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Jn  13  12-20

S. Augustin. (Traité 58 sur S. Jean.) Notre-Seigneur se rappelle qu’il a promis à Pierre l’explication de ce qu’il venait de faire, lorsqu’il lui a dit : « Vous saurez par la suite (ce que j’ai fait) ; » et il commence à lui en faire connaître la raison : « Après donc qu’il leur eut lavé les pieds, il reprit ses vêtements, et s’étant remis à table, il leur dit : Savez-vous ce que je viens de vous faire ? » — Origène. Notre-Seigneur parle ici, ou d’une manière interrogative, pour leur faire comprendre la grandeur de cette action, ou dans le sens impératif pour réveiller leur attention. — Alcuin. Dans le sens allégorique, c’est après avoir consommé l’œuvre de notre purification et de notre rédemption par l’effusion de son sang qu’il reprend ses vêtements en ressuscitant et en sortant du tombeau le troisième jour, revêtu de son corps, doué d’immortalité. Et il s’assied de nouveau en montant au ciel, en prenant place à la droite de Dieu son Père, d’où il doit venir pour nom juger.

S. Chrys. (hom. 91 sur S. Jean.) Ce n’est pas à Pierre seul qu’il s’adresse, mais à tous les Apôtres, comme s’il leur disait : Vous m’appelez tous votre Seigneur et votre Maître. Notre-Seigneur en appelle ici à leur propre témoignage, et afin que ce témoignage ne pût être soupçonné de flatterie, il s’empresse d’ajouter : « Et vous avez raison, car je le suis en effet. » — S. Augustin. Le sage donne à l’homme ce précepte : « Que ce ne soit point ta bouche qui te loue, mais la bouche de ton prochain. » Car la vaine complaisance est dangereuse pour l’homme qui doit éviter l’orgueil. Mais pour celui qui est au-dessus de tout, quelques louanges qu’il se donne, il ne peut s’élever au-dessus de ce qu’il est, et on ne peut légitimement accuser Dieu d’arrogance. En effet, c’est à nous et non pas à lui qu’il importe de connaître Dieu, et personne ne peut le connaître, si celui-là qui seul a cette connaissance, ne daigne nous la communiquer. Si donc il s’abstient de se louer lui-même pour éviter le reproche d’aimer la vaine gloire, il nous prive des leçons de la sagesse. Mais comment la vérité peut-elle craindre la tentation d’orgueil ? Personne ne peut lui reprocher de se donner le nom de maître, même celui qui ne verrait en lui qu’un homme, car il ne fait en cela que ce que font tous les jours les hommes qui enseignent les différentes branches des connaissances humaines, et qui prennent sans se rendre coupables d’arrogance, le nom de professeurs. Toutefois on ne pourrait supporter qu’un homme s’arrogeât le titre de seigneur de ses disciples qui seraient eux-mêmes de condition distinguée suivant le monde. Mais lorsque Dieu parle, ne craignez aucun orgueil d’une si grande élévation, aucun mensonge de la part de la vérité, nous avons tout profit à nous soumettre à cette hauteur, à obéira cette vérité. Vous avez donc raison de m’appeler votre Maître et votre Seigneur, car je le suis en effet, et si je ne l’étais pas, vous auriez tort de tenir ce langage. — Origène. (Traité 32 sur S. Jean.) Ceux à qui Dieu dira à la fin du monde : « Retirez-vous de moi, vous qui opérez l’iniquité, » ne disent pas comme il le faut : « Seigneur, » mais pour les Apôtres, ils appellent légitimement Jésus, Maître et Seigneur, car ce n’est point l’hypocrisie, mais le Verbe de Dieu qui leur dictait ce langage.

« Si donc je vous ai lavé les pieds, moi votre Seigneur et votre Maître, vous devez aussi vous laver les pieds les uns aux autres. » — S. Chrys. Le Sauveur prend le terme de comparaison dans un ordre de choses plus élevé pour nous engager à faire une action qui doit nous coûter beaucoup moins, car pour lui il est notre Maître, tandis que pour nous, c’est à nos frères, serviteurs comme nous, que nous rendons cet office : « Je vous ai donné l’exemple, afin que vous fassiez comme je vous ai fait moi-même. — Bède. Notre-Seigneur a commencé par pratiquer ce qu’il devait ensuite enseigner, selon ces paroles : « Jésus commença par faire. » (Ac 1) Voilà, bienheureux Pierre, ce que vous ne saviez pas, et ce dont le Sauveur vous promettait l’explication.

Origène. Il nous faut examiner s’il est nécessaire que tout disciple qui veut accomplir dans sa perfection la doctrine de Jésus-Christ, doit pratiquer comme une œuvre d’obligation, le lavement extérieur des pieds, d’après ces paroles : « Vous devez vous laver les pieds les uns des autres ; » mais cette coutume ne se pratique plus ou se pratique rarement. — S. Augustin. La plupart accomplissent ce devoir d’humilité lorsqu’ils se donnent mutuellement l’hospitalité, et lies chrétiens se le rendent les uns aux autres, même dans ce qu’il a d’extérieur. Sans aucun doute, il est mieux et plus conforme à la vérité, de le rendre extérieurement, en sorte qu’un chrétien ne dédaigne pas de faire ce qu’a fait Jésus-Christ lui-même, car lorsque notre corps s’incline et s’abaisse jusqu’aux pieds de nos frères, le sentiment de l’humilité se trouve on excité dans notre cœur, ou affermi s’il y était déjà. Mais indépendamment de cette interprétation morale, est-ce qu’un frère ne peut purifier son frère de la contagion du péché ? Confessons-nous mutuellement nos péchés, pardonnons-nous réciproquement nos fautes, prions pour les fautes les uns des autres, et nous nous serons en quelque sorte mutuellement lavé les pieds. — Origène. On peut dire encore que ce lavement spirituel des pieds ne peut avoir pour principal auteur que Jésus seul, et ce n’est que secondairement que les disciples peuvent le pratiquer conformément à ces paroles : « Vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » En effet, Jésus a lavé les pieds de ses disciples comme Maître, et ceux de ses serviteurs comme Seigneur ; or, le but que se propose le maître, c’est de rendre son disciple semblable à lui, c’est le but que s’est proposé le Sauveur ; il veut que ses disciples deviennent semblables à leur Maître, à leur Seigneur, et qu’ils n’aient point de servitude, mais l’esprit des enfants qui leur fait dire à Dieu : « Mon Père. » (Rm 8) Avant donc qu’ils deviennent comme le Maître et comme le Seigneur, ils ont besoin qu’on leur lave les pieds comme à des disciples qui ne sont point suffisamment instruits, et qui sont encore soumis à l’esprit de servitude. Mais lorsque l’un d’eux s’élève jusqu’au rang de maître et de seigneur, alors il peut imiter celui qui a lavé les pieds de ses disciples, et laver les pieds des autres par la doctrine en qualité de maître.

S. Chrys. Pour les exciter encore davantage à remplir ce devoir, il ajoute : « En vérité, en vérité je vous le dis, le serviteur n’est pas plus grand que le maître, ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a envoyé,» c’est-à-dire, si j’ai agi de la sorte, à plus forte raison, vous devez faire de même. — Théophile. Il donne ici aux Apôtres une leçon nécessaire. Ils devaient tous être élevés un jour à des dignités plus ou moins importantes, il s’applique donc à modérer les sentiments ambitieux qui les porteraient à s’élever les uns au-dessus des autres. — Bède. Et comme la connaissance de ce qui est bien sans la pratique est un titre, non de félicité, mais de condamnation, selon ces paroles : « Celui qui connaît le bien et ne le pratique pas, est coupable de péché ; » le Sauveur ajoute : « Si vous savez ces choses, vous serez bienheureux, pourvu que vous les pratiquiez. » — S. Chrys. Tous peuvent arriver à savoir, mais tous ne parviennent pas à pratiquer. Le Sauveur condamne ensuite en termes couverts la conduite de son traître disciple : « Je ne dis pas ceci de vous tous. » — S. Augustin. C’est-à-dire, il en est un parmi vous qui n’aura point part à ce bonheur et qui ne fera point ces choses : « Je sais ceux que j’ai choisis. » Quels sont-ils ? ceux qui seront heureux, en accomplissant les commandements du Sauveur. Ainsi Judas ne fut pas choisi de la sorte ; comment donc expliquer ce qu’il dit dans un autre endroit : « Est-ce que je ne vous ai pas choisis tous les douze ? » Judas a-t-il donc été choisi pour une œuvre où il était nécessaire, sans être choisi pour cette félicité dont Notre-Seigneur vient de dire : « Vous seriez bienheureux si vous les pratiquez ? »

Origène. Voici une autre explication : Je ne pense pas qu’on puisse rattacher logiquement ces paroles : « Je ne dis pas ceci de vous tous, » à ces autres : « Vous serez bienheureux, pourvu que vous pratiquiez ces choses, » car on peut dire avec vérité de Judas, aussi bien que de tout autre : Il sera heureux s’il fait ces choses ; mais je crois qu’il faut les rattacher à la proposition qui précède : « Le serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni l’apôtre plus grand que celui qui l’a envoyé, » car Judas n’était ni serviteur de la parole divine, puisqu’il était esclave du péché, ni apôtre, puisque le démon était entré dans son cœur. Le Seigneur donc qui connaît ceux qui sont à lui, ne connaît pas ceux qui lui sont étrangers ; c’est pour cela qu’il ne dit pas : Je connais tous ceux qui sont ici présents, mais : « Je connais ceux que j’ai choisis, » c’est-à-dire, je connais mes élus.

S. Chrys. Toutefois, comme il ne veut point contrister le grand nombre de ses disciples, il ajoute : « Mais il faut que cette parole de l’Ecriture soit accomplie : Celui qui mange le pain avec moi lèvera le pied contre moi. » Il montrait ainsi qu’il n’ignorait pas qu’on devait le trahir, ce qui eût dû suffire pour retenir le perfide Judas. Et remarquez qu’il ne dit pas : Il me trahira, mais : « Il lèvera le pied contre moi, » pour faire ressortir la ruse et les embûches cachées qu’on devait employer contre lui. — S. Augustin. (Traité 59.) Que signifient, en effet, ces paroles : « Il lèvera le pied contre moi, » si ce n’est : Il me foulera aux pieds ? Sous cette expression figurée, il veut désigner son traître disciple. — S. Chrys. Il dit : « Celui qui mange le pain avec moi, » c’est-à-dire, celui que j’ai nourri, celui qui a partagé ma table. Ne soyons donc point scandalisés, si nous essayons quelque injure de nos serviteurs ou de quelqu’un de nos inférieurs, en considérant l’exemple de Judas, qui, malgré les bienfaits infinis dont Jésus l’avait comblé, paya son bienfaiteur par la plus noire des trahisons. — S. Augustin. Ceux qui avaient été choisis se nourrissaient du corps du Seigneur ; Judas, au contraire, mangeait le pain du Seigneur contre le Seigneur ; ceux-ci mangeaient la vie, celui-là mangeait son châtiment, car celui qui mange ce pain indignement, dit l’Apôtre, mange sa propre condamnation.

« Je vous dis ceci dès maintenant, et avant que la chose se fasse, afin que lorsqu’elle arrivera, vous me reconnaissiez pour ce que je suis, » c’est-à-dire, pour celui que cette prophétie avait pour objet. — Origène. Jésus ne dit pas aux Apôtres : Afin que vous croyiez en général, comme s’ils ne croyaient point, mais il veut leur dire : Afin que non contents de croire vous arriviez à pratiquer. Il leur recommande de persévérer dans la foi, et de ne s’exposer à aucune des occasions qui pourrait la leur faire perdre. Et en effet, parmi tous les motifs de crédibilité sur lesquels reposait la foi des disciples, ils eurent celui de voir s’accomplir les prophéties qui avaient Jésus-Christ pour objet.

S. Chrys. (hom. 72.) Les Apôtres devaient bientôt partir pour prêcher l’Evangile et pour être exposés à toute sorte d’épreuves, il les console donc par avance de deux manières : d’abord en leur promettant d’être lui-même leur consolateur : « Vous serez heureux, pourvu que vous pratiquiez ces choses ; » puis en leur prédisant que les hommes eux mêmes s’empresseront de leur prodiguer les secours dont ils auront besoin : « En vérité, en vérité je vous le dis, celui qui reçoit, celui que j’ai envoyé, c’est moi-même qu’il reçoit. » — Origène. En effet celui qui reçoit l’envoyé de Jésus, reçoit Jésus, qui demeure dans celui qu’il a envoyé, et celui qui reçoit Jésus, reçoit son Père ; donc recevoir celui que Jésus envoie, c’est recevoir le Père lui-même. On peut encore donner cette explication. Celui qui reçoit mon envoyé, arrive jusqu’à me recevoir moi-même, mais celui qui me reçoit, non dans la personne d’un de mes envoyés, mais qui me reçoit même lorsque je viens dans les âmes, reçoit mon Père, de sorte que mon Père et moi nous demeurions en lui.

S. Augustin. (Traité 59.) Les ariens, en entendant ces paroles, s’empressent de recourir à ces degrés, qui au lieu de les élever sur les hauteurs de la vie, les précipitent dans l’abîme de la mort. Autant, disent-ils, l’Apôtre diffère du Seigneur qui l’envoie, autant le Fils diffère du Père. Mais lorsque le Sauveur fait cette déclaration : « Mon Père et moi nous ne sommes qu’un, » il ne permet pas le moindre soupçon de différence entre le Père et le Fils. Comment donc devons-nous entendre ces paroles du Seigneur : « Celui qui me reçoit, reçoit celui qui m’a envoyé ? » Si nous voulons les entendre dans ce sens, que le Père et le Fils ont une même nature, la conséquence naturelle de ces autres paroles : « Celui qui reçoit mon envoyé, me reçoit, » paraît devoir être que le Fils et l’envoyé ont aussi une même nature. On pourrait donc supposer que le Sauveur a voulu dire : Qui reçoit celui que j’ai envoyé me reçoit en tant qu’homme, mais qui me reçoit comme Dieu, reçoit celui qui m’a envoyé. Toutefois, en s’exprimant de la sorte, ce n’est point l’unité de nature qu’il voulait faire ressortir dans la personne de celui qui est envoyé, mais l’autorité de celui qui envoie ; si donc vous considérez Jésus-Christ dans Pierre, vous y trouverez le maître du disciple ; si au contraire vous considérez le Père dans le Fils, vous trouverez le Père du Fils unique.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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