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TRENTIÈME CONSIDÉRATION

De la prière

« Demandez et il vous sera accordé… car quiconque demande, obtient »
(Luc 11, 9)

Premier point

Ce n’est pas seulement en un seul endroit, mais en mille de l’Ancien et du Nouveau Testament que Dieu promet d’exaucer celui qui prie. « Crie vers moi et je t’exaucerai » (Jérémie 33, 3). « Invoque-moi et je te délivrerai du péril » (Psaume 49, 15). « Si vous me demandez quelque chose en mon nom, je le ferai » (Jean 14, 14). « En mon nom, dit Jésus Christ, c’est-à-dire par mes mérites. Vous demanderez tout ce que vous voudrez ; et il vous sera fait » (Jean 15, 7). Quoi que ce soit donc que vous désirez, il suffit que vous le demandiez ; rien ne vous fera défaut. Et cent autres passages semblables. De tout cela Théodoret conclut que la prière, bien qu’elle se présente seule, suffit néanmoins pour obtenir toutes les choses dont nous avons besoin. « A elle seule, la prière peut tout » (Texte cité d’après A. Rodriguez, Esercizio di perfezione e di virtù cristiane, p. I, tr. V, c. 14, Venise, 1686, col. 317, Cf. Théodoret, Religiosa historia, c. 15, PG 82, 1418). Jamais ajoute saint Bernard (S. Bernard de Clairveaux, Pour le Carême, sermon 5, n. 5, PL 183, 180 : « Voici donc l’espérance incontestable que nous avons : de deux choses l’une – ou bien il nous donne ce que nous lui demandons (cf. Jean 16, 23), ou bien il a en vue pour nous quelque chose de plus utile » (TZ, p. 269), nous ne prions, sans que le Seigneur ne nous accorde la grâce demandée ou quelque autre faveur qu’il sait nous être plus utile ! En conséquence le Prophète-Roi nous presse de prier, parce que Dieu est toute bonté pour ceux qui l’appellent au secours : « Seigneur, s’écrie-t-il, vous êtes bienveillant et doux et d’une grande miséricorde pour tous ceux qui vous invoquent » (Psaume 85,5). Et saint Jacques nous y encourage encore davantage : « Que celui d’entre vous à qui manque la sagesse, la demande à Dieu ; car il donne à tous en abondance et ne reproche rien » (Jacques 1, 5). Ainsi, d’après l’apôtre saint Jacques quand nous prions Dieu, aussitôt Dieu ouvre largement ses mains, il nous donne même plus que nous lui demandons et il ne nous reproche pas les déplaisirs que nous lui avons causés ; c’est assez de le prier pour qu’il semble oublier tous nos torts envers lui.

Saint Jean Climaque disait que la prière force en quelque sorte Dieu à nous accorder tout ce que nous lui demandons : « elle fait une pieuse violence à Dieu » ( S. Jean Climaque, L’échelle du Paradis, 28è degré, PG 88, 1139). Oui, violence ; mais une violence qui lui est chère et qu’il désire de nous ; cette violence, dit Tertullien, « Dieu l’a pour agréable » (Tertullien, Apologétique, ch. 39, n. 2, PL 1, 468). Et de fait, comme parle saint Augustin, « Dieu désire bien plus de répandre sur nous ses bienfaits que nous ne désirons les recevoir » (S. Augustin, Sermon 105, ch. 1, n. 1, PL 38, 619 (Vivès, t. 17, p. 136). Car Dieu est de sa nature la bonté infinie, et comme s’exprime saint Léon, « La bonté, telle est la nature de Dieu » (S. Léon le Grand, 2è sermon en la Nativité du Seigneur, c. 1, PL 54, 194 (SC 22 bis, trad. R. Dolle, p. 77). Il a donc un souverain désir de nous faire part de ses biens. Aussi sainte Marie Madeleine de Pazzi disait que Dieu se tient en quelque sorte pour obligé envers l’âme qui le prie, parce que, grâce à elle, il peut contenter son désir de nous dispenser ses bienfaits (V. Puccini, Vita della veneranda Madre Suor Maddalena de’Pazzi, p. III, Florence, 1611, pp. 126-127). Et David avait déjà dit qu’il reconnaissait le Seigneur pour son vrai Dieu, rien qu’à voir la bonté avec laquelle il exauce sur-le-champ tous ceux qui le prient. « En quelque jour que je vous ai invoqué, j’ai connu que vous êtes mon Dieu » (Psaume 55, 10). Quelques-uns se plaignent, dit saint Bernard, que le Seigneur leur fait défaut : mais ils ont tort. Combien au contraire le Seigneur n’est-il pas en droit de se plaindre qu’eux-mêmes lui font défaut, et cela par leur négligence à lui demander ses grâces : « Tous, nous nous plaignons de ce que la grâce nous manque ; plus justement peut-être serait-ce à la grâce de se plaindre que beaucoup d’entre nous lui manquent » (S. Bernard de Clairvaux, Sermons divers, sermon 17, n. 1, PL 183, 583 (éd. Cisterciensia, t. 1, trad. P.-Y. Emery, p. 152). C’est précisément de cette négligence que le Rédempteur semblait se plaindre un jour à ses disciples : « Jusqu’ici vous n’avez rien demandé en mon nom : demandez et vous recevrez afin que votre joie soit complète » (Jean 16, 24). C’est comme s’il leur avait dit : Ne vous plaignez pas de moi, si vous ne vous trouvez pas pleinement heureux. Plaignez-vous de vous-même ; car vous ne m’avez pas demandé de grâces ; désormais ayez soin de m’en demander et vous serez satisfaits.

De tout cela les anciens moines (Cf. J. Cassien, Institutions cénobitiques, liv. 2, ch. 10, n. 3, PL 49, 99 : « C’est pourquoi les Pères estiment préférable de faire des prières brèves mais très fréquentes : fréquentes, afin que nous puissions, en priant Dieu plus souvent, adhérer constamment à lui ; brèves, pour éviter par ce moyen les traits dont le diable nous attaque et dont il s’efforce de nous accabler surtout au temps de la prière » (SC 109, trad. J.-C. Guy, p. 77), réunis en conférence, ont conclu que le plus petit utile exercice pour se sauver, c’est d’adresser sans cesse à Dieu cette prière : « Mon Dieu, venez à mon aide » (Psaume 75, 2). Le vénérable Père Paul Ségneri disait, en parlant de lui-même, que dans ses méditations il s’était appliqué d’abord à produire des affections ; mais ensuite, convaincu de la grande efficacité de la prière, il ne s’était plus guère occupé que de prier (G. Massei, Ragguaglio delle vita del… P. Paolo Segneri, n. 51, Florence, 1701, p. 76). Faisons toujours ainsi. Notre Dieu nous aime tant et il désire si vivement notre salut. Aussi s’empresse-t-il toujours d’exaucer celui qui le prie. « Les princes de la terre, dit saint Jean Chrysostome, ne donnent audience qu’à fort peu de personnes ; mais Dieu écoute tous ceux qui se présentent » (ce ne sont pas les mots, mais c’est bien la pensée de S. Jean Chrysostome qui souligne souvent la bonté et la promptitude avec lesquelles Dieu écoute celui qui le prie. Voir, par exemple, Homélie 2 sur la prière, PG 50, 779).

Affections et prières

Dieu éternel ! Je vous adore et je vous remercie pour tant de bienfaits, dont je vous suis redevable. Vous m’avez créé ; vous m’avez racheté par Jésus Christ ; vous m’avez élevé à la dignité de chrétien ; lorsque j’étais dans le péché, vous m’avez attendu et tant de fois vous m’avez pardonné. Ah ! Mon Dieu ! Jamais je n’en serais venu à vous offenser, si dans les tentations, j’avais réclamé votre secours. Je vous remercie de m’éclairer en ce moment et de me faire comprendre que tout mon salut consiste à prier et à vous demander vos grâces. Je vous prie donc, au nom de Jésus Christ, de m’accorder une grande douleur de mes péchés, la sainte persévérance dans votre grâce, une bonne mort, le paradis, mais, par dessus tout, le don, le don suprême de votre amour, ainsi, qu’une parfaite résignation à votre très sainte volonté. Je le sais, de toutes ces grâces je n’en mérite aucune ; mais vous les avez promises à celui qui vous les demande par les mérites de Jésus Christ. C’est donc par les mérites de Jésus Christ que je les demande et que je les espère.

O Marie, par vos prières, vous obtenez tout ce que vous demandez : Priez donc pour moi.

Deuxième point

Considérons en second lieu la nécessité de la prière. De même, dit saint Jean Chrysostome, que le corps sans l’âme est mort, ainsi l’âme sans la prière est morte. Il dit encore qu’autant l’eau est nécessaire aux plantes pour empêcher qu’elles ne se dessèchent, autant avons-nous besoin de la prière pour ne pas nous perdre (S. Jean Chrysostome, Homélie 1 sur la prière, PG 50, 776-779). « Dieu veut que nous soyons tous sauvés » (I Timothée 2, 4) ; et il ne veut pas que personne se perde. « Il agit patiemment, dit saint Pierre, à cause de vous, ne voulant pas qu’un seul périsse, mais que tous recourrent à la pénitence » (2 Pierre 3, 9). Seulement, il veut aussi que nous lui demandions les grâces nécessaires pour nous sauver. D’un côté, nous ne pouvons, sans le secours actuel de Dieu, observer les commandements et faire notre salut ; et de l’autre, Dieu ne veut pas, ordinairement parlant, nous accorder ses grâces à moins que nous ne lui en fassions la demande. C’est pourquoi le Concile de Trente (Concile de Trente, Session 6, Décret sur la justification, ch. 11 : « Car Dieu ne commande pas de choses impossibles, mais en commandant il t’invite à faire ce que tu peux et à demander ce que tu ne peux pas (S. Augustin), et il t’aide à pouvoir » (FC 585) enseigne que Dieu n’impose pas de commandements impossibles ; car il nous donne ou bien la grâce prochaine et actuelle pour les observer, ou bien il nous donne au moins la grâce de lui demander cette grâce actuelle : Dieu ne nous impose aucune chose impossible ; mais en même temps qu’il nous donne ses ordres, il nous avertit de faire ce que nous pouvons et de demander son secours pour ce que nous ne pouvons pas faire. De son côté, saint Augustin (S. Augustin, Le don de la persévérance, ch. 6, n. 39, PL 45, 1017(BA, t. 24, trad. J. Chéné et J. Pintard, p. 695) enseigne que, si nous exceptons les premières grâces, telles que la vocation à la foi et l’appel à la pénitence, toutes les autres grâces, et en particulier la persévérance finale, Dieu les accorde seulement à ceux qui prient.

Les théologiens concluent là, d’accord avec saint Basile, saint Augustin, saint Jean Chrysostome, Clément d’Alexandrie et autres, que la prière est nécessaire aux adultes de nécessité de moyen : en sorte que, si on ne prie pas, il est impossible de se sauver. Et le très docte Lessius veut même que cela soit de foi : « Il faut, dit-il, tenir comme vérité de foi que la prière est nécessaire aux adultes pour le salut, ainsi qu’on le conclut des Saintes Ecritures » (Lessius, De iustitia et iure, lib. II, c. 37, dub. 3, Lyon 1653, p. 416).

Rien de plus clair en effet que les textes suivants : « Il faut toujours prier » (Luc 18,1). « Priez pour que vous n’entriez point en tentation » (Luc 22, 40). « Demandez et vous recevrez » (Jean 16, 24). « Priez sans relâche » (1 Thessaloniciens 5, 17). Or ces expressions : il faut, priez, demandez, selon l’avis commun des docteurs et de saint Thomas, impliquent un précepte qui oblige sous peine de péché grave, spécialement dans trois cas : 1° quand on se trouve en état de péché ; 2° en danger de mort ; 3° lorsqu’on est gravement exposé a pécher. Au surplus, les docteurs enseignent que, dans le cours ordinaire de la vie, on ne peut excuser de péché mortel celui qui reste un mois, ou au plus deux mois, sans prier (S. Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa, qu. 39, art. 5, c : « Après le baptême, pour que l’homme entre au ciel, la prière continuelle lui est nécessaire » (RJ, trad. P. Synave, p. 172). Et ils en donnent pour raison que la prière est le moyen indispensable pour obtenir les secours nécessaires au salut.

« Demandez et vous recevrez » (Jean 16, 24). Celui qui demande obtient ; par conséquent, dit sainte Thérèse, celui qui ne demande pas, n’obtient pas ! (Cf. Lettre di S. Teresa con annotazioni di Mons. Giovanni Palafox y Mendoza, Lettera VIII, Annotazione 10, t. 1, Venise, 1739, p. 35. Cette lettre n’est pas authentique (cf. Obras, t. IX, p. 280), mais la doctrine est bien de Thérèse. Cf. Autobiographie, ch 8 (MA, p. 54) ; Le Chemin de la perfection, ch 23 (MA, p. 444). Et saint Jacques l’avait déjà dit : « Vous n’avez pas, parce que vous ne demandez pas » (Jacques 4, 2). La prière est spécialement nécessaire pour obtenir la vertu et la chasteté. « Comme je savais que je ne pouvais être continent, si Dieu ne m’en faisait la grâce, je recourus au Seigneur et je le suppliais » (Sagesse 8, 21). Concluons ce point. Celui qui prie se sauve certainement ; celui qui ne prie pas se damne certainement. Tous ceux qui se sont sauvés, se sont sauvés par la prière ; tous ceux qui se sont damnés, se sont damnés pour n’avoir pas prié. Ils pouvaient si facilement se sauver en priant ; et maintenant ce n’est plus le temps de prier : voilà ce qui fait et fera toujours leur plus grand désespoir en enfer.

Affections et prières

Ah ! Mon Rédempteur, comment ai-je pu par le passé vous oublier si complètement ? Vous vous teniez prêt à répondre par une grâce à chacune de mes prières ; vous attendiez seulement que je vous en fisse la demande ; et moi, tout occupé à satisfaire mes sens, je comptais pour peu de vivre privé de votre amour et de vos grâces. Seigneur, oubliez tant d’ingratitudes et ayez pitié de moi ; pardonnez-moi tant de peines que je vous ai causées et accordez-moi la persévérance ; accordez-moi la grâce de réclamer sans cesse votre secours, afin que je ne vous offense plus, ô Dieu de mon âme ! Ne permettez pas que je retombe dans ma négligence à vous prier. Donnez-moi lumière et force afin que je vous implore toujours, et en particulier quand mes ennemis me porteront de nouveau à vous offenser. Accordez-moi cette grâce. O mon Dieu ! Par les mérites de Jésus Christ et en considération de l’amour que vous lui portez. Assez longtemps je vous ai offensé, Seigneur ; c’est à vous aimer que je veux désormais employer le reste de mes jours. Donnez-moi votre saint amour et que votre amour m’inspire la pensée de réclamer votre secours, chaque fois que je serai en danger de vous perdre par le péché.

Marie, mon Espérance, j’espère de vous la grâce de me recommander toujours à votre Fils dans mes tentations. Exaucez-moi, ô ma Reine, au nom de votre grand amour pour Jésus Christ.

Troisième point

Considérons en dernier lieu les conditions de la prière. Beaucoup de personnes prient, mais sans rien obtenir, parce qu’elles ne prient pas comme il faut. « Vous demandez et vous ne recevez rien, dit saint Jacques, parce que vous demandez mal » (Jacques 4, 3).

Avant tout, ce qu’il faut pour bien prier, c’est l’humilité. « Dieu, dit encore saint Jacques, résiste aux superbes et il donne sa grâce aux humbles » (Jacques 4, 6). Il n’exauce donc pas les demandes des orgueilleux ; mais quant à la prière des humbles, elle ne reste jamais sans résultat. « La prière de celui qui s’humilie pénétrera les nues et elle ne se retirera pas, que le Très Haut ne l’ai regardée » (Ecclésiastique 35, 21), et cela, malgré tous les péchés qu’on a commis par le passé. « Non, Seigneur, vous ne mépriserez jamais un coeur contrit et humilié » (Psaume 50, 19). En second lieu, il faut prier avec confiance. « Personne n’a espéré dans le Seigneur et n’a été confondu » (Ecclésiastique 2, 11). Si Jésus Christ nous recommande de donner à Dieu aucun autre nom que celui de Père – Pater noster – quand nous lui demandons ses grâces, c’est précisément afin que nous le priions avec la confiance d’un enfant qui recourt à son père. On obtient donc tout quand on demande avec confiance. « Tout ce que vous demanderez dans la prière, croyez que vous l’obtiendrez et il vous arrivera » (Marc 11, 24). « Et comment est-il possible qu’une chose, promise par Dieu, la vérité même, vienne jamais à nous faire défaut ? » (S. Augustin, Les Confession, liv. 12, ch. 1, n. 1, PL 32, 826 : « Nous avons une promesse… oui, quiconque demande reçoit, et qui cherche trouvera et à qui frappe on ouvrira (Mt 7, 7). Ce sont tes promesses ; et qui craindrait d’être trompé lorsque c’est la vérité qui promet ? » (Ba, t. 14, trad. E. Tréhorel et G. Bouissou, p. 345). Il n’en est pas de Dieu comme des hommes ; ceux-ci promettent, mais ensuite ils ne tiennent pas parole, soit parce qu’ils mentent en promettant, soit parce que leur volonté change. Non, non, dit la Sainte Écriture, « Dieu n’est pas comme un homme pour qu’il mente, ou comme un fils de l’homme pour qu’il change. Il a dit ; et croit-on qu’il ne le fera pas ? » (Nombres 23, 19). Mais pourquoi donc, dit encore saint Augustin, le Seigneur nous presserait-il tant de demander ses grâces, s’il ne voulait pas nous les accorder ? (S. Augustin, Sermon 105, c. 1, n. 1, PL 38, 619 (Vivès, t. 17, p. 136). Il y met tant d’insistance, précisément parce qu’il veut nous exaucer. En effet il n’a pas pu nous promettre, sans s’obliger à nous donner les grâces que nous lui demandons ; et, comme dit saint Augustin, « Sa promesse l’a constitué notre débiteur » (S. Augustin, Sermon 110, c. 4, n. 4, PL 38, 641 (Vivès, t. 17, p. 168).

Mais, dira quelqu’un, je suis un pécheur ; par conséquent je ne mérite pas que Dieu m’exauce. Saint Thomas répond : ce n’est pas à cause de nos mérites, mais par suite de la miséricorde de Dieu que la prière est exaucée (S. Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIa – IIae, qu. 178, art. 2, ad 1 : « On l’a dit ailleurs à propos de la prière : si elle est exaucée, ce n’est pas à cause du mérite de celui qui la fait, mais par suite de la miséricorde divine, qui s’étend jusque sur les méchants. Aussi Dieu exauce-t-il parfois même la prière des pécheurs » (RJ, trad. P. Synave et P. Benoit, p. 221). Jésus Christ l’a dit : « Quiconque demande reçoit » (Matthieu 7, 8), c’est à dire, selon que l’explique l’auteur de l’Ouvrage imparfait, quiconque soit juste ou pécheur (S. Jean Chrysostome (plutôt un évêque arien du Viè siècle d’après Dekkers, Clavis, n. 707), L’oeuvre imparfaite sur Matthieu, homélie 18, PG 56, 732). Mais notre Rédempteur lui-même nous ôte ici toute crainte, quand il dit : « En vérité, en vérité je vous le dis, si vous demandez quelque chose à mon Père en mon nom, il vous le donnera » (Jean 16, 23). C’est comme s’il avait dit : Pécheurs, si vous n’avez pas de crédit auprès de mon Père, moi j’en ai ; demandez donc en mon nom ; et je vous le promets, tout ce que vous demanderez vous l’obtiendrez. Toutefois il faut bien le comprendre, cette promesse n’a point trait aux grâces temporelles, comme la santé, la fortune et autres grâces semblables ; car il arrive souvent que ces grâces, pouvant devenir un obstacle à notre salut éternel, le Seigneur dans cette prévision ne nous l’accorde pas. « Mieux que le malade, dit saint Augustin, le médecin sait ce qui est utile au malade » (S. Augustin, Sur l’Évangile de saint Jean, traité 73, n. 3, PL 35, 1825 : « Le médecin sait en effet ce que le malade demande pour sa santé et ce qu’il demande contre sa santé, et c’est pourquoi il ne fait pas la volonté de celui qui demande ce qui est contraire à sa santé, afin de lui donner la santé » (BA, t. 74A, trad. M. F Berrouard, p. 307). Le texte cité vient de S. Prosper, Liber sentitiarum ex operibus S. Augustini, sent. 213, PL 51, 457). Et il ajoute : « Dieu refuse à l’un par miséricorde ce qu’il accorde à l’autre par colère » (S. Augustin, Ibid., traité 73, n. 1, PL 35, 1824 : « Dès lors, si l’homme lui demande quelque chose qui le blesserait s’il était exaucé, il faut craindre plutôt qu’il ne lui donne dans sa colère ce qu’il pourrait ne pas lui donner dans sa miséricorde » (BA, t. 74A, trad. M. F. Berrouard, p. 301-302) ; Sermon 354, c. 7, PL 39, 1567). En conséquence, nous ne devons jamais demander les grâces temporelles que sous cette condition : si elles sont utiles à notre âme. Par contre, les grâces spirituelles, comme le pardon des péchés, la persévérance, l’amour divin et autres semblables, nous devons les demander d’une manière absolue et avec la plus entière assurance de les obtenir : « Si donc, vous qui êtes mauvais, vous savez donner à vos enfants des choses bonnes, dit Jésus Christ, combien à plus forte raison, votre Père céleste donnera-t-il un esprit bon à ceux qui le lui demanderont » (Luc 11, 13).

C’est surtout avec persévérance qu’il faut prier. Cornélius a Lapide dit que « Dieu veut nous voir persévérer dans la prière jusqu’à l’importunité » (Cornelius a Lapide, Commentaires sur Luc, XI, 8, Opera, t. 16, Paris 1860, p. 161). Et c’est ce qui signifient ces paroles de l’Écriture : « Il faut toujours prier » (Luc 18, 1), « Veillez et priez en tout temps » (Luc 21, 36). « Ne cessez pas de prier » (I Thessaloniciens 5, 17). C’est également ce que signifie la répétition qui se remarque dans ces autres paroles : « Demandez et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l’on vous ouvrira » (Luc 11, 9). Il eût été suffisant de dire : Demandez ; mais non ; le Seigneur veut nous donner à entendre que nous devons faire comme les mendiants : ils ne cessent de demander, d’insister, de frapper à la porte, tant qu’ils n’ont pas reçu l’aumône. La persévérance finale, en particulier, est une grâce qui ne s’obtient pas sans une prière continuelle. Cette persévérance, nous ne pouvons pas la mériter, si ce n’est d’une certaine manière et par des prières continuelles, comme dit saint Augustin : « ce don de Dieu peut se mériter par voie de supplication, c’est-à-dire, qu’on l’obtient en le demandant » (S. Augustin, Le don de la persévérance, ch. 6, n. 10, PL 45, 999 : « Ce don de Dieu peut donc être mérité en priant » (BA, t. 24, trad J. Chéné et J. Pintard, p. 621). La fin de la phrase est extraite de H. Habert, Theologia dogmatica et moralis, t. 4, Venise, 1747, p. 447). Prions donc toujours et ne cessons pas de prier, si nous voulons nous sauver. Que les confesseurs et les prédicateurs ne se lassent pas, s’ils veulent sauver les âmes, de les exhorter à prier. Recourrons toujours aussi, comme le recommande saint Bernard, à l’intercession de Marie : « Cherchons la grâce, s’écrie-t-il, et cherchons-la par Marie ; car ce qu’elle cherche elle le trouve et jamais elle ne demande en vain » (S. Bernard de Clairvaux, Sermon pour la Nativité de la B. V. Marie, L’Aqueduc, n. 8, PL 183, 441 : « Recherchons la grâce, et recherchons-la par Marie, car ce qu’elle cherche, elle le trouve (Mt. 7, 7) et ne saurait en être privée » (TZ, p. 704).

Affections et prières

J’espère, ô mon Dieu, que vous m’avez déjà pardonné. Mais mes ennemis ne cesseront de me combattre jusqu’à la mort ; et par conséquent, si vous ne me prêtez aide et assistance, je me perdrai de nouveau. Par les mérites de Jésus Christ, je vous demande la sainte persévérance. Ne permettez pas que je me sépare de vous ; et ne permettez pas non plus que, de toutes les âmes qui sont maintenant en votre grâce, une seule se sépare de vous. Je tiens pour certain, car j’en ai pour garant votre promesse, que vous m’accorderez la persévérance, si je continue à vous la demander. Hélas ! Ce que je crains, c’est précisément que dans les tentations je cesse de vous appeler à mon secours et qu’ainsi je fasse de nouvelles chutes. Je vous demande donc la grâce de ne jamais cesser de prier. Faites que, dans les occasions de péché, je me recommande toujours à vous et que j’invoque humblement les saints noms de Jésus et de Marie. Mon Dieu, c’est ainsi que je veux et c’est ainsi que j’espère me conduire avec votre grâce. Exaucez-moi pour l’amour de Jésus Christ.

O Marie, ma mère, obtenez que jamais je ne sois en danger de perdre mon Dieu, sans recourir à vous et à votre divin Fils.

Saint Alphonse de Liguori, Préparation à la mort, 1758. Texte numérisé par Jean-Marie W. (jesusmarie.com).

 

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