime de la sorte, parce que le moment approchait où on allait se saisir de sa personne et le mettre à mort : « Car le prince de ce monde vient. » — S. Augustin. Quel est ce prince du monde si ce n’est le démon ? Il n’est point toutefois le prince de toutes les créatures, mais seulement des pécheurs. Aussi lorsque l’Apôtre nous dit : « Nous avons à combattre… contre les princes de ce monde, » (Ep 6, 12) il ajoute : « De ce monde de ténèbres, » c’est-à-dire, du monde composé des hommes impies, « et il n’a rien en moi, » parce que le Fils de Dieu était venu sans péché, et la très-sainte Vierge n’avait pas conçu et enfanté sa chair d’une source empoisonnée par le péché. Mais alors, pouvait-on lui dire : Pourquoi devez-vous souffrir la mort, si vous êtes sans péché, puisque la mort est la peine du péché ? Il prévient cette objection en ajoutant : «Mais afin que le monde connaisse que j’aime mon Père, et que selon le commandement que mon Père m’a donné, ainsi je fais ; levez-vous, sortons d’ici. » En effet, il était encore à table avec ses disciples, lorsqu’il leur adressait le discours qui précède ; il dit : « Allons, » en se dirigeant vers le lieu où on devait se saisir de sa personne pour le livrer à la mort, bien qu’il n’eût aucunement mérité la mort ; mais son Père lui commandait de mourir, et il voulait donner l’exemple de l’obéissance par amour.

S. Augustin. (contr. le disc. des Ar., 2) L’obéissance du Fils, à la volonté et aux ordres de son Père, n’est point une preuve même parmi les hommes, de la diversité et de l’inégalité de nature entre le Père qui commande et le Fils qui obéit, et il y a ici quelque chose de plus, c’est que Jésus-Christ n’est pas seulement Dieu, en quoi il est égal à son Père, mais il est homme aussi, et par conséquent d’une nature inférieure à celle de son Père. — S. Chrys. (hom. 76 sur S. Jean.) On peut dire encore que ces paroles : « Levez-vous, sortons d’ici, » sont le commencement d’un autre ordre d’idées. Le temps, comme le lieu, étaient pour les disciples une cause naturelle de crainte et d’effroi. Ils étaient dans un endroit connu et ouvert de toutes parts ; la nuit était profonde, et ils ne prêtaient qu’une médiocre attention aux paroles du Sauveur, tournant les yeux de côté et d’autre, et s’imaginant toujours voir entrer ceux qui devaient les attaquer. Ce que le Sauveur venait de leur dire : « Je ne vous parlerai plus guère, car le prince de ce monde est venu, » ajoutait à leur frayeur. Jésus les voyant sous cette impression en entendant ses paroles, les conduit dans un autre lieu, où la pensée qu’ils étaient plus en sûreté leur laisserait plus de liberté d’esprit pour écouter attentivement les grandes vérités qu’il avait à leur révéler.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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