Accueil > Bibliothèque > La Chaîne d’or > Évangile selon saint Jean > chapitre 14, versets 1-4
S. Augustin. (Traité 67 sur S. Jean.) Le Sauveur voulant prévenir la crainte tout humaine que sa mort pouvait produire dans l’âme de ses disciples et le trouble qui devait s’en suivre, cherche à les consoler, en leur déclarant qu’il est Dieu lui-même : « Et il dit à ses disciples : Que votre cœur ne se trouble point, vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi, » c’est-à-dire, si vous croyez en Dieu, par une conséquence nécessaire, vous devez croire en moi, conséquence qui ne serait point légitime, si Jésus-Christ n’était pas Dieu. Vous craignez la mort pour la nature du serviteur, que votre cœur ne se trouble point, la nature divine la ressuscitera. — S. Chrys. (hom. 73 sur S. Jean.) La foi que vous aurez en moi et dans mon Père qui m’a engendré, est plus puissante que tous les événements qui peuvent arriver, et aucune difficulté ne peut prévaloir contre elle. Il prouve encore ici sa divinité en dévoilant les pensées les plus intimes de leur âme, et en leur disant : « Que votre cœur ne se trouble point. » S. Augustin. Comme la prédiction que Jésus avait faite à Pierre, toujours plein de confiance et d’ardeur qu’il le renierait trois fois avant le chant du coq avait aussi rempli de crainte les autres disciples, Notre-Seigneur les rassure en leur disant : « Il y a beaucoup de demeures dans la maison de mon Père. » C’est ainsi qu’il calme le trouble et l’agitation de leur âme, en leur donnant l’espérance assurée, qu’après les périls et les épreuves de cette vie, ils seraient pour toujours réunis à Dieu avec Jésus-Christ. Que l’un soit supérieur à un autre en force, en sagesse, en justice, en sainteté, aucun ne sera exclu de cette maison, où chacun sera placé suivant son mérite. Tous recevront également le denier que le père de famille ordonne de donner à ceux qui ont travaillé à sa vigne. (Mt 20) Ce dernier est le symbole de la vie éternelle, qui n’a pour personne une durée plus longue, parce qu’il ne peut y avoir de durée plus ou moins grande dans l’éternité. Le grand nombre de demeures signifie donc les différents degrés de mérites qui existent dans cette seule et même vie éternelle. — S. Grég. (hom. 16 sur Ezech.) Ou bien ce grand nombre de demeures s’accorde avec l’unité de denier, parce que bien que l’un goûte une félicité plus grande que l’autre, tous cependant éprouvent un même sentiment de joie dans la claire vue de leur Créateur. — S. Augustin. Ainsi Dieu sera tout en tous, car comme Dieu est charité par l’effet de cette charité, ce qui est à chacun sera le partage de tous. C’est ainsi que chacun possède les choses qu’il n’a pas en réalité, mais qu’il aime, dans un autre. La différence de gloire n’excitera donc aucune envie, parce que l’unité de la charité régnera dans tous les cœurs. — S. Grég. (Moral., dern. liv., chap. 14 ou 24.) D’ailleurs les bienheureux n’éprouveront aucun désavantage de cette disparité de gloire, parce que chacun recevra la mesure suffisante pour combler ses désirs.
S. Augustin. Il faut rejeter comme opposé à la foi chrétienne le sentiment de ceux qui prétendent que cette multiplicité de demeures signifie qu’il y aura en dehors du royaume des cieux un lieu destiné aux âmes innocentes qui seront sorties de cette vie sans avoir reçu le baptême, condition nécessaire pour entrer dans le royaume des cieux. Puisque toute la maison des enfants de Dieu, qui sont appelés à régner, ne peut être que dans le royaume, loin de nous la pensée qu’il y ait une partie de cette maison royale qui ne soit point dans le royaume, car le Seigneur n’a pas dit : Dans la béatitude éternelle, mais : « Dans la maison de mon Père il y a un grand nombre de demeures. »
S. Chrys. On peut encore rattacher autrement ces paroles à ce qui précède. Le Seigneur avait dit à Pierre : «Là où je vais vous ne pouvez me suivre maintenant, mais vous me suivrez par la suite. » Or, les disciples auraient pu regarder cette promesse comme faite exclusivement à Pierre, c’est pour cela qu’il leur dit ici : « Il y a un grand nombre de demeures dans la maison de mon Père, » c’est-à-dire, le palais que je destine à Pierre vous est également destiné, car il y a dans ce palais un grand nombre de demeures, et il n’y a point à objecter qu’elles ont besoin d’être préparées, car il s’empresse d’ajouter : « S’il en était autrement, je vous l’aurais dit, je vais vous préparer une place. » S. Augustin. Ces paroles prouvent suffisamment qu’il leur parle de la sorte, parce qu’il y a dans le ciel un grand nombre de demeures, et qu’il n’est pas besoin d’en préparer quelqu’une. — S. Chrys. Comme Il avait dit à Pierre : « Vous ne pouvez pas me suivre maintenant, » et qu’ils pouvaient craindre d’être pour toujours séparés de lui, il ajoute : « Et lorsque je m’en serai allé, et vous aurai préparé une place, je reviendrai et vous prendrai avec moi, afin que là où je suis, vous soyez aussi. » Quoi de plus propre que ce langage pour leur inspirer une vive confiance en lui ? — Théophile. Ne semble-t-il pas leur dire, en effet : Que les demeures soient préparées ou ne le soient point, vous ne devez point vous troubler, car en supposant qu’elles ne soient point préparées, je vais moi-même vous les préparer avec toute la sollicitude possible ?
S. Augustin. Mais comment Notre-Seigneur peut-il aller nous préparer nue place, puisque d’après lui, il y a déjà un grand nombre de demeures ? C’est qu’elles ne sont pas encore comme elles doivent être préparées, car les demeures qu’il a préparées par la prédestination, il les prépare encore par son action divine. Elles existent donc, déjà dans les décrets de sa prédestination, autrement il aurait dit : J’irai et je préparerai (c’est-à-dire je prédestinerai) une place ; mais comme elles ne sont pas encore l’objet de l’action divine, il ajoute : « Et lorsque je m’en serai allé et que je vous aurai préparé une place. » Or, il prépare maintenant ces demeures, en leur préparant ceux qui doivent les habiter. En effet, lorsque le Sauveur dit : « Il y a un grand nombre de demeures dans la maison de mon Père ; » que devons-nous entendre par cette maison de Dieu, si ce n’est le temple de Dieu, temple dont l’Apôtre dit : « Le temple de Dieu est saint, et c’est vous qui êtes ce temple ? » (1 Co 3, 17.) Or, cette maison est encore en voie de construction et de préparation. Mais pourquoi faut-il qu’il s’en aille pour cette préparation, puisque c’est lui-même qui nous prépare, ce qu’il ne peut faire, s’il le sépare de nous ? Il veut nous enseigner par là, que pour préparer ces demeures, le juste doit vivre de la foi. Si vous jouissez de la claire vue, la foi n’est plus possible. Que le Seigneur s’en aille donc pour se dérober aux regards, qu’il se cache pour devenir l’objet de notre foi, car c’est la vie de la foi qui nous prépare la place. Que la foi nous fasse désirer le Sauveur, afin que les saints désirs nous en mettent en possession. D’ailleurs, si vous l’entendez bien, il ne quitte ni le lieu d’où il paraît s’éloigner, ni celui d’où il est venu jusqu’à nous. Il s’en va en se cachant à nos regards, il vient en manifestant sa présence. Mais s’il ne demeure avec nous pour nous diriger et nous faire avancer dans la voie de la sainteté, le lieu où nous demeurerons avec lui, en jouissant de sa présence, ne nous sera point préparé.
Alcuin. Voici donc le sens de ce qu’il leur dit : « Je m’en vais, » (c’est-à-dire, je m’absente corporellement), mais : « Je reviendrai de nouveau, » (par la présence de ma divinité), ou bien encore, je reviendrai juger les vivants et les morts. Et comme il prévoyait qu’ils lui demanderaient où il irait, et le chemin qu’il suivrait, il les prévient et leur dit : « Où je vais, vous le savez (c’est-à-dire, vers mon Père), et vous savez la voie » (c’est-à-dire, que j’y vais par moi-même). — S. Chrys. En leur parlant de la sorte, il fait connaître le désir qui était au fond de leur âme et leur offre l’occasion de l’interroger.
Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.