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Jn  12  1-11

Alcuin. Le temps où le Sauveur avait résolu de souffrir approchait ; il se rapprocha donc aussi du lieu où il devait accomplir la mystérieuse économie de sa passion : « Jésus donc, six jours avant la Pâque, vint à Béthanie. » Il se rend d’abord à Béthanie, puis à Jérusalem ; à Jérusalem pour y souffrir, à Béthanie pour que la résurrection de Lazare s’imprimât plus profondément dans la mémoire de tous ; et c’est pour cela que l’Evangéliste ajoute : « Où était mort Lazare, qu’il avait ressuscite. »

Théophile. Le dixième jour du mois, les Juifs prennent un agneau pour l’immoler dans les fêtes de Pâques ; c’est de ce jour que commence pour eux les solennités de cette fête. Voilà pourquoi le neuvième jour du mois, qui précède le dixième jour avant la Pâque, ils font un festin splendide, et ce jour est comme l’ouverture de cette grande fête ; c’est pour cela que Jésus, venant à Béthanie, prend part à on festin de ce genre : « On lui prépara là un souper, » etc. En nous disant que Marthe servait à table, l’Evangéliste nous fait entendre que ce repas avait lieu dans sa maison. Mais considérez la foi de cette femme ; elle ne charge pas les femmes de service de servir à table, elle veut elle-même remplir cet office. L’Evangéliste nous donne encore une preuve évident la résurrection de Lazare, en ajoutant : « Lazare était un de ceux qui étaient assis à table avec lui. » — S. Augustin. (Traité 50 sur S. Jean.) Il était donc vivant, il parlait, il mangeait, la vérité se montrait au grand jour, et l’incrédulité des Juifs était confondue.

S. Chrys. (hom. 65.) Quant à Marie, elle ne s’occupe point du service ordinaire, elle est tout entière à l’honneur qu’elle veut rendre à son divin Maître, et elle s’approche de lui non comme d’un homme, mais comme d’un Dieu : « Or, Marie prit une livre de parfum de nard pur, d’un grand prix, le répandit sur les pieds de Jésus, et les essuya avec ses cheveux, » etc. — S. Augustin. Le mot pistici indique probablement le lieu d’où venait ce parfum précieux. — Alcuin. Ou bien, ce mot ajouté à celui de parfum, veut dire qu’il était pur (de fides), et n’était mélangé d’aucune substance étrangère. Marie était cette femme pécheresse qui était déjà venue trouver le Seigneur dans la maison de Simon, avec un vase de parfum. — S. Augustin. (de l’accord des Evang., 2, 79.) Ce fait, qui se répète à Béthanie, est différent de celui que raconte saint Luc ; mais il est également raconté par les trois autres évangélistes, saint Jean, saint Matthieu et saint Marc. Dans saint Matthieu et dans saint Marc, le parfum est répandu sur la tète ; dans saint Jean, il est répandu sur les pieds ; mais nous devons entendre que Marie le répandit non-seulement sur la tête, mais encore sur les pieds du Seigneur. C’est comme par récapitulation que saint Matthieu et saint Marc parlent de ce fait, qui eut lieu à Béthanie, six jours avant la Pâque, et qu’ils racontent le repas dont parle ici saint Jean, et du parfum qui fut répandu sur le Sauveur.

« Et la maison fut remplie de l’odeur du parfum. » — S. Augustin. (Traité 80.) Rappelez-vous ces paroles de l’Apôtre : « Aux uns nous sommes une odeur de mort pour la mort, et aux autres une odeur de vie pour la vie, » (2 Co 2, 16) et vous comprendrez par ce parfum comment il était pour les uns une bonne odeur qui donnait la vie, et pour les autres une mauvaise odeur qui donnait la mort : « Alors un de ses disciples, Judas Iscariote, qui devait le trahir, dit : Pourquoi n’a-t-on pas vendu ce parfum trois cents deniers, » etc. — S. Augustin. Les autres évangélistes disent que les disciples murmurèrent également à la vue de ce parfum répandu, saint Jean ne parle que de Judas, on peut donc dire que saint Matthieu et saint Marc ont voulu désigner Judas sons le nom des disciples en général, en mettant le pluriel pour le singulier. On peut encore dire que les disciples eurent la même pensée que Judas, ou qu’ils l’exprimèrent, ou que Judas leur fit partager sa manière de voir, et que saint Matthieu et saint Marc ont exprimé ce qu’ils pensaient intérieurement. Mais Judas parle ainsi parce que c’était un voleur, et les autres par intérêt pour les pauvres, et Jean n’a cru devoir ici mentionner que celui dont il voulait faire apparaître l’habitude de voler : « Il dit cela, non qu’il se souciât des choses, mais parce qu’il était voleur, et qu’ayant la bourse, il portait ce qu’on y déposait. » — Alcuin. Son devoir était de la porter, son crime de la voler.

S. Augustin. La perversion de Judas ne date pas seulement du jour où il reçut des Juifs la somme d’argent pour leur livrer Notre-Seigneur, bien auparavant il avait la passion du vol, il était déjà perdu, et suivait Jésus, non de cœur, mais de corps seulement. Le Seigneur voulut nous apprendre ainsi à supporter les méchants pour ne point diviser le corps de Jésus-Christ. Celui qui vole l’Eglise en quelque chose, est semblable au traître Judas. Si vous êtes bon, tolérez les mauvais pour obtenir la récompense des bons, et ne point partager le supplice des méchants. Prenez exemple sur la conduite du Seigneur, lorsqu’il vivait sur cette terre ; pourquoi lui qui avait les anges pour le servir, voulût-il que ses disciples eussent une bourse à son usage, sinon pour nous apprendre qu’il serait aussi permis à son Eglise d’avoir de l’argent en réserve ? Pourquoi permit-il qu’il y eût un voleur dans sa compagnie, si ce n’est pour enseigner à son Eglise à supporter les voleurs qu’elle aurait dans son sein ? Remarquez cependant que celui qui avait contracté l’habitude de voler son maître, n’hésita pas à vendre le Seigneur pour une somme d’argent.

S. Chrys. (hom. 65.) Jésus lui confia, quoiqu’il fût un voleur, la bourse des pauvres, pour ôter tout prétexte, toute excuse à sa trahison, car il ne peut alléguer que c’est le désir d’avoir de l’argent qui l’avait porté à cet excès, puisqu’il trouvait dans la bourse qu’il portait de quoi satisfaire abondamment ce désir. — Théophile. Il en est qui pensent que Judas fut chargé de l’emploi et de la distribution de l’argent, comme le dernier des apôtres, car l’administration de l’argent est inférieure à la prédication de la doctrine, selon ce que disent les Apôtres eux-mêmes : « Il n’est pas juste que nous abandonnions la parole de Dieu pour le service des tables. » (Ac 6, 2.)

S. Chrys. Cependant Jésus-Christ fait preuve de la plus grande bonté à l’égard de Judas, il ne lui reproche pas les vols qu’il a commis, il donne à l’action de cette femme une excuse générale : « Jésus lui dit donc : Laissez-la réserver ce parfum pour le jour de ma sépulture. » — Alcuin. Notre-Seigneur prédit ainsi qu’il doit mourir et que son corps doit être embaumé avec des parfums, et comme Marie, malgré tout son désir, ne pourrait embaumer son corps après sa mort qui devait être suivie d’une résurrection si prompte, il lui permet de lui rendre cet hommage pendant sa vie. — S. Chrys. En rappelant le souvenir de sa sépulture, il veut encore donner un avertissaient à son traître disciple, et il semble lui dire : Je vous suis à charge, ma présence vous pèse, mais attendez un peu, et je m’en irai ; c’est ce que signifient ces paroles : « Vous avez toujours des pauvres avec vous, mais vous ne m’aurez pas toujours. » — S. Augustin. Il parlait ici de sa présence corporelle, car sous le rapport de sa puissance divine, de sa providence, de sa grâce ineffable et invisible, il accomplit cette promesse qu’il a faite à ses disciples : « Voici que je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles. » Ou bien encore, Judas est la figure de tous les méchants ; si vous êtes bon, vous jouissez de la présence de Jésus-Christ par la foi dans son sacrement, et vous en jouirez toujours, car vous ne sortirez de cette vie que pour aller trouver celui qui a dit au bon larron : « Aujourd’hui vous serez avec moi dans le paradis. » Mais si votre conduite est mauvaise, vous paraîtrez jouir de la présence de Jésus-Christ pendant cette vie, parce que vous avez reçu son baptême, parce que vous vous approchez de son autel, mais votre vie criminelle vous la fera bientôt perdre, Jésus ne dit pas : Tu as, mais : « Vous avez, » parce que dans un seul homme mauvais, il voit la figure de tous les méchants. « Une grande multitude de Juifs surent qu’il était là, et ils vinrent, non à cause de Jésus seulement, mais pour voir Lazare qu’il avait ressuscité d’entre les morts. » C’est la curiosité qui les amène et non la charité. — Théophile. Ils désiraient voir celui qu’il avait ressuscité, dans l’espérance d’apprendre de Lazare quelque nouvelle des enfers.

S. Augustin. (Traité 30.) Ce miracle que Notre-Seigneur avait opéré, portait avec lui un caractère si éclatant d’évidence, il avait reçu d’ailleurs une si grande publicité, qu’ils ne pouvaient ni le dissimuler, ni le nier, que firent-ils donc ? Ils formèrent le projet de faire mourir Lazare. Projet insensé, cruauté aveugle ! Est-ce que le Seigneur, qui a pu ressusciter un homme mort, ne pourrait le ressusciter s’il était tué ? Voici qu’il a fait l’un et l’autre : Il a ressuscité Lazare qui était mort, et il s’est ressuscité lui-même, après que les Juifs l’eurent fait mourir de mort violente. — S. Chrys. (hom. 66.) Aucun miracle de Jésus-Christ ne leur causa une si grande fureur, il était un des plus éclatants, il avait été fait devant un grand nombre de témoins, et c’était un spectacle vraiment extraordinaire que de voir marcher et parler un mort de quatre jours. On peut dire encore que dans d’autres circonstances, ils croyaient pouvoir détacher la multitude de Jésus, en l’accusant de violer la loi du sabbat, mais comme ici ils ne pouvaient formuler contre lui aucune accusation, ils tournent tous leurs efforts contre Lazare ; c’est ce qu’ils eussent fait à l’égard de l’aveugle-né, s’ils n’avaient cru pouvoir accuser Jésus d’avoir violé la loi du sabbat. Peut-être encore, comme l’aveugle-né était de condition obscure, se contentèrent-ils de le chasser du temple, Lazare, au contraire, était d’une famille distinguée, comme on le voit par le grand nombre de ceux qui étaient venus pour consoler ses sœurs. Ce qui les blessait encore profondément, c’est que tout le monde quittait la fête qui commençait pour se rendre à Béthanie.

Alcuin. Dans le sens mystique, Jésus, en venant à Béthanie six jours avant la Pâque, nous apprend que celui qui avait fait tout l’univers en six jours, et créé l’homme le sixième jour, était venu racheter le monde au sixième âge du monde, le sixième jour de la semaine et à la sixième heure. Le festin que l’on prépare au Seigneur, c’est la foi de l’Eglise qui opère par la charité. (Gal 5, 7) Marthe sert le Seigneur dans toute âme fidèle qui offre à Jésus l’hommage de sa piété et de sa dévotion. Lazare, qui était un de ceux qui étaient assis à table avec lui, est la figure des pécheurs qui, après être morts au péché, sont ressuscites à la justice, se réjouissent de la présence de la vérité avec ceux qui ont persévéré dans la justice, et se nourrissent avec eux des dons de la grâce céleste. C’est à Béthanie que se célèbre ce festin, et avec raison, car Béthanie veut dire maison de l’obéissance, et l’Eglise est vraiment la maison de l’obéissance. — S. Augustin. Le parfum que Marie répandit sur les pieds de Jésus, est le symbole de la justice, et c’est pour cela qu’il y en avait une livre. C’était un parfum de nard pur d’un grand prix, car le mot pistici, veut dire foi. Vous cherchiez à opérer la justice ? Rappelez-vous que le juste vit de la foi. Couvrez de parfums les pieds de Jésus par une vie sainte, suivez les traces du Seigneur, essuyez ses pieds avec vos cheveux, c’est-à-dire, si vous avez du superflu, donnez-le aux pauvres, et vous aurez essuyé les pieds du Seigneur, car les cheveux sont comme une partie superflue du corps. — Alcuin. Remarquez que la première fois elle n’avait répandu ses parfums que sur les pieds de Jésus ; ici elle les répand à la fois sur les pieds et sur la tête ; d’un côté ce sont les commencements de la vie pénitente, de l’autre c’est la justice des âmes parfaites, car la tête du Seigneur figure la hauteur sublime de sa divinité, et ses pieds l’humilité de son incarnation ; ou bien encore la tête, c’est Jésus-Christ lui-même, les pieds ce sont les pauvres qui sont ses membres. — S. Augustin. La maison fut remplie de l’odeur du parfum, c’est-à-dire, que le bruit de cette action s’est répandue dans le monde entier comme un parfum d’agréable odeur.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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