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Jn  10  14-21

S. Chrys. (hom. 60 sur S. Jean.) Notre-Seigneur a fait connaître dans ce qui précède l’existence de deux mauvais maîtres, l’un qui vole, égorge et pille, l’autre qui ne s’y oppose point ; par le premier il veut représenter les auteurs de sédition ; et par le second, confondre les docteurs des Juifs, qui ne veillaient point sur les brebis qui leur étaient confiées. Il se sépare nettement de ces deux maîtres, d’abord de ceux qui ne venaient que pour perdre en disant : « Je suis venu pour qu’elles aient la vie, » et ensuite de ceux qui voient avec indifférence les rapines des loups, en déclarant qu’il donne sa vie pour ses brebis, et comme conclusion de tout ce qui précède, il dit : « Je suis le bon pasteur. » Mais comme il venait de dire que les brebis entendent la voix du pasteur et le suivent, on pouvait lui objecter : « Que dites-vous donc de ceux qui ne croient point en vous ; » il ajoute donc : « Et je connais mes brebis, » etc. Vérité que saint Paul confirme, lorsqu’il dit : « Dieu n’a pas rejeté son peuple qu’il a connu dans sa prescience. » — S. Chrys. Il semble dire ouvertement : J’aime mes brebis, et leur amour pour moi est le principe de leur obéissance, car celui qui n’aime pas la vérité n’en a pas la moindre intelligence. — Théophile. Vous pouvez conclure de là quelle différence sépare le pasteur du mercenaire, le mercenaire ne connaît pas les brebis, parce qu’il les visite rarement ; le pasteur les connaît en vertu de la sollicitude qu’il a pour son troupeau.

S. Chrys. Gardez-vous de croire cependant que la connaissance de Jésus-Christ et celle des brebis soit la même : « Comme mon Père me connaît, ajoute-t-il, et que moi-même je connais mon Père, » etc., c’est-à-dire, je le connais avec autant de certitude qu’il me connaît lui-même, la connaissance du Père et du Fils est donc la même, il n’en est pas de même de la connaissance des brebis, car il ajoute : « Et je donne ma vie pour mes brebis. » — S. Grég. (hom. 14.) La preuve évidente que je connais mon Père, et que mon Père me connaît, c’est que je donne ma vie pour mes brebis, c’est-à-dire, la charité qui me porte à sacrifier ma vie pour mes brebis, fait voir la grandeur de l’amour que j’ai pour mon Père. — S. Chrys. Il prouve un môme temps qu’il n’est pas un imposteur, de même que le grand Apôtre voulant prouver contre les faux apôtres qu’il était un véritable maître, puisait ses raisons dans les dangers qu’il avait courus et dans les périls de mort auxquels il avait été exposé. — Théophile. En effet, les séducteurs n’ont jamais exposé leur vie pour leur brebis, mais comme des mercenaires, ils ont abandonné ceux qui les suivaient, et le Sauveur, pour qu’on ne se saisît pas de la personne de ses disciples, dit à ses ennemis : « Laissez-les aller ».

S. Grég. Cependant comme le Sauveur était venu racheter, non-seulement les Juifs, mais les Gentils, il ajoute : « J’ai encore d’autres brebis qui ne sont point de cette bergerie. » — S. Augustin. (serm. 50 sur les par. du Seig.) Il s’adressait tout d’abord au bercail qui était composé des enfants d’Israël par le sang, il y en avait d’autres qui en faisaient partie par la foi, ils étaient encore au milieu des Gentils, ils étaient prédestinés, mais ils n’étaient pas encore réunis. Ils ne sont donc pas encore de cette bergerie, parce qu’ils n’appartiennent point par le sang à la race d’Israël, mais ils en feront un jour partie d’après la parole du Sauveur : « Il faut que je les amène, » etc. — S. Chrys. (hom. 60.) Il nous apprend ainsi que les uns et les autres étaient dispersés et n’avaient point de pasteurs : « Et ils entendront ma voix, » paroles dont voici le sens : Pourquoi vous étonner que les premiers me suivront et entendront ma voix, quand vous verrez les autres eux-mêmes se mettre à ma suite et écouter ma voix ? Il prédit ensuite l’union future des deux troupeaux : « Et il n’y aura qu’une bergerie et qu’un pasteur. » — S. Grég. Il ne fait de ces deux troupeaux qu’une seule bergerie, parce qu’il unit dans les liens d’une seule et même foi les Juifs et les Gentils. — Théophile. Tous deux, en effet, n’ont qu’un seul et même sacrement du baptême, un seul et même pasteur qui est le Verbe de Dieu. Que les manichéens comprennent donc ici que l’Ancien et le Nouveau Testament n’ont qu’un seul pasteur et un seul bercail. — S. Augustin. (Traité 17.) Que signifient alors ces paroles : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ? » C’est que le peuple d’Israël seul a joui de sa présence corporelle, et qu’il n’a pas été en personne vers les Gentils, mais qu’il leur a envoyé ses Apôtres.

S. Chrys. (hom. 60.) Ce mot : « Il faut, » n’exprime pas la nécessité, mais la certitude de l’événement, et comme les Juifs prétendaient que Jésus était en opposition avec le Père, il ajoute : « Mon Père m’aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre. » — S. Augustin. C’est-à-dire, parce que je meurs pour ressusciter. Remarquez la force de cette expression : « Je donne ma vie. » Que les Juifs cessent de se glorifier, ils pourront se déchaîner contre moi, mais si je ne consens à donner ma vie, à quoi peuvent aboutir les efforts de leur fureur ? Or, l’amour que le Père a pour le Fils, n’est pas comme le prix de la mort qu’il doit soutenir, mais il l’aime en contemplant dans ce Fils qu’il a engendré sa propre nature, alors qu’en vertu de ce même amour, il consent à donner sa vie pour nous.

S. Chrys. (hom. 60.) On peut dire encore qu’en parlant de la sorte, il s’accommode à notre faiblesse et veut nous dire : Quand il n’y aurait pas d’autre motif, ce qui me porte à vous aimer, c’est l’amour que mon Père a pour vous, amour qui est si grand, qu’il m’aime moi-même, parce qu’il me voit disposé à mourir pour vous. Il ne faut pas toutefois l’entendre dans ce sens, que le Père n’aimait pas auparavant son Fils, et que nous soyons la cause de cet amour. Le Sauveur veut encore prouver que ce n’est point malgré lui qu’il a enduré les souffrances de sa passion : a Personne, dit-il, ne me la ravit, mais je la donne de moi-même. » — S. Augustin. (de la Trin., 4, 13.) Ces paroles sont la preuve que sa mort n’a été l’effet et la suite d’aucun péché personnel, mais qu’il est mort parce qu’il l’a voulu, quand il l’a voulu, et de la manière qu’il l’a voulu : « Et j’ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre. » — S. Chrys. Combien de fois les Juifs avaient formé le projet de le mettre à mort, il leur déclare donc que tous leurs efforts sont inutiles, s’il ne consent à donner sa vie. J’ai tellement le pouvoir de la donner, dit-il, que personne ne peut me l’arracher malgré moi, pouvoir qui n’appartient pas à tous les hommes. Ainsi nous n’avons le pouvoir de donner notre vie qu’en nous donnant la mort à nous-mêmes, et Notre-Seigneur a le véritable pouvoir de la donner. De cette vérité suit nécessairement cette autre qu’il a le pouvoir de reprendre sa vie, et il donne ainsi une preuve certaine de sa résurrection. Mais comme ils auraient pu penser qu’après qu’ils l’auraient mis à mort, il serait abandonné de son Père, il ajoute : « J’ai reçu de mon Père ce commandement, » c’est-à-dire, de donner ma vie et de la reprendre. Ne croyons pas cependant qu’il ait attendu que ce commandement lui ait été donné, et qu’il ait eu besoin de l’apprendre, il veut simplement montrer ici que sa volonté est libre, et détruire tout soupçon d’opposition entre lui et son Père. — Théophile. Ce commandement, en effet, n’exprime autre chose que la parfaite harmonie entre son Père et lui. — Alcuin. Et ce n’est point par une parole extérieure, que le Verbe a reçu ce commandement, car tout commandement a sa racine dans le Verbe, Fils unique du Père. Lors donc qu’on dit du Fils, qu’il reçoit ce qu’il possède, par sa nature, ce n’est point pour amoindrir sa puissance, mais pour prouver sa génération, car c’est par la génération que le Père a tout donné à son Fils, qu’il a engendré dans toute sa perfection.

Théophile. Après avoir parlé de lui-même en termes aussi relevés et s’être donné pour le maître de la mort et de la vie ; le Sauveur tempère de nouveau son langage, et unit ainsi les choses les plus contraires dans une admirable harmonie, afin que nous le considérions, non comme inférieur à son Père, ni comme son adversaire, mais comme possédant le même pouvoir et la même sagesse.

S. Augustin. (Traité 47.) La manière dont Notre-Seigneur parle ici de son âme, nous prémunit contre l’erreur des apollinaristes, qui prétendent que Jésus-Christ n’a pas eu d’âme humaine, c’est-à-dire, une âme intelligente et raisonnable. Dans quel sens donc Notre-Seigneur dit-il qu’il a le pouvoir de donner son âme ou sa vie ? Jésus-Christ est à la fois Verbe et homme, c’est-à-dire, Verbe, âme et chair ; or, est-ce comme Verbe qu’il donne son âme ou sa vie et qu’il la reprend ? Ou bien est-ce en tant qu’il est une âme humaine que l’âme se donne et qu’elle se reprend ? Ou bien encore est-ce en tant qu’il est chair, que la chair donne son âme ou la reprend ? Si nous disons que le Verbe de Dieu a donné son âme et l’a reprise, donc cette âme a été pendant un certain temps séparée du Verbe de Dieu, puisque la mort sépare l’âme du corps, mais non, l’âme n’a jamais été séparée du Verbe. Si nous disons au contraire que l’âme elle-même s’est donnée, c’est une proposition absurde, car si elle ne pouvait être séparée du Verbe, pouvait-elle être séparée d’elle-même ? C’est donc la chair qui laisse son âme pour la reprendre ensuite, non cependant par sa puissance, mais par la puissance du Verbe qui habitait en elle.

Alcuin. Et comme la lumière luisait dans les ténèbres, et que les ténèbres ne l’ont point comprise, l’Evangéliste ajoute : « Il s’éleva de nouveau une dissension parmi les Juifs, à l’occasion de ce discours, plusieurs d’entre eux disaient : Il est possédé du démon et il a perdu le sens. » — S. Chrys. Ses enseignements dépassaient la portée de l’intelligence humaine, ils l’accusaient doue d’être possédé du démon ; mais il trouve des défenseurs qui savent bien le venger de cette accusation par les œuvres qu’il a faites : « D’autres disaient : Ce ne sont pas là les paroles d’un homme possédé du démon, est-ce que le démon peut ouvrir les yeux des aveugles ? » C’est-à-dire, ces paroles ne sont pas celles d’un homme possédé du démon, mais si elles ne suffisent point pour vous convaincre, laissez-vous an moins persuader par les œuvres. Après cette démonstration tirée des faits eux-mêmes, Notre-Seigneur se tait sur le reste, car ils n’étaient pas dignes qu’il leur répondit. Il nous enseigne aussi à pratiquer dans toute leur étendue la douceur et la longanimité. D’ailleurs ils se réfutaient eux-mêmes les uns les autres par les divisions qui existaient entre eux.

Saint Thomas d’Aquin, Glose continue des Évangiles. La chaîne d’or, ouvrage rédigé de 1263 à 1264.
Trad. par l’abbé J.-M. Peronne, Librairie Louis Vivès, 1868.

 

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