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NEUVIÈME CONSIDÉRATION

Paix du juste à la mort

« Les âmes des justes sont dans la main de Dieu et le tourment de la mort ne les touchera pas. Aux yeux des insensés, ils ont paru mourir… mais eux sont en paix »
(Sagesse 3, 1-3)

Premier point

« Les âmes des justes sont dans la main de Dieu » (Sagesse 3, 1). Si Dieu tient ainsi dans ses mains les âmes des justes, qui pourra jamais les en arracher ? Il est vrai que l’enfer ne manque pas de tenter et d’assaillir les saints eux-mêmes au moment de leur mort. Mais Dieu, de son côté, ne manque pas de les secourir ; et plus ses fidèles serviteurs courent de dangers, plus il les assiste et multiplie ses secours. « Plus il y a de périls, dit saint Ambroise, plus Dieu envoie d’assistance ; car il est le Dieu qui aide en temps opportun » (S. Ambroise, De Ioseph patriarcha, c. 5, n. 27, PL 14, 653). Grande fut la frayeur du serviteur d’Elisée, quand il vit les ennemis se ranger autour de la ville. Mais le prophète lui rendit bon courage par ces paroles : « Ne crains pas ; car il y a plus de monde avec nous qu’il n’y en a avec eux » (2 Rois 6, 16). Et il lui fit voir une armée d’anges que Dieu avait envoyés pour défendre la ville. Oui, le démon viendra tenter le moribond. Mais l’ange gardien viendra aussi pour le fortifier. Viendront également ses saints patrons, ainsi que saint Michel, spécialement chargé de défendre les fidèles serviteurs de Dieu dans leur dernier combat avec l’enfer. Elle viendra aussi, la divine Mère, pour chasser les ennemis et pour prendre son enfant dévoué sous sa spéciale protection. Mais c’est surtout Jésus Christ qui viendra prémunir cette âme contre les tentations, car innocente ou pénitente, peu importe, elle est sa chère brebis et il a donné sa vie pour la sauver. Tout ce qu’une pareille lutte exige de confiance et de force, elle le recevra de Jésus Christ ; et toute remplie de courage, elle s’écriera : « Le Seigneur est devenu mon aide » (Psaume 29, 11). « Le Seigneur est ma lumière et mon salut, qui craindrais-je ? » (Psaume 26, 1). « Dieu, dit Origène, prend beaucoup plus de soin pour nous sauver, que le démon n’en prend pour nous perdre » (Origène, Homélie 20 sur les Nombres, PG 12, 734). Car Dieu nous aime bien plus que le démon ne nous hait.

« Dieu est fidèle, dit l’Apôtre, et il ne permet pas que nous soyons tentés au delà de nos forces » (1 Corinthiens 10, 13). Cependant direz-vous, nombre de saints ont en mourant éprouvé de grandes craintes au sujet de leur salut éternel. Je réponds : on trouve peu d’exemples de chrétiens, qui, après avoir mené une bonne vie, aient éprouvé une telle crainte à leurs derniers moments. Et si parfois Dieu permet que quelques-uns l’éprouvent réellement « c’est dit Vincent de Beauvais, pour achever ici-bas de les purifier de leurs défauts » (Vincent de Beauvais, Speculum morale, lib. 2, p. 1, dist. 3, Venise, 1591, p. 125). Du reste, en lisant l’histoire des serviteurs de Dieu, on voit que presque tous sont morts le sourire aux lèvres. Oui, tous les hommes à la mort tremblent devant les jugements de Dieu. Mais, tandis que les pécheurs tombent de la crainte dans le désespoir, les justes passent au contraire de la crainte à la confiance. -- Durant une de ses maladies, saint Bernard éprouvait ce sentiment de crainte et il était tenté de défiance ; mais la pensée des mérites de Jésus Christ dissipa ses craintes. « Mon Jésus disait-il, vos blessures sont mes mérites » (S. Antonin de Florence, Summa theologica, p. 4, tr. 13, c. 3, t. 4, Vérone 1740, col 706. Cf. Bernardi vita prima auctore Guillermo, lib. 1, c. 12, n. 57, PL 185, 258). Saint Hilarion eut aussi ses frayeurs ; mais ensuite il s’écria plein de joie : « Sors, ô mon âme, sors. Que crains-tu ? Voilà près de soixante-dix ans que tu sers le Christ, et tu crains la mort ? » (Cf. S. Jérôme, Vita S. Hilarionis, n. 45, PL 23, 52). O mon âme, voulait-il dire, qu’as-tu à craindre, après avoir servi un Dieu fidèle dans ses promesses et incapable d’abandonner ceux qui lui furent fidèles pendant leur vie ? On demandait au Père Joseph Scamacca, de la Compagnie de Jésus, s’il mourait avec confiance : « Hé quoi ! Répondit-il, ai-je servi Mahomet pour que je doive maintenant mettre en doute la bonté de mon Dieu et sa volonté sincère de me sauver ? » (P. De Barry, L’arte d’imparare a ben morire, Milan, 1674, p. 290).

Que si jamais le souvenir des offenses, dont nous nous sommes autrefois rendus coupables contre Dieu, vient nous tourmenter au moment de la mort, sachons que le Seigneur a protesté de ne plus même se rappeler les péchés de ceux qui se repentent : « Si l’impie fait pénitence… je ne me souviendrai plus de toutes les iniquités qu’il a commises » (Ézéchiel 18, 21). Mais, direz-vous encore, comment pouvons-nous être assurés que Dieu nous a pardonné ? Saint Basile se demandait également par quel moyen on peut à bon droit se tenir pour certain d’avoir obtenu le pardon de ses péchés ; et il répondait : pour cela il suffit de dire : « Je hais l’iniquité et je l’ai en abomination » (S. Basile de Césarée, Petites Règles, question 12, PG 31, 1090 : « Comment l’âme aura-t-elle la conviction que Dieu lui a pardonné ses fautes ? Lorsqu’elle se verra dans les sentiments de celui qui a dit « j’ai détesté l’iniquité et je l’ai prise en horreur », car Dieu nous a, quant à lui, déjà pardonné d’avance » (Les Règles monastiques, trad. L. Lèbe, Maredsous, 1969, p. 181). Oui, celui qui hait le péhcé, peut être sûr que Dieu lui a déjà pardonné. Le coeur de l’homme ne peut vivre sans aimer : ou bien il aime les créatures, ou bien il aime Dieu ; si donc il n’aime pas les créatures, c’est Dieu qu’il aime. Mais qui aime Dieu ? Celui qui observe ses commandements, suivant cette parole de Jésus Christ : « Celui qui a mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime » (Jean 14, 21). Par conséquent mourir dans la fidélité aux commandements, c’est mourir dans l’amour de Dieu. Or celui qui aime Dieu, est à l’abri de toute crainte. « Car la charité bannit la crainte » (1 Jean 4, 18).

Affections et prières

Ah ! Mon Jésus, quand viendra ce jour où je pourrai dire : Mon Dieu, je ne puis plus vous perdre ! Quand sera-ce que je vous verrai face à face et que j’aurai l’assurance de vous aimer de toutes mes forces durant toute l’éternité ! Hélas ! Mon souverain bien, mon unique amour, faut-il donc que durant toute ma vie je sois exposé à vous offenser et à perdre le trésor si précieux de votre grâce ? Il fut malheureusement un temps où je ne vous aimais point et où je méprisais votre amour. Mais je me repens de toute mon âme et j’espère que vous m’avez déjà pardonné. Maintenant je vous aime de tout mon coeur et il n’est rien que je ne sois prêt à faire pour vous contenter. Mais je suis encore en danger de vous retirer mon amour et de vous abandonner à nouveau. Ah ! Mon Jésus, ma vie, mon trésor, ne le permettez pas. Si jamais je devais tomber dans ce suprême malheur, faites-moi mourir à l’instant même, de n’importe quelle mort. Si dure qu’elle doive être, je l’accepterai avec bonheur et je vous la demande, Père éternel, pour l’amour de Jésus Christ, ne me laissez pas courir à ma ruine ; mais plutôt infligez-moi tel châtiment qu’il vous plaît ; je le mérite et je m’y soumets ; mais épargnez-moi la peine de me voir privé de votre grâce et de votre amour. Mon Jésus, recommandez-moi à votre Père céleste.

Marie, ma mère, recommandez-moi à votre divin Fils, obtenez-moi la persévérance dans son amitié et la grâce de l’aimer. Qu’il fasse ensuite de moi ce qui lui plaît.

Deuxième point

« Les âmes des justes sont dans la main de Dieu et le tourment de la mort ne les touchera pas. Aux yeux des insensés ils ont paru mourir ; mais ils sont en paix » (Sagesse 3, 1-3). Oui, aux yeux des insensés, les serviteurs de Dieu semblent mourir absolument comme les mondains, c’est-à-dire dans l’affliction et à contre-coeur. Mais il n’en est pas ainsi, car Dieu sait bien consoler ses enfants à leur dernier moment, et jusqu’au milieu des douleurs de la mort, leur faire éprouver certaines joies ineffables, qui sont comme un avant-goût du ciel où bientôt il va les introduire. Ceux qui meurent dans le péché, commencent, dès leur lit de mort, à ressentir comme un prélude de l’enfer par les remords, les terreurs et le désespoir qui les accablent. Mais les saints, grâce aux actes d’amour divin qu’ils multiplient alors plus que jamais, grâce aussi à leurs désirs et à leur confiance de posséder bientôt le souverain Bien, les saints commencent, avant de mourir, à goûter cette paix dont ensuite ils jouiront pleinement dans le ciel. Car la mort des saints n’est pas un châtiment, mais une récompense. « Lorsqu’il aura donné le sommeil à ses bien-aimés, dit le Psalmiste, alors l’héritage du Seigneur leur sera accordé » (Psaume 126, 2). Le trépas de celui qui aime Dieu ne doit pas s’appeler mort, mais sommeil. De sorte que le juste peut à bon droit dire alors : « Je m’endormirai et je reposerai dans la paix » (Psaume 4, 9).

Le Père Suarez mourut dans une si grande paix qu’à ses derniers moments il disait : « Non, je ne croyais pas qu’il fût si doux de mourir » (G. Patrignani, Menologio… di alcuni religiosi della Compagnia di Gesù, t. 3, Venise, 1730, p. 221). -- Le médecin du cardinal Baronius lui ayant recommandé de ne pas penser à la mort, « et pourquoi, lui répondit le malade ? Pensez-vous donc que je la craigne ? Loin de la craindre, je l’aime ! » (H. Barnabeus, Vita Caesaris Baronio, lib. II, c. 9, Rome, 1651, p. 112) – Le cardinal Fisher, évêque de Rochester, étant sur le point d’aller mourir pour la Foi, voulut, ainsi que le rapporte Sanders, se revêtir, de ses plus beaux habits ; « car, disait-il, je vais aux noces. » A peine se trouva-t-il en vue de l’échafaud que, jetant son bâton : « En avant mes pieds, s’écria-t-il, nous ne sommes pas loin du ciel » (N. Sanders, De origine ac progressu schismatis anglicani, t. 1, Rome, 1586, p. 133, Jean Fisher (1469-1535) a été canonisé en 1935 par Pie XI). Au dernier moment, il entonna le Te Deum en action de grâces du bonheur que Dieu lui faisait de mourir pour la Foi ; et c’est ainsi que, plein d’allégresse, il posa sa tête sur le billot fatal. -- Saint François d’Assise chantait à l’approche de la mort et il priait ses confrères de chanter avec lui. « Père, lui dit alors un frère, il ne convient pas de chanter en mourant, mais plutôt de pleurer. » « Et moi, reprit le saint, je ne puis me défendre de chanter à la pensée que bientôt j’irai jouir de mon Dieu ! » (Marc de Lisbonne, Chroniques de l’Ordre des Frères Mineurs, liv. 2, ch. 65, t. 1, Venise, 1582, p. 258) – Une religieuse carmélite se mourait à la fleur de l’âge, et ses compagnes, rangées autour d’elle, versaient des larmes. « Oh Dieu ! Leur dit-elle, pourquoi pleurez-vous ? Je vais voir mon bien-aimé Jésus ; si vous m’aimez, réjouissez-vous avec moi. » (François de la Croix, Disinganni per vivere e morire bene, t. 1, Naples, 1687, p. 264. La religieuse morte à 19 ans en 1684 au Carmel de Palerme s’appelait soeur Geronima Francesca Maurice).

Le Père de Grenade (L’histoire ne se trouve pas dans Louis de Grenade mais dans Henri Gran, Magnum speculum exemplorum, dist. IX, ex. 138, Venise, 1605, p. 641, Saint Alphonse a cité trois fois cette histoire : ici, dans la Sainte Religieuse et dans la Conformité à la volonté de Dieu, variant les détails selon ses sources : G. F. Barbieri, Scaramelli, Rodriguez), rapporte qu’un chasseur se trouva un jour en présence d’un solitaire, lequel atteint de la lèpre et sur le point de mourir, faisait retentir l’air de ses chants. « Comment, lui dit le chasseur, vous pouvez chanter dans cet état. » « Mon frère, répondit-il, entre Dieu et moi il n’y a que la muraille de mon corps ; je le vois maintenant tomber morceaux par morceaux ; c’est ma prison qui s’écroule et je vais voir mon Dieu. » Dans l’ardeur du désir qui le consumait de voir Dieu, saint Ignace, martyr, protestait que si les bêtes féroces ne venaient pas lui ôter la vie, lui-même les provoquerait. « Oui, disait-il, je les forcerai bien de me dévorer » (Le texte provient de S. Jérôme, De viris illustribus, c. 16, PL 23, 635. Cf. S. Ignace D’Antioche, Épître aux Romains, n. 5, PG 5, 691 : « Puissé-je jouir des bêtes qui me sont préparées. Je souhaite qu’elles soient promptes pour moi. Et je les flatterai, pour qu’elles me dévorent promptement, non comme certains dont elles ont peur » (SC 10, trad. Th. Camelot, p. 101) – Sainte Catherine de Sienne ne pouvait souffrir que devant elle on parlât de la mort comme d’un malheur. « O mort bien-aimée, s’écriait-elle, que les hommes sont injustes envers toi ! Mais pourquoi ne viens-tu pas à moi, quand jour et nuit je t’appelle ? » (C. Marabotto – E. Vernazza, Vita… di S. Catherina fiesca Adorna, c. 7, Padoue, 1743, p. 28) – Telle était même l’ardeur avec laquelle sainte Thérèse soupirait après la mort que pour elle la mort consistait à ne pas mourir ; et ce fut dans ce sentiment qu’elle composa son célèbre cantique : « Je me meurs de ne point mourir ! » (S. Thérèse d’Avila, Poésies, I : « Je vis sans vivre en moi-même / et de telle manière j’espère / que je meurs de ne pas mourir » (MA, p. 1067). Sur ces paroles saint Alphonse a composé le cantique O Angeli amanti (Anges qui dans le ciel brûlez du pur amour, / Du ciel venez en aide) – Voilà quelle idée les saints ont de la mort.

Affections et prières

O mon Dieu, mon souverain bien, si, par le passé, je ne vous ai pas aimé, maintenant je me donne tout à vous. Je dis adieu à toutes les créatures ; et c’est vous, ô mon très aimable Seigneur, que je choisis pour l’unique objet de mon amour. Dites ce que vous voulez de moi ; je suis tout disposé à le faire. Hélas ! Je ne vous ai que trop offensé. Aussi est-ce à vous plaire que je veux employer tout le reste de ma vie. Vous-même donnez-moi la force de réparer par mon amour l’ingratitude que je vous ai montrée jusqu’ici. Depuis un si grand nombre d’années je méritais de brûler dans le feu de l’enfer et vous m’avez tant poursuivi qu’enfin vous m’avez ramené à vous ; faites donc que maintenant je brûle du feu de votre amour. Je vous aime, ô mon Dieu, Bonté infinie ! Vous voulez être l’unique maître de mon coeur. Ah ! Certes, vous en avez le droit, puisque personne ne m’a aimé comme vous m’avez aimé. Et moi, je ne veux aimer que vous seul et je suis prêt à tout pour entreprendre pour vous faire plaisir. Disposez de moi comme vous voulez. C’est assez pour moi que je vous aime et que vous m’aimiez.

Marie, ma Mère, aidez-moi ; priez Jésus pour moi.

Troisième point

Comment pourrait-on craindre la mort quand on espère qu’après la mort on sera couronné roi dans le ciel ? « Ne craignons pas de tomber sous le glaive, disait saint Cyprien, car il est certain qu’à peine immolé, nous recevrons la couronne. » (S. Cyprien, Lettre aux fidèles de Thibaris, n. 3, PL 4, 352). Quel moyen encore de craindre la mort, quand nous savons que mourir en état de grâce c’est assurer à notre corps la gloire de l’immortalité ? « Il faut, dit saint Paul, que ce corps mortel revête l’immortalité » (1 Corinthiens 15, 53). Celui qui aime Dieu et aspire à le voir, ne regarde cette vie que comme un supplice et la mort comme un bonheur. « Il se résigne à vivre, dit saint Augustin, mais il se réjouit de mourir » (S. Augustin, Sur l’épître de saint Jean, traité 9, n. 2, PL 35, 2046 : « Mais celui qui désire, comme le dit l’Apôtre, s’en aller et être avec le Christ, ne meurt pas avec patience, mais vit avec patience et meurt avec délices » (SC 75, trad. P. Agaëse, p. 381). « Il est vrai, ajoute saint Thomas de Villeneuve, que si la mort trouve l’homme endormi, elle se jette sur lui comme un voleur ; elle le dépouille, le tue et le précipite dans le puits de l’enfer ; mais si elle le trouve éveillé, elle vient, ambassadrice de Dieu, le saluer et lui dire : Le Seigneur vous invite aux noces. Venez ; je vous conduirai dans ce bienheureux Royaume, après lequel vous soupirez » (S. Thomas de Villeneuve, De S. Ildephonso, concio 2, n. 10, Conciones, t. 2, Milan, 1760, col. 631. Parlant des ouvrages de Thomas de Villeneuve, S. Alphonse écrivait : « C’est très beau ! » (Lettere, I, p. 233).

Oh ! Avec quelle allégresse on attend l’arrivée de la mort, quand on se trouve en état de grâce et qu’on espère voir bientôt Jésus Christ et entendre sortir de sa bouche ces douces paroles : « Courage, bon et fidèle serviteur ; parce que tu as été fidèle dans les petites choses, je t’établirai sur les grandes » (Matthieu 25, 21). Quelle consolation procureront alors les pénitences, les oraisons, le détachement des biens de la terre, et tout ce qu’on aura fait pour Dieu ! « Dites au juste que c’est bien ; parce qu’il recueillera le fruit de ses oeuvres » (Isaïe 3, 10). Oui, celui qui aura aimé Dieu, goûtera alors le fruit de toutes ses saintes oeuvres. C’est pour cette raison que le Père Hippolyte Durazzo (T. Campora, Vita del P. Ippolito Durrazzo, lib. I, Gênes, 1690, pp. 221, 243, etc.), de la compagnie de Jésus, loin de pleurer, se sentait inondé de joie quand quelque religieux de ses amis mourait avec des signes de prédestination. « Quelle absurdité ne serait-ce pas, disait saint Jean Chrysostome. « Quelle absurdité ne serait-ce pas, disait saint Jean Chrysostome, de croire à un paradis éternel et de plaindre celui qui s’y rend ! » (S. Jean Chrysostome, A une jeune veuve, n. 3, PG 48, 102 : « Quoi ? N’est-ce pas absurde d’avouer que le ciel est bien supérieur à la terre, et de pleurer ceux qui, de cette terre, sont passés au ciel ? » (SC 138, trad. G. G. Ettlinger, p. 129) Quelle consolation surtout de se rappeler, dans ses derniers moments, tant d’hommages qu’on aura rendus à la Mère de Dieu : rosaires, visites, jeûnes du samedi, pieuses réunions en son honneur ! Marie est appelée la Vierge fidèle, et combien n’est-elle pas fidèle à consoler ses fidèles serviteurs au moment de la mort ! Un de ces chrétiens, dévoués à la très sainte Vierge, disait en mourant au Père Binet : « Mon Père, vous ne sauriez croire la consolation que donne à un moribond la pensée d’avoir servi la très sainte Vierge ! Mon Père, si vous saviez quel contentement j’éprouve d’avoir été le serviteur de cette bonne Mère ! Oh non ! Je ne saurais l’exprimer » (E. Binet, Marie, chef-d’oeuvre de Dieu, 3è partie, ch. 5, Paris, 1864, p. 387). Et pour celui qui a, durant sa vie, aimé Jésus Christ, qui l’a souvent visité au Saint Sacrement et fréquemment reçu dans la sainte Communion, quelle joie de voir le Seigneur franchir le seuil de sa chambre et de se faire son Viatique pour l’accompagner dans le passage de cette vie à l’éternité ! Oh ! Bienheureux celui qui pourra dire alors avec saint Philippe Néri : « Voici mon amour ! Voici mon amour ! Donnez-moi mon amour ! » (G. Bacci, Vita di S. Filippo Neri fiorentino, lib. 4, c. 1, n. 4, Bologne, 1686, p. 273)

Mais, direz-vous, qui sait quel sort m’est réservé ? Qui sait si je ne finirai par faire une mauvaise mort ? Et moi, je vous demande à vous qui parlez de la sorte : qu’est-ce qui rend la mort mauvaise ? Le péché, le péché seul. C’est donc le péché seul que nous devons craindre et non pas la mort. « Nul doute, dit saint Ambroise, que l’amertume de la mort ne soit causée par le péché plutôt que par la mort elle-même. Ce n’est donc pas à la mort, mais à notre conduite qu’il faut nous en prendre de toutes nos terreurs ! » (S. Ambroise, De bono mortis, c. 8, n. 31-33, PL 14, 555-556). Voulez-vous que la mort ne soit plus à craindre ? Eh bien ! Menez une bonne vie. « Celui qui craint le Seigneur se trouvera heureux dans ses derniers moments » (Ecclésiastique 1, 13).

Le Père de la Colombière regardait comme une chose moralement impossible que l’on fit une mauvaise mort, après avoir été fidèle à Dieu pendant sa vie. (B. Claude de La Colombière, Sermon 50 sur la nécessité de se préparer à la mort, Sermons prêchez devant S. A. R. Madame la Duchesse d’York, t. 3, Lyon, 1716, pp. 214-215 : « Quoique ces exemples ne doivent nullement épouvanter les gens de bien, parce que je ne vois pas qu’il soit jamais arrivé qu’une âme, après avoir servi Dieu de bonne foi, ait fini ses jours malheureusement, et que je tiens cela pour moralement impossible, néanmoins cela doit inspirer aux plus vertueux une grande vigilance et les porter à se préparer à mourir »). Et longtemps auparavant, saint Augustin avait dit : « Celui qui a bien vécu ne peut faire une mauvaise mort » (S. Augustin, Sermon sur la discipline chrétienne, ch. 12, n. 13, PL 40, 676). Oui, quelle que soit ma mort, subite ou non, celui qui se tient prêt n’a pas sujet de craindre. Alors même, dit la Sagesse, que le juste se trouve prévenu par la mort, il n’en est pas moins dans le repos. Puisque nous ne pouvons aller jouir de Dieu, qu’en passant par la mort, suivons le conseil de saint Jean Chrysostome : « Offrons de bon coeur à Dieu ce que nous sommes obligés de lui rendre » (S. Jean Chrysostome (plutôt un évêque arien du VIe siècle, cf. Dekkers, Clavis, n. 707), L’Oeuvre imparfaite sur Matthieu, homélie 25, PL 56, 762). Comprenons bien ceci : celui qui offre sa mort au Seigneur fait l’acte d’amour le plus parfait dont il soit capable. Car accepter de bon coeur telle mort qui plaît à Dieu de nous envoyer, l’accepter en nous conformant à sa divine volonté pour le temps et la manière qui lui plaira, c’est nous rendre semblables aux saints martyrs. Celui qui aime Dieu doit désirer la mort et soupirer après elle, parce que la mort nous unit à Dieu pour toujours et nous délivre du danger de le perdre. C’est faire preuve d’un bien faible amour pour Dieu que de n’avoir pas le désir d’aller le voir bientôt avec l’assurance de ne le perdre jamais. En attendant, aimons-le dans cette vie le plus que nous pouvons. Aussi bien la vie doit nous servir uniquement à croître sans cesse en amour ; car autant nous aurons d’amour de Dieu au moment de la mort, autant nous en aurons durant toute la bienheureuse éternité.

Affections et prières

O mon Jésus, unissez-moi à vous de telle sorte que je ne puisse plus vous quitter. Faites qu’avant de mourir je sois tout à vous afin qu’au jour où je vous verrai pour la première fois, ô mon divin Rédempteur, je vous trouve plein de miséricorde. Vous m’avez cherché quand je vous fuyais. Ah ! Ne me rejetez pas, maintenant que je vous cherche. Pardonnez-moi tant de déplaisirs que je vous ai causés. Dorénavant je ne veux plus penser qu’à vous servir et à vous aimer. Que d’obligations ne vous ai-je pas ! Car, par amour pour moi, vous n’avez pas refusé de donner votre sang et votre vie. Je voudrais, en retour, me consumer tout entier pour vous, ô mon Jésus, qui vous êtes consumé tout entier pour moi ! Oh ! Dieu de mon âme, je veux vous aimer beaucoup en cette vie, pour vous aimer beaucoup dans l’autre. De grâce, ô Père éternel, attirez à vous mon coeur tout entier ; détachez-le des affections de la terre, blessez-le, enflammez-le entièrement de votre saint amour. Par les mérites de Jésus Christ, exaucez-moi, accordez-moi la sainte persévérance et faites que je vous la demande toujours.

Aidez-moi, ô Marie, ma mère, et obtenez-moi la grâce de vous demander toujours à votre divin Fils la sainte persévérance.

Saint Alphonse de Liguori, Préparation à la mort, 1758. Texte numérisé par Jean-Marie W. (jesusmarie.com).

 

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