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Jn  13  6-11

Origène. (Traite 32 sur S. Jean.) De même qu’un médecin, qui est chargé de plusieurs malades à la fois, commence par ceux dont l’état réclame premièrement ses soins ; ainsi Jésus-Christ, en lavant les pieds de ses disciples, qui étaient couverts de poussière, commence par ceux qui étaient plus souillés, et vient en dernier lieu à Pierre, comme ayant moins besoin d’avoir les pieds lavés : « Il vint donc à Simon Pierre ; » à qui la propreté presque entière de ses pieds conseillait la résistance : « Et Pierre lui dit : Quoi ! Seigneur, vous me laveriez les pieds, » etc. — S. Augustin. Que signifient ces paroles : « Vous, à moi ? » Elles demandent à être méditées plutôt qu’expliquées, de peur que la langue ne puisse rendre entièrement ce que l’âme a pu en comprendre dignement. — S. Chrys. Ou peut dire encore que bien que Pierre fût le premier, il est probable que le traître insensé s’était assis à table avant lui, ce que l’Evangéliste semble avoir voulu indiquer, quand il dit : « Il commença à laver les pieds, » et ensuite : « Il vint à Pierre. » — Théophile. D’où il faut conclure qu’il ne commence point par Pierre, et cependant aucun autre parmi les disciples n’eût osé se placer avant Pierre pour le lavement des pieds.

S. Chrys. On demandera peut-être aussi comment il se fait qu’aucun autre disciple ne se soit opposé à ce que Jésus lui lavât les pieds, à l’exception de Pierre, qui donnait ainsi à Jésus un témoignage éclatant de son amour et de son respect ; et il semble qu’on pourrait conclure de là que le Sauveur n’avait lavé les pieds, avant lui, qu’au seul traître, qu’il vint ensuite à Pierre, et que la leçon qu’il lui donne s’adresse à tous les disciples. En effet, si Notre-Seigneur avait commencé à laver les pieds d’un autre disciple, ce disciple l’en aurait empêché par les mêmes paroles que Pierre. — Origène. Ou bien encore, tous présentaient leurs pieds au Sauveur, en disant que celui qui était si élevé au-dessus d’eux ne leur lavait pas les pieds sans raison ; mais Pierre, ne prenant conseil que de son profond respect pour Jésus, ne voulait point présenter ses pieds pour que Jésus les lavât ; souvent, en effet, l’Ecriture nous montre Pierre plein d’ardeur pour exprimer ce qui lui paraissait le meilleur et le plus utile. — S. Augustin. Ou bien encore, nous ne devons point penser que Pierre seul, de tous les disciples, se soit opposé avec un respect mêlé d’effroi à l’action du Sauveur, tandis que les autres eussent souffert que Jésus leur lavât les pieds ; car on ne peut admettre qu’il les eût lavés à d’autres auparavant, et qu’il ne fût arrivé à Pierre qu’en second lieu (car qui ne sait que le bienheureux Pierre était le premier des disciples ?) Il a donc commencé par Pierre. Quand il commença à laver les pieds de ses disciples, il vint d’abord à celui par lequel il commença, c’est-à-dire à Pierre, et c’est alors que Pierre exprima ce sentiment de frayeur et d’étonnement que tous les autres auraient éprouvé également.

« Jésus lui répondit : Vous ne savez pas maintenant ce que je fais, mais vous le saurez par la suite. » — S. Chrys. C’est-à-dire l’utilité de cet enseignement, et comment l’humilité suffit pour conduire jusqu’à Dieu. — Origène. Ou bien le Seigneur veut nous faire comprendre que cette action cache un mystère ; en effet, en lavant leurs pieds et en les essuyant, il les rendait éclatants de blancheur, comme il convenait à ceux qui devaient évangéliser la vertu (Rm 10 ; Is 52), montrer le chemin de la sainteté, et marcher par celui qui a dit : « Je suis la voie. » (Jn 14) Jésus devait déposer ses vêtements avant de laver les pieds de ses disciples, afin de rendre plus purs encore leurs pieds, qui l’étaient déjà, ou pour recevoir sur son propre corps les souillures de leurs pieds, en ne gardant que le linge dont il était ceint ; car, « il a lui-même porté toutes nos langueurs. » (Is 53) Remarquez encore qu’il ne choisit pas d’autre temps pour laver les pieds de ses disciples que celui où le diable était déjà entré dans le cœur de Judas pour lui inspirer le dessein de livrer le Sauveur à ses ennemis, et où le mystère de la rédemption des hommes allait s’accomplir. Avant ce moment, il n’eût point été opportun que Jésus leur lavât les pieds ; car, qui leur aurait rendu cet office dans le temps qui devait s’écouler jusqu’à sa passion ? On ne pouvait non plus choisir le temps même de la passion ; car il n’y avait point un autre Jésus pour leur laver les pieds ; ni le temps qui la suivit, car alors leurs pieds furent purifiés par l’Esprit saint ; c’est à ce mystère que le Seigneur fait allusion, quand il dit à Pierre : « Vous n’êtes pas capable de le comprendre, mais vous le comprendrez plus tard, lorsqu’une lumière divine vous en donnera l’intelligence. »

S. Augustin. Cependant Pierre, comme épouvanté de ce que le Sauveur voulait faire, continue de s’opposera une action dont il ignorait le motif ; il ne peut souffrir de voir Jésus-Christ s’humilier jusqu’à ses pieds, et il lui dit : « De l’éternité vous ne me laverez les pieds. » C’est-à-dire, jamais je ne le souffrirai ; car ce qui ne se fait de l’éternité, ne se fait jamais — Origène. Nous apprenons, par cet exemple, qu’on peut dire dans une bonne intention, mais par ignorance, une chose qui n’est point avantageuse. Pierre, en effet, ignorant combien cette action du Sauveur devait lui être utile, s’en excuse en exprimant un doute plein de respect et de douceur : « Quoi ! Seigneur, vous, me laver les pieds ? » Ensuite il va plus loin : « Jamais vous ne me laverez les pieds ? » et s’oppose ainsi à une action qui devait le faire entrer en communication intime avec le Sauveur. En s’exprimant de la sorte, non-seulement il reprend Jésus de l’inconvenance qu’il y a pour lui de laver les pieds de ses disciples, mais il reproche aussi aux autres Apôtres de céder à ce désir inconvenant en présentant leurs pieds à Jésus. Comme ce refus de Pierre ne pouvait lui être avantageux, Notre-Seigneur ne voulut point lui donner raison : Jésus lui répondit : « Si je ne vous lave point, vous n’aurez point de part avec moi. » — S. Augustin. Le Sauveur dit : « Si je ne vous lave, » bien qu’il ne s’agisse que des pieds seuls, comme on dit : Vous marchez sur moi, alors qu’on ne marche que sur les pieds.

Origène. Comment ceux qui refusent d’entendre, dans un sens tropologique ou moral ce passage et d’autres semblables, pourront-ils expliquer que celui qui a dit à Jésus, par un sentiment de respect : « Vous ne me laverez jamais les pieds, » n’ait point de part avec lui pour ce seul fait de n’avoir point eu les pieds lavés par Jésus, comme s’il s’agissait d’un crime énorme ? Nous devons donc présenter à Jésus les pieds, c’est-à-dire les affections de notre âme, afin que nos pieds soient éclatants de blancheur, surtout lorsque nous aspirons à des grâces plus hautes et que nous voulons être du nombre de ceux qui évangélisent les biens du ciel.

S. Chrys. Jésus, au lieu de faire connaître à Pierre les motifs de sa conduite, lui fait des menaces, parce que Pierre n’était point alors en état d’être persuadé ; mais dès qu’il entend le Sauveur lui dire : «Vous le saurez par la suite, » il n’insiste pas et ne lui dit pas : Faites-le moi savoir actuellement pour que j’accède à votre désir ; la menace seule qui lui est faite, d’être séparé de Jésus, le détermine à se rendre. — Origène. Nous nous servons de cette parole du Sauveur contre ceux qui prennent la résolution indiscrète de faire des actions qui doivent leur être nuisibles ; car, en leur montrant qu’en persévérant dans ce dessein indiscret et téméraire, ils n’auront point de part avec Jésus, nous leur persuadons d’y renoncer, lors même qu’emportés par la vivacité de leurs désirs, ils auraient donné à leur résolution la sanction du serment.

S. Augustin. (Traité 56 sur S. Jean.) Mais Pierre, dans le trouble où le jettent à la fois l’amour et la crainte, redoute plus de perdre Jésus-Christ que de le voir s’humilier jusqu’à ses pieds, et Simon-Pierre lui dit : Seigneur, non-seulement les pieds, mais les mains et la tête. » — Origène. Jésus ne voulait point laver les mains de ses disciples, pour montrer le mépris qu’il faisait de ce que disaient les pharisiens : « Vos disciples ne lavent point leurs mains lorsqu’ils se mettent à table pour manger. » (Mt 15) Il ne voulait point non plus laver la tête, qui reflétait l’image et la gloire du Père, et il lui suffisait que Pierre présentât ses pieds. « Jésus lui répondit : Celui qui est pur n’a plus besoin que de se laver les pieds, et il est pur tout entier. » — S. Augustin. Il est pur tout entier, à l’exception des pieds ; ou si ce n’est ses pieds, qu’il a besoin de laver ; car l’homme, dans le baptême, est lavé tout entier, sans excepter même les pieds ; mais lorsque sa vie se trouve ensuite mêlée au commerce humain, il foule nécessairement la terre aux pieds. Les affections du cœur humain sans lesquelles cette vie mortelle ne peut ni exister ni se concevoir, sont comme les pieds ; et les choses de la terre nous affectent et nous impressionnent à ce point que si nous prétendons n’être coupables d’aucun péché, nous nous trompons nous-mêmes (Jn 1, 8) ; mais si nous confessons nos péchés, celui qui a lavé les pieds de ses disciples nous remet nos péchés, et purifie jusqu’à nos pieds, par lesquels nous sommes en contact avec la terre. — Origène. Je regarde comme impossible que les extrémités de l’âme et ses parties inférieures ne contractent pas de souillures, quelle que soit la réputation de vertu et de perfection dont on jouisse aux yeux des hommes. Il en est même beaucoup qui, après leur baptême, sont couverts des pieds jusqu’à la tête de la poussière de leurs crimes ; mais ceux qui sont ses véritables disciples n’ont d’autre besoin que d’avoir les pieds lavés.

S. Augustin. (Lettr. 108 à Seleuc.) De ce qui est dit ici, nous pouvons conclure que Pierre était déjà baptisé. Nous pouvons admettre, en effet, que les disciples, par le ministère desquels Jésus baptisait, avaient eux-mêmes reçu le baptême, soit le baptême de Jean, suivant l’opinion de quelques-uns, soit (ce qui est plus probable) le baptême de Jésus-Christ, car celui qui a bien voulu remplir l’humble office de laver les pieds à ses disciples, n’a point dédaigné de leur administrer lui-même le baptême, afin que ceux qui devaient être les ministres de son baptême fussent eux-mêmes baptisés. C’est pour cela que le Sauveur ajoute : « Vous êtes purs, mais non pas tous. » — S. Augustin. (Tr. 58 sur S. Jean.) L’Evangéliste nous explique lui-même le sens de ces paroles, en ajoutant : « Car il savait quel était celui qui devait le trahir, c’est pour cela qu’il leur dit : Vous n’êtes pas tous purs. » — Origène. Ces paroles : « Vous êtes purs, » s’adressent donc aux onze disciples, et cette restriction : « Mais non pas tous, » s’applique à Judas, dont la conscience était souillée, premièrement, parce qu’au lieu de prendre soin des pauvres, il dérobait l’argent qui leur était destiné, et en second lieu, parce que le démon était déjà entré dans son cœur pour lui inspirer de trahir Jésus-Christ. Notre-Seigneur lave les pieds à ses disciples, quoiqu’ils fussent purs, parce que la grâce de Dieu ne s’arrête pas à ce qui est seulement nécessaire ; et, comme le dit saint Jean : « Celui qui est pur doit encore se purifier. » (Ap 22, 6.) — S. Augustin. Ou bien, Notre-Seigneur parle de la sorte à ses disciples, parce qu’étant déjà lavés, ils n’avaient plus besoin que de se laver les pieds, car tant que l’homme vit au milieu de ce monde, il foule la terre avec ses affections qui sont comme les pieds de l’âme et contracte des souillures inévitables. — S. Chrys. Ou bien encore, le Sauveur ne leur dit pas qu’ils sont purs, dans ce sens qu’ils soient purifiés de leurs péchés, puisque la victime qui devait les effacer n’était pas encore offerte, mais il vent parler de la pureté de l’intelligence, car ils étaient déjà délivrés des erreurs judaïques.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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