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Jn  13  1-4

Théophile. Notre-Seigneur, sur le point de quitter ce monde, veut nous faire connaître l’amour qu’il avait pour les siens : « Avant la fête de Pâque, dit l’Evangéliste, Jésus sachant que son heure était venue, » etc. — Bède. Les Juifs avaient plusieurs fêtes, mais la plus célèbre et la plus solennelle était celle de Pâque, comme l’Evangéliste veut le faire remarquer par ces paroles : « Avant la fête de Pâque, » etc. — S. Augustin. (Traité 55.) Le mot pâque n’est pas un mot grec, comme quelques-uns le pensent, c’est un mot hébreu, cependant ce mot a dans les deux langues un rapport frappant d’analogie : souffrir se dit en grec πάσχειν, et c’est pour cela que le mot pâque a été considérer comme synonyme de passion, comme s’il tirait de là son étymologie. Dans sa langue propre, au contraire, c’est-à-dire, dans l’hébreu, le mot Pâque signifie passage, et la raison de ce nom, c’est que le peuple de Dieu a célébré pour la première fois cette fête, lorsqu’après s’être enfui de l’Egypte, il eut traversé la mer Rouge. Or, cette figure prophétique a trouvé son accomplissement véritable, lorsque Jésus-Christ a été conduit comme une brebis à la mort. C’est alors que par la vertu de son sang qui a marqué les poteaux de nos portes, c’est-à-dire, par la vertu du signe de la croix empreint sur nos fronts, nous avons été délivrés de la servitude de ce monde, comme de la captivité d’Egypte, et nous accomplissons de nouveau ce passage salutaire, lorsque nous passons du démon à Jésus-Christ, et de ce monde inconstant dans le royaume dont les fondements sont inébranlables. L’Evangéliste semble nous donner cette explication du mot pâque, lorsqu’il dit : « Jésus sachant que son heure était venue de passer de ce monde à son Père. Voilà la Pàque, voilà le passage. » — S. Chrys. (hom. 70 sur S. Jean.) Il le savait auparavant, et non-seulement de ce moment, et ce passage c’est sa mort.

Sur le point de quitter ses disciples, il leur donne des marques plus sensibles de son amour, c’est ce que l’Evangéliste veut nous exprimer par ces paroles : « Comme il avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin, » c’est-à-dire, il n’oublia rien de ce que peut inspirer un grand amour. Il n’avait pas agi de la sorte dès le commencement, mais il avait été progressivement pour augmenter leur affection pour lui, et leur préparer une source de consolation au milieu des épreuves qui les attendaient. Il les appelle siens, à cause de l’intimité qu’il avait avec eux, car dans un autre endroit, il donne ce nom à ceux qui n’avaient avec lui que les rapports de nature : « Les siens ne l’ont point reçu, dit saint Jean. » Il ajoute : « Qui étaient dans le monde, » parce qu’il y en avait aussi des siens parmi les morts (comme Abraham, Isaac et Jacob), mais qui n’étaient pas dans le monde. Il aima donc sans jamais cesser, les siens qui étaient dans le monde, et leur donna des témoignages d’un amour parfait, c’est ce que signifient ces paroles : « Il les aima jusqu’à la fin. » — S. Augustin. Ou bien encore : « Il les aima jusqu’à la fin, » pour les faire passer par le moyen de l’amour de ce monde à celui qui était leur chef. Que signifient, en effet, ces paroles : « Jusqu’à la fin ? » Jusque dans Jésus-Christ, car Jésus-Christ est la fin de la loi pour justifier tous ceux qui croient (Rm 10), la fin qui perfectionne et non la fin qui donne la mort. Il me semble qu’on pourrait encore entendre ces paroles dans ce sens trop naturel peut-être, que Jésus-Christ a aimé les siens jusqu’à la mort, mais à Dieu ne plaise, que la mort ait mis fin à l’amour de celui dont elle n’a pu faire cesser l’existence, à moins qu’on ne l’entende de cette manière : Il les a aimés jusqu’à la mort, c’est-à-dire, son amour l’a porté à mourir pour eux.

« Et le souper étant fait, » c’est-à-dire, étant complètement préparé et servi sur la table devant les convives, car nous ne devons pas entendre qu’il fut fait en ce sens qu’il fut tout à fait terminé ; le souper durait encore, lorsque Jésus se leva de table pour laver les pieds de ses disciples, puisqu’il se remit ensuite à table, et donna un morceau de pain à son traître disciple. Quant à ces paroles : « Le démon ayant déjà mis dans le cœur de Judas, » etc. ; si vous me demandez ce que le démon mit dans le cœur de ce perfide disciple, je répondrai que ce fut le dessein de le trahir, cette action du démon fut une suggestion intérieure qui eut lieu, non par l’oreille, mais par la pensée, car le démon envoie pour ainsi dire ses suggestions dans les âmes pour les mêler aux pensées de l’homme. Il avait donc déjà mis dans le cœur de Judas le dessein de trahir son maître. — S. Chrys. L’Evangéliste rapporte avec un profond étonnement, que le Seigneur a lavé les pieds de celui qui était déjà résolu à le trahir, et il fait ressortir la profonde malice de ce traître disciple, qui ne fut point arrêté par cette douce et intime communauté de table et de vie, qui éteint ordinairement tout sentiment de haine.

S. Augustin. Avant de nous décrire la profonde humilité du Sauveur, l’Evangéliste veut nous remplir de l’idée de ses grandeurs : « Jésus sachant que son Père lui avait remis toutes choses entre les mains, » etc., donc jusqu’au traître lui-même. — S. Grég. (Moral., 6, 11 ou 12.) Il savait que Dieu lui avait remis entre les mains jusqu’à ses persécuteurs eux-mêmes, afin qu’il fît servir à l’accomplissement de ses desseins miséricordieux, tout ce que leur cruauté à qui Dieu avait comme lâché les rênes, pourrait inventer contre lui. — Origène. (Tr. 32 sur S. Jean.) Le Père lui a remis toutes choses entre les mains, c’est-à-dire, a tout remisa son action, à sa puissance, car mon Père, dit le Sauveur, ne cesse d’agir jusqu’à présent, et moi-même j’agis également. Ou bien encore, son Père a remis tout entre ses mains qui embrassent toutes choses, afin que toutes choses lui soient soumises. — S. Chrys. Ce tout qui lui est remis entre les mains, c’est surtout le salut des fidèles. Mais que cette expression ne vous fasse soupçonner rien d’humain, elle exprime simplement l’honneur que le Fils rend à son Père, et la parfaite harmonie qui existe entre eux. En effet, de même que le Père lui a remis toutes choses, lui aussi a remis toutes choses à son Père, comme le dit saint Paul : « Lorsqu’il aura remis le royaume à Dieu et au Père. » (1 Co 15) — S. Augustin. Sachant qu’il sort de Dieu et qu’il retourne à Dieu, bien qu’il ne se soit pas séparé de Dieu lorsqu’il en est sorti et qu’il ne nous abandonne pas lorsqu’il retourne vers Dieu. — Théophile. Comme le Père lui avait remis toutes choses entre les mains, c’est-à-dire, le salut des fidèles, il jugeait convenable de leur enseigner tout ce qui pouvait contribuer à leur salut. Il savait également qu’il était sorti de Dieu et qu’il retournait à Dieu, il ne pouvait donc diminuer sa gloire en lavant les pieds de ses disciples, car cette gloire il ne l’avait point usurpée et il n’y a que ceux qui usurpent injustement les honneurs, qui refusent de s’abaisser dans la crainte de perdre les dignités dont ils se sont emparé sans aucun droit. — S. Augustin. Alors que le Père lui avait tout remis entre les mains, il lave non pas les mains, mais les pieds de ses disciples ; et lui qui savait qu’il était sorti de Dieu et qu’il retournait à Dieu, il remplit l’office qui convient, non au Seigneur Dieu, mais à un homme et à un serviteur. — S. Chrys. Il était en effet digne de celui qui est sorti de Dieu et qui retournait à Dieu, de fouler aux pieds toute enflure et tout orgueil. Ecoutons la suite : » Il se lève de table, il pose ses habits, et ayant pris un linge, il s’en ceignit ; il versa ensuite de l’eau dans le bassin, et il commença à laver les pieds de ses disciples et à les essuyer avec le linge qui était autour de lui. » Voyez quelle profonde humilité, non-seulement dans l’action même de leur laver les pieds, mais dans les circonstances qui l’accompagnent, car ce n’est pas avant de se mettre à table, c’est après que tous sont assis qu’il se lève, et non-seulement il leur lave les pieds, mais il pose ses vêtements, il se ceint d’un linge, et verse de l’eau dans le bassin, sans donner cette commission jà un autre, il veut tout faire lui-même pour nous apprendre avec quel soin nous devons pratiquer les œuvres de charité.

Origène. Dans le sens allégorique, le dîner qui est le premier repas, a été servi à ceux qui ne sont encore qu’initiés avant qu’ils soient arrivés an terme du jour spirituel qui s’accomplit dans cette vie, tandis que le souper est le dernier repas, celui qu’on sert à ceux qui ont atteint une perfection plus grande. On peut dire encore que le dîner c’est l’intelligence des Ecritures anciennes, tandis que le souper, c’est la connaissance des mystères cachés dans le Nouveau Testament. Je pense que ceux qui doivent prendre ce dernier repas avec Jésus et s’asseoir à la même table au dernier jour de cette vie, ont besoin d’être purifiés, non point dans les parties les plus élevées du corps et de l’âme, mais dans les parties extrêmes et qui sont en contact nécessaire avec la terre. L’Evangéliste raconte qu’il commença à laver les pieds de ses disciples (car il acheva plus tard cette opération), parce que les pieds des apôtres avaient été salis selon cette parole : « Vous serez tous scandalisés cette nuit à mon occasion. » Il acheva ensuite ce lavement des pieds, en donnant à ses apôtres une pureté qu’ils ne devaient plus perdre.

S. Augustin. Il a déposé ses vêtements, lorsqu’il s’est anéanti lui-même, lui qui était Dieu ; il s’est ceint d’un linge, lorsqu’il a pris la forme de serviteur ; il a versé de l’eau dans un bassin pour laver les pieds de ses disciples, lorsqu’il a versé son sang sur la terre pour laver toutes les souillures de nos péchés, il a essuyé leurs pieds avec le linge dont il était ceint, lorsqu’il affermit les pas des évangélistes, par la chair mortelle dont il était revêtu ; avant de se ceindre avec le linge, il quitta les habits dont il était revêtu ; mais pour prendre la forme d’esclave dans laquelle il s’est anéanti, il n’a point quitté ce qu’il avait, il a pris seulement ce qu’il n’avait pas. Lorsqu’il fut crucifié, il fut dépouillé de ses vêtements, et après sa mort son corps fut enveloppé dans un linceul, et sa passion tout entière a pour fin de nous purifier.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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